Réconciliation palestinienne : toujours les mêmes vieux écueils

Photo : Ezz Al Zanoon/Activestills.org
Le poste frontière de Rafah - Photo : Ezz Al Zanoon/Activestills.org
Omar KarmiIl n’a pas fallu longtemps pour que les vieux obstacles bloquant la réconciliation entre le Hamas et le Fatah bloquent à nouveau toute idée de réconciliation.

Le vendredi 1er décembre aurait dû marquer la date du transfert du contrôle administratif à Gaza, du Hamas à l’Autorité palestinienne basée en Cisjordanie. Mais dans une déclaration conjointe et très sèche, ce mercredi, le Hamas et le Fatah ont déclaré qu’ils étaient d’accord pour reporter le transfert jusqu’au 10 décembre.

Cette décision est intervenue après que des employés en colère, engagés par le Hamas pour gérer la bande de Gaza, ont affronté mardi des employés de l’Autorité Palestinienne de Cisjordanie alors que ceux-ci tentaient de reprendre leurs anciens emplois après 10 ans d’absence. Ils avaient en effet reçu l’ordre de Ramallah de reprendre leurs anciens postes, qui peut être interprété comme une volonté de reprendre immédiatement le contrôle de Gaza.

Mais cela s’est fait sans un accord avec le Hamas et sans que l’on sache quoi faire avec toutes les personnes – entre 40 000 et 50 000 – qui ont été employés dans la décennie qui vient de s’écouler.

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Le sort de tous ces fonctionnaires est devenu une pierre d’achoppement majeure dans les négociations de réconciliation entre les deux factions. Et alors qu’une percée semblait avoir été atteinte en octobre, le diable, comme toujours, a été dans les détails délibérément laissés de côté.

Mais ce n’est pas la seule indication qu’un accord d’unité tant espéré a l’air d’être encore plus improbable.

Beaucoup de discussions, peu d’action

Cela fait maintenant plus d’un mois qu’un accord de réconciliation préliminaire entre les deux factions palestiniennes a été en grande pompe signé au Caire. Depuis lors, le peu qui s’est produit a principalement été à l’initiative d’un côté, le Hamas, et ce qui ne s’est pas fait a une signification beaucoup plus grande.

Ce qui s’est passé est ce qui suit : le Hamas a dissous le comité administratif créé au printemps pour administrer Gaza. Le Hamas a retiré ses agents des points de passage de Gaza pour permettre aux responsables de l’Autorité Palestinienne de Cisjordanie d’en prendre le contrôle. Le Hamas est en bonne voie de créer une zone tampon avec l’Égypte pour empêcher quiconque de se faufiler dans le Sinaï ou d’en sortir, en réponse à la pression égyptienne. Et enfin, le Hamas a arrêté des militants présumés salafistes à la demande du Caire.

Ce qui ne s’est pas passé est ceci : Abbas n’a pas levé les sanctions sur Gaza qu’il a imposées en avril en réponse à la mise en place du comité administratif du Hamas. Ces sanctions signifient que l’Autorité Palestinienne ne paie pas Israël pour l’électricité ou le carburant pour l’unique centrale électrique de Gaza. En moyenne, les Palestiniens de Gaza ne profitent que de quatre heures d’électricité par jour. Ces sanctions incluent aussi une réduction d’un tiers des salaires des fonctionnaires mentionnés ci-dessus, une source importante de revenus dans la bande de Gaza appauvrie. Et elles impliquent que le financement des médicaments et des soins de santé pour Gaza reste réduit.

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Le Hamas n’a quant à lui pas désarmé et ne va pas le faire. Ceci en dépit des exigences israéliennes que l’aile militaire du Hamas, les Brigades Qassam, soient dissoutes avant n’importe quelle négociation avec une représentation palestinienne unifiée, une demande devant laquelle Abbas semble apparemment se courber.

Ce qui importe vraiment

Ce qui n’est pas arrivé, c’est un changement de politique au terminal de Rafah vers l’Égypte. Depuis la signature de l’accord préliminaire le 12 octobre, le point de passage de Rafah a été ouvert pour trois jours seulement.

Et c’est la priorité la plus urgente pour tous. Deux millions de personnes à Gaza sont au bord d’une catastrophe humanitaire. Tous les principaux indicateurs – infrastructures en déliquescence, des eaux usées à la santé, au logement, à la pauvreté et au chômage, à la surpopulation et à l’isolement économique et physique – montrent que cette catastrophe dans Gaza ne tardera pas, si elle n’est pas déjà là.

La grande promesse de la réconciliation est qu’elle aura pour conséquence une ouverture sur le monde extérieur qui soulagera cette situation misérable, qui permettra aux personnes de se déplacer pour suivre un traitement médical, profiter d’opportunités d’emploi, d’éducation, ou simplement pour sortir et rapporter des matériaux nécessaires à la reconstruction du territoire assiégé et bombardé à plusieurs reprises par les Israéliens.

Pour cela, l’argent en théorie est là.

Ce qui dépend du Caire

L’ouverture de Rafah est une décision qui ne peut être prise qu’au Caire. L’Égypte a joué le principal rôle de médiateur entre le Fatah et le Hamas et répugnerait à voir les négociations échouer à ce stade. Mais le Caire a aussi ses propres intérêts, principalement en s’attaquant à ce qui est devenu une insurrection à part entière et mortelle dans le Sinaï . Il a demandé et reçu l’aide du Hamas dans ce domaine. Mais le Caire sait aussi que pour pouvoir compter sur une coopération qui dure, le Hamas ne veut qu’une chose en échange : une traversée ouverte.

Le Caire a essayé de se donner une dimension internationale avec l’accord d’unité. Le contrôle par l’Autorité palestinienne des points de passage de Gaza assurerait qu’Israël, dont l’objectif avant tout est de mettre le Hamas à genoux quel qu’en soit le coût humain, accepte de passer la main à des intervenants extérieurs.

Mais si Abbas se montre réticent ou incapable de parvenir à un accord d’unité réaliste, il y a une option de repli, l’accord que le Hamas a conclu avec le principal rival du Fatah d’Abbas, Muhammad Dahlan, qui a également promis une ouverture de Rafah.

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Cet accord a également été négocié par l’Égypte et séjourne dans les coulisses où Dahlan attend son heure. La dernière chose qu’Abbas veut voir, c’est voir revenir par la porte arrière et jouer le sauveur de Gaza un rival qu’il croyait avoir liquidé l’année passée.

L’Égypte préférerait aussi avoir Abbas aux commandes, ne serait-ce que pour la couverture qu’il fournit. Mais le président égyptien Abdul Fattah al-Sisi s’est montré disposé à suivre sa propre voie. Le Caire peut paver la route de Dahlan si nécessaire.

Et ça commence à paraître nécessaire. Moins il semble probable que le poste-frontière Rafah soit définitivement ouvert, moins le Hamas sera incité à jouer le jeu. Avec qui que ce soit. Et le Caire ne voudra pas, après tous ces efforts, revenir à la case départ dans ses relations avec Gaza.

1° décembre 2017 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine