L’offensive du 7 octobre a remis la résistance au centre de la question palestinienne

Gaza, mai 2021 - Scène de rue après l'annonce du cessez-le-feu. En Palestine occupée, la résistance palestinienne est comme un poisson dans l'eau - Photo : Réseaux sociaux

Par Ramzy Baroud

Quelle que soit la stratégie précise du groupe palestinien Hamas, ou de tout autre mouvement palestinien, l’audacieuse campagne militaire palestinienne menée samedi 7 octobre à l’intérieur d’Israël n’a été possible que parce que les Palestiniens sont tout simplement poussés à bout.

Il y a 17 ans, Israël a imposé un siège hermétique à la bande de Gaza. L’histoire du siège est souvent présentée selon deux interprétations radicalement différentes. Pour certains, il s’agit d’un acte inhumain de “punition collective” ; pour d’autres, c’est un mal nécessaire pour qu’Israël puisse se protéger du soi-disant terrorisme palestinien.

L’histoire ne dit cependant pas que 17 ans suffisent à toute une génération pour grandir sous le siège, s’enrôler dans la Résistance et se battre pour sa liberté.

Selon Save The Children, près de la moitié des 2,3 millions de Palestiniens vivant aujourd’hui à Gaza sont des enfants.

Ce fait est souvent utilisé pour décrire les souffrances d’une population qui n’a jamais mis les pieds en dehors de la minuscule bande de Gaza, d’une superficie de 365 km².

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Mais là encore, les chiffres, même s’ils semblent précis, sont souvent utilisés pour décrire une petite partie d’une histoire complexe.

Cette génération de Gaza, qui a grandi ou est née après l’imposition du siège, a connu au moins cinq guerres majeures et dévastatrices, où les enfants, comme eux, ainsi que leurs mères, leurs pères et leurs frères et sœurs, ont été les principales cibles et victimes.

« Si vous encerclez complètement votre ennemi, si vous ne lui donnez aucune chance de s’échapper, si vous ne lui faites pas de quartier, il se battra jusqu’au bout », a écrit Sun Tzu dans L’art de la guerre.

Pourtant, année après année, c’est précisément ce qu’a fait Israël. Cette stratégie s’est révélée être une erreur stratégique majeure.

Même la simple tentative de protester contre l’injustice du siège, en se rassemblant en grand nombre devant la barrière de Gaza, qui sépare la bande de Gaza assiégée d’Israël, n’a pas été tolérée.

Les manifestations de masse, connues sous le nom de Grande Marche du Retour, ont été réprimées par les balles des tireurs d’élite israéliens. Des scènes de jeunes portant d’autres jeunes en sang et criant « Dieu est grand » sont devenues des scènes régulières à la barrière de séparation.

Au fur et à mesure que le nombre de victimes augmentait, l’intérêt des médias pour cette histoire s’est simplement estompé avec le temps.

Les centaines de combattants qui ont pénétré en Israël par quatre points d’entrée différents à l’aube du 7 octobre étaient ces mêmes jeunes Palestiniens qui ne connaissaient rien d’autre que la guerre, le siège et la nécessité de se protéger les uns les autres.

Ils ont également appris à survivre, malgré le manque de tout à Gaza, y compris d’eau potable et de soins médicaux appropriés.

C’est là que l’histoire de cette génération se confond avec celle du Hamas, du Jihad islamique ou de toute autre organisation palestinienne.

Oui, le Hamas a choisi le moment et la nature de sa campagne militaire en fonction d’une stratégie très précise. Mais cette stratégie n’aurait pas été possible si Israël n’avait pas laissé ces jeunes Palestiniens sans autre option que la riposte.

Des vidéos circulant sur les médias sociaux montrent des combattants palestiniens criant en arabe, avec l’accent distinct et souvent rude de Gaza, « ceci est pour mon frère », « ceci est pour mon fils ».

Ils crient ces phrases et bien d’autres car ils sont en colère tout en tirant, au milieu de colons et de soldats israéliens pris de panique. Ces derniers, à de nombreuses reprises, ont abandonné leurs positions et se sont lamentablement enfuis.

L’impact psychologique de cette guerre dépassera très certainement celui d’octobre 1973, lorsque les armées arabes ont réalisé des gains rapides contre Israël, également à la suite d’une attaque surprise.

Cette fois, l’impact dévastateur sur la pensée collective israélienne changera la donne, puisque la « guerre » concerne un seul groupe palestinien, et non une armée entière, ou trois.

L’attaque surprise d’octobre 2023 est toutefois directement liée à la guerre israélo-arabe d’octobre 1973.

En choisissant le 50e anniversaire de ce que les Arabes considèrent comme un grand triomphe contre Israël, la Résistance palestinienne a voulu envoyer un message clair : la cause de la Palestine reste la cause de tous les Arabes.

En fait, toutes les déclarations des hauts commandants militaires et des dirigeants politiques du Hamas étaient chargées de ce symbolisme et d’autres références aux pays et aux peuples arabes.

Ce discours panarabe n’est pas le fruit du hasard et a été défini dans les déclarations du commandant des Brigades Al-Qassam, Mohammed Daif, commandant fondateur d’Al-Qassam, Saleh al-Arouri, chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh et Abu Obaida, le célèbre porte-parole masqué des Brigades.

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Ils ont tous exhorté à l’unité et insisté sur le fait que la Palestine n’est qu’une composante d’une lutte arabe et islamique plus large pour la justice, la dignité et l’honneur de tous.

Le groupe a appelé sa campagne « Déluge d’Al-Aqsa », recentrant ainsi, une fois de plus, l’unité palestinienne, arabe et musulmane autour d’Al-Qods, de Jérusalem et de tous ses lieux saints.

Tout le monde a semblé choqué, y compris Israël, non pas par l’attaque du Hamas en tant que telle, mais par la grande coordination et l’audace de cette opération massive et inédite.

Ainsi, au lieu d’attaquer la nuit, la Résistance a attaqué à l’aube. Au lieu de frapper Israël en empruntant les nombreux tunnels situés sous Gaza, ils s’y sont rendus en voiture, ont été parachutés, sont arrivés par la mer et, dans de nombreux cas, ont franchi la frontière à pied.

L’élément de surprise est devenu encore plus déconcertant lorsque les combattants palestiniens ont remis en question les principes fondamentaux de la guérilla : au lieu de mener une « guerre de mouvement », ils ont mené, même temporairement, une « guerre de position », tenant ainsi pendant de nombreuses heures les zones qu’ils avaient conquises à l’intérieur d’Israël.

En effet, pour les groupes de Gaza, la guerre psychologique était aussi cruciale que le combat physique. Des centaines de vidéos et d’images ont été diffusées sur tous les canaux des médias sociaux, comme dans l’espoir de redéfinir la relation entre les Palestiniens, la victime habituelle, et Israël, l’occupant militaire.

L’insistance sur la nécessité de ne pas tuer les personnes âgées et les enfants, soulignée par divers commandants sur le terrain, n’était pas seulement destinée aux Palestiniens. Il s’agissait également d’un message destiné à un public international, selon lequel la résistance palestinienne respectera les règles universellement acceptées.

Quel que soit le nombre de Palestiniens qu’Israël tue et tuera en représailles, même si c’est tragique, cela ne sauvera guère l’image en lambeaux d’une armée indisciplinée, d’une société divisée et d’une direction politique qui ne pense qu’à sa propre survie.

Il est trop tôt pour tirer des conclusions générales sur l’issue de cette guerre sans précédent. Mais ce qui est clair, c’est que la relation fondamentale entre l’occupation israélienne et les Palestiniens sous occupation après le 7 octobre 2023 sera probablement bouleversée, et définitivement.

11 octobre 2023 – Communiqué par l’auteur – Traduction : Chronique de Palestine – Boutros al-Dirdar