« Sortir un bébé de son sac ? » : la question qui révèle la volonté génocidaire

3 août 2025 - Un tout jeune enfants, parmi des milliers et milliers d'autres, assassiné par les Israéliens à Gaza - Photo : Doaa Albaz / Activestills

Par Lama Khoury

« Qu’allez-vous faire maintenant, sortir un bébé de votre sac ? » La voix du garde a résonné dans les couloirs de marbre du Capitole, ses mots m’ont heurté comme un coup au corps.

Non seulement en raison de leur insensibilité, mais aussi parce que j’étais venue avec des images de bébés – des enfants palestiniens assassinés à Gaza, des photos et des histoires rangées dans mon sac, que je pensais que tout être humain doté d’un cœur verrait et exigerait que l’on agisse.

C’était en janvier 2025. Biden était encore en poste. Je me tenais avec d’autres professionnels chevronnés dans le hall du Capitole, planifiant notre journée de plaidoyer pour la Palestine. L’espace nous dominait de ses hauts plafonds et de ses sols en marbre blanc, un monument en métal noir s’élevant comme une flèche, pointant vers le haut, vers une justice inatteignable.

Nous étions une foule silencieuse lorsque quatre ou cinq gardes se sont approchés. L’un d’eux – petit, trapu, visiblement en colère – a commencé à crier comme s’il chassait un troupeau d’animaux : « C’est votre premier avertissement. Si vous ne vous dispersez pas, je vous arrête tous ! » Nous nous sommes légèrement déplacés, échangeant des regards perplexes, ne sachant pas ce qui avait déclenché une telle fureur.

Puis vint la phrase qui allait me hanter : « Qu’allez-vous faire maintenant, sortir un bébé de votre sac ? »

En ces quelques mots, ce garde avait exposé sans le savoir le mécanisme par lequel une société entière peut regarder des enfants mourir de faim sur leurs écrans et rester indifférente. Sa moquerie a révélé quelque chose de plus profond que la cruauté individuelle ; elle a mis en lumière ce que le sociologue dominicain Anibal Quijano a appelé la « colonialité du pouvoir » – un système mondial qui détermine quels enfants comptent, quelles larmes nous émeuvent, quels décès sont considérés comme une perte.

Pour l’Occident, les enfants de Palestine sont des adultes que l’on peut tuer

Il s’agit d’un système fondé sur la hiérarchie raciale et renforcé par l’intérêt économique, les médias grand public qui fabriquent le consentement (pour reprendre le cadre de Noam Chomsky et Edward Herman) et le principe de la loi du plus fort.

La logique des enfants jetables

La déclaration de l’officier révèle ce que Quijano a identifié comme la logique coloniale durable qui organise notre monde. Bien que le colonialisme officiel ait pris fin, son principe d’organisation, la hiérarchie raciale, persiste dans la détermination de la valeur humaine.

Les Européens ont créé des catégories raciales pendant la colonisation, non pas comme des faits biologiques, mais comme ce que Quijano appelle des « constructions mentales » pour justifier pourquoi il était acceptable d’asservir, de tuer ou de déposséder certaines populations tout en accordant la pleine humanité à d’autres.

Il ne s’agit pas d’une théorie abstraite. Lorsque Winston Churchill a défendu l’implantation sioniste lors des auditions de la Commission Royale sur la Palestine en 1937, il a explicité la logique raciale : « Je n’admets pas qu’un grand tort ait été fait aux Indiens Rouges d’Amérique, ou aux Noirs d’Australie, du fait qu’une race plus forte, une race de qualité supérieure… est venue prendre leur place ».

La question du garde s’inscrit dans ce même cadre. Les enfants palestiniens se trouvent au bas d’une hiérarchie qui les rend fondamentalement différents des autres enfants. Ils sont ce que le psychiatre martiniquais Frantz Fanon appelait des habitants de la « zone de non-être » – non pas des humains marginalisés, mais des êtres positionnés en dehors de la catégorie humaine tout court.

J’ai apporté ces photographies au Capitole parce qu’un réseau palestinien auquel j’appartiens avait lancé ce que nous pensions être une campagne indéniable : la protection des enfants palestiniens. Nous nous sommes dit que lorsque les Américains verraient ce qui était fait à des enfants – des enfants – ils demanderaient des comptes.

Nous nous sommes armés de la loi Leahy, qui interdit l’assistance militaire américaine aux forces étrangères qui commettent des violations flagrantes des droits de l’homme. Nous avons apporté des documents faisant état de tortures systématiques, de raids nocturnes, d’enfants abattus alors qu’ils jouaient.

Nous faisions ce que les Palestiniens sont perpétuellement obligés de faire : demander à être traités comme le reste de l’humanité.

Les moqueries du garde nous ont brutalement rappelé ce à quoi nous nous heurtons réellement. Le poète et militant palestinien Mohammad El Kurd a écrit des textes cinglants sur l’impossible performance que les Palestiniens sont contraints d’entreprendre – la demande d’être des « victimes parfaites » : dociles, dépolitisées, dépouillées de leur identité religieuse et coupées de tout lien avec la résistance.

Nous devons nous présenter comme impuissants plutôt que résilients, individuels plutôt que collectifs, reconnaissants plutôt que dignes. Dans cette logique coloniale, les enfants représentent la « victime parfaite » par excellence – innocente, non menaçante, méritant la sympathie universelle. Pourtant, les moqueries du garde révèlent la faillite de cette stratégie.

Lorsque les enfants palestiniens – les sujets les plus inattaquables pour l’empathie – peuvent être rejetés avec une telle cruauté, cela expose la logique illogique décrite par El Kurd : aucune représentation de la condition de victime palestinienne ne sera jamais assez parfaite pour percer la hiérarchie raciale qui nous rend fondamentalement impardonnables, comme Judith Butler l’a si bien dit.

Rien n’est plus précieux que la vie d’un enfant, sauf s’il est palestinien

La question du gardien met fin à la fiction libérale selon laquelle la souffrance palestinienne a simplement besoin d’une meilleure documentation ou d’une présentation plus convaincante. Même nos « victimes parfaites » restent imparfaites aux yeux du pouvoir.

Quand le bébé dans le sac est réel

L’universitaire palestinienne Nadera Shalhoub-Kevorkian a un terme pour décrire ce qui arrive aux enfants palestiniens : « unchilding / désenfantement » : le dépouillement systématique des protections et de l’innocence de l’enfance pour servir des objectifs coloniaux.

Ce n’est pas une métaphore. Les enfants palestiniens sont les seuls enfants à être globalement poursuivis par des tribunaux militaires. Israël détient chaque année entre 500 et 700 enfants palestiniens.

Depuis 2000, environ 13 000 enfants palestiniens ont été détenus, interrogés et incarcérés par les autorités militaires israéliennes, et les rapports de torture et de violence sexuelle abondent.

À Gaza, les statistiques concernant les enfants ont battu tous les records : Gaza compte le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde; plus d’enfants et de femmes ont été tués que dans toute autre guerre de l’histoire récente; et les Nations unies ont décrit Gaza comme un cimetière d’enfants.

Le garde ne pouvait pas savoir que le « bébé dans mon sac » était statistiquement réel. Gaza présente aujourd’hui le taux d’amputation d’enfants le plus élevé au monde. Plus de 11 300 enfants palestiniens ont été identifiés comme tués depuis octobre 2023, dont environ 30 % avaient moins de cinq ans.

Plus de 39 000 enfants ont perdu un ou deux parents. Au moins 17 000 enfants ne sont pas accompagnés ou sont séparés des personnes qui s’occupent d’eux, beaucoup étant enterrés sous les décombres ou ayant disparu lors des déplacements forcés.

Gaza est devenu ce que l’UNICEF appelle « l’endroit le plus meurtrier du monde pour les enfants ».

Assis dans ces bureaux sans fenêtre du Congrès, la main tremblante tandis que je tendais aux membres du personnel des photographies d’enfants palestiniens – l’un tué, l’autre incarcéré -, j’étais témoin de ce qui se passe lorsque la logique elle-même s’effondre face à la hiérarchie raciale.

Le test de la Bosnie : quand les enfants comptent

La différence de traitement et l’effondrement de la logique sont encore plus flagrants lorsque l’on compare les réponses internationales à la mise en danger des enfants.

Dans les années 1990, lorsque les enfants bosniaques ont été confrontés à une mort imminente à Srebrenica, la communauté internationale a mis en place des efforts d’évacuation complexes. Entre 8000 et 9000 musulmans bosniaques, dont des enfants, ont été évacués en mars-avril 1993 lorsque les forces serbes bosniaques ont menacé d’attaquer. Les Nations unies ont déclaré des « zones de sécurité » et déployé 25 000 soldats de la paix provenant de dizaines de pays.

Lorsque les pressions diplomatiques ont échoué, l’OTAN a répondu par une force écrasante : 400 avions, 3 515 sorties, plus de 1 000 bombes. Le message était sans équivoque : les attaques contre les civils auraient des conséquences graves. Même lorsque la protection a échoué de manière catastrophique à Srebrenica, l’échec a donné lieu à des démissions, des tribunaux et des commémorations.

Gaza présente certes des réalités géopolitiques différentes. Israël est un puissant allié des États-Unis, protégé par le droit de veto du Conseil de sécurité, et la « logique » est celle où le plus fort prime le droit.

Mais ces facteurs interagissent de manière létale avec la hiérarchie raciale que la question du garde a révélée. Contrairement à la Bosnie, où les évacuations ont été tentées malgré les risques, aucun couloir de sécurité pour les enfants de Gaza n’a été sérieusement recherché par les États puissants.

La Palestine est l’endroit le plus dangereux au monde pour un enfant

Au contraire, le principal fournisseur de protection humanitaire, l’UNRWA, a été systématiquement délégitimé et défait.

Quand l’aide humanitaire devient un piège mortel

Même lorsque la communauté internationale tente de fournir une subsistance de base à une population affamée, la logique du caractère jetable des Palestiniens transforme l’aide en mise à mort.

La Fondation humanitaire de Gaza (GHF), créée en mai 2025 en tant qu’initiative soutenue par les États-Unis et Israël pour distribuer de l’aide alimentaire, est devenue ce que Philippe Lazzarini, directeur de l’UNRWA, a appelé « un piège mortel qui coûte plus de vies qu’il n’en sauve ».

Depuis le début des opérations, le 27 mai 2025, plus de 410 Palestiniens ont été tués et au moins 3000 autres ont été blessés alors qu’ils avaient été chercher de la nourriture sur ces sites de distribution.

Des chiffres plus récents émanant du ministère de la santé de Gaza font état de 743 Palestiniens tués et de plus de 4891 autres blessés alors qu’ils avaient été chercher de l’aide sur les sites de la GHF.

Selon certaines informations, des soldats israéliens auraient reçu l’ordre de tirer sur des foules non armées près des sites de distribution de nourriture à Gaza, même en l’absence de toute menace.

Comme l’a déclaré un soldat à Haaretz : « Nous avons tiré à la mitrailleuse depuis des chars et lancé des grenades. Il y a eu un incident où un groupe de civils a été touché alors qu’il avançait sous le couvert du brouillard ».

Un autre soldat a indiqué qu’ « entre une et cinq personnes étaient tuées chaque jour » sur leur position. Le Bureau des droits de l’homme des Nations unies a condamné cette situation comme étant « la militarisation de la nourriture pour les civils » qui « constitue un crime de guerre et, dans certaines circonstances, peut constituer des éléments d’autres crimes en vertu du droit international ».

Cette violence systématique à l’encontre de ceux qui cherchent à se nourrir révèle le fonctionnement de la logique coloniale : la faim des Palestiniens est traitée par des mécanismes conçus pour maximiser l’humiliation et la mort.

Alors que la mise en danger des enfants bosniaques a suscité des efforts de sauvetage internationaux, la famine des enfants palestiniens fait l’objet d’une distribution d’aide militarisée qui sert d’entraînement au tir.

La même hiérarchie raciale qui permet aux gardes du Capitole de se moquer des souffrances des Palestiniens permet un système où le simple fait de fournir de la nourriture devient une occasion d’éliminer la vie des Palestiniens.

Le contraste est dévastateur. Bien qu’une enquête des Nations unies ait conclu, en août 2024, à l’absence de preuves suffisantes pour la plupart des allégations formulées à l’encontre du personnel de l’UNRWA, Israël a procédé à l’adoption d’une législation interdisant effectivement à l’agence d’opérer sur le territoire contrôlé par Israël.

Les conséquences sont catastrophiques : l’UNRWA gère 96 écoles accueillant 47 000 enfants rien qu’en Cisjordanie, 43 cliniques et assure la sécurité sociale de plus de 150 000 résidents.

À Gaza, l’UNRWA est le principal fournisseur de services d’éducation et de soins de santé pour plus d’un million de résidents. Philippe Lazzarini, commissaire général de l’UNRWA, a lancé un avertissement : « Aujourd’hui, à Gaza, une personne sur deux a moins de 18 ans, dont 650 000 filles et garçons vivant dans les décombres, profondément traumatisés à l’âge de l’école primaire et secondaire. Se débarrasser de l’UNRWA, c’est aussi dire à ces enfants qu’ils n’auront pas d’avenir ».

En plaçant l’UNRWA « hors-la loi », l’État génocidaire sacrifie toute une génération d’enfants palestiniens

Certes, la communauté internationale n’a pas fait assez pour la Bosnie. Cependant, là où les morts de civils bosniaques ont déclenché des représailles militaires et une prise de conscience institutionnelle, le meurtre systématique et la famine des enfants palestiniens ont donné lieu à des transferts d’armes continus, à des cessez-le-feu assortis de veto et à l’impunité. La différence ne réside pas dans la capacité, mais dans l’évaluation coloniale de la vie.

La représentation de l’humanité

Depuis le 7 octobre 2023, je vis dans un perpétuel coup de fouet, entre un désespoir écrasant et une détermination farouche, entre le fait d’être témoin d’un génocide en direct et la conviction inébranlable que la Palestine sera libre.

Mais sous cet activisme se cachait un constat plus sombre : nous sommes obligés de jouer notre humanité.

Nous devons chorégraphier notre chagrin, organiser notre souffrance, emballer la mort de nos enfants de manière à pénétrer l’insensibilité du pouvoir. Les moqueries du gardien se sont répercutées dans toutes les réunions de défense des droits humains : « Qu’allez-vous faire maintenant, sortir un bébé de votre sac ? »

Lors de nos rendez-vous au Congrès, je me suis retrouvée à traduire l’humanité palestinienne en termes compréhensibles pour ceux à qui l’on a appris à nous considérer comme des menaces. « Nos enfants sont les seuls à être poursuivis par des tribunaux militaires », disais-je en tremblant d’émotion. « Gaza compte le plus grand nombre d’amputés par habitant au monde. Aidez-nous à protéger nos enfants ».

Ce plaidoyer constant est porteur de sa propre violence. Lorsque les responsables israéliens qualifient les Palestiniens d’ « animaux humains » ou déclarent qu’il n’y « a pas de civils innocents à Gaza », ces mots ne font pas que blesser, ils remodèlent la façon dont les Palestiniens doivent se déplacer dans le monde.

En me dirigeant vers l’ascenseur ce jour-là sur la Colline, j’ai croisé un jeune homme qui, en me voyant, a affiché un air de dégoût, s’est plaqué contre le mur, loin de moi, et m’a repoussé d’un geste du revers de la main. Ce recul corporel – automatique, irréfléchi, viscéral – illustre la manière dont les hiérarchies raciales opèrent par le biais d’un affect incarné qui contourne la pensée rationnelle.

Nous devenons des réceptacles portant le poids de la souffrance collective, nos voix plaidant en faveur de l’humanité fondamentale tout en calculant ce qui peut être digéré par les observateurs : « Cette photo est-elle assez expressive ? Elle ne doit pas être grotesque et susciter la colère des spectateurs par sa cruauté. Et bien sûr, est-elle respectueuse de nos enfants ? Ou bien sommes-nous en train d’utiliser les êtres que nous voulons protéger comme accessoires ? »

J’étais témoin de ce que l’universitaire Sherene Razack décrit comme l’effondrement de la logique elle-même, à savoir que « rien n’a de sens lorsque le sujet est musulman ». J’étais là, présentant des preuves de violations systématiques du droit international, de tortures documentées d’enfants, de violations évidentes de la loi Leahy. Pourtant, la réponse était un langage politique mesuré qui communiquait efficacement l’indifférence.

La fabrique de l’ignorance

La question du gardien montre comment le génocide s’adapte à l’ère numérique. Il ne s’agit pas de l’efficacité brute de la mort industrielle, mais de la violence sophistiquée de la logique raciale qui transforme les enfants palestiniens de sujets méritant une protection en objets abandonnés ou en dommages collatéraux.

Le génocide opère désormais à travers les cadres juridiques et le discours humanitaire, à travers les institutions mêmes qui ont été conçues pour l’empêcher.

Prenons un exemple révélateur de 2022 : une vidéo est devenue virale, montrant une fillette blonde de 11 ans confrontant un soldat et lui disant de retourner dans son pays. Les médias ont applaudi la jeune fille, qu’ils croyaient ukrainienne, et la vidéo a été visionnée 12 millions de fois.

Lorsqu’il a été révélé que la vidéo montrait en fait une jeune Palestinienne, Ahed Tamimi, confrontée à un soldat israélien, la célébration s’est arrêtée.

À 16 ans, Ahed a été emprisonnée – une violation des droits de l’homme qui a suscité des déclarations des États-Unis, mais aucune action. Dans la hiérarchie raciale mondiale, les enfants ukrainiens méritent d’être célébrés pour leur résistance ; les enfants palestiniens méritent d’être emprisonnés.

Les moqueries de l’officier s’inscrivent dans cette même logique. Sa question suppose que le témoignage palestinien est intrinsèquement manipulateur, que la douleur palestinienne est mise en scène, que les enfants palestiniens n’existent que comme des accessoires dans le théâtre politique, jamais comme des sujets méritant d’être protégés.

La question qui parle

Mais la tentative du garde de nous faire taire devient la question qui parle. En essayant de se moquer de nos preuves, il a involontairement témoigné de leur puissance. Oui, nous transportons des bébés morts dans nos sacs, non pas comme des accessoires mais comme des preuves. Non pas comme une manipulation, mais comme la documentation d’une élimination systématique.

Les photographies que je transporte sont ce que nous pourrions appeler des « contre-archives » – des témoignages qui refusent la violence de l’oubli, des preuves qui survivent à la production de l’ignorance. Lorsque le gardien a posé sa question, il a révélé le mécanisme par lequel certaines morts sont rendues impardonnables, certaines souffrances incroyables, certains enfants « unchilded / désenfantés ».

Nations Unies : Israël enfin sur la liste noire des tueurs d’enfants

Telle est la vulnérabilité du génocide : son besoin de se moquer révèle une conscience de sa culpabilité. La question qui était censée nous faire honte et nous contraindre au silence devient la preuve de l’infrastructure raciale qui rend le génocide possible, la hiérarchie qui détermine quels bébés comptent, quelles larmes nous émeuvent, quels décès sont considérés comme des pertes.

Refuser l’effacement

Les enfants palestiniens eux-mêmes refusent la logique de l’élimination que suppose la question du garde.

Dans les décombres de Gaza, ils créent des écoles à partir de bâtiments détruits. Dans les centres de détention, ils maintiennent la solidarité malgré la torture. Dans les camps de réfugiés, de génération en génération, ils préservent des récits, des langues et des histoires qui refusent l’effacement.

Chaque acte d’enfants palestiniens affirmant leur humanité – chaque dessin fait dans une tente, chaque jeu joué dans des rues détruites – représente ce que les Palestiniens appellent Sumud (persévérance et résistance), une résistance qui refuse la logique coloniale.

Mais l’action palestinienne ne peut à elle seule démanteler les fondations structurelles qui permettent une telle cruauté répétitive dans les centres de pouvoir. Les moqueries du gardien se répercutent dans chaque veto du Conseil de Sécurité, chaque enquête bloquée, chaque transfert d’armes.

Une véritable protection des enfants palestiniens exige de s’attaquer aux structures matérielles qui soutiennent leur « unchilding / désenfantement » : mettre fin à l’aide militaire qui facilite leur ciblage, démanteler les relations économiques qui profitent de leurs souffrances, créer des mécanismes de responsabilité qui ne peuvent être suspendus sur la base de hiérarchies raciales.

Le gardien pensait que ses paroles nous feraient honte et nous obligeraient à nous taire. Au lieu de cela, ils deviennent la preuve non seulement de la cruauté individuelle, mais aussi d’un système mondial qui a normalisé le fait que les enfants palestiniens sont jetables.

La réponse qui démasque

« Vous sortez un bébé de votre sac ? » Cette question révèle le génocide sous sa forme contemporaine. En sept mots, le gardien a révélé comment l’élimination systématique opère à travers la colonisation de la perception elle-même, à travers des institutions et des cadres conçus pour empêcher les atrocités mêmes qu’ils permettent.

Mais sa question révèle également l’échec ultime du génocide. Oui, nous continuerons à arracher les enfants palestiniens aux zones d’abandon où ils ont été placés, aux archives de l’effacement où leurs morts sont cachées, aux hiérarchies raciales qui les rendent jetables. Non pas comme des accessoires de théâtre politique, mais comme les témoins de leur propre élimination et les agents de leur propre libération.

La question du gardien révèle un génocide. Notre réponse révèle les enfants qui refusent d’être effacés et la transformation globale nécessaire pour garantir qu’aucun enfant, quelle que soit son origine, ne fasse plus jamais l’objet d’une telle question.

30 juillet 2025 – CounterPunch – Traduction : Chronique de Palestine – YG

Soyez le premier à commenter

Laisser une réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.