Gaza 2023 : Israël et ses alliés poursuivent les mêmes buts et ressassent les mêmes mensonges qu’en 1948

12 décembre 2023 - Un enfant palestinien essaie de retrouver quelques affaires personnelles dans les débris de ce qui a été sa maison, bombardée par les Israéliens. L'essentiel de sa famille a été massacrée dans le même bombardement - Photo : Mohammed Zaanoun / Activestills

Israël poursuit au grand jour le nettoyage ethnique de Gaza mais comme lors de la Nakba de 1948, ses ruses et mensonges continuent de dominer les médias et de modeler la vision politique de l’Occident.

L’histoire se répète, les politiciens et les journalistes de l’establishment ne voient rien alors que les faits d’une clarté aveuglante se déroulent sous leurs yeux. Il y a là un refus collectif obstiné d’appeler les choses par leur nom.

Le comportement d’Israël depuis sa création il y a 75 ans obéit toujours au même schéma, schéma toujours accueilli de la même façon par les puissances occidentales : « Je ne vois rien de mal, je n’entends rien de mal ».

En 1948, dans ces événements que les Palestiniens appellent leur « Nakba », la Catastrophe, 80% des Palestiniens ont subi un nettoyage ethnique, ont été chassés de leurs terres sur lesquelles allait s’autoproclamer « Etat juif d’Israël ».

La Nakba marque le début d’un long processus de dépossession et d’expulsion violente de la population palestinienne, et ce processus n’a jamais cessé – Photo : Archives

Les Palestiniens n’ont pas cessé d’affirmer depuis ce temps que les dirigeants israéliens mentaient quand ils disaient que les populations palestiniennes avaient quitté leurs terres et leurs maisons de leur propre gré et avaient seulement obéi aux ordres des Etats arabes voisins.

Ce mensonge d’Israël a maintenant été démasqué grâce aux travail d’historiens israéliens et à la mise à jour de documents d’archives de l’époque.

Ces historiens ont mis à nu d’autres mensonges des dirigeants israéliens, à savoir que ces derniers ont vainement tenté de persuader les Palestiniens, d’abord les 900 000 qui se sont retrouvés dans les frontières du nouvel Etat, de rester chez eux ensuite les 750 000 qui ont été forcés à l’exil, de retourner chez eux.

Ces archives montrent qu’en réalité, les soldats du nouvel Etat avaient commis d’horribles massacres en vue de chasser les populations palestiniennes de leurs terres. Cette entreprise d’épuration ethnique avait un nom, le Plan Dalet.

Les mensonges des dirigeants israéliens ne se sont pas arrêtés là.

Plus de 500 communautés agraires palestiniennes ont été rasées par les sapeurs de l’armée et les bulldozers mais ce fait est minoré voire effacé pour laisser place au thème glorieux de la propagande israélienne selon lequel « Israël a fait fleurir le désert ».

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Chose extraordinaire, d’éminents universitaires, journalistes et politiciens en Occident, ceux qui participent au discours dominant, continuent d’ignorer tous ces faits pour se contenter de reprendre les mensonges israéliens et cela, alors même que le travail des historiens israéliens et les archives mises à jour corroborent ce que disent les Palestiniens à propos de ce qui s’est passé.

Différentes stratégies sont mises en œuvre pour dissimuler la vérité. Des observateurs de renom continuent de refourguer les points de vue israéliens discrédités alors que d’autres déclarent leur impuissance en arguant que la vérité est impossible à connaître.

D’autres encore, plus nombreux, admettent que même si de mauvaises choses se sont passées, les deux camps sont à blâmer et puis, disent-ils pour conclure, le résultat est excellent puisqu’il y a maintenant un sanctuaire pour les juifs.

Ce qui ne leur vient pas à l’esprit est qu’il n’y a absolument aucune raison que les Palestiniens paient le prix des méfaits d’antisémitisme et de génocide commis en Europe.

Aujourd’hui, toutes les élaborations destinées à défendre le sionisme et Israël s’écroulent grâce à la montée des médias sociaux, d’un monde numérique où l’information circule plus facilement.

Prises de court, les élites occidentales n’ont rien trouvé de mieux pour contrer cette prise de conscience que de coller à la hâte l’étiquette d’anti-sémite à tout point de vue critique des circonstances dans lesquelles est né Israël.

Moins de place désormais pour le mensonge

Maintenant que le contexte est posé, on comprend mieux les intentions et procédés du discours dominant : on dissimule, on ment, on excuse quand les faits sont trop flagrants.

On a toujours affaire au même décalage entre discours et réalité, à la différence que cette fois-ci, les mensonges et distorsions passent beaucoup moins bien parce que les gens peuvent désormais voir d’eux-mêmes et en temps réel les horreurs perpétrées sur le terrain par Israël.

On n’a pas besoin d’historiens pour nous dire ce qui se passe à Gaza, on peut le voir sur les écrans de télévision même quand on ne nous présente que des versions aseptisées.

8 décembre 2023 – Des Palestiniens déplacés par les bombardements israéliens vivent dans des conditions extrêmement difficiles dans un nouveau camp situé dans la zone de Tel al-Sultan à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Les bombardements israéliens incessants se poursuivent dans toute la bande de Gaza, y compris dans les zones que les forces coloniales israéliennes avaient demandé aux Palestiniens de fuir. Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (UNOCHA), plus de 80 % de la population de Gaza a été déplacée à l’intérieur du pays – Photo : Mohammed Zaanoun / Activestills

Contentons-nous de reposer les faits connus.

Les officiels israéliens ont déclaré leur intention de faire de Gaza un lieu où les Palestiniens ne peuvent plus vivre, ils ont aussi dit que tous les Palestiniens étaient les cibles légitimes de leurs balles et bombes.

Les Palestiniens ont été sommés de quitter la moitié Nord de Gaza. Israël a attaqué les hôpitaux de Gaza, les derniers refuges des Palestiniens dans le Nord de Gaza.

Gaza était déjà l’un des lieux les plus densément peuplés dans le monde mais maintenant, les Palestiniens sont poussés vers le Sud où ils sont soumis à un siège total qui les prive d’eau, de nourriture et d’énergie.

Les Nations Unies ont averti la semaine dernière que la population civile de Gaza était immédiatement menacée de famine.

Israël a sommé les Palestiniens de quitter la majeure partie de la ville de Gaza et maintenant qu’il sont au sud, à Khan Younis, il les pousse vers l’étroit corridor de Rafah à la frontière avec l’Egypte; 2,3 millions de personnes sont maintenant entassés dans un espace qui ne cesse de se réduire.

La majorité de ces gens ne peuvent plus retourner chez eux, cela même au cas où Israël leur permettrait de rebrousser chemin vers le nord. Les écoles, les universités, les mosquées et les églises, les boulangeries ne sont plus que des décombres. Une bonne partie de Gaza est devenue inhabitable.

Pendant des années, Israël avait pour plan de pousser les Palestiniens de Gaza hors de la frontière vers le territoire égyptien du Sinaï.

Aveuglement des médias

Ce que fait Israël en ce moment à Gaza nous interpelle de façon plus pressante encore qu’en 1948 parce que maintenant, les choses se passent sous nos yeux et en temps réel. Mais comme en 1948, les mensonges et ruses d’Israël continuent de dominer les médias occidentaux.

Israël est en train d’accomplir le nettoyage ethnique à Gaza. La plupart des experts en génocide disent qu’il s’agit aussi d’un génocide.

Dans les deux cas, on a affaire à une Grande Purification Ethnique expulsant les Palestiniens de leur patrie comme en 1948 et comme encore en 1967 sous le couvert de la guerre.

Et pourtant, pour qualifier ce que fait Israël à Gaza, ni le terme de nettoyage ethnique ni celui de génocide ne figurent dans les rapports et analyses des médias dominants.

On nous raconte que ce que vise Israël est d’éradiquer le Hamas, un but impossible à réaliser parce qu’on ne peut jamais éradiquer la détermination d’un peuple opprimé à résister contre son oppresseur. Et on sait que plus on l’opprime et plus sa résistance sera grande.

L’Occident tente maintenant de diriger l’attention du public vers le « jour d’après », alors qu’on sait qu’on ne peut pas confier le gouvernement de ces terres désolées à n’importe qui, surtout pas à ce régime du style Vichy frappé de faiblesse chronique et appelé l’Autorité Palestinienne.

Il est frappant de constater que ce qui était vrai en 1948 reste toujours vrai en 2023. Israël diffuse mensonges et ruses et les élites occidentales ne font que les répéter.

Alors même qu’Israël perpètre des crimes contre l’humanité au su et au vu de tout le monde, alors même qu’il dit à l’avance qu’il va les faire, l’establishment occidental refuse de les admettre comme crimes.

La vérité qui aurait dû être admise il y a longtemps, en 1948, est qu’Israël n’est pas une démocratie libérale aimant la paix. C’est un Etat colonial classique pratiquant la colonisation de peuplement dans la lignée des conquérants occidentaux qui ont fondé entre autres, les USA, le Canada et l’Australie.

La finalité de toute colonisation de peuplement est toujours la même : remplacer la population autochtone.

Une cause morale centrale

Après ses opérations d’épuration ethnique de 1948 et 1967, Israël n’a pas trouvé de meilleure solution pour les populations palestiniennes restantes, celles qui ont survécu à l’extermination, que de leur faire subir le système d’apartheid classique pratiqué par ses prédécesseurs coloniaux, celui de les enfermer dans des réserves pour indigènes.

9 décembre 2023 – Des manifestants descendent dans la rue à Helsinki en Finlande, pour exiger un cessez-le-feu immédiat et la fin de l’assaut en cours sur Gaza. La solidarité internationale avec le peuple palestinien s’est accrue après plus de deux mois de bombardements ininterrompus par les forces coloniales israéliennes, menés avec le soutien de la plupart des gouvernements occidentaux. La Finlande a conclu un accord de 317 millions d’euros avec Israël pour le système de défense aérienne David’s Sling, qui a suscité l’indignation du pays face aux actions militaires d’Israël dans la bande de Gaza – Photo : Activestills

Si Israël a parfois usé de précautions dans les actions qu’elle a menées, c’était parce qu’il fallait tenir compte de tel ou tel climat politique.

Le Droit International avec ses définitions claires des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité a en effet pris une place plus importante après la deuxième guerre mondiale.

L’Occident s’entête à employer l’euphémisme de « conflit » pour désigner une entreprise systématique de spoliation, de ghettoïsation et d’apartheid à laquelle les victimes résistent.

A présent, on assiste à un effondrement de la politique menée par Israël face aux Palestiniens et cela essentiellement pour deux raisons.

La première est que les Palestiniens, grâce aux nouvelles technologies, se rendent plus visibles sur la scène mondiale et gagnent de plus en plus de soutien populaire y compris chez les masses occidentales, chose très problématique pour leurs oppresseurs.

Ils ont aussi réussi à donner à leur cause une place dans les forums internationaux. Aujourd’hui une majorité des membres de l’ONU reconnaît la Palestine comme Etat.

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Leur cause est présente aussi dans les institutions judiciaires de l’Occident telles que la Cour Pénale Internationale et la Cour Internationale de Justice et dispose de suffisamment d’arguments pour gagner.

Un résultat de cette nouvelle évolution est que soumettre les Palestiniens- faire en sorte qu’ils se « calment » comme disent les establishments occidentaux- devient de plus en plus difficile et coûteux.

La deuxième raison est que le Hamas a prouvé le 7 octobre que la résistance palestinienne ne pouvait être étranglée, même dans un siège renforcé par des drones et un dôme d’acier pour contrer les missiles de représailles.

Dans ces conditions très difficiles, les Palestiniens ont montré leur capacité à user de moyens originaux et inédits afin de briser l’isolement et l’oppression qu’ils subissent et à attirer les regards des peuples du monde sur ce qu’ils vivent.

La conclusion que les organisations de la résistance palestinienne ont tirée est que face aux consciences morales anesthésiées de l’Occident à l’égard de la souffrance de leur peuple, seules des actions d’envergure sont capables de pousser à bout Israël et le contraindre à manifester au grand jour sa nature criminelle, à commettre au vu et au su de du monde entier des atrocités qui ne peuvent qu’occuper une place centrale dans les médias.

Israël sait que les Palestiniens resteront toujours pour lui un tourment permanent, un rappel constant qu’il n’est pas un Etat normal.

Nous sommes déjà dans un processus où la lutte contre la politique israélienne à l’égard des Palestiniens – politique vieille de plusieurs décennies et faite de dépossession, de répression et de massacres – devient de plus en plus une cause morale centrale dans la conscience des publics occidentaux comme le fut la lutte contre l’apartheid sud-africain.

Israël donc tente de tirer avantage de ce moment pour « achever le boulot », on sait ce que c’est et on le sait depuis sept décennies. Le crime se déploie pas à pas et s’accélère alors que les journalistes et les politiciens en Occident font semblant de ne rien voir.