Allons-nous continuer à rester les bras croisés pendant que Gaza meurt de faim ?

25 avril 2025 - Les Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture dans une cuisine solidaire du camp de réfugiés de Jabalia, au nord de la ville de Gaza, alors qu'une crise alimentaire sévit en raison du génocide perpétré par Israël à Gaza. Selon l'ONU, plus de 1,8 million de Palestiniens sont confrontés à une situation alimentaire « extrêmement critique ». Israël bloque depuis huit semaines toute aide humanitaire et toute livraison de denrées alimentaires à Gaza. Le régime colonial israélien a été condamné par les organisations internationales de défense des droits humains pour avoir utilisé la famine comme arme de guerre - Photo : Yousef Al-Zanoun / Activestills

Par Ramzy Baroud

La situation actuelle à Gaza met clairement en évidence l’exceptionnalisme israélien. Israël exploite la famine imposée à deux millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, bloquée et dévastée, comme tactique pour obtenir des concessions politiques aux groupes palestiniens qui y opèrent.

Le 23 avril, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a qualifié la situation humanitaire actuelle à Gaza de « pire jamais vue depuis le début de la guerre ».

Malgré la gravité de ces déclarations, elles semblent souvent être considérées comme des informations devenues habituelles, ne suscitant que peu d’actions concrètes ou de discussions approfondies.

Les violations par Israël du droit international et du droit humanitaire dans le cadre de son occupation de la Palestine sont des faits bien établis. Une nouvelle dimension d’exceptionnalisme apparaît, qui se traduit par la capacité d’Israël à affamer délibérément toute une population pendant une longue période, certains allant même jusqu’à défendre ce genre de pratiques.

La population de Gaza continue de subir d’immenses souffrances, après avoir subi la perte d’environ 10 % de sa population totale en raison des tués, des disparus et des blessures.

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Elle est confinée dans une zone réduite et en grande partie détruite d’environ 365 kilomètres carrés, confrontée à des décès dus à des maladies qui auraient pu être traitées, et privée d’accès aux services essentiels, dont l’eau potable.

Malgré ces conditions, Israël continue d’agir en toute impunité dans ce qui semble être une expérience d’une extrême violence et prolongée, tandis qu’une grande partie du monde observe avec plus ou moins de colère, d’impuissance ou d’indifférence totale.

La question du rôle de la communauté internationale reste centrale. Si le respect du droit international est un aspect, exercer la pression nécessaire pour permettre à une population confrontée à la famine d’accéder à des besoins fondamentaux tels que la nourriture et l’eau en est un autre.

Pour la population de Gaza, même ces besoins fondamentaux semblent désormais inaccessibles après des décennies d’attentes non satisfaites.

Lors d’audiences publiques à La Haye qui ont débuté le 28 avril, des représentants de nombreux pays ont appelé la Cour internationale de justice à utiliser son autorité en tant que plus haute juridiction pour ordonner à Israël de mettre fin à la famine des Palestiniens.

Israël « ne peut pas punir collectivement le peuple palestinien sous protection », a déclaré le représentant sud-africain, Jaymion Hendricks.

L’envoyé saoudien, Mohammed Saud Alnasser, a ajouté qu’Israël avait transformé la bande de Gaza en « un tas de décombres invivable, tout en tuant des milliers de personnes innocentes et vulnérables ».

Les représentants de la Chine, de l’Égypte, de l’Algérie, de l’Afrique du Sud et d’autres pays se sont fait l’écho de ces sentiments, se ralliant à l’évaluation de Philippe Lazzarini, chef de l’UNRWA, qui a déclaré en mars dernier qu’Israël employait une stratégie d’« instrumentalisation de l’aide humanitaire ».

Cependant, l’affirmation selon laquelle l’instrumentalisation de la nourriture est une tactique délibérée d’Israël ne nécessite aucune preuve extérieure, car Israël l’a déclaré lui-même.

Le génocide israélien à Gaza a-t-il aussi massacré ce qui subsistait de l’ONU ?

Le ministre israélien de la Défense de l’époque, Yoav Gallant, a annoncé publiquement un « siège complet » de Gaza le 9 octobre 2023, deux jours seulement après le début de la guerre génocidaire.

La déclaration de Gallant – « Nous imposons un siège total (à Gaza). Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de carburant – tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence » – n’était pas une déclaration impulsive, mais une politique ancrée dans une rhétorique déshumanisante et mise en œuvre avec une violence extrême.

Cette « action en conséquence » allait au-delà de la fermeture des points de passage frontaliers et de l’entrave à l’acheminement de l’aide.

Même lorsque l’aide était autorisée, les forces israéliennes prenaient pour cible des civils désespérés, dont des enfants, qui s’étaient rassemblés pour recevoir des provisions, les bombardant en même temps que les camions d’aide humanitaire.

Un incident particulièrement dévastateur s’est produit le 29 février 2024 dans la ville de Gaza, où, selon les informations disponibles, les tirs israéliens ont tué 112 Palestiniens et blessé 750 autres.

Cet événement a été le premier d’une série qui a été baptisée « les massacres de la farine ». Des incidents similaires se sont produits par la suite et, entre ces événements, Israël a continué à bombarder des boulangeries, des entrepôts d’aide humanitaire et des bénévoles chargés de distribuer l’aide.

L’intention était d’affamer les Palestiniens à un point tel qu’il serait possible de mener des négociations coercitives et, éventuellement, de procéder au nettoyage ethnique de la population.

Le 1er avril, un drone militaire israélien a frappé un convoi de la World Central Kitchen, tuant six travailleurs humanitaires internationaux et leur chauffeur palestinien. Cet événement a entraîné le départ massif des travailleurs humanitaires internationaux restants de Gaza.

Quelques mois plus tard, à partir d’octobre 2024, le nord de Gaza a été placé sous un siège totalement étouffant, dans le but de forcer la population à se diriger vers le sud, potentiellement vers le désert du Sinaï.

Malgré ces efforts et la famine qui en a résulté, la volonté de la population gazaouie n’a pas faibli. Bien au contraire, des centaines de milliers de personnes ont commencé à retourner dans leurs maisons et leurs villes détruites dans le nord.

La famine est une «mort lente et très cruelle»

Lorsque, le 18 mars, Israël est revenu sur un accord de cessez-le-feu conclu après de longues négociations, il a une fois de plus recouru à la famine comme arme.

Le retour d’Israël à la guerre et à la politique de famine n’a eu que peu de conséquences et n’a pas été fermement condamné par les gouvernements occidentaux. « Utiliser la famine des civils comme méthode de guerre » est classé comme crime de guerre en vertu du droit international, comme le stipule explicitement le Statut de Rome.

Cependant, la pertinence de ces cadres juridiques est remise en question lorsque ceux qui défendent et se considèrent comme les gardiens de ces lois ne les respectent pas ou ne les font pas appliquer.

L’inaction de la communauté internationale pendant cette période de souffrances inhumaines immenses a considérablement sapé la pertinence du droit international. Les conséquences potentielles de cette inaction sont graves et vont au-delà du peuple palestinien pour avoir un impact sur l’humanité tout entière.

Malgré cela, l’espoir persiste que la compassion humaine fondamentale, indépendante des cadres juridiques, obligera à fournir des produits de première nécessité tels que la farine, le sucre et l’eau à Gaza.

L’incapacité à garantir cette aide de base remettra profondément en question notre humanité commune pour de nombreuses années à venir.

7 mai 2025 – Transmis par l’auteur – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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