
31 août 2025 - Des milliers de personnes se sont rassemblées à Barcelone, en Espagne, pour le lancement de la flottille Global Sumud, la plus grande flottille à faire voile vers Gaza dans le but de briser le siège israélien. Les navires transportant des délégués de plus de 40 pays devraient atteindre Gaza à la mi-septembre pour la troisième tentative cette année de briser le siège, qui se déroule dans un contexte de génocide ayant causé la mort de plus de 63 000 Palestiniens, bien que le nombre réel de victimes soit très probablement beaucoup plus élevé. La semaine qui précède, un groupe d'experts soutenu par l'ONU a officiellement déclaré pour la première fois au Moyen-Orient une situation de famine dans le nord de Gaza - Photo : Wahaj Bani Moufleh / Activestills
Par Sarra Brahmi
Une flottille s’apprête à lever l’ancre vers Gaza, chargée de marchandises modestes, mais investie, avant tout, d’une signification politique.
Les bateaux n’ont pas encore pris la mer, mais la résonance de leur annonce a déjà secoué les capitales.
Depuis la proclamation du départ, les déclarations s’agitent, les couvertures médiatiques se divisent : pour certains, il s’agit d’une initiative « humanitaire, symbolique », pour d’autres, d’un défi direct à l’autorité de l’occupation sur les voies maritimes.
Le spectacle nous rappelle que la mer n’est plus un simple espace géographique, mais une arène de confrontation symbolique entre deux récits. Et chaque vague, cette fois, sera comptée comme un alignement politique, non comme un mouvement naturel de l’eau.
Le langage précède la traversée
Avant même que les navires ne quittent les ports, la bataille des mots a commencé.
Dans les premiers communiqués, la Flottille fut décrite comme une « caravane humanitaire », comme si sa mission se réduisait à livrer des caisses de médicaments et de farine. Mais ce langage euphémisé occulte l’essentiel : l’événement est un acte politique, qui met en accusation la légitimité du blocus.
En retour, l’Occupation s’est empressée de cadrer le récit par des communiqués évoquant « la violation de la souveraineté maritime », ou encore « la menace aux lois de navigation », transformant ainsi une initiative civile en dossier sécuritaire.
Ce qui semble de simples mots est, au fond, une lutte pour la définition de Gaza : est-elle un espace dépossédé de toute souveraineté, ou bien une entité politique revendiquant son droit à la mer ? Ainsi, chaque qualificatif devient une chaîne… ou une balle.
Avant la mer… La bataille du récit
Paradoxalement, la Flottille, encore amarrée au port, est déjà une actualité mondiale. Les médias spéculent : l’Entité laissera-t-elle passer les bateaux ? Les interceptera-t-elle en pleine mer ? Les militants rentreront-ils avec une nouvelle déception ?
Ces interrogations révèlent que la véritable bataille commence avant même le premier mille nautique.
La couverture médiatique précoce insiste à enfermer l’événement dans une dichotomie « succès ou échec », tout en occultant le sens profond : le simple fait d’annoncer la traversée est en soi un acte de défi, et la rupture du blocus débute dès lors que le débat arrache le silence du monde.
Ce que certains veulent enterrer sous des titres techniques, c’est la vérité que Gaza impose : forcer le monde à la regarder, même avec des navires encore à quai. C’est la puissance de la symbolique qui défie la géographie.
La mémoire présente : la Flottille de la Liberté de 2010
Impossible d’évoquer une expédition maritime sans que « Mavi Marmara » ne surgisse. Cette flottille, partie en 2010 et accueillie par le sang et les balles, reste gravée dans la mémoire des militants.
Les images de soldats montant à l’assaut du navire, à l’aube, les corps des volontaires turcs tombés, sont devenus un symbole mondial. Aujourd’hui encore, les médias convoquent ce souvenir, reliant toute nouvelle traversée à une histoire de sang et de martyr.
Ce rappel est volontaire : montrer que la mer n’a jamais été neutre, et qu’un navire humanitaire peut être traité comme un sous-marin militaire. C’est un pont entre passé et présent, qui affirme que le sang versé n’a pas refermé la page, mais l’a rendue plus lourde, plus vaste.
Chaque flottille ultérieure est donc une nouvelle inscription sur ce mur de mémoire ouvert.
Gaza assiégée… Un symbole en attente de brisure
Bien avant le génocide actuel, depuis plus de quinze ans, le blocus a transformé le port de Gaza en symbole brisé. Les pêcheurs y sont, quotidiennement, pourchassés par les vedettes de l’occupation, essuyant des tirs, voyant leurs filets confisqués, comme si la mer n’était plus un lieu de subsistance, mais un mur de mort.
Lorsque le monde parle de « briser le blocus maritime », il ne s’agit pas seulement d’introduire des marchandises, mais de restituer au Palestinien son droit à un port, à une fenêtre sur le monde, et non à une porte scellée.
Voilà la véritable portée symbolique : la Flottille à venir ne vise pas seulement à débarquer une cargaison, mais à briser l’image du port-prison, à rendre à la mer sa vocation de vie, plutôt que de prolonger le mur de séparation.
Au cœur de cette lutte, une question plus profonde s’impose : le Palestinien est-il condamné à rester prisonnier de la terre ferme ? Ou bien la mer, un jour, se libérera-t-elle avec lui ?
Les médias… Un nouvel examen ?
Si la Flottille prend effectivement la mer, les médias seront face à un nouveau test. Traiteront-ils l’événement comme une confrontation politique, ou le réduiront-ils à une première page ?
Auteur : Sarra Brahmi
4 septembre 2025 – Transmis par l’auteure.
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