
25 juin 2025 - Des membres éminents du Rassemblement national des tribus, clans et familles palestiniens sur la rue al-Rashid, dans le nord de Gaza - Photo : capture vidéo Abdel Qader Sabbah
Par Abdel Qadder Sabbah, Jawa Ahmad, Sharif Abdel Kouddous
Les responsables tribaux et communautaires de Gaza s’unissent pour sécuriser les convois humanitaires après que plus de 500 personnes ont été tuées dans des massacres quotidiens visant les convois d’aide.
GAZA CITY — Des clans, des tribus et des chefs communautaires influents de Gaza ont uni leurs forces pour lancer une initiative indépendante visant à protéger les convois humanitaires et à empêcher le chaos et le pillage.
Cette initiative intervient un mois après le lancement par les États-Unis et Israël d’un projet dit « de distribution d’aide » qui a permis aux forces israéliennes de tuer chaque jour des Palestiniens affamés qui tentaient désespérément d’obtenir de la nourriture pour nourrir leurs familles.
Depuis le début de cette mascarade de « distribution d’aide », les forces israéliennes ont tué au moins 549 personnes.
Mardi, le Rassemblement national des tribus, clans et familles palestiniens a convoqué une réunion à Gaza pour lancer cette initiative.
« Ces camions qui arrivent dans Gaza assiégée, affamée depuis 90 jours par notre ennemi, doivent parvenir à leurs destinataires légitimes, les personnes dans le besoin », a déclaré Abu Salman al-Mughni, un chef tribal.

Crédit vidéo : Abdel Qader Sabbah
« Ils ne doivent pas être remis à un groupe corrompu de voleurs et de marchands véreux qui les vendraient sur les marchés à des prix exorbitants que personne ne peut se permettre. C’est pourquoi les tribus, toutes factions confondues, se sont unies pour sécuriser ces camions, afin de garantir qu’ils parviennent aux entrepôts et soient ensuite distribués équitablement à toute notre population. »
Cette initiative a permis de sécuriser une rare livraison de dizaines de camions d’aide humanitaire de l’ONU qui sont entrés mercredi par le point de passage de Zikim, ont traversé sans incident la rue Rashid, une route côtière, et sont arrivés aux entrepôts de l’ONU où les gens faisaient la queue pour recevoir l’aide.
Les tribus et les chefs communautaires ont empêché la foule de s’approcher de la zone traversée par les camions en érigeant une série de barricades et en formant des chaînes humaines.
Des hommes associés aux tribus sont montés sur les camions, certains armés de bâtons, d’autres de fusils, pour escorter les camions jusqu’aux entrepôts.
Ce processus contrastait fortement avec les scènes précédentes où, en l’absence de tout système de distribution, des milliers de personnes désespérées se sont ruées sur les convois humanitaires, et les soldats israéliens ont ouvert le feu sans discernement, assassinant chaque jour des dizaines de Palestiniens.
« Nous conseillons à tout le monde de prendre fermement position auprès de leurs fils et des jeunes pour les empêcher de se diriger vers ces pièges mortels », a déclaré Abu Samed Abu Rawaa, un autre chef tribal impliqué dans cette initiative, à Drop Site.
« Nous sommes le bouclier protecteur. Tout le monde doit comprendre que c’est l’occupant qui cherche à semer le chaos, ce sont eux qui veulent que notre peuple apparaisse ainsi… pour le présenter comme barbare. »
La figure la plus en vue à Gaza accusée d’avoir pillé des camions d’aide humanitaire est Yasser Abu Shabab, un homme de 32 ans qui a déjà été emprisonné à Gaza pour trafic de drogue.
Abu Shabab est aujourd’hui à la tête d’un groupe puissamment armé appelé « Anti-Terror Service », armé par l’armée israélienne [tout en étant soutenu apparemment par l’Autorité de Ramallah – NdT] et accusé d’avoir pillé des convois d’aide humanitaire.
Plutôt mourir de faim que de mendier de l’aide aux criminels de la GHF
Dans leurs déclarations, les chefs tribaux et claniques ont cité Abu Shabab nommément, avertissant que toute personne associée à lui serait sévèrement punie.
« [Israël] a soutenu Abu Shabab, cet homme déshonoré et condamné, afin de répandre la corruption dans le pays », a déclaré le Dr Alaa El-Din Al-Aklouk, membre éminent du Rassemblement national des tribus, clans et familles palestiniens.
« Certains de nos fils et membres de notre famille ont rejoint Abu Shabab et courent partout pour recruter des gens. Vous, les hommes, devez conseiller à vos fils et à vos jeunes de rester loin de ce germe immonde créé par l’occupation. »
Faisant écho aux commentaires des responsables israéliens, Shabab a accusé le Hamas d’avoir pillé des camions d’aide humanitaire sans fournir aucune preuve, une affirmation que l’ONU et les organisations internationales ont également démentie.
Quelques heures après le lancement mercredi de l’initiative tribale et communautaire visant à sécuriser les convois d’aide, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Israel Katz ont publié une déclaration commune accusant le Hamas d’avoir volé l’aide et ont ordonné à l’armée israélienne de l’empêcher.
En réponse, le Bureau des médias du gouvernement à Gaza a déclaré que le gouvernement israélien « propageait des mensonges » afin de « légitimer le maintien du blocus, la famine et l’empêchement de l’aide humanitaire ».
« Cette tragédie est pour qui ? »
Le 2 mars, Israël a imposé un blocus total sur Gaza, interdisant l’entrée de nourriture, de fournitures médicales, de carburant et d’autres biens humanitaires pendant près de trois mois, le plus long blocus total depuis le début de l’attaque génocidaire d’Israël.
Le blocus israélien a conduit toute la population de Gaza au bord de la famine, avec des enfants mal nourris mourant de faim.
Le 27 mai, la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), soutenue par les États-Unis et Israël, a commencé à distribuer une aide dérisoire par l’intermédiaire de quatre centres de distribution militarisés, trois dans des zones reculées du sud de Gaza et un près de Wadi Gaza.
Ce projet a été condamné par l’ONU et les organisations internationales, qui dirigeaient auparavant la distribution de l’aide à Gaza, comme une instrumentalisation de l’aide humanitaire.
Ce dispositif a contraint des milliers de Palestiniens désespérés à marcher pendant des heures sur de longues distances à travers les zones militaires israéliennes pour atteindre les centres.
Indépendamment du système de la GHF, un petit nombre de camions d’aide de l’ONU, transportant principalement de la farine, ont également été autorisés à entrer de manière sporadique. Selon l’ONU, la quantité totale d’aide distribuée est loin d’être suffisante pour éviter une famine massive.
Les troupes israéliennes ont tiré, bombardé et attaqué quotidiennement la foule avec des chars et des drones quadricoptères, tant à proximité des centres GHF que lorsque celle-ci se rassemblait près des camions d’aide humanitaire de l’ONU.
Au cours des quatre dernières semaines, au moins 549 Palestiniens ont été tués et plus de 4 066 blessés, selon le ministère de la Santé de Gaza, dans ce qui est désormais communément appelé les « massacres de l’aide humanitaire ».
Dans le même temps, l’organisation humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF) a qualifié le programme de distribution d’aide du GHF de « massacre déguisé en aide humanitaire » et a appelé à son « démantèlement immédiat ». Le groupe a déclaré vendredi dans un communiqué que la GHF « humilie délibérément les Palestiniens, les forçant à choisir entre mourir de faim ou risquer leur vie pour obtenir un minimum de provisions ».
La semaine dernière, la Maison Blanche et le département d’État ont autorisé une subvention de 30 millions de dollars de l’USAID au GHF, avec la possibilité d’une aide supplémentaire de 30 millions de dollars qui pourrait être versée chaque mois.
Le président exécutif de la GHF, Johnnie Moore, un chrétien évangélique et ancien conseiller de Trump, a rejeté toutes les critiques à l’encontre de GHF et a repris les arguments israéliens qui nient les massacres de civils par les troupes israéliennes dans ou à proximité des centres de distribution.
« Le soutien des États-Unis à cette initiative est la preuve qu’elle fonctionne, malgré une campagne de désinformation très délibérée et visant à faire échouer nos efforts », a osé prétendre M. Moore vendredi lors d’une interview télévisée sur Sky News. « L’armée israélienne est une armée professionnelle. Le Hamas fait délibérément du mal à la population dans le but de discréditer notre action. »
Ses commentaires ont été faits malgré les révélations publiées vendredi par Haaretz, qui ont confirmé ce que les Palestiniens de Gaza affirment depuis quatre semaines, à savoir que les soldats israéliens ouvrent le feu sur des Palestiniens non armés rassemblés près des sites de distribution de nourriture, même lorsqu’ils ne représentent aucune menace.
Dans le rapport, des soldats ont déclaré que les commandants israéliens avaient ordonné aux troupes de tirer sur les civils qui s’approchaient des sites d’aide avant leur ouverture ou après leur fermeture, à l’aide de mitrailleuses, de mortiers et de grenades.
Les soldats ont décrit des tirs à balles réelles systématiques, y compris à partir de chars, et ont déclaré que ces meurtres n’étaient pas des erreurs isolées, mais faisaient partie d’un plan baptisé « Opération Poisson salé », la version israélienne du jeu « Feu rouge, feu vert ».
« Nous tirons, ils courent, nous tirons à nouveau », a déclaré un soldat. « C’est notre mode de communication. »
L’association des chefs tribaux et communautaires a déclaré qu’elle poursuivrait ses efforts pour protéger et organiser l’aide limitée qui est autorisée à entrer à Gaza.
« Nous nous engageons à soutenir notre peuple pendant ce siège injuste », a déclaré al-Mughni. « Chaque jour, nous perdons 40 ou 50 martyrs. Pour qui cette tragédie ? Et à quel prix ? Nous devons mettre fin à cette destruction. »
* Abdel Qadder Sabbah est journaliste et vidéographe dans le nord de la bande de Gaza. * Jawa Ahmad est chercheur sur le Moyen-Orient auprès de Drop Site News.Auteur : Sharif Abdel Kouddous
* Sharif Abdel Kouddous est un journaliste indépendant qui a réalisé des reportages dans le monde arabe, aux États-Unis et à l'international. Il a reçu un prix George Polk pour son enquête sur l'assassinat de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh, un Emmy Award pour sa couverture de l'interdiction de voyager pour les musulmans décrétée par l'administration Trump, et un Izzy Award pour sa couverture de la révolution égyptienne de 2011. Son travail a été publié et présenté dans The Nation, Washington Post, Los Angeles Times, Foreign Policy et Democracy Now.
Auteur : Abdel Qadder Sabbah
Auteur : Jawa Ahmad
27 juin 2027 – Drop Site News – Traduction : Chronique de Palestine
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