Qui est Mohammad Deif, le cauchemar de l’État génocidaire ?

Graffiti et dessin glorifiant la résistance, sur un mur à Gaza - Photo: Michael Loadenthal, via peopledispatch.org

Par Al-Mayadeen

Même si rien ne laissait présager qu’il deviendrait un génie militaire, Mohammad Deif a grandi comme beaucoup d’autres Palestiniens sous l’occupation israélienne, dans des conditions qui ont fait de lui le dirigeant qu’il est aujourd’hui.

Le nom de Mohammad Deif n’est pas étranger aux gros titres et aux débats dans les médias à l’époque où il a coordonné et porté ce qui est sans doute le coup le plus dévastateur à l’occupation israélienne depuis sa création, l’opération Déluge al-Aqsa, donnant l’espoir aux Arabes et à tous les peuples épris de justice qu’ « Israël » n’est pas l’entité invincible qu’il a toujours proclamé être.

S’il fait profession depuis des décennies de trouver des failles dans la dissuasion imposée par l’occupation israélienne, on sait peu de choses sur le dirigeant de la Résistance. Il a pourtant fait grimper le Hamas en tête de liste des menaces pesant sur l’existence même de l’occupation israélienne, grâce à ses prouesses stratégiques et à sa patience admirable, qui ont permis à la cause palestinienne de bénéficier d’un soutien mondial et régional plus important que jamais dans le passé.

Jeunes années

Mohammad Masri, plus connu sous le nom de Mohammad Deif, le chef de l’aile militaire du Hamas, les Brigades al-Qassam, est né en 1965 dans le camp de réfugiés de Khan Younis à Gaza, dont la création résulte de la Nakba palestinienne de 1948.

23 mai 2024 – Cette vidéo comprend des images de captifs israéliens tués par les raids aériens sionistes sur Gaza, sans que leurs noms soient divulgués. Le Hamas a appelé les familles des prisonniers israéliens à demander à Netanyahu et à sa clique leur identité, soulignant qu’ils disposent de toutes les informations.

Sa famille a été déplacée de force du village d’al-Qubayba, comme des centaines de milliers d’autres personnes qui ont été contraintes de chercher refuge ailleurs à la suite des massacres perpétrés par les gangs sionistes pendant la « catastrophe ».

Même si rien ne laissait présager qu’il deviendrait le cerveau militaire qu’il est aujourd’hui, Deif a grandi, comme beaucoup d’autres Palestiniens déplacés par l’occupation israélienne, dans un environnement désastreux et sans ressources, sa famille ayant été contrainte de construire comme refuge, une cabane en tôle dans le camp de réfugiés, une situation qui allait radicaliser de nombreux dirigeants de la résistance palestinienne.

À l’âge de deux ans seulement, le pays de Deif a été ravagé par l’occupation israélienne, qui a occupé la bande de Gaza pendant la guerre de 1967 et a ensuite soumis tous les réfugiés qui avaient fui sa brutalité à un régime militaire direct, détenant, arrêtant et même exécutant toute personne qu’ils jugeaient un tant soit peu « suspecte », selon leur définition de la suspicion, ce qui a façonné le jeune dirigeant de la Résistance en devenir qui a grandi environné d’enlèvements et d’exécutions sommaires aux mains d’une force d’occupation qui ne connaissait pas de freins.

En témoigne le fait qu’à quelques mètres de là vivaient certaines des personnalités palestiniennes les plus notables, dont le dirigeant du Hamas Yahya al-Sinwar et l’ancien dirigeant du Fatah à Gaza, Mohammed Dahlan, avec qui Deif a grandi en tant qu’ami.

Deif a grandi en poursuivant ses études et en aidant son père, qui était tapissier dans un camp de réfugiés nouvellement établi et très pauvre, sous le régime militaire, ce qui n’offrait pas beaucoup de perspectives d’un avenir fructueux. Cela n’a pas empêché Deif d’avoir de bonnes ambitions et de poursuivre des études scientifiques à l’université islamique de Gaza, où il a étudié la physique, la chimie et la biologie.

Il a également emprunté un chemin que personne n’attendait pour devenir le responsable de l’une des organisations de la Résistance les plus renommées au monde, alors qu’il a dirigé le comité pour l’organisation de divertissements de l’université et s’est produit dans de nombreuses comédies.

Débuts en politique et emprisonnement

À l’époque, Mohammad n’était affilié à aucune organisation politique, mais ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne rejoigne le mouvement de résistance Fatah, l’une des deux seules organisations de résistance en Palestine à l’époque.

Bien que l’on ne sache pas exactement quand il a rejoint le Fatah, il a probablement été influencé par son ami d’enfance, Mohammad Dahlan, pour rejoindre l’organisation à une époque où elle était encore engagée dans la résistance armée contre l’occupation israélienne.

23 mai 2024 – Vidéo montrant la mort d’un soldat israélien aux mains d’un tireur d’élite palestinien

Il est resté membre du Fatah pendant de nombreuses années, mais on sait peu de choses sur son activité à l’époque, jusqu’à ce qu’il rejoigne le mouvement Hamas pendant la première Intifada, qui a débuté en 1987 et qui a été marquée par la violence extrême exercée par l’occupation israélienne à l’encontre des Palestiniens.

Les forces d’occupation israéliennes ont arrêté Deif en 1989, peu après qu’il ait rejoint le Hamas. Il a été détenu sans procès sous l’accusation de coopérer avec l’aile militaire du Hamas, ce qui lui a valu de passer 16 mois en prison. Il a finalement été libéré après avoir refusé de coopérer avec les forces d’occupation israéliennes ou d’admettre les charges retenues contre lui.

Deif a ensuite été arrêté par l’Autorité palestinienne en mai 2000, mais il a retrouvé la liberté au début de la deuxième Intifada, qui a marqué un tournant dans le développement des capacités du Hamas, le groupe de résistance ayant mené une série d’opérations qui ont coûté des centaines de vies à l’occupant israélien.

L’occupation israélienne était loin de se douter que son séjour en prison dans les années 90 conduirait à la création de ce qui deviendrait plus tard les Brigades al-Qassam.

Propulser al-Qassam au premier plan

Deif a convenu avec les martyrs Zakaria Chourbaji et Salah Shehade de former un groupe indépendant du Hamas pour capturer des soldats israéliens afin de les échanger contre des détenus palestiniens et de forcer l’occupation israélienne à faire des concessions.

Sa libération après sa détention en 1989 a coïncidé avec l’émergence des Brigades al-Qassam – nommées d’après le cheikh Ezzeddine al-Qassam, l’un des principaux dirigeants de la lutte arabe pour l’indépendance contre la domination des Britanniques et des Français au Levant – en tant que force de premier plan dans la lutte palestinienne pour la libération.

Les Brigades nouvellement créées avaient fait la une des journaux pour la série d’opérations menées contre les forces d’occupation israéliennes.

À la lumière de l’importance acquise par cette organisation de la Résistance, Deif, avec plusieurs commandants d’al-Qassam, s’est rendu en Cisjordanie occupée, où il est resté pendant plusieurs années et a supervisé la création de la branche d’al-Qassam en Cisjordanie avant de devenir le premier responsable des Brigades d’al-Qassam en 2002.

En tant que premier dirigeant, Deif a orchestré de nombreuses opérations réussies contre les forces d’occupation israéliennes, notamment la capture du soldat israélien Nachshon Wachsman, dont la mort lors d’échanges de tirs a perturbé les négociations de l’accord d’Oslo en cours entre l’occupant israélien et l’Organisation de libération de la Palestine.

Le peuple palestinien et la Résistance se sont fortement opposés à ces négociations, car des pourparlers de « paix » avec une force d’occupation ne pouvaient être considérés comme une option légitime de libération et n’auraient conduit qu’à une plus grande subjugation.

À la suite de l’assassinat, en 1996, de Yahya Ayyash, figure emblématique de la Résistance, un éminent chef militaire surnommé « l’ingénieur » pour sa contribution au développement des capacités de fabrication d’engins explosifs improvisés de la Résistance, Deif a planifié une série d’opérations de la Résistance en représailles à son assassinat.

25 mai 2024 – « Lors d’une opération complexe menée samedi après-midi, nos combattants ont poussé une force sioniste dans un tunnel du camp de Jabalia et leur ont tendu une embuscade dans le tunnel et à son entrée », a déclaré le porte-parole de la résistance. Par la suite, les Brigades al-Qassam ont diffusé une vidéo montrant un soldat israélien dont le corps a été traîné dans un tunnel.

Deif a joué un rôle clé dans le développement de l’armement et des tactiques du Hamas, notamment son flux apparemment ininterrompu de roquettes et son vaste réseau de tunnels, qui ont laissé l’occupant israélien désemparés malgré les mois passés sur le terrain dans la bande de Gaza.

Cette situation l’a placé en haut de la liste des personnes recherchées par l’occupation israélienne, et son rang n’a fait que croître avec le temps, au fur et à mesure que ses contributions à la cause augmentaient.

Une vie dans l’ombre

Il n’est pas du tout étrange que l’on sache peu de choses sur les débuts du chef de la Résistance, car il n’aspirait pas à la célébrité, passant son temps dans l’ombre à développer le Hamas pour qu’il devienne la force avec laquelle il faut compter aujourd’hui.

Aujourd’hui encore, seules deux ou trois photos de lui ont fait surface, car il cherche à dissimuler le plus possible sa vie, ce qui est une question de vie ou de mort en raison de l’acharnement de l’occupant israélien contre lui.

En arabe, Deif signifie « invité », ce qui résume assez bien la façon dont il vit depuis des décennies, revenant à ses racines nomades levantines et se déplaçant rapidement d’un endroit à l’autre sans laisser de traces afin d’échapper aux forces d’occupation israéliennes, ce qui l’a rendu d’autant plus populaire en tant que héros entouré d’une mystique sans pareille.

Il était si mystérieux que le journaliste israélien Shlomi Eldar, qui a interviewé de nombreux membres du Hamas, estime que l’agence de renseignement israélienne Shin Bet « ne le reconnaîtrait pas si elle le croisait dans la rue ».

Deif n’est jamais apparu dans les médias et la seule photo connue de lui jusqu’à il y a quelques mois remontait au 14 mai 2000, probablement une photo d’identité prise lors de son arrestation par l’Autorité palestinienne.

Les forces d’occupation israéliennes ont publié il y a quelques mois une nouvelle image de celui qu’elles prétendent être Deif, mais cette information n’a pas été confirmée.

Jusqu’en décembre 2023 et jusqu’à ce jour, Deif n’a communiqué avec le reste du monde que par le biais de déclarations écrites, de vidéos où il est masqué, ou d’enregistrements vocaux, comme celui où il a annoncé le lancement de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » le 7 octobre.

Son secret et son haut professionnalisme ont empêché les forces d’occupation israéliennes de le retrouver jusqu’à présent.

Tentatives d’assassinat

Il va sans dire que toutes ces précautions ont une raison d’être, car Deif, l’un des hommes les plus recherchés par l’occupation israélienne, a fait l’objet d’une multitude de tentatives d’assassinat, la dernière datant de 2023.

Au total, Deif a fait l’objet de neuf tentatives d’assassinat, dont cinq seulement ont été déclarées.

La première a eu lieu avant qu’il ne prenne la tête des Brigades al-Qassam en 2001, et la seconde, la plus célèbre de toutes, en 2002, lorsque les forces d’occupation israéliennes ont lancé une attaque directe sur sa voiture, et que des images vidéo de la scène ont montré Deif couvert de sang et porté au loin.

Il y a eu deux autres tentatives en 2003 et 2006, lorsque les forces d’occupation israéliennes ont bombardé à chaque fois des maisons abritant une réunion des principaux dirigeants du Hamas.

Il a réussi à maintenir ses activités dans la clandestinité pendant huit ans, travaillant dur à l’abri des regards de l’occupation israélienne.

En 2014, lors de l’assaut israélien sur Gaza, les forces d’occupation israéliennes ont tenté de l’assassiner en lançant une attaque aérienne sur une maison du quartier de Sheikh Radwan à Gaza. [Il a alors perdu son épouse et ses deux enfants, une fillette de deux ans et un garçon de 7 mois.]

Il a été désigné comme « terroriste » par les États-Unis un an plus tard, en 2015.

Après six autres années passées dans l’ombre sans qu’ « Israël » ne puisse l’atteindre, les forces d’occupation ont tenté d’assassiner le responsable militaire deux fois en une semaine en 2021, lors de la bataille de Seif al-Quds, mais les deux tentatives ont échoué.

L’année 2023 a également été marquée par ce qui aurait pu être deux tentatives d’assassinat ; « aurait pu » en raison du fait que la maison du père de Deif a été la cible d’une frappe aérienne israélienne en octobre, tuant son frère et deux autres membres de la famille, mais il n’est pas clair si cette frappe aérienne visait à assassiner Deif ou s’il s’agissait simplement d’un acte de vengeance aveugle mené par l’occupation israélienne à la suite de l’opération « Déluge al-Aqsa », qui a eu lieu quelques jours seulement avant la frappe.

La deuxième tentative d’assassinat de 2023 a eu lieu plus tôt dans l’année et a été révélé dans un rapport exclusif obtenu par Al Mayadeen. Le 23 mai, des informations ont commencé à circuler selon lesquelles le Times of Israel citait un tweet posté par le chef du Shin Bet disant que l’agence de renseignement avait gaspillé une « prise précieuse » dans la bande de Gaza.

Il s’est avéré que cette information n’avait pas été publiée dans le Times of Israel. Elle a été publiée sur de nombreux autres sites web avant d’être retirée.

Les forces de sécurité palestiniennes à Gaza ont détecté des mouvements suspects cette nuit-là dans une zone située à l’ouest de la ville de Gaza, et il a été communiqué par radio que deux civils se déplaçaient à pied près d’un point de sécurité important, ont déclaré des sources de la Résistance palestinienne à Al Mayadeen la nuit où l’article a été diffusé.

Les forces d’occupation israéliennes ont écouté la conversation entre les membres de la sécurité palestinienne. Une unité des forces [palestiniennes] de sécurité est arrivée sur les lieux, et sa conversation radio avec les autres agents de la police palestinienne a été suivie de près par les forces israéliennes.

Après délibérations entre ces autres agents et l’unité, il a été révélé qu’il y avait deux individus dont les codes d’identification indiquaient qu’ils faisaient partie du cercle rapproché du commandement du Hamas. Il s’agissait de Mohammad Deif et d’une autre personne.

Quelque 90 secondes après l’échange des codes d’identification, pas moins de 20 drones ont envahi l’espace aérien de la zone, mais aucune frappe n’a eu lieu, les forces d’occupation israéliennes n’ayant pas réussi à localiser le commandant de la branche armée du Hamas.

Cependant, au lieu de permettre aux Israéliens de réaliser une « prise précieuse », cela a rendu leur objectif d’assassiner Deif encore plus difficile à atteindre, car cela a renforcé la prudence des dirigeants de la Résistance.

En effet, depuis l’incident, le responsable du Hamas, Yahya Sinwar, s’est abstenu de rencontrer en personne tout invité arabe ou étranger qui se rend dans la bande de Gaza, se contentant d’échanger des lettres avec eux afin d’éviter un scénario similaire à celui de l’assassinat du martyr Ahmad Jaabari.

Les conséquences

Alors que l’occupation israélienne a échoué à maintes reprises pendant plus de deux décennies à assassiner l’un des principaux dirigeants de l’axe de la résistance, les tentatives d’assassinat auraient eu des effets secondaires dévastateurs sur la santé de Deif.

La tentative d’assassinat de 2006 aurait conduit Deif à passer plusieurs mois en Égypte pour se faire traiter à cause de graves blessures à la tête subies lors d’une des attaques, l’obligeant à prendre quotidiennement des tranquillisants pour atténuer les maux de tête chroniques que cette blessure a provoqués.

En outre, on pense qu’il a, au cours des tentatives d’assassinat ratées, perdu un œil et subi de graves blessures à plus d’un membre, ce qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant.

Aucune de ces affirmations n’a été étayée par l’occupant israélien ni confirmée par le mouvement de résistance Hamas. Les images non attestées de décembre 2023, mentionnées ci-dessus, montrent cependant Deif utilisant normalement ses deux bras et ses deux jambes et marchant sans grande difficulté, à l’exception d’une légère claudication.

L’homme qui a fait bouger le monde

Bien qu’il soit né dans la misère, qu’il ait grandi dans des conditions difficiles et sous un régime d’occupation brutal, Mohammad Deif, à l’instar d’un petit nombre de personnes qui ont réussi à devenir des dirigeants de l’axe de la résistance, a réussi à faire quelque chose de lui-même et de la cause palestinienne, transformant celle-ci en une cause essentielle pour le monde entier, ou du moins pour ceux qui veulent la justice.

L’impact de Deif sur le monde, et plus encore sur la Palestine, est énorme, car les opérations massives menées par le Hamas sous son commandement ont mis la cause palestinienne sous les feux de la rampe à maintes reprises au fil des ans, lui donnant une place prépondérante sur la scène internationale, en particulier les deux batailles les plus récentes du Hamas, la bataille de Seif Al-Quds et l’opération Déluge al-Aqsa, qui ont toutes deux provoqué un tollé dans le monde entier, laissant le chant de la libération de la Palestine résonner dans tous les coins du monde, sans exception.

Les répercussions des contributions de Deif se feront sentir pendant des siècles, et lui, non seulement en tant que commandant militaire mais aussi en tant qu’icône palestinienne entourée de mysticisme, presque comme un héros populaire, vivra à jamais dans l’esprit des occupants israéliens, car ses actions finiront, que ce soit aujourd’hui ou dans des décennies, par conduire à la libération de la Palestine.

Il aura jeté les bases d’un vaste mouvement de résistance qui, avec l’aide d’acteurs régionaux clés tels que le Hezbollah libanais, Ansar Allah au Yémen et la République islamique d’Iran, déracinera l’entité coloniale malveillante d’ « Israël » de l’Asie occidentale et rétablira l’identité arabe de la Palestine en tant que nation souveraine dont la capitale est sans équivoque al-Qods.

16 mai 2024 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine