14 mai 2018 : rires et liesse des occupants, pleurs et colère des occupés

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Petits fours et applaudissements pour les uns, sang et larmes pour les autres - Photo : réseaux sociaux

Par Daniel Vanhove

Date symbolique s’il en est, le 14 mai marque chaque année l’anniversaire d’accession au statut d’État du projet colonial sioniste.

Ses partisans fêtent cette année le 70è anniversaire de ce jour fatidique pour les Palestiniens, sacrifiés à cet effet par ce qu’ils commémorent de leur côté comme la Nakba (catastrophe) qui en réalité n’a jamais cessée et se poursuit chaque jour.

Cette année, le clou de cette farce amère a été le transfert de l’Ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem au cours de la journée. Les sionistes jubilent et pensent avoir gagné une étape importante dans leur visée obsessionnelle à s’accaparer le maximum de ce qui reste d’une Palestine en lambeaux. A vrai dire, et à bien y regarder, cette décision de l’administration américaine met à mal, ébranle, et fragilise un peu plus l’État “factice” [1] israélien puisqu’il s’inscrit une fois encore en opposition flagrante au Droit international et à la Résolution 181 du 29 novembre 1947.

En ce jour, les questions qu’il conviendrait de poser à tout vrai “démocrate” sont les suivantes :

– est-il décent de fêter avec faste les 70 années de négation d’un peuple que l’on a privé de ses terres par des méthodes brutales et meurtrières, et qui vit encore et toujours sous un système colonial oppressif ?

– comment se réjouir à propos d’un État “factice” qui s’est bâti sur le déni de son voisin en violation permanente du Droit international auquel nos États dits “démocratiques” se réfèrent dès que cela les arrange ?

– une telle situation sert-elle les bases d’une justice équitable pour tous comme elle devrait l’être ou perpétue-t-elle à l’inverse une justice à géométrie variable en fonction du plus fort ?

– combien de temps encore l’ainsi nommée “Communauté internationale” va-t-elle valider un État “factice” qui s’articule sur un apartheid d’une violence inouïe sans comprendre que cela mine les fondements mêmes de toutes les valeurs “démocratiques” qu’elle affirme pourtant mettre en œuvre à travers le monde ?

Ainsi, il y a le monde tel qu’il est, et celui que l’on fantasme, que l’on idéalise. Et qu’on le veuille ou non, il faut bien constater que le monde a toujours été dominé par les plus forts. C’est vrai dans le règne végétal comme le règne animal. Et malgré ce que d’aucuns aimeraient penser, c’est vrai aussi en ce qui concerne l’espèce humaine.

De nos jours, la plupart des individus ayant accès à l’instruction et aux moyens de communication peuvent voir et comprendre que le monde va mal. Et peut-être même, de plus en plus mal. Les dysfonctionnements sont nombreux et dans bien des cas, la raison en est une justice malmenée, bancale voire inexistante, malgré des juristes de plus en plus nombreux et des textes de loi de plus en plus détaillés. La différence avec le passé réside comme je l’ai souvent mentionné, dans les moyens de communication. Aujourd’hui on sait ce qui se passe quand il y a quelques décennies seulement, les mêmes événements se déroulaient sans que personne n’en soit informé, à part ceux qui étaient aux manœuvres. Les méfaits n’étaient ni plus ni moins graves, ils étaient tout simplement ignorés de la plupart. Et les voyous, les prédateurs, les criminels pouvaient agir dans l’ombre à leur guise.

A notre époque, presque chaque citoyen peut s’informer correctement s’il se donne la peine de chercher ce qu’il en est. Notre responsabilité personnelle en est donc changée, transformée. Ce qui nous échappait par le passé nous est désormais connu. Si cela peut paraître anodin, je pense que c’est tout l’inverse. De fait, nous ne pouvons plus dire que “l’on ne savait pas” ! Nous ne pouvons plus nous cacher, nous abriter derrière cet argumentaire quelque peu confortable : ce qui se passe dans quelque contrée ou pays lointain nous est connu. Et avec les moyens de communication – transports compris – même l’autre bout de la terre est à notre portée. Et ce qui est vrai pour les individus l’est d’autant plus pour les États. Aussi, si nous ne réagissons pas à ce que nous voyons comme injustices, comme crimes, comme infamies, nous en sommes désormais co-responsables pour ne pas dire dans certains cas, complices ! A. Einstein disait : “Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui regardent sans rien faire.”

Ce que l’on voit se dérouler depuis plusieurs semaines dans la bande de Gaza où des snipers israéliens surarmés tuent des manifestants pacifistes – handicapés, personnel médical, femmes et enfants compris – est une illustration du “terrorisme d’État” que représente ce criminel État “factice”, ivre de son impunité, composé d’assassins qui devront être jugés un jour devant une Cour internationale. Dans cette optique, tout État dit “démocratique” qui soutient cet État “factice” colonial israélien s’en fait le complice.

Et il faut bien comprendre la portée de ce que cela signifie : aujourd’hui, une telle attitude de nos gouvernements renverse les paradigmes et en fait ainsi des États complices de “terrorisme d’État” où chacun de nous se trouve pris à revers, malgré lui ! Par exemple, continuer à vendre des armes qui serviront à tuer des civils innocents n’est plus tolérable. Continuer à commercer avec des entreprises installées sur des terres volées ne l’est pas plus. Poursuivre des “Accords d’association” avec un gouvernement qui pratique l’apartheid ou maintient des enfants en prison n’est plus acceptable.

Nombre de citoyens l’ont bien compris qui se sont mobilisés à la demande des organisations palestiniennes, dans le mouvement pacifique BDS (Boycott, Désinvestissements, Sanctions). Il est regrettable que nos États qui se targuent à chaque occasion de leurs principes “démocratiques” ne suivent pas la même voie et ne contraignent ainsi l’État “factice” colonial israélien à se conformer au Droit international dont ils se prévalent pourtant. Cette attitude les met en contradiction flagrante avec ce qu’ils déclarent et sabrent dès lors les bases sur lesquelles ils se fondent. Rien d’étonnant qu’une telle attitude rendent les citoyens méfiants et considèrent leurs gouvernements comme imposteurs.

Tant que l’occupation illégale de la Palestine se poursuivra, la région du Moyen-Orient restera une épine vive dans le pied de nos États dits “démocratiques”. Aucune paix n’est envisageable tant que se poursuivra l’injustice d’un État colonial qui pratique l’apartheid. Ne pas vouloir le voir ni le comprendre relève d’un aveuglement grave de conséquences pour l’ensemble de la population de nos pays. Inutile dès lors de déclarer la mine grave en pointant certains citoyens – toujours les mêmes ! – ‘d’importer’ le conflit, nos autorités s’y emploient avec un zèle appliqué et en sont les premiers responsables !

Le monde nous paraît mal tourner parce que la majorité d’entre nous sommes de simples citoyens, animés encore d’un sentiment de justice que la plupart de nos élus n’ont plus. Ces derniers sont de plus en plus liés au grand capital qui étant parvenu par la puissance de l’argent à (presque) tout acheter, forment ensemble une oligarchie, pour le malheur des peuples. Ceux-là ne sont plus animés par la justice mais par une ingénierie financière qui maximise leurs profits. Et à ce jeu-là, ils n’en n’ont jamais assez, au point que l’on peut parler d’une vraie pathologie. Nous sommes dirigés par des gens dont on peut sans crainte affirmer qu’ils sont de vrais psychopathes, dans la mesure où tout ce qui pourrait entraver leurs privilèges et leurs profits jamais rassasiés est éradiqué de n’importe quelle manière, y compris violente si les faits le nécessitent, et tant à titre individuel que collectif. Un individu ou un État gênant n’est plus un problème. L’oligarchie aux commandes pense avoir les moyens de les éradiquer l’un comme l’autre.

Sauf qu’en Palestine, un peuple nous démontre qu’il n’en est rien. Un peuple résiste et malgré les multiples avanies, se dresse pour nous rappeler qu’il ne se soumet pas aux lois iniques du plus fort. Un peuple se tient debout malgré les tentatives de le coucher, de l’abattre, de l’éradiquer. Un peuple nous montre la voie de la dignité et de la justice que nos gouvernements ont perdues. Un peuple nous indique le chemin à suivre et son exemple n’aura de cesse d’empêcher tous ceux qui sont toujours animés de ce détestable esprit colonial de dormir tranquilles.

Aux dernières nouvelles, en ce vendredi 14 mai 2018 et suite à l’inauguration illégale de l’Ambassade américaine à Jérusalem, le bilan des victimes civiles palestiniennes en Cisjordanie et à Gaza dépasse le pire des scénarios. Ainsi, cet État colonial dégueulasse que certains fêtent à coups de petits fours et de champagne n’est non seulement “factice” mais est en plus “fasciste” ! A l’exact opposé de ce que certains qualifient de “seule démocratie au Moyen-Orient, dotée de l’armée la plus morale du monde” … à moins que, comme je l’écris ci-dessus, les paradigmes de nos “démocraties” aient gravement changé. Auquel cas, les citoyens toujours épris de civisme et du sentiment d’équité devront en tirer les conséquences et s’organiser comme les Palestiniens, dans une résistance plus dure pour l’avenir.

Note :

[1] Je parle d’un État “factice” dans la mesure où la Résolution 181 de l’ONU prévoyait explicitement le partage de la terre de Palestine historique en deux États, l’un juif et l’autre arabe. Comme ce dernier n’a jamais été reconnu par le premier, celui-ci est donc nul et non avenu, et la Palestine historique prévaut toujours dès lors que le Droit international n’a pas été reconnu ni appliqué par l’une des deux parties. A ce jour, l’État d’Israël est donc bien un État “factice” et d’ailleurs de nombreux États ne le reconnaissent pas.

a1* Daniel Vanhove est Observateur civil et membre du Mouvement Citoyen. Il a publié aux Ed. Marco Pietteur – coll. Oser Dire : Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos âmes – 2004 et La Démocratie mensonge – 2008


15 mai 2018 – Transmis par l’auteur