Gaza : Israël commet un massacre en bombardant des Palestiniens rassemblés dans l’attente de nourriture

Scène de détresse après un bombardement israélien sur des zones d'habitations dans la ville de Gaza - Photo : Mohammed Zaanoun / Activestills

Par Middle East Eye

Le 11 janvier, des chars et des drones israéliens ont ouvert le feu sur des Palestiniens qui attendaient des camions de nourriture dans la rue Al-Rasheed, tuant et blessant de nombreux civils.

C’était censé être un lieu où les Palestiniens déplacés dans le nord de la bande de Gaza se rassemblaient pour obtenir dls vivres dont ils avaient désespérément besoin.

Mais des témoins directs ont raconté à Middle East Eye comment, le 11 janvier, une grande foule qui attendait un camion de nourriture dans la rue al-Rasheed, a été la cible de tirs de l’armée israélienne, qui a fait des dizaines de morts et de blessés.

L’armée israélienne a bombardé la foule avec des tirs de chars et de drones [quadcoptères]. Muhammad Al-Salim, 27 ans, a été témoin du massacre et a déclaré à Middle East Eye qu’il avait vu des dizaines de corps éparpillés dans la rue.

« À 9 heures du matin, mes deux cousins et moi sommes allés dans la rue Al-Rasheed après que des habitants de notre quartier nous ont dit que des camions transportant de la farine allaient y passer », se souvient-il.

« Nous sommes arrivés à 10 heures parce que la plupart des rues étaient détruites et remplies de décombres, de sorte que les voitures ne pouvaient pas passer. »

« Lorsque nous sommes arrivés dans la rue Al-Rasheed, des centaines de personnes étaient déjà sur place. Alors que nous traversions le rond-point Nabulsi, un char de l’armée israélienne est apparu derrière une colline de sable et a commencé à tirer sur les gens au hasard. »

« Au même moment, des drones ont commencé à nous attaquer ainsi que les centaines de personnes, dont des enfants, qui se trouvaient autour de nous. »

Salim dit avoir vu deux filles devant lui touchées par des balles et les personnes en tête de la foule abattues par les chars et les drones.

Il ajoute qu’il a vu plus de 50 morts et blessés, et que des centaines de personnes dans la foule ont fui dans les rues étroites adjacentes à Al-Rasheed, pour éviter la grêle de balles et d’obus.

Malgré le massacre, Salim est retourné sur les lieux avec des dizaines d’autres personnes lorsque les camions d’aide sont finalement arrivés vers 11h30. Il a vu six camions au total, quatre transportant de la farine et des conserves, tandis que les deux autres transportaient des médicaments.

« Beaucoup de gens sont retournés attendre les camions comme nous l’avons fait, malgré leurs blessures et les cadavres autour de nous. Ils essayaient de monter dans les camions pour être sûrs d’avoir de la nourriture pour leurs familles », a-t-il déclaré.

« J’ai vu deux filles courir vers un camion pour prendre de la farine. Elles ont couru si vite qu’elles ont été happées sous le camion. Elles sont mortes sur le coup », a-t-il ajouté.

« La scène était horrible »

Le récit de Salim est également corroboré par d’autres témoins, notamment Ahmed Abed, 27 ans.

Le matin du 11 janvier, Abed et son frère se sont rassemblés avec un groupe de jeunes et se sont dirigés vers la rue Al-Rasheed à 7h30, après avoir entendu dire qu’il était possible de s’y procurer de la farine.

Il savait que c’était risqué, mais les camions de nourriture étaient plus abordables que la farine achetée sur place.

À l’instar de Salim, son voyage s’est transformé en drame lorsqu’il est arrivé au rond-point de Nabulsi.

Après avoir atteint ce point de repère près de la côte de Gaza, il a rejoint un grand groupe de personnes dont il a supposé qu’elles se dirigeaient également vers les camions d’aide.

« Soudain, sans provocation ni avertissement, des tirs ont commencé à provenir de l’endroit où les camions d’aide et de farine étaient censés arriver », se souvient-il.

« Au même moment, des drones sont apparus au-dessus de nous et ont commencé à nous tirer dessus, au hasard », a-t-il ajouté.

« La scènes était horrible, j’ai vu des gens se faire tirer dessus et tomber raides morts à côté de moi. »

Abed a déclaré qu’il pouvait entendre les balles siffler à côté de lui et même frapper le sol près de lui.

Il s’est dirigé vers les ruines des maisons situées le long de la rue Al-Rasheed, se faufilant entre les tas de décombres, incapable de penser à autre chose qu’à fuir les balles.

« J’avais tellement peur que j’ai oublié mon frère et les gens qui étaient avec moi. »

Après avoir continué à marcher pendant quelques centaines de mètres, il a réussi à se regrouper avec quelques-uns de ses amis et à retourner dans son quartier.

Son père attendait anxieusement, avec d’autres membres de la communauté, le retour des jeunes gens.

Deux membres du groupe d’Abed ont été grièvement blessés, l’un d’eux ayant reçu une balle dans le cou et l’autre dans la main.

« Nous cherchions de la farine », a dit Abed. « Je ne retournerai plus jamais chercher de la farine, même si je meurs de faim. »

Les tirs ont commencé soudainement

Pour les habitants de Gaza, la faim est désormais une réalité quotidienne et si aucune partie du territoire assiégé n’est à l’abri des attaques israéliennes, c’est pour les habitants du nord que la menace est la plus omniprésente.

Vivant au milieu des décombres et avec très peu à manger, ils doivent choisir entre rester dans leurs abris en espérant pouvoir faire durer la nourriture le plus longtemps possible, ou risquer la mort en s’aventurant à la recherche de camions d’aide.

Mahmoud Hamdi, 33 ans, vit avec sa femme et ses quatre enfants dans la ville de Gaza. Depuis le début de la guerre, ils ont été rejoints par les parents de Mahmoud Hamdi et par son frère et sa famille de trois personnes, car leurs maisons ont été détruites.

« Nous mangeons un repas par jour, principalement du riz ou des lentilles, afin de pouvoir faire durer les aliments que nous avons », a-t-il déclaré à Middle East Eye.

Lorsqu’il a appris que des camions d’aide humanitaire arriveraient près de la rue Al-Rasheed le 11 janvier, il a décidé de s’y rendre dans l’espoir d’y trouver des vivres.

“Je savais que la route pouvait être dangereuse, mais j’ai décidé d’y aller parce que je n’avais pas d’autre choix”, a-t-il déclaré.

“Mes enfants me demandaient constamment d’apporter de la nourriture et disaient à leur mère qu’ils avaient très faim. Je ne pouvais pas supporter de voir mes enfants souffrir de la peur et de la faim”.

Dans un premier temps, Hamdi s’est senti en sécurité en se joignant à la foule au rond-point Al-Nabulsi, pensant que les Israéliens ne tireraintt pas sur un tel rassemblement de civils. Mais les tirs ont commencé.

« J’ai vu beaucoup de gens se faire tirer dessus et tomber à terre, agonisant », se souvient-il.

« Il n’y avait pas d’ambulances dans les environs et personne ne pouvait rien faire parce que les tirs ont commencé soudainement et que les gens couraient totalement paniqués.

Hamdi raconte qu’il a vu des habitants, qui étaient arrivés avec des charrettes tirées par des ânes pour ramasser de la farine, utiliser leurs charrettes pour transporter les morts et les blessés loin de la fusillade.

D’autres, qui avaient des voitures, ont également utilisé leurs véhicules comme ambulances de fortune.

« Je me suis figé », a raconté Hamdi. « J’ai commencé à pleurer parce que je ne pouvais pas réagir ou m’enfuir. Je ne savais pas quoi faire. »

Lorsqu’il est parvenu à reprendre ses esprits, Hamdi s’est mis à courir, mais une balle lui a effleuré le pied.

Il a qualifié la blessure de « superficielle » et a continué à courir pour échapper aux tirs, alors que son pied saignait.

« Je suis rentré chez moi plus tard dans la journée sans avoir pu obtenir ni farine ni aucune autre nourriture pour mes enfants », a-t-il dit.

« Si j’avais su qu’apporter de l’aide signifierait un massacre, je n’y serais jamais allé. J’ai remercié Dieu d’avoir pu rentrer cette fois-ci. »

11 janvier 2024 – Middle East Eye – Traduction : Chronique de Palestine