Les dirigeants israéliens commencent à douter du parapluie américain

21 mars 2010 - A l'occasion du congrès annuel de l'American isreal public affairs committee (AIPAC) Obama - comme tous ses prédécesseurs et successeurs - n'a pas manqué de marquer son allégeance au lobby pro-israélien - Photo : Archives

Par Adnan Abu Amer

La guerre russo-ukrainienne a tiré des sonnettes d’alarme dans les hautes sphères d’Israël, soulevant des doutes croissants sur la capacité des États-Unis à rester un allié fiable.

L’Ukraine a été pour ‘essentiel laissée seule à se débrouiller avec Poutine… l’Iran fait ce que bon lui semble… et l’humiliation du retrait d’Afghanistan pèse lourd dans l’ambiance international. Le tout additionné, cela pousse les Israéliens à se demander s’ils peuvent faire confiance aux États-Unis en temps de guerre, ou si ceux-ci ont trop changé et sont maintenant trop faibles ?

Les Israéliens se demandent également quel rôle peuvent être joués par les États-Unis au cas où leur pays serait entraîné dans un conflit de grande ampleur. Un tel conflit verrait inévitablement des centres urbains attaqués, des installations et des infrastructures stratégiques endommagées et détruites, et un nombre très élevé de victimes.

Le chaos intérieur serait exacerbé par un probable soulèvement des citoyens palestiniens israéliens. Les événements de mai 2021 prendront l’air d’un jeu d’enfant en comparaison. Peut-on faire confiance aux États-Unis si un tel scénario devient réel ?

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a commencé lorsque Barack Obama était à la Maison Blanche , a continué sous son successeur Donald Trump et s’est intensifié sous le président Joe Biden. Les trois présidents s’accordent très probablement sur le fait que l’Amérique ne peut pas continuer à être le gendarme du monde, et ne le veut plus.

Les États-Unis changent et il y a moins d’engagement réel envers Israël, même parmi les Juifs américains. Et l’engagement des chrétiens évangéliques envers l’État d’occupation n’est plus ce qu’il était.

De plus, les États-Unis ont exposé leurs faiblesses pendant plusieurs décennies. En tant que président américain, Trump était contre l’OTAN et l’UE, et il y a quelques jours, il a qualifié Vladimir Poutine de génie. Sous son mandat, Washington a laissé la Turquie installer des troupes dans le nord de la Syrie tandis que les États-Unis abandonnaient leurs amis kurdes.

Israël n’a pas besoin des troupes américaines, mais il a besoin de leurs armes. Il a un appétit insatiable pour l’aide militaire américaine.

Néanmoins, les États-Unis hésitent à lui fournir la technologie nécessaire pour ravitailler les avions en vol au cas où Israël irait bombarder l’Iran. Washington ne fournit pas non plus aux Israéliens de les ainsi nommées « bombes anti-bunker », malgré les demandes répétées de Tel-Aviv.

Compte tenu d’une telle dépendance vis-à-vis des États-Unis, il est curieux que les experts militaires israéliens puissent estimer avoir de la chance de ne pas avoir d’alliance de défense avec les États-Unis ou l’OTAN.

Une telle alliance, disent-ils, imposerait à Israël des engagements dont il peut se passer, et pourrait limiter ses forces sur les hauteurs du Golan, par exemple, ou contre Gaza. Un aval américain pourrait être nécessaire avant toute opération militaire dans la région.

Les analystes en Israël considèrent les États-Unis comme un mur sur le point de s’effondrer. Beaucoup se souviennent également qu’en 1948, l’Amérique n’a pas aidé les gangs terroristes sionistes à occuper la Palestine et qu’en 1956, elle a forcé Israël à se retirer du territoire égyptien [du Sinaï], ce qui a finalement conduit à la guerre de 1967.

Bien que les États-Unis soient intervenus dans la guerre de 1973, Israël aurait pu faire plus par lui-même, estiment les analystes.

Lorsque Benjamin Netanyahou était Premier ministre en Israël, disent-ils, Washington a tenté de le forcer à se retirer de la majeure partie de la Cisjordanie et à envoyer des troupes dans la vallée du Jourdain. Et aujourd’hui, les États-Unis ont laissé leur allié Israël seul face à la présence militaire iranienne en Syrie.

Une telle analyse israélienne est difficilement crédible, car Washington est la bouée de sauvetage d’Israël, sans laquelle il serait exposé à tous les dangers. Nous ne devons pas sous-estimer la position des États-Unis au Moyen-Orient, car ils sont toujours le pays le plus puissant au monde et gratifient Israël de 3 milliards de dollars chaque année. Aucun autre pays n’égale son influence dans la région.

Il n’y a peut-être pas d’accord de défense entre les États-Unis et Israël, mais ils coopèrent sur les questions de renseignement et ignorent les frontières. Et les États-Unis ne partagent la recherche, la technologie et le savoir-faire militaire avec personne comme ils le font avec Israël, qui a même accès aux stocks de munitions américains.

Malgré cela, le sentiment général en Israël est que les États-Unis sont de moins en moins susceptibles d’utiliser leur puissance pour défendre l’État d’occupation.

Israël entretient des relations spéciales l’Europe et les États et en tire des privilèges à travers leur appartenance à l’OTAN, mais sa principale relation reste celle avec les États-Unis. Le travail du lobby pro-israélien est de s’assurer que les intérêts d’Israël priment à Washington et dans les autres capitales occidentales chaque fois que possible.

Les Israéliens savent que les États-Unis ont signé un accord avec l’Ukraine à Budapest en 1994, en vertu duquel Washington s’est engagé à prendre sa défense en cas d’attaque, après avoir vu Kiev abandonner ses armes nucléaires de l’ère soviétique.

Mais lorsque les dès ont été jetés, l’Ukraine a dû affronter la Russie seule. Les troupes américaines restent invisibles.

Dans le passé, il y avait un accord tacite entre les États-Unis et Israël selon lequel ce dernier traiterait les menaces à court terme venant des pays voisins, tandis que les États-Unis neutraliseraient les menaces majeures.

Les Américains ne semblent cependant pas respecter les règles, car les menaces auxquelles Israël pense est confronté, y compris la présence iranienne en Syrie, au Liban, en Irak et, dans une certaine mesure, à Gaza, rendent très complexe la distinction entre les problèmes à court terme et les problèmes majeurs. C’est une source de préoccupation pour Israël.

Même à une époque où les divergences entre Tel-Aviv et Washington étaient moindres, ce dernier n’a pas toujours pris sur lui de faire face aux menaces « majeures » auxquelles Israël était confronté. Les Israéliens se sont précipités pour détruire un réacteur nucléaire inachevé en Irak en 1981, et un autre en Syrie en 2007, parce que les Américains ne s’en souciaient guère.

Aujourd’hui, Israël considère l’Iran comme la menace à long terme la plus importante, ce qui pourrait l’obliger à prendre une sorte d’initiative militaire.

Mais malgré tout, les Américains semblent toujours détenir un droit de veto sur toute action israélienne contre l’Iran. Pas étonnant que les Israéliens mettent de plus en plus en cause leur confiance envers les États-Unis.

31 mars 2022 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine