Les drones israéliens font de Gaza un enfer

Pièces d’un drone « suicide » SkyStriker qui a tué sept membres de la famille Asaliyah dans le camp de réfugiés de Jabaliya le 17 avril 2025 – Photo : Mohammed Abu Mhadi

Par EuroMed Monitor

Ces derniers jours, l’armée d’occupation israélienne a intensifié son utilisation de drones quadricoptères comme outils d’intimidation psychologique, de surveillance et d’assassinat direct, en particulier dans les zones où des civils ont cherché refuge après avoir été déplacés de force du nord de Gaza.

Ce schéma ultra-répétitif semble viser à priver les populations de tout sentiment de sécurité et à transformer les zones de déplacement en pièges mortels.

De nombreux incidents ont été documentés dans lesquels des drones quadricoptères ont été utilisés pour diffuser des sons inquiétants et angoissants dans le but délibéré de semer la panique parmi les civils.

Dans d’autres cas, des drones quadricoptères ont pénétré dans des maisons bondées pendant la nuit, ont survolé les pièces, ont filmé des familles endormies, puis sont ressortis par les fenêtres, laissant derrière eux de profonds traumatismes psychologiques.

Ces incidents ne se sont pas produits à proximité de zones de combat ou de zones marquées pour évacuation. Ils ont plutôt eu lieu dans des quartiers densément peuplés, parmi les derniers espaces restants pour les civils à Gaza, tels que le sud d’Al-Rimal et le centre de la ville de Gaza.

Il s’agit de zones très restreintes, désormais bondées de centaines de milliers de personnes déplacées, contraintes de s’y réfugier après que les forces israéliennes ont pris le contrôle de près de 75 % de la bande de Gaza.

Semer la terreur et attirer les victimes dans des pièges mortels

L’équipe de terrain d’Euro-Med Human Rights Monitor a documenté les fréquents vols à basse altitude de quadricoptères israéliens, qui planaient délibérément devant les fenêtres, dans les couloirs des abris et au-dessus des tentes des personnes déplacées.

Les drones tournaient lentement avant de diffuser des sons inquiétants spécialement conçus pour terrifier et épuiser psychologiquement les civils.

Massacres par drones interposés

Il s’agissait notamment de bruits de chiens attaquant des enfants, de cris terrifiants d’enfants souffrants, de cris désespérés de personnes âgées et de femmes poussant des hurlements de douleur, accompagnés de sirènes d’ambulances incessantes destinées à suggérer que des massacres étaient en cours à proximité.

Il ne s’agissait pas de bruits aléatoires. Ils faisaient plutôt partie d’une tactique délibérée et à plusieurs niveaux visant à épuiser mentalement les civils, à les pousser à fuir et à les attirer simultanément dans des pièges mortels.

Les drones diffusaient des sons très spécifiques destinés à évoquer une peur primitive, incitant les civils terrifiés à s’approcher des fenêtres, des balcons ou à quitter leurs tentes, à la recherche de clarté ou d’une issue.

Dès qu’une personne apparaissait, le drone pouvait ouvrir le feu, transformant une réaction humaine instinctive en un acte meurtrier calculé. Le quadricoptère devenait ainsi une arme à la fois psychologique et physique.

Mohammed Salameh, un habitant d’Al-Rimal, dans le centre de Gaza, a déclaré à Euro-Med Monitor : « Il y a environ deux jours, vers 1 heure du matin, nous avons commencé à entendre des bruits horribles : des chiens attaquant des enfants, les cris des enfants, interrompus par les cris d’une femme âgée, puis à nouveau les cris des enfants qui se faisaient mordre. Cela a duré plusieurs minutes. Au début, nous ne pouvions pas identifier la source et nous avons failli aller aux fenêtres pour vérifier. Mais au dernier moment, nous avons réalisé que le bruit se rapprochait et s’éloignait. Puis nous l’avons vu : un drone quadricoptère qui planait juste devant la fenêtre. »

Il a ajouté : « Ces drones nous ont conditionnés à ne pas répondre aux appels à l’aide, car nous ne pouvons tout simplement pas savoir s’il s’agit d’une véritable urgence ou d’un piège destiné à nous attirer pour nous abattre. Nous sommes paralysés par le doute et la peur. »

Dans plusieurs cas, des quadricoptères ont envahi des maisons civiles, des tentes de personnes déplacées et des abris, profitant de la destruction de la plupart des fenêtres. Ils sont entrés dans les chambres à coucher pendant la nuit, ont survolé des familles endormies, les ont filmées, puis sont repartis.

Une femme de la ville de Gaza (dont Euro-Med Monitor tait le nom pour des raisons de sécurité) a raconté : « Je dormais avec mes enfants dans un appartement loué dans le sud d’Al-Rimal après la destruction de notre maison. Les fenêtres étaient cassées, nous les avions donc recouvertes de plastique. Cette nuit-là, j’avais soulevé un coin pour laisser entrer un peu d’air. Alors que nous étions allongés par terre dans le noir, j’ai entendu le bruit caractéristique d’un drone. J’ai ouvert les yeux et l’ai vu planer au-dessus de nous. J’ai paniqué, mais je suis restée immobile et j’ai murmuré la shahada, m’attendant à ce qu’il tire. J’ai continué à cligner des yeux et il est resté là, probablement en train de nous filmer, avant de sortir par la même fenêtre. »

Elle a conclu : « Même s’il n’a pas tiré, la peur était insurmontable. Maintenant, j’ai peur d’aller me coucher. J’ai peur de l’obscurité, des fenêtres, des portes, de toute ouverture vers l’extérieur. Je ne me sens plus du tout en sécurité. À tout moment, ces drones peuvent envahir nos maisons, nous filmer ou simplement ouvrir le feu. »

Dans plusieurs témoignages recueillis par Euro-Med Monitor, des Palestiniens ont déclaré que les bruits inquiétants émis par les drones quadricoptères israéliens pendant la nuit les terrifiaient « plus que les bombardements eux-mêmes », devenant une source d’angoisse « plus forte que la peur de la mort ».

La présence constante de ces drones entretient un sentiment incessant d’être surveillé, plongeant la population dans un état d’anxiété et de tension permanent au milieu d’un génocide qui, depuis 19 mois, les a privés de tout sentiment de sécurité.

Conséquences psychologiques et physiques à long terme

Malgré la réalité dévastatrice des frappes aériennes israéliennes qui larguent des milliers de tonnes d’explosifs et imposent une politique de famine systématique, l’utilisation de drones quadricoptères comme instruments de terreur, que ce soit par leur bruit inquiétant, leurs tirs à balles réelles, leurs largages de bombes ou leurs intrusions nocturnes dans les abris pendant que les civils dorment, a infligé de graves traumatismes psychologiques.

Ces tactiques ont profondément affecté la santé mentale individuelle et collective, exacerbant la peur chronique au sein de la population, en particulier chez les femmes et les enfants.

Le ciel n’a jamais été sûr

L’exposition répétée aux bruits soudains et perturbants des drones, ainsi qu’aux explosions assourdissantes des missiles israéliens et des dispositifs robotiques piégés, provoque une stimulation excessive et constante du système nerveux. Les survivants se retrouvent ainsi dans un état d’alerte et de peur permanent, qui épuise leur énergie physique et émotionnelle longtemps après la fin des bombardements directs.

La présence persistante des drones pendant la nuit, leur proximité des fenêtres et des toits, et les sons inquiétants et perturbants qu’ils émettent créent un sentiment permanent de danger imminent.

Cette terreur s’infiltre dans tous les aspects de la vie quotidienne, provoquant des épisodes de panique chez les individus et des communautés entières, en particulier dans les zones surpeuplées, les abris, les tentes de déplacés, les marchés et les points de distribution d’aide, où il n’y a nulle part où se cacher ou s’échapper.

Aggravation de la détresse psychologique

Le stress psychologique incessant subi pendant de longues heures chaque jour se manifeste par une grave détérioration neurologique et mentale qui prend diverses formes : insomnie chronique, cauchemars récurrents, crises émotionnelles soudaines, incapacité à se concentrer, comportement agressif et cycles de dépression profonde ou d’engourdissement émotionnel complet.

Ces effets sont particulièrement prononcés chez les groupes les plus vulnérables : les enfants, les femmes et les personnes âgées.

L’ensemble de la population de Gaza vit désormais dans un état de peur anticipée constant, qui affecte gravement son fonctionnement quotidien et sa stabilité mentale. On observe une augmentation marquée des symptômes psychologiques alarmants, en particulier chez les enfants, notamment l’énurésie, les crises de panique, les pleurs incontrôlables et les troubles de la parole et de la communication.

L’environnement sonore angoissant créé par ces quadricoptères a des effets particulièrement néfastes sur les enfants et les adolescents, car il nuit à leur capacité de concentration, entrave leur développement émotionnel et entraîne des troubles du comportement et des difficultés dans l’apprentissage.

Il favorise l’émergence d’une génération marquée par un traumatisme psychologique et social à long terme.

Les femmes, en particulier les mères, sont profondément affectées par leur sentiment d’impuissance face à la terreur persistante qui menace leurs enfants. Cela entraîne une profonde détresse psychologique.

Associé à l’effondrement des services de santé et à la malnutrition chronique, ce stress a contribué à une augmentation inquiétante des fausses couches. On a signalé une augmentation de 300 % des fausses couches depuis le début du génocide, ce qui constitue un indicateur alarmant des conséquences physiques et psychologiques cumulées sur les femmes vivant sous le siège et les agressions constantes.

Un outil conçu pour le génocide

L’utilisation par l’armée israélienne de drones quadricoptères à des fins d’intimidation et de ciblage direct de civils n’est pas aléatoire, mais s’inscrit dans un schéma documenté et répété.

Rien qu’en avril 2024, ces drones ont été utilisés dans le camp de réfugiés de Nuseirat et à de nombreuses autres occasions dans toute la bande de Gaza.

Après avoir pris le contrôle de facto d’une grande partie de Gaza et avoir émis des ordres de déplacement forcé touchant environ deux tiers du territoire, l’armée israélienne ne s’est pas contentée de déposséder les Palestiniens de leurs maisons. Elle les a poursuivis jusque dans l’étroite bande de terre où ils ont été déplacés de force, par des bombardements continus, des massacres et une terreur psychologique, notamment le déploiement quotidien de drones comme moyen de surveillance et de contrôle oppressif, envahissant tous les aspects de la vie civile et hantant les personnes déplacées dans leur sommeil, dans leurs abris temporaires.

Ces pratiques s’inscrivent dans une stratégie systématique et coordonnée de génocide. L’armée israélienne emploie des méthodes contraires à l’éthique et inhumaines contre la population civile de Gaza, causant des dommages physiques et psychologiques durables, dans le cadre d’une initiative délibéré visant à détruire le peuple palestinien en tant que groupe national.

Les forces d’occupation israéliennes ont délibérément réaffecté divers types de véhicules aériens sans pilote (UAV), y compris ceux initialement conçus pour la surveillance et la reconnaissance, à des fins offensives.

Ces drones sont d’abord utilisés pour recueillir des renseignements, puis pour mener des actes d’intimidation et cibler directement des objectifs civils, en violation flagrante et grave du droit international.

Bien que les drones ne soient pas intrinsèquement classés comme armes interdites par le droit international, leur utilisation est pleinement soumise aux règles du droit international humanitaire (DIH) régissant la conduite des hostilités.

Comme toute autre méthode de guerre, leur déploiement dans un conflit armé doit respecter des principes fondamentaux, notamment la distinction entre les cibles civiles et militaires, la proportionnalité dans l’usage de la force et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou minimiser les dommages aux civils avant de lancer une attaque.

Les « quadricoptères », une catégorie de drones développés par l’industrie militaire israélienne, se caractérisent par leur taille compacte (généralement moins d’un mètre de diamètre), leurs quatre rotors, leur facilité de programmation et leur commande électronique à distance. Ils sont équipés de diverses fonctionnalités tactiques.

La principale justification de l’utilisation des drones dans les conflits armés, telle que reconnue par les normes internationales, est de minimiser les pertes civiles. Ces technologies offrent des capacités avancées que l’on ne trouve pas dans de nombreux systèmes d’armes conventionnels, telles que la vidéosurveillance en temps réel, l’observation continue, le ciblage précis et la capacité de suivre des cibles mobiles avec rapidité et flexibilité.

Cependant, ces mêmes capacités révèlent l’utilisation délibérée par Israël de drones pour cibler des civils palestiniens dans la bande de Gaza.

La plupart des meurtres ont eu lieu dans des zones ouvertes où les combattants et les civils pouvaient être facilement distingués.

Les drones ont souvent survolé les lieux suffisamment longtemps pour recueillir des renseignements précis sur la situation au sol. De plus, l’utilisation de munitions de précision à basse altitude et à courte portée suggère que ces meurtres ont été commis en toute connaissance de cause et de manière intentionnelle, et non comme des dommages collatéraux ou le résultat d’une erreur de jugement.

Le rôle de l’Intelligence artificielle dans la campagne génocidaire israélienne

L’utilisation délibérée de drones pour diffuser des sons terrifiants afin d’intimider la population civile constitue une violation grave de l’article 33 de la quatrième Convention de Genève, qui interdit les punitions collectives et les actes de terreur contre les civils.

Ces pratiques, qui infligent un traumatisme psychologique profond, relèvent des moyens et méthodes de guerre interdits par le droit international humanitaire, car elles visent directement le bien-être mental et émotionnel des civils.

Ce schéma systématique de violence psychologique s’inscrit dans une politique plus large qui dépasse le seuil des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité et touche au cœur même du crime de génocide tel que défini à l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Plus précisément, le paragraphe b) criminalise le fait de « causer des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe », tandis que le paragraphe c) interdit « le fait de soumettre délibérément des conditions d’existence ou d’un traitement d’une nature telle qu’ils soient de nature ou de caractère de provoquer, avec intention de nuire, la destruction physique de tout ou partie du groupe ».

L’utilisation de drones à cette fin – comme outils pour terroriser la population, briser sa résilience psychologique et détruire son sentiment de sécurité – s’inscrit dans le cadre d’une campagne plus large de meurtres de masse, de blocus étouffant, de famine délibérée et d’appauvrissement forcé.

Ces actes reflètent clairement l’intention de détruire le peuple palestinien de Gaza en tant que groupe distinct.

Tous les États, individuellement et collectivement, doivent respecter leurs obligations juridiques et agir de toute urgence pour mettre fin au génocide en cours à Gaza par tous les moyens nécessaires. Cela implique notamment de prendre des mesures efficaces pour protéger les civils palestiniens, veiller au respect par Israël du droit international et des décisions de la Cour internationale de justice, et garantir que les crimes commis contre le peuple palestinien soient passés en jugement.

La communauté internationale doit imposer des sanctions économiques, diplomatiques, militaires et liées à l’armement à Israël en réponse à ses violations systématiques et flagrantes du droit international.

Cela comprend un embargo complet sur les armes, les pièces détachées, les logiciels et les biens à double usage ; la suspension de toute coopération politique, financière, militaire, en matière de renseignement et de sécurité ; le gel des avoirs des responsables politiques et militaires impliqués dans des crimes contre les Palestiniens ; l’application d’interdictions de voyager ; l’arrêt des activités des entreprises militaires et de sécurité israéliennes sur les marchés internationaux ; le gel de leurs avoirs financiers ; et la suspension des accords bilatéraux et des préférences commerciales qui profitent économiquement à Israël et lui permettent de continuer à commettre des crimes.

Les États dotés de lois sur la compétence universelle doivent délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre des responsables politiques et militaires israéliens impliqués dans le crime de génocide et engager des poursuites judiciaires à leur encontre, afin de s’acquitter de leurs responsabilités juridiques internationales en matière de répression des violations graves et de lutte contre l’impunité.

1er juin 2025 – Euromed-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine

Soyez le premier à commenter

Laisser une réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.