L’UE reconnaît financer la recherche israélienne en outils de surveillance de masse

La police raciste d'Israël participe au moins à 10 projets financés par l'Union européenne - Photo : Oren Ziv/Activestills

Par David Cronin

L’Union européenne finance des recherches impliquant la police israélienne tout en admettant qu’elles peuvent être utilisées à des fins d’espionnage.

Au cours des dernières années, un projet baptisé Roxanne a examiné comment identifier les criminels à l’aide de la technologie de reconnaissance vocale et de l’analyse visuelle.

Les documents destinés à la connaissance publique présentent le projet financé par l’UE – d’un coût de 8 millions de dollars – comme marginal. Cependant, de graves problèmes éthiques ont été soulevés lors de discussions à huis clos.

Des documents internes de l’UE obtenus en vertu des règles de la liberté d’information confirment qu’il existe un risque que les résultats de Roxanne soient utilisés pour la surveillance de masse.

Un “contrôle éthique” du projet mené en 2020 fait référence à des plans selon lesquels des données personnelles seront partagées entre l’UE et Israël. Les données collectées au cours du projet intégreront des “catégories spéciales” telles que des détails sur les caractéristiques génétiques, “la santé, le mode de vie sexuel, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques” des individus, selon ce document (voir ci-dessous).

Les questions qui se posent sont devenues encore plus pertinentes depuis que le “contrôle éthique” a été effectué. Des enquêtes minutieuses menées par des groupes de défense des droits de l’homme ont prouvé l’année dernière que le logiciel espion israélien Pegasus est utilisé plus largement que ce que l’on savait auparavant pour surveiller les militants et les journalistes dans divers pays.

La police israélienne et son ministère de la sécurité publique font partie des participants à Roxanne.

L’une des conditions de leur participation est que toutes les données qu’ils exportent vers l’UE soient collectées légalement.

La garantie d’un comportement légal est apparemment jugée suffisante – aux fins des “contrôles éthiques” de l’UE – pour démontrer que les questions de protection de la vie privée sont traitées sérieusement.

Dans le monde réel, une assurance israélienne n’a strictement aucune valeur.

Racisme institutionnel

La police israélienne cherche à obtenir de nouveaux moyens opérationnels qui lui permettraient d’exercer une surveillance accrue sans avoir à demander de mandat.

L’une des principales propositions est d’utiliser des caméras dans les lieux publics pour faire correspondre les visages des personnes avec les informations contenues dans les bases de données de la police.

Une telle recommandation devrait en soi disqualifier la police israélienne de Roxanne, qui défend du bout des lèvres le principe de la “prise en compte de la vie privée”.

Il existe, bien entendu, de nombreuses autres raisons pour lesquelles la police israélienne ne devrait pas bénéficier de subventions scientifiques de l’UE.

L’une des principales raisons est que la police israélienne est institutionnellement raciste.

Un récent rapport de Human Rights Watch sur Lydd, une ville d’Israël également connue sous le nom de Lod, contient un exemple frappant de racisme policier.

Le rapport décrit comment la police a tiré des gaz lacrymogènes et des grenades paralysantes lors d’une manifestation de citoyens palestiniens d’Israël à Lydd en mai dernier.

Pourtant, dans certains cas, lorsque des extrémistes juifs ont attaqué des Palestiniens dans la même ville ce mois-là, la police n’a rien fait ou n’a pas protégé les Palestiniens.

La police et le ministère de la sécurité publique israéliens ont tous deux leur siège à Jérusalem-Est, qui est sous occupation militaire depuis 1967.

Faire des affaires avec eux devrait, par définition, être interdit à l’Union européenne, qui s’est nominalement engagée à éviter toute action qui conférerait une quelconque légitimité à la prise de contrôle et à la colonisation de Jérusalem-Est.

Tout porte à croire qu’Israël n’a pas été tout à fait franc avec les administrateurs de Bruxelles.

Les documents relatifs au projet Roxanne indiquent une adresse en Israël comme contact officiel du ministère de la sécurité publique. Si les fonctionnaires de Bruxelles consultaient le site web du ministère, ils apprendraient que ses principaux bureaux se trouvent en fait rue Clermont-Ganneau à Jérusalem-Est.

J’ai envoyé un courriel à la Commission européenne, qui gère Horizon 2020, pour lui demander si elle allait prendre des mesures concernant les opérations du ministère israélien de la sécurité publique à Jérusalem-Est.

Un porte-parole de la Commission européenne a affirmé que les projets de recherche font l’objet d’une “évaluation éthique rigoureuse” et qu’ “aucune allégation d’utilisation abusive” des subventions d’Horizon 2020 “n’a été prouvée jusqu’à présent”.

Après cette affirmation, j’ai poursuivi en demandant si la Commission européenne conteste l’information selon laquelle le ministère israélien de la sécurité publique semble avoir été malhonnête à propos de l’adresse de son siège à Jérusalem-Est. Le porte-parole a répondu que “ce n’est pas une question pour la Commission”.

Lorsque j’ai exprimé ma perplexité face à cette réponse – arguant que la question était manifestement pertinente puisque l’UE a depuis longtemps exprimé son point de vue sur le statut de Jérusalem – le porte-parole a reconnu que j’avais raison.

Le même porte-parole a néanmoins esquivé la question en se contentant de citer des lignes directrices de l’UE élaborées en 2013.

Ces lignes directrices stipulent que les “entités israéliennes” recevant des subventions de l’UE “doivent avoir leur lieu d’établissement dans les frontières d’Israël d’avant 1967.”

“Je n’ai rien à ajouter”, a déclaré le porte-parole.

Expert en oppression

La participation de la police israélienne et du ministère de la sécurité publique à Roxanne et à un autre projet financé par l’UE, appelé Law-Train, a suscité des protestations de la part du mouvement de solidarité avec la Palestine.

D’autres protestations sont nécessaires. La police israélienne et son ministère de la sécurité publique ont été admis dans au moins huit autres projets dans le cadre d’Horizon 2020, le fonds de recherche actuel de l’UE.

Parmi eux figurent deux initiatives de surveillance des frontières : Andromeda et SafeShore. La surveillance des frontières étant devenue synonyme de cruauté envers les réfugiés, il convient de s’interroger sur le rôle précis joué ici par la police raciste israélienne.

Un aspect particulièrement troublant de toute cette coopération est que les fanfaronnades de la police israélienne sont apparemment prises pour argent comptant.

Un projet financé par l’UE, appelé Shuttle, est en train de constituer une base de données sur le sang, les résidus de tir, les cheveux et la salive. La police israélienne y participe et “apportera son expérience en tant qu’expert en médecine légale [et] leader technologique”, selon le site web de Shuttle.

Il n’y a aucune reconnaissance du fait qu’Israël est en fait un expert en oppression.

En accordant des subventions de recherche à la police israélienne, l’UE récompense une force qui emprisonne des enfants palestiniens, terrifie des familles entières en envahissant leurs domiciles et ouvre le feu sur les fidèles de la mosquée al-Aqsa de Jérusalem.

L’hypocrisie de l’UE semble sans limite…

Peu avant que Hisham Abu Hawash ne mette fin à sa grève de la faim en début de semaine, des diplomates européens se sont déclarés “sérieusement préoccupés” par sa santé.

Les diplomates n’étaient pas suffisamment inquiets pour demander à l’UE de cesser de coopérer avec le ministère israélien de la sécurité publique – le département gouvernemental qui supervise les prisons, où Abu Hawash et de nombreux autres Palestiniens sont enfermés sans inculpation ni jugement.

En décembre, un accord a été signé pour qu’Israël puisse bénéficier du prochain fonds de recherche de l’UE. Baptisé Horizon Europe, ce fonds est doté d’un budget global d’environ 110 milliards de dollars.

Comme on pouvait s’y attendre, l’UE a fait la promotion du nouvel accord en célébrant la manière dont sa coopération avec Israël a soi-disant permis de grandes avancées en matière de médecine et de protection de l’environnement.

De manière tout aussi prévisible, il n’a pas été fait mention du fait que cette coopération est une vache à lait pour la police raciste d’Israël.


22 décembre 2022 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine