Les Israéliens ont ravagé le système de santé de Gaza, laissant les médecins face à des choix impossibles

Une jeune blessée dans un bombardement israélien, arrivant à l'hôpital al-Shifa - Photo : Mohammed Zanoun / Activestills

Par Al-Mayadeen

Un chirurgien de l’un des rares hôpitaux encore opérationnels à Gaza décrit les circonstances désastreuses dans lesquelles il se trouve, face à une grave pénurie de fournitures médicales due à l’agression brutale d’Israël.

Au cours des 47 derniers jours, les hôpitaux de Gaza ont fait l’objet d’une guerre implacable et cruelle qui a semé la dévastation dans son sillage. Ces sanctuaires médicaux vitaux, censés être des lieux de guérison et de refuge, sont devenus les cibles principales d’ « Israël » dans sa stratégie de dévastation.

Les bombardements incessants ont non seulement réduit les structures hospitalières à l’état de ruines, mais ils ont également coûté la vie à des professionnels de la santé dévoués, qui ont été tués ou injustement emprisonnés.

L’hôpital européen de Khan Younis : Un chapitre sur la façon dont « Israël » a détruit le système de santé à Gaza

Dans les couloirs dévastés de l’hôpital européen de Khan Younis, des professionnels de la santé épuisés sont confrontés à la sombre tâche de déterminer le sort des patients arrivant du nord de la bande de Gaza.

La récente évacuation forcée des hôpitaux de la ville de Gaza par les forces d’invasion israéliennes a entraîné une vague de centaines de blessés en direction du sud, submergeant un système médical déjà mis à rude épreuve, confronté à la rareté des médicaments, à l’épuisement des réserves alimentaires et à des coupures sporadiques d’électricité et de communication.

Le Dr Paul Ley, chirurgien orthopédique à l’Hôpital européen, a décrit les conditions désastreuses dans lesquelles les personnes déplacées dorment dans les ascenseurs.

Une petite équipe opère sans relâche dans quatre salles pour traiter les infections graves qui nécessitent l’amputation de membres en raison des jours sans traitement. La pénurie d’analgésiques aggrave la crise, obligeant à prendre des décisions de triage immédiates, comme le choix déchirant de ne fournir que des soins palliatifs à un enfant de 12 ans.

L’hôpital a reçu 500 patients évacués du nord de la bande de Gaza ces derniers jours, ce qui met en évidence les défis considérables auxquels sont confrontés des professionnels de la santé épuisés face à une crise humanitaire provoquée par Israël.

« Nombreux sont ceux qui n’ont pas reçu de soins pendant neuf ou dix jours parce que les hôpitaux ne fonctionnaient pas, même s’ils étaient ouverts », a déclaré M. Ley, cité par The Guardian.

« C’est la situation que nous connaissons aujourd’hui. C’est un hôpital qui fonctionne, mais nous sommes débordés. Il n’y a nulle part où évacuer… Il n’y a pas d’issue de secours. Nous sommes probablement l’une des dernières lignes de défense », a-t-il ajouté.

« Je n’ai jamais rien vu de tel »

Le service des brûlés de l’hôpital européen compte actuellement 78 patients, dont près des deux cinquièmes sont des enfants de moins de cinq ans.

Paul Ley, un citoyen français de 60 ans qui fait partie de l’équipe du Comité international de la Croix-Rouge arrivée à Gaza il y a près de quatre semaines, a exprimé le caractère sans précédent de la situation en déclarant : « Je n’ai jamais rien vu de tel », rapporte The Guardian.

L’équipe travaille sans relâche, prodiguant des soins 24 heures sur 24 aux patients de l’unité des brûlés.

La crise est omniprésente : les hôpitaux sont confrontés à une pénurie d’anesthésistes, à des plaies infestées de vers et à des amputations urgentes

Le personnel de l’hôpital espère que le cessez-le-feu de quatre ou cinq jours entre « Israël » et le Hamas, qui est entré en vigueur ce matin à 7 heures, pourrait mettre un terme durable à la brutale agression israélienne ou au moins permettre de recevoir l’aide humanitaire dont on a tant besoin.

Cependant, le personnel s’inquiète également de l’afflux potentiel de nouveaux patients pendant une éventuelle pause dans l’agression.

De nombreux blessés arrivant à l’hôpital ont subi des blessures quelques jours avant leur arrivée, ce qui a entraîné de graves infections. Les pansements de certains patients n’ont pas été changés depuis dix jours, ce qui a entraîné l’apparition de plaies infestées de vers.

Cela s’est fait dans la souffrance

La pénurie d’anesthésiques et d’analgésiques ajoute aux difficultés rencontrées par l’équipe médicale, obligeant les chirurgiens à prendre des décisions impssibles, y compris l’amputation de membres qui auraient pu être sauvés dans de meilleures circonstances.

« Nous opérons avec un minimum d’anesthésie. Si nous n’en avons plus, nous ne pouvons pas opérer, mais il n’y a pas de limite claire. Il y a beaucoup de gens qui pleurent et crient de douleur, mais nous n’avons pas assez d’analgésiques. Nous les gardons pour les enfants ou les cas très graves. [Normalement, nous changerions les pansements des patients brûlés à 40 % sous sédation et nous réduirions le temps en utilisant plus d’assistants… [Maintenant] il faut le faire avec beaucoup de douleur. »

Dans l’enceinte de l’hôpital, de nombreuses familles désespérées s’entassent dans des abris de fortune faits de bois ou de carton.

L’hôpital n’a pas été épargné par les frappes aériennes israéliennes. Des éclats d’obus ont parfois touché la structure, et la force des bombardements a fait voler des vitres en éclats.

Au cours de l’agression, les frappes aériennes israéliennes ont intentionnellement visé les hôpitaux et violé la zone autour des installations, commettant d’horribles massacres.

Comment les habitants de Gaza arrivent-ils à survivre ?

Dans d’autres quartiers de Khan Younis, des dizaines de milliers de personnes ont trouvé refuge dans des abris gérés par les Nations Unies. L’un d’entre eux, qui était auparavant un centre de formation professionnelle, accueille aujourd’hui plus de 35 000 personnes qui se partagent 48 toilettes et quatre douches, selon les administrateurs.

Les conditions à l’intérieur de ces abris sont décrites comme désastreuses, avec des maladies endémiques chez les enfants, des conflits pour les espaces de couchage et un manque de nourriture.

« Israël » a imposé un blocus presque total à Gaza. Les réserves de nourriture fournies par les Nations unies se sont réduites à environ un kilogramme de farine et une seule boîte de thon ou de haricots par jour pour certains, obligeant les familles à subsister avec de simples « galettes de pain » faites de farine et d’eau, cuites sur des tôles de fortune sur des feux ouverts.

Les ressources étant limitées, les gens ont recours à des mesures drastiques, comme l’abattage d’arbres dans les rues en raison du manque de bois. Même les produits de première nécessité comme le sel sont devenus des denrées rares, ceux qui ont la chance d’en posséder pouvant l’échanger contre une quantité importante de nourriture, ce qui illustre les graves difficultés auxquelles sont confrontés les habitants de Gaza dans un génocide en temps réel.

Des décisions et des choix déchirants

Ley a déclaré que l’aspect le plus difficile pour les médecins est de prendre des décisions de sélection, a rapporté The Guardian. Si l’idée de classer les patients par ordre de priorité en fonction de leurs chances de survie peut sembler logique, la réalité de la mise en œuvre de ces décisions est émotionnellement éprouvante.

Il a cité une décision difficile concernant un enfant de 12 ans souffrant de brûlures étendues, expliquant qu’ils avaient opté pour le contrôle de la douleur plutôt que pour des mesures désespérées, reconnaissant ainsi le poids émotionnel de tels choix.

Il est essentiel de garder son sang-froid, en particulier pour le personnel local qui a des liens directs avec les patients. Ley a noté que souvent, le personnel local, profondément affecté par le sort de son propre peuple, a du mal à prendre des décisions telles que les amputations.

Dans ces cas-là, il intervient pour alléger le fardeau et soulager ses collègues.

Ley s’est étonné de l’apparente passivité de certains patients, citant l’exemple d’une femme qui, après avoir perdu son mari et ses enfants lors d’une attaque aérienne israélienne sur sa maison, s’est montrée décidée lorsqu’elle a été informée que ses deux jambes devraient être amputées.

Il a observé un sentiment généralisé d’apathie chez de nombreux patients qui semblaient s’être résignés à leur situation.

Malgré le désespoir écrasant, M. Ley a partagé un moment d’espoir poignant.

Il a récemment soigné un homme de 32 ans souffrant de graves blessures dues à des éclats d’obus. La jeune sœur du patient a exprimé sa gratitude, déclarant qu’elle était fière de son frère et reconnaissante qu’il ait survécu. Elle aspirait même à devenir chirurgienne un jour. Au milieu de toute cette dévastation, cette rencontre a apporté une lueur d’espoir.

« C’était très émouvant», a déclaré Ley, cité par The Guardian.

Tout cela est important au regard des conventions de Genève, qui interdisent les opérations militaires contre les hôpitaux, à moins qu’ils ne soient utilisés pour commettre, en dehors de leurs fonctions humanitaires, des actes nuisibles à l’ennemi.

Cette exclusion, détaillée dans l’article 19 de la quatrième convention de Genève, stipule explicitement : « … la présence d’armes légères et de munitions prises à ces combattants et non encore remises au service compétent ne sera pas considérée comme un acte nuisible à l’ennemi ».

24 novembre 2023 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine