
6 septembre 2025 - Taha Abu Labda, 18 ans, a perdu la vue après avoir été touché directement aux yeux par un sniper israélien alors qu'il tentait de secourir un homme blessé gisant au sol. Transporté d'urgence à l'hôpital Al-Nasser de Khan Yunis, dans la bande de Gaza, les médecins n'ont pas pu sauver sa vue en raison de l'effondrement du système de santé sous le siège israélien - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par Anas Abu Samhan, Asem Alnabih
Au cœur meurtri de la ville de Gaza, où l’air est chargé du chagrin d’une perte incessante et du fragile élan de défiance, Asem Alnabih émerge comme la voix inflexible d’un peuple qui refuse d’être effacé.
En tant que porte-parole du comité d’urgence de la municipalité de Gaza, Alnabih assume la lourde tâche de rendre compte des ravages catastrophiques causés par l’idéologie violente et destructrice du sionisme, une doctrine qui a déclenché une destruction impitoyable, brisant des vies, des foyers et des rêves avec une cruauté calculée.
Sans se laisser décourager, la municipalité travaille sans relâche pour tracer la voie à suivre, élaborant une vision de la reconstruction fermement ancrée dans les priorités et la résilience des Gazaouis eux-mêmes, déterminés à reconquérir leur avenir sur les cendres de l’oppression.
Créée en 1893, la municipalité de Gaza est l’une des plus anciennes institutions gouvernementales locales de Palestine. Elle est chargée de fournir des services publics essentiels, notamment l’approvisionnement en eau, l’assainissement, l’entretien des infrastructures et les interventions d’urgence.
Asem Alnabih est membre de la municipalité depuis 2003. Au cours de décennies de bouleversements politiques, de conflits répétés et de crises telles que la pandémie de COVID-19, la municipalité est restée un pilier essentiel du soutien aux habitants de Gaza.
Le génocide en cours a posé un défi sans précédent en raison de son ampleur, de sa durée et de son niveau de destruction. En réponse à la destruction catastrophique causée par les bombardements continus, la municipalité de Gaza a déclaré l’état d’urgence et a immédiatement lancé son plan d’intervention d’urgence en temps de guerre.
Quatre priorités principales ont été identifiées pour soutenir la population touchée et maintenir les services essentiels : l’approvisionnement en eau, la collecte des déchets, la gestion des eaux usées et la réouverture des routes principales visées par les frappes aériennes afin de permettre l’accès d’urgence et d’atteindre les établissements de santé.
Cependant, ces efforts ont été sévèrement limités par la destruction des équipements lourds nécessaires aux opérations de déblaiement. La municipalité de Gaza a subi des dommages considérables en raison des attaques délibérées contre ses infrastructures et ses installations vitales.
Les destructions touchent 81 % des routes, 75 % des puits, 110 000 mètres de canalisations d’eau, huit stations de pompage des eaux usées et plus de 30 bâtiments administratifs.

21 août 2025 – Des destructions massives sont visibles depuis un avion de l’armée jordanienne qui largue de l’aide au-dessus de la bande de Gaza ravagée par les bombardements israéliens. Presque toutes les villes, villages et terres agricoles de Gaza ont été détruits par la guerre génocidaire menée par Israël dans la bande de Gaza. On estime qu’environ 80 % des bâtiments de Gaza ont été complètement détruits ou gravement endommagés, et que 90 % de la population est déplacée. L’ampleur et le rythme de la destruction des bâtiments dans la bande de Gaza sont parmi les plus graves de l’histoire moderne – Photo : Faiz Abu Rmeleh / Activestills
En outre, 200 000 mètres de réseaux d’eaux pluviales et d’égouts ont été endommagés, plus de 55 000 arbres ont été déracinés et des espaces publics clés, notamment des centres culturels, des installations pour enfants, des parcs, le front de mer et des places publiques, ont été gravement touchés.
Ces attaques ont aggravé les crises environnementales et sanitaires à Gaza : environ 250 000 tonnes de déchets recouvrent désormais la ville, de grandes quantités d’eaux usées ont contaminé la mer et les zones urbaines, et le bassin de Sheikh Radwan est sur le point de déborder, ce qui représente un risque sérieux d’inondation.
L’accumulation et la combustion des déchets ont aggravé la pollution atmosphérique et déclenché des épidémies, en particulier chez les enfants, tandis que la propagation rapide d’insectes et de rongeurs aggrave les menaces pour la santé publique.
Malgré ces immenses défis, la municipalité de Gaza continue de fonctionner avec détermination et des ressources limitées.
Au cours des premiers mois de la guerre, seuls 100 employés municipaux – ingénieurs, techniciens, ouvriers et opérateurs – ont assumé le poids des interventions d’urgence. Ce nombre est depuis passé à 250, soit seulement 15 % de la main-d’œuvre d’avant-guerre.
Ces équipes, travaillant avec un équipement minimal, ont rétabli des services essentiels, sauvé des vies et fourni de l’eau à des centaines de milliers de personnes. Leur dévouement reste une source d’espoir vitale pour une population qui a enduré près de deux ans de guerre incessante et la mission se poursuit : soulager les souffrances et reconstruire l’avenir.
Anas Abu Samhan interviewe ici Alnabih au sujet de la situation dans la ville de Gaza et de la reconstruction future de Gaza.
Cette interview a été transcrite et éditée pour plus de clarté et de concision.
En tant que membre clé et porte-parole du comité d’urgence de la municipalité de Gaza, pouvez-vous décrire votre rôle dans la gestion des destructions causées par Israël avant et après le plan d’occupation approuvé le 8 août 2025 visant à prendre le contrôle militaire de la ville de Gaza, et comment le comité travaille à préparer le terrain pour l’avenir ?
En tant que porte-parole de la municipalité de Gaza, j’ai la responsabilité d’être la voix de mon peuple auprès du monde extérieur, de documenter les destructions et de veiller à ce que l’histoire de Gaza ne soit pas passée sous silence.
La destruction de la ville de Gaza s’inscrit dans une stratégie qui vise non seulement à occuper le territoire, mais aussi à effacer la vie civile de Gaza. Il s’agit d’une tentative de démanteler les dernières structures palestiniennes et de transformer Gaza en une ville invivable.
Malgré les dommages importants causés aux infrastructures, nous avons continué à préparer le terrain pour les projets futurs. Ce travail constituera la base de la reconstruction.
Lorsque les armes se tairont, les acteurs internationaux proposeront des calendriers et des programmes de reconstruction, mais nous voulons nous assurer que les Gazaouis eux-mêmes aient un plan, une vision fondée sur nos propres priorités et non imposée de l’extérieur.
Vous avez décrit des quartiers, tel Shuja’iya, comme des endroits où « il ne reste plus pierre sur pierre ». Pouvez-vous nous donner un aperçu de l’ampleur des destructions à Gaza, en particulier depuis l’escalade des hostilités en mars 2025 et de leur impact sur la vie quotidienne ?
La destruction à Gaza est stupéfiante, au-delà des mots. À Shuja’iya, mon propre quartier, je décris la situation avec sincérité lorsque je dis : « Il ne reste plus pierre sur pierre ». Les maisons de familles entières, y compris les appartements de mon père et de mes sœurs, ont disparu. L’invasion de mars 2025 a intensifié la destruction à des niveaux que nous n’avions jamais connus auparavant.
Les marchés autrefois animés par le commerce sont réduits en ruines. Les écoles qui accueillaient des milliers d’enfants ne sont plus que des tas de béton tordu. Les hôpitaux, les mosquées, les universités et les bâtiments municipaux ont été délibérément pris pour cible. Les cimetières débordent ; de nouvelles tombes sont creusées dans les terrains de jeux, les rues ou les terrains vagues.
Cette dévastation a bouleversé la vie quotidienne. Les familles vivent dans des tentes ou dans les ruines de bâtiments à moitié détruits. Les femmes cuisinent sur des feux alimentés par des déchets plastiques, les hommes récupèrent du bois dans les décombres pour réchauffer leurs enfants et les enfants étudient à partir de vieux cahiers et de bouts de papier dans des écoles de fortune installées dans des tentes.
Ce qui a été perdu, ce n’est pas seulement les infrastructures, mais aussi l’identité, le tissu social unique de quartiers comme Shuja’iya, Jabalia et Rafah. La ville est démembrée et ses habitants sont contraints de réinventer chaque jour leur survie.
Destruction des infrastructures essentielles
Avec 81 % des installations publiques d’approvisionnement en eau et d’assainissement inaccessibles au 1er août 2025, comment la destruction des infrastructures hydrauliques a-t-elle affecté l’accès à l’eau potable et quelles sont les conséquences immédiates pour les Gazaouis ?
L’eau est source de vie et l’eau de Gaza a été militarisée ou transformée en arme. 75 % des puits de la ville ont été détruits par Israël et de nombreuses installations sanitaires sont hors service, laissant près de 1 million de personnes à Gaza sans accès fiable à l’eau. De plus, sans carburant, même les installations qui ont survécu ne peuvent pas pomper l’eau vers les foyers.
L’impact est dévastateur. Les familles rationnent chaque goutte : les habitants disposent de moins de 5 litres par jour pour boire, cuisiner, se laver et tous les autres besoins quotidiens de base, ce qui est bien en dessous des normes internationales qui prévoient un minimum de 100 à 120 litres par jour et par personne.
La destruction des canalisations a également laissé des zones entières à sec pendant des semaines. Plus de 110 000 mètres de réseaux d’eau ont été détruits dans la ville de Gaza. Les gens font la queue pendant des heures devant des puits cassés ou attendent des camions-citernes qui, souvent, ne viennent jamais. Certains collectent l’eau de pluie dans des seaux, même si elle n’est pas potable.
La crise de l’eau est désormais l’un des tueurs silencieux à Gaza, une soif imposée à toute une population.
L’effondrement des systèmes d’assainissement a entraîné l’inondation des rues par les eaux usées, les maladies d’origine hydrique représentant désormais 44 % des consultations médicales à Gaza. Quel a été l’impact de cette destruction sur la santé publique et l’environnement, et quels sont les dommages spécifiques aux infrastructures d’assainissement qui posent le plus de difficultés ?
Si l’eau est source de vie, la gestion des eaux usées est source de santé et Gaza a été privée des deux. 70 % des stations de pompage des eaux usées et des stations d’épuration de Gaza ont été détruites ou mises hors service. En conséquence, d’énormes quantités d’eaux usées brutes sont déversées quotidiennement dans les rues, les terres agricoles et la mer.
En se promenant dans Gaza aujourd’hui, on ne peut pas l’ignorer : des ruisseaux d’eaux usées traversent les camps de déplacés et les quartiers en ruines. Les familles les traversent quotidiennement pour aller chercher de l’eau, les enfants jouent à côté parce qu’ils n’ont nulle part ailleurs où aller et l’odeur imprègne l’air.
La réparation des égouts nécessite des pompes, des canalisations, des stations d’épuration et, surtout, du carburant, autant d’éléments que nous ne sommes pas autorisés à faire entrer.

« Les autorités israéliennes ont délibérément créé des conditions de vie visant à causer la destruction d’une partie de la population de Gaza, en privant intentionnellement les civils palestiniens de l’enclave d’un accès adéquat à l’eau », écrit HRW. « Ce faisant, les autorités israéliennes sont responsables du crime contre l’humanité d’extermination, et d’actes de génocide » – Photo : Nations Unies
Notre municipalité creuse des canaux temporaires pour détourner les déchets des abris, mais ce ne sont que des pansements sur un système en ruine. Les égouts ne constituent pas seulement une crise de santé publique, ils sont une atteinte à la dignité humaine.
La gestion des déchets solides s’est effondrée en raison des installations endommagées et des pénuries de carburant. Pouvez-vous décrire l’étendue des dégâts causés aux systèmes de gestion des déchets et comment cela contribue aux conditions de vie invivables que vous avez soulignées dans vos messages ?
Avant la guerre, la ville de Gaza produisait environ 700 à 800 tonnes de déchets solides par jour. Les équipes municipales les collectaient avec des ressources limitées, déjà en difficulté sous le siège. Aujourd’hui, avec 85 % des véhicules lourds bombardés et la pénurie de carburant, le système s’est presque effondré.
À la mi-2025, plus de 250 000 tonnes de déchets se sont accumulées dans les rues et les camps de Gaza.
Cet effondrement est plus qu’un simple désagrément, c’est une catastrophe. Les tas d’ordures deviennent des terrains propices à la prolifération des rats et des insectes. Combiné aux inondations d’eaux usées, le risque de maladies se multiplie. Les enfants jouent à côté des déchets en décomposition, les familles mangent et dorment à leur ombre, et l’air lui-même est pollué par les déchets brûlés. Les dommages environnementaux s’aggravent chaque jour.
La gestion des déchets est l’un des indicateurs les plus simples d’une vie normale dans une ville. Aujourd’hui, Gaza n’est même plus en mesure d’assurer cette fonction. La principale décharge est inaccessible et le blocus empêche l’importation de pièces de rechange pour les compacteurs ou d’équipements de protection. Dans certains quartiers, les familles brûlent leurs déchets afin d’en réduire le volume.
Lorsqu’une ville ne peut pas gérer ses déchets, elle n’est plus viable. Gaza est contrainte à l’invivabilité, non seulement par les bombes, mais aussi par l’effondrement de tous les systèmes qui soutiennent la vie.
La destruction des maisons, des écoles et des marchés a entraîné le déplacement de plus de 75 % de la population de Gaza. Comment cette dévastation généralisée a-t-elle affecté le tissu social et la résilience communautaire que vous soulignez souvent ?
La destruction des maisons, des écoles et des marchés a déplacé plus de 75 % de la population de Gaza. Ce déplacement massif a brisé le tissu social traditionnel. Des familles qui vivaient côte à côte depuis des générations sont désormais dispersées dans des tentes et des abris. Les rues qui portaient autrefois l’histoire et la mémoire ont été effacées.
Pourtant, au milieu de cette dévastation, il y a aussi de la résilience. Les familles partagent leur dernier morceau de pain, les voisins mettent en commun leur eau et les jeunes créent des salles de classe improvisées sous des bâches afin que les enfants puissent continuer à apprendre.
Mais l’impact à long terme est profond. Lorsqu’un quartier comme Shuja’iya est rasé, ce ne sont pas seulement les murs qui s’effondrent, mais aussi la mémoire collective de ses habitants : la vie partagée des marchés, des mosquées et des maisons d’enfance. Ces pertes sont irremplaçables. La reconstruction des maisons ne permettra pas de restaurer ce qui a été perdu en termes d’identité et de continuité.
C’est pourquoi la destruction à Gaza doit être comprise non seulement comme physique, mais aussi comme culturelle et sociale, comme un démantèlement de l’existence même d’un peuple.
Défis actuels dans un contexte de destruction
Vous avez fait remarquer que l’aide récente ne suffirait pas à nourrir un quartier pendant quelques jours. Comment la destruction des voies d’approvisionnement et des marchés, combinée au blocus, a-t-elle entravé la distribution et la disponibilité des denrées alimentaires ?
La famine est bien réelle. Je la vois de mes propres yeux et je la ressens dans mon estomac. Même après l’arrivée de quelques camions d’aide, leurs provisions sont loin d’être suffisantes. Les camions qui sont arrivés la semaine dernière, par exemple, n’ont pas pu fournir ne serait-ce qu’une journée complète de repas à la population de Gaza. L’aide parachutée suffit souvent à nourrir un seul quartier pendant une seule journée.
La destruction des routes, des marchés et des entrepôts rend la distribution presque impossible. Le blocus fait en sorte que le peu de nourriture qui arrive est irrégulier. Les familles survivent grâce au thé avec du sucre, aux conserves périmées ou au pain fait à partir de pâtes moulues et de lentilles lorsque la farine vient à manquer.
Les marchés qui fonctionnent encore regorgent de produits hors de prix. Un kilo de riz ou de farine se vend à un prix que la plupart des gens ne peuvent pas se permettre après 22 mois de guerre. Certaines personnes échangent leurs biens contre de la nourriture. La faim n’est plus seulement l’absence de nourriture, mais l’effondrement de tout un système alimentaire.
Cette famine n’est pas accidentelle, elle est orchestrée. En détruisant les routes, en empêchant les importations et en attaquant les convois d’aide humanitaire, Israël a transformé la nourriture en arme de guerre.
Avec plus de 61 500 Palestiniens tués et une augmentation vertigineuse des décès liés à la malnutrition depuis octobre 2023, comment la destruction des établissements de santé a-t-elle exacerbé les crises de santé publique, en particulier pour les groupes vulnérables comme les enfants ?
La mort ne vient pas seulement des bombes, elle vient de l’effondrement des services de santé et des services civils. Les hôpitaux sont détruits ou débordés. Les opérations chirurgicales de base ne peuvent être effectuées. Les médicaments sont pratiquement inexistants.
La malnutrition est désormais la principale cause de mortalité, en particulier chez les enfants. Sans lait maternisé, les bébés meurent de faim. Les femmes enceintes ne peuvent pas bénéficier de soins prénataux. Les patients atteints de cancer ne sont pas traités, les patients atteints d’insuffisance rénale ne peuvent pas bénéficier de dialyse et les blessures s’infectent faute d’antibiotiques.
Les groupes les plus vulnérables, à savoir les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées, sont les plus touchés.
Il ne s’agit pas seulement d’une crise sanitaire, mais d’un démantèlement délibéré de la capacité de Gaza à soigner sa population.
Comment la destruction des infrastructures municipales et les hostilités en cours ont-elles remis en cause la capacité du comité d’urgence à maintenir les services de base et la gouvernance ?
La municipalité de Gaza fonctionne dans des conditions qu’aucune municipalité ne devrait jamais avoir à affronter. 90 % des équipements municipaux sont endommagés ou détruits.
L’approvisionnement en carburant est bloqué. Le personnel est épuisé, certains sont déplacés, blessés ou tués. Pourtant, nous essayons toujours de maintenir les services de base malgré les dégâts importants et les ressources très limitées.
Efforts en vue de la reconstruction
Quelles mesures immédiates le comité d’urgence prend-il pour remédier à la destruction des infrastructures essentielles, telles que les réseaux d’eau et d’égouts, malgré les restrictions imposées depuis octobre 2023 sur l’importation de matériaux tels que les tuyaux et le carburant ?

Des Palestiniens, transportant le peu d’effets personnels qui leur reste, tentent de fuir vers des zones plus sûres pour échapper aux attaques israéliennes contre le camp de réfugiés de Jabalia, à Jabalia, dans la bande de Gaza, le 30 mai 2025 – Photo : Ahmed Jihad Ibrahim Al-arini – Agence Anadolu
Même assiégés, nous travaillons à la reconstruction. La municipalité de Gaza recense toutes les installations endommagées et cartographie les endroits où les canalisations peuvent être réparées.
Mais le blocus est déterminant. L’importation de matériaux de réparation, de tuyaux, de ciment ou d’une quantité suffisante de carburant a été interdite. Sans ces matériaux, les réparations sont impossibles. Ce que nous faisons actuellement n’est pas de la reconstruction, mais plutôt de tenir bon jusqu’à ce que la véritable reconstruction puisse commencer.
Vous avez contesté les rapports affirmant que la reconstruction de Gaza pourrait prendre des décennies, arguant qu’avec l’ouverture des frontières et le rétablissement des échanges commerciaux, les Gazaouis pourraient reconstruire beaucoup plus rapidement si on leur en confiait la responsabilité. Pouvez-vous nous présenter la vision du comité d’urgence pour un processus de reconstruction mené par Gaza ?
Les rapports indiquent que la reconstruction prendra des décennies. Nous le comprenons, mais nous avons également certaines inquiétudes.
Pour être clair, la destruction à Gaza est inimaginable et considérable, et si aucune mesure concrète n’est prise pour lancer un plan de reconstruction efficace, la situation sera catastrophique.
Mais si nous entamons une véritable collaboration avec des experts locaux et internationaux, nous pourrions établir un plan qui accélérerait le processus de reconstruction. Et si les frontières étaient ouvertes et les échanges commerciaux rétablis, la reconstruction pourrait être rapide.
Les Gazaouis connaissent leurs propres priorités : le logement, les écoles et les hôpitaux. Les agences internationales peuvent jouer un rôle de soutien, mais la direction du projet doit être palestinienne. La reconstruction ne se résume pas à des briques, c’est un processus de développement et seuls les Gazaouis peuvent le mener à bien.
Nous avons les compétences, les ingénieurs, les constructeurs, le personnel municipal et les artisans. Ce qui nous manque, c’est l’accès à tout cela et les décisions politiques nécessaires.
Quels types de dommages aux infrastructures – tels que les 53 milliards de dollars estimés nécessaires à la reconstruction – sont les plus urgents à traiter et comment l’ouverture des frontières faciliterait-elle leur réparation ?
Les besoins les plus urgents concernent les véhicules lourds, les réseaux d’approvisionnement en eau, les générateurs, les pièces de rechange, le carburant et le matériel de réparation. Sans cela, aucun autre secteur ne peut fonctionner.
L’ouverture des frontières permettrait d’obtenir les éléments essentiels à la réparation. Elle permettrait également d’importer l’expertise et les pièces de rechange nécessaires au fonctionnement des installations municipales et des services de base.
Rôle de la communauté dans la reconstruction
Comment les communautés de Gaza, malgré leurs pertes, contribuent-elles aux efforts de reconstruction ou de nettoyage à petite échelle et quel rôle le comité d’urgence joue-t-il dans le soutien de ces initiatives ?
Malgré la dévastation, les communautés n’attendent pas. Les gens organisent des campagnes de nettoyage, construisent des écoles sous des tentes et partagent ce qu’ils ont. Les enfants écrivent sur des bouts de carton, les femmes organisent des cuisines pour nourrir des dizaines de familles et les hommes déblayent les décombres à la main.
La municipalité soutient ces efforts. C’est là que réside la force de Gaza : la résilience venue d’en bas, celle de personnes qui refusent de se laisser abattre par les décombres.
Selon vous, quelles compétences, ressources ou expertises locales les Gazaouis peuvent-ils exploiter pour reconstruire efficacement, comme vous l’avez suggéré dans vos critiques des calendriers de reconstruction externes ?
Les Gazaouis ont l’expertise nécessaire pour reconstruire. Nos ingénieurs, ouvriers, techniciens, constructeurs et employés municipaux ont des décennies d’expérience de travail sous le siège. Mais cette fois-ci, c’est différent : toute la ville doit être reconstruite.
Nous avons donc besoin de matériaux, de frontières ouvertes et de liberté de mouvement. S’ils y avaient accès, les Gazaouis pourraient reconstruire plus rapidement que n’importe quel entrepreneur extérieur, car il s’agit de notre terre et de notre survie.
Un dernier message que vous souhaitez adresser au monde ?
Au monde entier : Gaza n’est pas seulement des décombres ou des statistiques, c’est des gens. Des gens qui veulent vivre libres, qui enseignent aux enfants sous des tentes, qui enterrent leurs morts et continuent de croire en la vie.
Nous ne demandons pas de pitié. Nous demandons justice. Mettez fin au siège. Arrêtez la destruction. Ouvrez les frontières. Laissez-nous reconstruire nos maisons, nos écoles et notre avenir de nos propres mains. Gaza peut renaître mais seulement si le monde nous permet de vivre.
Auteur : Anas Abu Samhan
* Anas Abu Samhan est un écrivain, chercheur et traducteur palestinien originaire de Gaza. Il a traduit le livre Philosophy of Coffee (2020) et le roman Train to Pakistan (2021). Il est diplômé du programme de maîtrise en littérature comparée de l'Institut d'études supérieures de Doha.Anas travaille dans le domaine du développement de contenu en arabe et a publié des centaines d'articles en ligne dans divers journaux et magazines arabes
Auteur : Asem Alnabih
* Asem Alnabih est porte-parole de la municipalité de Gaza, ingénieur et chercheur doctorant actuellement basé à Gaza. Il a écrit pour de nombreuses plateformes en arabe et en anglais.
29 août 2025 – The Palestine Studies – Traduction : Chronique de Palestine – YG
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