Poursuivre ses études à Gaza, en dépit de tout

Rassemblement matinal à l'école du Koweït, avant la guerre - Photo : page Facebook de l'école du Koweït

Par Zina Nassar

Une lycéenne s’efforce de poursuivre ses études malgré les obstacles incessants

Le 7 octobre 2023, je vivais dans le nord de Gaza et me préparais à aller à l’école, comme tous les jours, en tant qu’élève de première. L’année scolaire venait de commencer et j’étais pleine d’espoir et d’enthousiasme.

J’assistais aux cours avec un objectif clair : terminer l’année avec d’excellentes notes et intégrer l’année suivante la classe du Tawjihi (examen du Certificat d’Études Secondaires Générales), ma dernière année au lycée.

Je ne savais pas encore que ce serait le dernier jour où je mettrais les pieds dans mon école, la Kuwait School, pour assister à un cours.

Étudier chez soi, en ignorant le bruit des bombes

Je n’avais aucune idée que ma vie était sur le point d’être complètement bouleversée, passant d’une vie étudiante et structurée à une vie marquée par les déplacements, les bombardements constants et les déménagements incessants à la recherche de sécurité et de stabilité.

À cause des bombardements incessants, je ne pouvais plus aller à l’école, m’asseoir à mon ancien bureau, ni voir mes amis. Je n’ai même pas eu l’occasion de dire au revoir à mon école.

Chaque fois que j’entendais quelqu’un mentionner le nom de mon école, mon cœur battait la chamade, plein de nostalgie et d’espoir.

Lorsque mon amie Safaa m’a dit que l’école avait été partiellement détruite, je me suis sentie brisée et faible – j’ai pleuré. Je souhaitais de tout cœur pouvoir retourner sur place pour réparer les dégâts causés par les forces d’occupation et protéger ce qui tenait encore bon.

Vers avril 2024, les cours ont lentement repris, mais uniquement en ligne. J’étudiais en ignorant les bruits incessants des bombardements. À chaque explosion, mon cœur battait à tout rompre. Je me rendais dès que possible dans un port voisin pour acheter des cartes Internet, car notre connexion était complètement coupée à la maison.

Je téléchargeais des manuels et des supports de cours sur mon téléphone, puis je rentrais chez moi pour les réviser sur mon appareil et noter les informations et les idées importantes dans mon cahier.

Pendant que j’étudiais, je levais la tête et m’imaginais assise à mon bureau préféré à l’école, entourée de mes professeurs et de mes camarades de classe.

Tentes pédagogiques, écoles transformées en abris

Après un an de guerre, des bénévoles ont commencé à installer des tentes pédagogiques pour remplacer les salles de classe détruites dans le sud de la bande de Gaza. Les élèves s’y rassemblaient pour étudier.

Mais je me trouvais alors à l’ouest de Gaza, loin de toutes ces tentes. J’ai cherché une tente à proximité, en vain. À ce moment-là, j’ai ressenti une profonde dépression : je perdais une nouvelle fois mon droit à l’éducation.

Aucune tente pédagogique n’était accessible à pied et il n’y avait aucun moyen de transport. Le carburant et le diesel étaient introuvables, et lorsqu’ils l’étaient, leur prix au litre avait grimpé à 100 dollars, soit plus de 20 fois le prix d’avant la guerre.

Les routes étaient détruites, jonchées de débris et de verre brisé provenant des maisons bombardées.

Lorsqu’un cessez-le-feu temporaire a été décrété en janvier 2025, je suis retournée à ma maison détruite, je l’ai nettoyée et j’ai essayé de m’installer, apprenant à vivre dans des conditions extrêmement difficiles. J’ai repris mes études avec détermination, restant éveillée tard le soir pour réviser mes cours.

Cela a duré plus d’un mois, jusqu’à ce que la guerre éclate à nouveau. Les bombardements et les morts ont repris. Malgré tout, j’ai continué à étudier et j’ai décidé de chercher une nouvelle tente où je pourrais terminer mon année de Tawjihi.

C’est alors que mon amie Farah m’a appris que l’école Tal Al-Zaatar avait rouvert ses portes sous forme de tente, à seulement 20 minutes à pied de chez moi. Mes professeurs y enseignaient et tous mes camarades de classe s’y étaient inscrits.

J’ai ressenti une joie immense. : j’allais enfin pouvoir poursuivre mes rêves. Je reverrais mes amis et mes professeurs et je pourrais continuer mon parcours vers l’obtention du Tawjihi avec une bonne note.

J’ai dit à Farah : « Demain, je vais aller avec toi voir l’école et prendre part aux cours à la tente pédagogique. Je fermerai les oreilles aux bruits des bombardements et je ne penserai pas à la mort. Je me concentrerai uniquement sur mes études. »

Le lendemain, je me suis levée tôt, j’ai rangé la maison, je me suis habillée et je suis partie avec mon amie pour l’école. Dans mon esprit, j’imaginais une grande tente remplie de mes camarades de classe.

En chemin, je suis passée devant mon ancienne école. Elle était pleine de personnes déplacées qui avaient perdu leur maison. Leurs visages étaient pâles de peur et de faim.

Je me suis souvenue comment était mon école autrefois : propre, pleine d’élèves qui apprenaient et de professeurs qui donnaient leurs cours. J’avais encore une image très nette de moi-même, assise à mon bureau, concentrée sur mon professeur.

J’ai continué à marcher vers l’école Tal Al-Zaatar pour rejoindre les élèves dans la tente, mais à ma grande surprise, j’ai découvert qu’elle avait été fermée et transformée en refuge pour les familles déplacées de force de Beit Hanoun, dans le nord de Gaza.

J’étais dévastée. On m’avait une fois de plus privé de mon droit à l’éducation.

Le chemin est long et difficile, semé d’embûches qui se dressent entre moi et mon rêve. Mais ma foi en Dieu et ma conviction que cette période sombre prendra bientôt fin sont plus fortes que ma peur de la guerre et les difficultés que je rencontre pour poursuivre mes études.

11 juin 2025 – We Are Not Numbers – Traduction : Chronique de Palestine – YG

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