Le droit à la terre, le droit à la vie !

Photo : Mohammed Salem
Le Dr. Mousa Abu Marzouq, Membre du bureau politique du mouvement Hamas - Photo : Mohammed Salem
Dr. Mousa Abu MarzouqSept décennies après la Nakba, les Palestiniens ne veulent rien de plus que retourner dans leur pays et vivre de façon digne, écrit le Dr Mousa Abu Marzouq.

Deux millions de Palestiniens dans la bande de Gaza sont lentement étouffés. Plus de 40% des habitants de Gaza sont sans emploi; il n’y a pratiquement pas d’économie; il n’y a pas d’électricité; l’eau est imbuvable et le système médical s’est effondré. C’est l’occupation israélienne qui est responsable des souffrances des Palestiniens à Gaza en raison de son blocus vieux de 11 ans imposé sur l’enclave côtière.

Depuis 2007, après la victoire du Hamas aux élections qui s’étaient déroulées sous supervision internationale, Israël a conservé le contrôle absolu sur le mouvement des personnes et des biens à travers l’espace aérien, les eaux territoriales et les frontières terrestres de Gaza. Ce blocus soumet la population de Gaza à une punition collective, en complète violation du droit international.

Confrontés à une telle oppression et au silence du monde face aux crimes de guerre israéliens, les Palestiniens de Gaza n’ont d’autre choix que d’élever la voix pour protester. Soixante-dix pour cent de la population de Gaza est composée de réfugiés, ou de descendants de réfugiés, qui ont été violemment expulsés de leur patrie en 1948 pour faire place à l’État sioniste. Les Israéliens célèbrent cet accaparement des terres comme un jour d’ “indépendance”, mais pour les Palestiniens, c’est la Nakba (catastrophe).

Nous, les Palestiniens, n’avons jamais été autorisés à retourner sur nos terres, malgré la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies nous garantissant ce droit inaliénable. Dans l’État d’apartheid israélien, les Palestiniens sont dépouillés de leur humanité et leur identité réduite à celle de “menace démographique”.

Depuis le 30 mars, des milliers de Palestiniens participent à la Grande Marche du Retour (GMR), envoyant un message unifié à Israël et au monde : Nous avons le droit de retourner dans notre patrie qui nous a été volée en 1948. Nous avons le droit de nous déplacer librement, d’avoir de l’électricité, de voyager, de travailler.

A travers le mouvement GMR, les Palestiniens revendiquent non seulement le droit au retour, mais aussi le droit de vivre !

La Grande Marche n’est pas dirigée par le Hamas; elle est inspirée et dirigée par les Palestiniens. C’est l’incarnation de la résistance populaire palestinienne impliquant des jeunes, des femmes et tous les Palestiniens qui refusent fermement de collaborer avec les occupants, d’accepter l’occupation israélienne et de se soumettre à l’apartheid sioniste. Ils ripostent, armés seulement de leurs droits et du droit international.

La GMR montre également que le peuple palestinien est déterminé à imposer sa liberté, son indépendance et son droit de retourner dans les villages et les villes d’où il a été chassé il y a 70 ans.

Ces manifestations ont également montré au monde la brutalité du gouvernement d’occupation israélien. Les forces israéliennes utilisent des jeeps et des drones pour tirer du gaz lacrymogène sur les ambulanciers, les infirmiers et les enfants. Des dizaines de tireurs d’élite armés de balles explosives internationalement interdites ont été stationnés le long de la clôture de séparation, ciblant et tuant des manifestants non armés comme Mohammed Ibrahim Ayoub, âgé de 15 ans, et Yaser Murtaja et Ahmed Abu Hussein, des journalistes.

Les balles israéliennes ont, jusqu’à présent, tué 50 [plus de 100] Palestiniens et blessé plus de 7000 [10 500] personnes au cours des six dernières semaines.

En tuant et en blessant à une telle échelle, Israël avait espéré que les manifestations cesseraient, que les protestations diminueraient et finiraient par disparaître. Ce n’était pas le cas, et la résistance populaire s’intensifiera à l’approche du 15 mai, le 70e anniversaire de la Nakba.

Comme le gouvernement sud-africain de l’apartheid, Israël justifie ses décennies de terrorisme d’État en diabolisant les légitimes mouvements de résistance, en particulier le mouvement Hamas. Le Hamas n’a été créé qu’en 1987. Qu’est-ce qui explique alors le nettoyage ethnique des Palestiniens depuis 1948 ? Qu’est-ce qui explique les colonies de peuplement israéliennes, les démolitions de maisons, les déplacements forcés, l’usage disproportionné de la force, la détention sans procès, l’arrestation sans procès, le refus d’entrée, les confiscations de terres et les restrictions de mouvement ?

Israël ne peut plus rationaliser son oppression des Palestiniens en accusant les Palestiniens qui ne font qu’exercer leur droit naturel et internationalement reconnu de résister.

La GMR est un tournant, tout comme le massacre de Sharpeville en 1960 a été un tournant dans la lutte de libération de l’Afrique du Sud. À Gaza, le monde voit le régime militaire de l’apartheid tuer des manifestants non violents. Le monde n’a pas détourné le regard de Sharpeville et ne il devrait pas non plus détourner son regard de la Palestine occupée. L’appel palestinien pour la justice, la liberté et la dignité doit être entendu et respecté.

Soixante-dix ans après que des centaines de milliers de Palestiniens aient été forcés de se transformer en réfugiés à cause des massacres sionistes et de la violence, nous, nos enfants et nos petits-enfants restent fermes sur notre désir d’exercer notre droit de rentrer chez nous.

Pour les Palestiniens – et en particulier les réfugiés palestiniens – la Grande Marche du Retour représente une reconquête de notre dignité, et une annonce au monde que nous n’accepterons pas l’oppression de notre peuple. Nous continuerons à résister, l’occupation prendra fin et nous imposerons notre libération.

14 mai 2018 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine