Jérusalem : contre les attaques racistes, une Intifada du Ramadan

Al-Qods al-Araby - Un manifestant palestinien est maltraité par les troupes israéliennes d'occupation - Photo : via Qods News

Par Robert Inlakesh

Après qu’une foule de colons israéliens ultra-racistes se soit abattue sur la vieille ville de Jérusalem, attaquant les Palestiniens et menaçant d’entrer dans la mosquée al-Aqsa, les Palestiniens des territoires occupés se sont soulevés en solidarité avec les habitants de Jérusalem dans ce que l’on appelle «l’intifada du Ramadan».

Ce jeudi, ce qui a été décrit comme des «foules de lynchages» de colons israéliens, a déferlé dans les rues de Jérusalem en scandant «mort aux Arabes». Le regroupement raciste fait de centaines de personnes a tenté de forcer l’entrée de la vieille ville par la porte de Damas, mais a été accueilli par des centaines de Palestiniens qui se sont montrés prêts à protéger leurs biens et leurs domiciles et se sont affrontés aux colons.

Ceux-ci sont entrés plus tard dans la vieille ville, voulant s’introduire dans les maisons palestiniennes aux premières heures du jour et terrorisant les résidents.

Les groupes de colons n’ont pas été stoppés mais plutôt protégés par la police israélienne d’occupation, qui rapidement s’en est violemment pris aux Palestiniens avec des tirs balles d’acier recouvertes de caoutchouc, des balles réelles, des policiers anti-émeute à cheval, des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes.

Cela a entraîné une escalade dans les affrontements, qui ont ensuite éclaté dans tout Jérusalem-Est occupée alors que les colons israéliens se déchaînaient dans les rues pour attaquer les Palestiniens, leurs maisons et leurs biens.


Commentaires et analyses par Ramzy Baroud et Romana Rubeo (The Palestine Chronicle)

Environ 100 Palestiniens ont été blessés à la suite des affrontements avec la police et de nombreux autres par la violence des colons, dont une femme âgée qui a été blessée à un œil après que des colons israéliens ont attaqué un bus en circulation.

Aux petites heures du vendredi matin, une tentative a été faite pour empêcher les fidèles palestiniens de se rendre à la mosquée al-Aqsa – le troisième site le plus sacré de l’islam – pour al-Fajr (la prière du matin). Mais des milliers de Palestiniens ont réussi à repousser les gardes israéliens et à entrer dans al-Aqsa.

La troisième Intifada ?

Les événements de Jérusalem ne se sont pas déroulés sans implications, provoquant une réaction collective dans tous les territoires palestiniens occupés en solidarité avec leurs concitoyens de Jérusalem. Les partis politiques palestiniens de tous les horizons ont condamné les actions d’Israël. Le commandement unifié des organisations armées de la résistance a également promis une réplique.

Les réponses aux attaques contre les Palestiniens et la vieille ville de Jérusalem ont pris toutes les formes. Au moins 15 endroits différents en Cisjordanie et à Jérusalem-Est sont devenus des lieux de protestation, beaucoup menant à des affrontements avec les forces d’occupation.

Des manifestations en Cisjordanie se sont déroulées dans les villes de Tulkarem, Naplouse, Al-Khalil, Ramallah, Al-Bireh, Jéricho, Bethléem, Qalqilya et Qalandia en solidarité avec Jérusalem. Umm al-Fahm situé à l’intérieur du territoire israélien [Palestine de 48] a également été témoin de manifestations de masse.

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A travers la bande de Gaza, des manifestations ont également eu lieu à Jabalia, dans la ville de Gaza, à Rafah, à Khan Yunis et ailleurs, des manifestants allant jusqu’à la clôture de séparation à l’Est. Les forces israéliennes ont tiré à balles réelles sur les manifestants la nuit, blessant trois personnes dans la région de Malaka.

Les Brigades Abu Ali Mustafa – branche armée du FPLP (Front populaire de libération de la Palestine) – ont de leur côté revendiqué des tirs de roquettes depuis Gaza en réponse à l’action d’Israël à Jérusalem. Au total, 36 roquettes ont été tirées sur Israël, de manière coordonnée, menant à des frappes aériennes israéliennes sur plusieurs sites à l’intérieur du territoire assiégé.

Au cours des deux jours de manifestations et rien qu’à l’intérieur de Jérusalem, les forces israéliennes d’occupation ont arrêté environ 100 Palestiniens et en ont blessé 450, selon des médias locaux.

Ce que la presse occidentale refuse de voir

Ce qui se passe, à la suite des attaques contre les habitants palestiniens de Jérusalem, ne doit pas être considéré comme une simple réaction à la foule raciste des colons. Il s’agit d’un soulèvement contre l’occupation illégale continue d’Israël et les politiques racistes contre les Palestiniens en général, la foule extrémiste de colons jouant le rôle de catalyseur.

Depuis le début du mois sacré musulman du Ramadan, les tensions sont montées d’un cran entre les forces israéliennes, les colons et les Palestiniens. Le premier jour du Ramadan, mardi dernier, les forces israéliennes ont commencé à provoquer à la violence après avoir coupé les haut-parleurs à l’intérieur du complexe al-Aqsa – le troisième site le plus saint de l’Islam – bloquant également la porte de Damas pour les Palestiniens souhaitant entrer dans la vieille ville de Jérusalem.

Il a été expliqué que la fermeture des haut-parleurs d’Al-Aqsa, véritable attaque raciste contre les Palestiniens, s’était produite parce que les Israéliens ne voulaient pas être dérangés par l’appel à la prière des musulmans et celui de l’imam dans le complexe d’al-Aqsa. Dans la même période, «Israël» organisait un événement de commémoration au mur voisin d’Al Buraq pour commémorer ses soldats tués.

Après avoir empêché les Palestiniens d’entrer dans le «quartier arabe» de la vieille ville de Jérusalem, les jeunes ont commencé à se heurter à la police d’occupation qui leur bloquait l’accès aux mosquées pour prier et rompre le jeûne. Les forces israéliennes ont utilisé des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes, la police anti-émeute à cheval et des canons à pestilentielle dans ce qui allait se transformer en affrontement généralisé.

Des colons israéliens s’étaient également impliqués dans des affrontements avec des Palestiniens dans les environs de la vieille ville. Une vidéo a alors commencé à circuler sur les réseaux sociaux d’un adolescent palestinien giflant un colon dans les transports publics, pour lequel deux Palestiniens ont ensuite été arrêtés.

Les colons israéliens ont commencé à prendre d’assaut les rues de Jérusalem – posant des questions aux étrangers afin de déterminer s’ils avaient un accent arabe – et attaquant les Palestiniens. Les gangs de colons israéliens ont publié les vidéos de leurs agressions contre des Palestiniens isolés sur les réseaux sociaux, se vantant de ce qu’ils avaient fait.

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Lundi, les foules de colons israéliens a commencé à porter ses attaques à un niveau supérieur, se rassemblant dans les rues de Jérusalem en scandant «mort aux Arabes», puis continuant à partir de ce moment à attaquer les Palestiniens.

La communauté palestinienne de Jérusalem-Est n’a pas pris à la légère ces attaques et ces manifestations racistes de la foule, décidant également de s’affronter aux colons. Lundi soir, les médias locaux palestiniens ont rapporté qu’au moins 30 Palestiniens avaient été arrêtés en raison des tensions persistantes dans la ville pendant le Ramadan.

Ce que n’a pas également voulu voir la presse occidentale, ce sont les actes de nettoyage ethnique en cours à Jérusalem-Est. Les organisations de colons israéliens, qui collaborent avec les tribunaux israéliens – conformément au plan israélien «Jérusalem 2000», ainsi qu’aux lois mises en œuvre par le gouvernement dans les années 1970 – veulent expulser quelque 2100 Palestiniens des quartiers de Sheikh Jarrah et Silwan.

Le soulèvement continue

Malgré les tentatives israéliennes de lier aux colons extrémistes ce soulèvement en particulier, celui-ci expose des années de frustrations et de désespoir qui ont finalement fait surface de manière cohérente et organisée.

Le département d’État américain a exprimé sa préoccupation face aux événements récents concernant Jérusalem, et «Israël» s’est efforcé d’empêcher un soulèvement palestinien, mais l’énergie mise en branle dans les territoires occupés s’oriente vers une direction déterminée.

Le peuple palestinien est fatigué de souffrir en silence, d’un manque de motivation et des divisions qui maintenant semblent prendre fin. C’est peut-être la première fois depuis 2005 que cette énergie se répercute dans tous les territoires occupés et les factions armées palestiniennes à Gaza sont maintenant plus préparées que jamais.

Le gouvernement d’extrême droite d’Israël a longtemps refusé d’envisager même de simplement discuter avec les dirigeants palestiniens pour rechercher une solution, et le peuple palestinien est au bout de sa patience.

«Israël» peut tout tenter pour empêcher que cela ne dégénère et nous assisterons à de nombreuses manœuvres pour essayer de diviser les gens, ou détourner leur attention, mais il est clair que le climat a radicalement changé dans les territoires occupés.

La cause palestinienne est maintenant entrée dans une nouvelle phase du conflit avec «Israël». Il y a maintenant de nouvelles lignes rouges et un esprit de résistance unifié. Tout comme ce fut le cas avec la première Intifada, il a fallu un événement pour déclencher l’indignation collective du peuple palestinien face à ce qui lui était imposé.

Même si cela ne conduit pas à une Intifada ou à une guerre avec «Israël», ce qui semble être le résultat le plus probable des événements récents, les rapports de force ont maintenant changé et une nouvelle ère vient d’être inaugurée.

24 avril 2021 – Qods News – Traduction : Chronique de Palestine