2018 - Célébration du 31e anniversaire du mouvement de la résistance islamique [Hamas] - Photo : Tasnim News
Par Jawa Ahmad, Jeremy Scahill
Alors que Trump s’efforce de faire avancer son plan totalement confus pour Gaza, la résistance palestinienne affirme qu’Israël continue d’abuser des accords de « paix » pour poursuivre sa guerre d’extermination.
Depuis que le président Donald Trump a proclamé – de façon mensongère et en-dehors des réalité – l’avènement d’une nouvelle ère de paix et d’harmonie au Moyen-Orient début octobre, les Palestiniens de Gaza vivent dans un purgatoire imposé par Israël.
Les bombardements terroristes de la terre brûlée et le blocus total de tout ce qui est essentiel à la vie à Gaza ont été remplacés par des frappes israéliennes sporadiques, mais quotidiennes, et par un approvisionnement en nourriture et en médicaments bien inférieur aux termes convenus dans l’accord prétendument de « paix » du 10 octobre.
Ce qui se passe à Gaza n’est pas un cessez-le-feu, mais une opération meurtrière moins intense et plus lente menée par un régime israélien qui met les Palestiniens au défi de riposter.
Alors que la Maison Blanche peine à convaincre ne serait-ce qu’un seul pays de déployer des forces à Gaza pour désarmer la résistance palestinienne, les négociateurs du Hamas affirment qu’il n’y a eu aucune communication officielle de la part des États-Unis sur la manière dont ils entendent procéder pour mettre en œuvre les termes du plan radical de Trump.
Il n’y a eu aucune discussion substantielle sur la manière dont Gaza sera gouvernée, qui sera chargé de sa sécurité intérieure, quand et comment les forces israéliennes se retireront, et quel rôle les Palestiniens joueront dans la détermination de leur propre destin.
Le fait est que le Hamas et les autres organisations palestiniennes n’ont pas signé d’accord allant au-delà d’un cessez-le-feu, d’un échange de prisonniers et d’un cadre initial pour le redéploiement ou le retrait des forces israéliennes de certaines parties de Gaza.
Officiellement, il n’y a pas d’accord sur une « deuxième phase ». De plus, plusieurs hauts responsables du Hamas ont déclaré à Drop Site qu’il n’y avait actuellement aucune négociation substantielle avec les Palestiniens en dehors d’un processus qui semble viser à instrumentaliser le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pour donner l’illusion d’un soutien palestinien.

Husam Badran est membre du bureau politique du Mouvement de résistance islamique palestinien (Hamas) – Photo : Iran Press
« La question est très complexe. Ce n’est pas seulement que nous, Palestiniens, n’avons pas une vision claire des prochaines étapes : je vous le dis, même les pays responsables, y compris les États-Unis, n’ont pas de plan d’action clair », a déclaré Husam Badran, haut responsable du Hamas et membre de son bureau politique, dans une interview accordée à Drop Site.
Badran est un ancien commandant des Brigades Qassam en Cisjordanie et est actuellement responsable des relations nationales au sein du Hamas. Il a déclaré à Drop Site que les Palestiniens reconnaissent qu’ils ne peuvent pas formuler de revendications à l’égard de Trump, mais qu’ils peuvent influencer la réalité sur le terrain en refusant de se rendre ou de partir.
« Même si les Palestiniens sont relativement faibles par rapport à l’occupant, nous ne pouvons parfois pas imposer ce que nous voulons, mais nous pouvons rejeter ce que nous ne voulons pas. En tant que Palestiniens, et pas seulement en tant que Hamas, nous avons toujours la capacité de rejeter ce que nous n’acceptons pas. Et le monde commence à s’en rendre compte », a déclaré Badran.
« Certes, nous n’avons pas les forces, les capacités militaires et financières, ni les relations internationales dont dispose l’occupant, mais en fin de compte, nous sommes le peuple de cette terre, nous sommes le peuple de cette cause, et nous sommes un peuple opprimé depuis plus de soixante-dix ans. Nous vivons dans une région extrêmement sensible, non pas à l’extrême ouest ou à l’extrême est, mais au cœur du monde. »
Plusieurs négociateurs palestiniens qui restent en contact avec les médiateurs régionaux du Qatar et d’Égypte ont déclaré à Drop Site que ce qui se passe en coulisses est principalement une négociation entre les États-Unis et Israël, ainsi que des consultations avec les médiateurs régionaux que sont l’Égypte, le Qatar et la Turquie.
Selon des responsables du Hamas, la partie palestinienne est régulièrement informée de l’évolution des positions américaines et israéliennes recueillies par les médiateurs, mais elle ne participe à aucun processus s’apparentant à une négociation.
Vendredi, les ministres des Affaires étrangères de l’Égypte, du Qatar et de la Turquie se sont rendus à Miami, en Floride, pour rencontrer l’envoyé spécial de Trump, Steve Witkoff. Cette réunion représente les discussions au plus haut niveau qui aient eu lieu depuis la signature de l’accord d’octobre à Charm el-Cheikh, en Égypte.
« Les forces de la résistance ont pleinement respecté leurs obligations au titre de l’accord et restent déterminées à le faire, mais la situation actuelle est intenable », a déclaré vendredi Basem Naim, haut responsable du Hamas.
« Nous attendons que soit examinée la manière de mettre en œuvre ce qui reste du plan de manière à parvenir à une stabilité durable, à lancer une reconstruction globale et à jeter les bases d’une voie politique dans laquelle les Palestiniens se gouvernent eux-mêmes, aboutissant à la création d’un État indépendant. »
M. Naim a appelé les États-Unis et les médiateurs régionaux à « mettre fin aux violences israéliennes actuelles et à contraindre l’occupant à respecter les exigences de l’accord de Charm el-Cheikh, notamment les dispositions relatives à l’aide humanitaire, y compris l’entrée de l’aide, l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et l’autorisation de tous les besoins pour la reconstruction et la réhabilitation des infrastructures ».
Depuis octobre, Israël adopte une posture de conquérant victorieux qui dicte désormais les conditions de la capitulation et de l’occupation à un ennemi vaincu, une position farouchement rejetée par le Hamas.
« La bataille ne s’est pas terminée avec la défaite de la résistance ou la défaite militaire du Hamas. Nous avons payé un prix extrêmement élevé, certes, avec des martyrs et la destruction des infrastructures, mais au final, nous n’avons pas été vaincus dans cette bataille. Vous ne pouvez pas nous comparer – excusez-moi de le dire – à l’empereur japonais lorsqu’il a été vaincu pendant la Seconde Guerre mondiale », a déclaré Badran.
« Nous sommes parvenus à un accord à Charm el-Cheikh. Il est vrai que [du point de vue palestinien] cet accord n’est pas juste, mais il s’agit d’un accord politique auquel ont participé tous les dirigeants mondiaux, au premier rang desquels Trump. »
Malgré les demandes répétées d’Israël tout au long de la guerre contre Gaza pour que le Hamas se rende, il n’a pas réussi à atteindre cet objectif par sa guerre génocidaire.
Badran a déclaré que les Palestiniens ne capituleront pas soudainement dans leur lutte pour la libération à travers un processus bureaucratique se faisant passer pour un accord de paix.
« Si le monde – et en particulier les Américains, qui ont aujourd’hui la plus grande influence dans le monde – veut instaurer une stabilité véritable et durable dans cette région, la seule solution commence par la fin de l’occupation, et rien d’autre », a déclaré Badran.
« Si vous voulez commencer par parler de désarmement et de capitulation palestinienne, sachez que les Palestiniens ne capituleront pas. Et je vous le dis : même si le Hamas venait à disparaître, d’autres prendraient sa place. »
Jeudi, Trump a psé prétendre avoir « mis fin à la guerre à Gaza, apportant pour la première fois en 3000 ans la paix au Moyen-Orient ». Cette déclaration, délirante à première vue, résume néanmoins l’approche globale de Trump concernant le plan pour Gaza, animée par la conviction que ses décrets seuls peuvent aboutir à des résultats équivalents.
La réalité est cependant beaucoup plus complexe, et les perspectives d’une résolution durable sont sombres.
Les responsables du Hamas ont multiplié les avertissements selon lesquels les actions d’Israël – et le refus des États-Unis de contraindre Israël à respecter les termes du cessez-le-feu – risquent de détruire l’accord.
Le chef du Hamas à Gaza, Khalil Al-Hayya, a récemment déclaré que les actions d’Israël « menacent la viabilité de l’accord » et a appelé Trump « à contraindre l’occupant à respecter l’accord, à adhérer à sa mise en œuvre et à s’abstenir de le faire échouer ».
Certains indices laissent penser que Trump se rend compte que les Israéliens veulent attiser la flamme qui pourrait réduire son accord en cendres. Les États-Unis auraient exprimé leur inquiétude quant au fait qu’Israël ait assassiné Raed Sa’ad – un haut commandant des Brigades Qassam – sans en avertir préalablement la Maison Blanche, et auraient mis en garde le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu contre toute action susceptible de compromettre le plan de Trump.
Depuis l’entrée en vigueur de l’accord en octobre, près de 400 Palestiniens ont été massacrés dans des attaques israéliennes, la grande majorité d’entre eux étant des civils.
Israël a également systématiquement assassiné les combattants avec lesquels il avait signé l’accord de cessez-le-feu, justifiant effrontément ses attaques en prétendant cibler les combattants du Qassam, notamment l’assassinat par Israël, le 13 décembre, de Raed Sa’ad. Plutôt que de riposter par la force, les Palestiniens ont appelé à plusieurs reprises les médiateurs à intervenir.
« Il ne fait aucun doute que ces violations délibérées, manifestes et flagrantes constituent une menace très sérieuse pour l’accord et le font vaciller et s’affaiblir », a déclaré dimanche Ghazi Hamad, un négociateur de haut rang du Hamas. Il a averti que les violations généralisées d’Israël « mettent l’accord en grave danger ».

30 janvier 2025 – Des combattants de la résistance armée palestinienne remettent la prisonnière israélienne Arbel Yehud à Khan Yunis, dans le sud de Gaza, devant les restes de la maison détruite de l’ancien dirigeant du Hamas Yahya Sinwar, assassiné l’année dernière. Une foule nombreuse se rassemble pour saluer les forces de la résistance et assister à la cérémonie de remise, au cours de laquelle huit prisonniers, trois Israéliens et cinq Thaïlandais, ont été libérés en échange de 110 prisonniers palestiniens, dont 30 enfants, dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu. Environ 14 000 prisonniers palestiniens sont détenus dans les geôles israéliennes, soumis aux mauvias traitements dont la torture et la négligence médicale. Un tiers d’entre eux sont en détention administrative, c’est-à-dire détenus sans aucune accusation – Photo : Yousef al-Zanoun / Activestills
La Maison Blanche a déjà commencé à revoir ses plans à la baisse et à « pousser pour un déploiement initial [d’une force internationale] qui n’opérerait que dans les zones contrôlées par Israël », peut-être uniquement dans les zones de Rafah, dans le sud de Gaza, selon le Wall Street Journal.
La question qui se pose alors est de savoir si Trump donnerait son feu vert à une extension des opérations militaires israéliennes au nom du désarmement du Hamas. Ce scénario obligerait la résistance palestinienne à décider de riposter ou non pour se défendre, ce qu’Israël saisirait pour intensifier encore ses propres attaques.
Badran et d’autres responsables du Hamas ont déclaré à Drop Site que si Trump et les autres dirigeants mondiaux ne contraignaient pas Israël à mettre fin à sa guerre d’extermination à Gaza et à cesser ses attaques intensifiées et l’expansion des colonies en Cisjordanie, une troisième intifada pourrait éclater.
La mise en œuvre d’un plan à Gaza qui vise à faire avancer la guerre de conquête d’Israël par des moyens non militaires sous le faux prétexte de la paix ravivera la guerre et enverra aux Palestiniens le message qu’ils n’ont d’autre choix que la résistance armée.
« Si le monde dit une fois de plus : ‘Il y a eu une guerre, nous allons calmer les choses, améliorer [légèrement] les conditions de vie des Palestiniens, puis la cause palestinienne mourra’, ils seront surpris par ce qui suivra », a déclaré Badran.
« La question ne concerne pas seulement ce que veut l’occupant. Si le monde traite les Palestiniens comme si l’occupant [israélien] décidait de tout, cette région ne trouvera jamais la stabilité. Et pas seulement en Palestine. »
« Phase deux » : désarmement, ISF et « ligne jaune »
À en croire Trump et ses alliés, la priorité actuelle est de passer à la « deuxième phase » de son « grand » accord. Les responsables américains s’expriment comme si les termes avaient été clairement définis et qu’il ne restait plus qu’à les mettre en œuvre.
Le plan est le suivant : un « Conseil de paix » présidé par Trump et composé d’un assortiment trié sur le volet de dirigeants mondiaux prendra en charge le destin de Gaza et créera un vaste programme de financement privé et public, estimé à 70 milliards de dollars, afin de reconstruire l’enclave dans le cadre d’une opportunité d’investissement attractive.
Pour ce faire, ils déploieront d’abord une force internationale de stabilisation (ISF) afin de désarmer la résistance palestinienne et de prendre le contrôle des zones actuellement occupées par l’armée israélienne. Un comité technocratique de 15 membres palestiniens non partisans sera chargé d’assurer l’administration civile à l’intérieur de Gaza, mais il sera entièrement soumis aux diktats du conseil impérial de Trump et fonctionnera davantage comme un conseil municipal que comme une autorité souveraine.
Selon l’accord, les Palestiniens de Gaza ne seront pas déplacés de force, mais leur sort au-delà de cela n’est guère précisé. Il est fait mention d’un retour possible à Gaza d’une Autorité palestinienne (AP) suffisamment réformée, mais rien n’indique qui déterminera comment l’AP atteindra ce statut.
« À mesure que le redéveloppement de Gaza progressera et que le programme de réforme de l’AP sera fidèlement mis en œuvre, les conditions pourraient enfin être réunies pour ouvrir une voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un État palestinien, que nous reconnaissons comme l’aspiration du peuple palestinien », indique le plan de Trump sans donner de détails ni aborder les attaques massives et les opérations de déplacement en cours en Cisjordanie occupée.
La question la plus controversée à l’heure actuelle concerne le déploiement prévu de la force internationale. Trump et Netanyahu ont déclaré que sa première mission serait le désarmement total de la résistance palestinienne et la démilitarisation de la bande de Gaza. Mais à ce jour, Trump n’a réussi à convaincre aucun pays de se porter volontaire pour un déploiement de cette nature.
Les pays arabes et islamiques, dont Trump affirmait depuis des semaines qu’ils formeraient l’épine dorsale de la FSI, affirment que la mission doit se concentrer sur la création d’une barrière entre les forces d’occupation israéliennes et les Palestiniens de Gaza et sur le respect des termes du cessez-le-feu. « Nous ne voulons pas d’une force de stabilisation à Gaza qui serve à protéger une partie au détriment d’une autre », a déclaré mercredi le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Mohammed bin Abdulrahman Al-Thani.
« Les retards et les violations du cessez-le-feu mettent en danger l’ensemble du processus et placent les médiateurs dans une position difficile », a déclaré M. Al-Thani après avoir rencontré le secrétaire d’État Marco Rubio, ajoutant que le rôle de la force devrait être de protéger l’accord d’octobre.
« Ce que nous entendons de la part de ces pays [arabes et islamiques], que nous leur parlions directement ou par l’intermédiaire de médiateurs, c’est qu’ils veulent que la mission soit tout à fait claire. Ils ne peuvent pas envoyer leurs forces dans une mission inconnue. Le plus important est qu’il n’y ait pas d’affrontements entre eux et les Palestiniens, car cela affecterait même l’image publique de ces pays », a déclaré M. Badran.
« La sympathie des peuples arabes et islamiques pour les Palestiniens est presque absolue. Par conséquent, tout dirigeant, quel que soit son pays, doit tenir compte du fait qu’il ne s’oppose pas, en réalité, aux Palestiniens. Et c’est là que réside toute la complexité de la situation. »
Al-Hayya a déclaré que « le rôle des forces internationales devrait se limiter à maintenir le cessez-le-feu et à séparer les deux camps le long des frontières de la bande de Gaza avec nos terres de 1948, sans avoir aucune fonction à l’intérieur de la bande ni intervenir dans ses affaires internes. »
Du point de vue de la résistance palestinienne, le fait qu’elle accueille ouvertement le déploiement d’une force étrangère est en soi une concession importante. « Historiquement, le Hamas n’était pas d’accord avec l’idée d’une force internationale. C’était notre position politique fondamentale », a déclaré Badran.
« Cependant, compte tenu des développements qui se sont produits pendant la guerre et du lourd tribut payé par notre peuple dans la bande de Gaza, nous sommes en fin de compte un mouvement pragmatique qui discute de ce qui sert l’intérêt général. Nous avons donc donné notre accord, en coordination avec toutes les organisations, y compris l’Autorité palestinienne et le Fatah, qui ont adopté la même position. Nous n’avons aucune objection au principe des forces internationales, il n’y a aucune objection à cela. Mais ce qui importe, c’est leur rôle et leur mission. »
Avant la signature du plan de Trump, Israël a clairement indiqué qu’il s’opposait au déploiement d’une force de l’ONU à Gaza, et de hauts responsables israéliens ont critiqué l’organisme international, le qualifiant d’antisémite et d’allié du Hamas.
Le 17 novembre, Trump a réussi à obtenir une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui approuvait sa force privée sans la placer sous le commandement ou la supervision de l’ONU. Néanmoins, la position publique de Netanyahu sur le déploiement de l’ISF a été méprisante, rejetant catégoriquement l’idée qu’elle puisse un jour entreprendre le désarmement de la résistance palestinienne, tout en affirmant qu’Israël devrait finalement reprendre la guerre.
« Nos amis américains veulent mettre en place une force internationale pour faire le travail », a déclaré Netanyahu le 7 décembre. « J’ai dit : « S’il vous plaît, y a-t-il des volontaires ? Allez-y. » Nous savons que cette force peut accomplir certaines tâches, mais pas tout, peut-être même pas les tâches principales. »
Les responsables israéliens ont également déclaré que la « ligne jaune », qui divise actuellement Gaza en deux, est la nouvelle frontière avec Israël, grâce à laquelle l’occupation israélienne restera indéfiniment en contrôle de l’est de Gaza.
« La ‘ligne jaune’ est une nouvelle ligne frontière, qui sert de ligne de défense avancée pour nos communautés et de ligne d’activité opérationnelle », a déclaré Eyal Zamir, chef d’état-major de l’armée israélienne, lors d’une visite aux troupes dans le nord de Gaza le 8 décembre. « Nous avons le contrôle opérationnel sur de vastes parties de la bande de Gaza, et nous resterons sur ces lignes de défense. »
Cette ligne, qui a été présentée pour la première fois sur une carte accompagnant le plan de Trump, a été officiellement définie comme la position initiale de redéploiement israélien. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, Israël construit des infrastructures militaires et démolit des maisons et des bâtiments palestiniens dans l’est de Gaza.
Les États-Unis ont avancé une proposition visant à construire des « communautés sûres alternatives » afin d’inciter les Palestiniens à quitter les zones de Gaza encore contrôlées par le Hamas en leur offrant des logements temporaires, de la nourriture et des services médicaux dans des zones actuellement sous occupation israélienne totale.

Mars 2021 – Jamila al-Shanti (ici au centre) et Fatima Shurrab sont devenues les premières femmes à être élues au bureau politique du mouvement de résistance islamique Hamas. Jamila al-Shanti a été assassinée dans un bombardement israélien sur sa maison, le 19 octobre 2023 – Photo: via The Palestine Chronicle
« Il ne s’agit pas d’un tremblement de terre qui s’est produit dans une région et [qui nécessite] de déplacer les gens vers une autre région », a déclaré Badran. « Cette histoire concerne un peuple, une vie, un avenir, des ambitions politiques, des études, une éducation et bien d’autres choses encore. Même si ce plan aboutit, ce dont je doute, il s’agit d’un projet à long terme. Qui aura la patience de les attendre ? »
Le Dr Mustafa Barghouti, éminent leader politique palestinien et ancien candidat à la présidence, voit une motivation sinistre derrière les actions menées dans l’est de Gaza. « Il s’agit d’une bantoustanisation avec un autre objectif, celui de liquider la cause palestinienne. Les Israéliens veulent mettre fin à la Palestine et au peuple palestinien. C’est exactement ce dont rêve Netanyahu », a déclaré Barghouti dans une interview accordée à Drop Site.
« La façon dont il traite même cette idée de forces de stabilisation, en en faisant des blagues. Et il laisse entendre qu’il est le seul à pouvoir mener à bien cette tâche [désarmer les Palestiniens]. Je pense qu’il n’a jamais renoncé à l’idée d’une occupation totale de Gaza et d’un nettoyage ethnique de sa population », a ajouté Barghouti.
« Il en va de même pour la Cisjordanie, où ils utilisent des groupes de colons pour attaquer les Palestiniens. Et ils ont déjà déraciné 60 communautés. Le défi est donc énorme. Mais une chose dont je suis sûr à 100 %, c’est qu’aucune puissance au monde ne nous forcera à quitter notre pays. Et aucune puissance au monde ne brisera notre volonté. »
Le Hamas et d’autres organisations palestiniennes ont souligné qu’Israël utilise la question de la démilitarisation et du désarmement de la résistance comme prétexte pour exiger l’abandon total de la cause de la libération nationale.
« L’occupant ne veut pas seulement confisquer les armes : il pourrait même nous poursuivre pour les couteaux dans les cuisines des gens, qu’il considérerait comme des « armes ». Il sait parfaitement que nous n’avons pas d’avions de combat, de chars, de véhicules blindés ou de navires de guerre. Tout le monde le sait. Nous ne sommes pas une armée : nous sommes un mouvement de résistance dont les armes sont, en fin de compte, des armes simples. Alors, que veut l’occupant ? Il veut briser l’idée de résistance au sein du peuple palestinien », a déclaré Badran.
« La question n’est pas celle des armes, mais celle de vouloir que les Palestiniens capitulent et abandonnent leurs aspirations politiques. »
Les négociateurs du Hamas comprennent que la question du désarmement ne va pas disparaître et que le discours israélien a été pleinement adopté à Washington et dans les capitales européennes.
« Nous affirmons que la résistance et ses armes sont un droit légitime garanti par le droit international pour tous les peuples sous occupation, et que ce droit est lié à la création de l’État palestinien », a déclaré Al-Hayya. « Nous sommes ouverts à l’étude de toute proposition qui préserve ce droit, tout en garantissant la création d’un État palestinien indépendant et le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. »
Les ministres des Affaires étrangères de Turquie et d’Égypte, deux des plus importants alliés musulmans soutenant le plan de Trump, ont déclaré que les États-Unis devaient être réalistes sur la question du désarmement et d’une force internationale.
Vendredi, Rubio a semblé reconnaître que la demande d’Israël d’un désarmement total était peu plausible et que la question nécessiterait un accord avec la résistance palestinienne. « Vous ne convaincrez personne d’investir de l’argent à Gaza si les gens pensent qu’une nouvelle guerre va éclater dans deux ou trois ans. Je demanderais donc à tout le monde de se concentrer sur le type d’armement et de capacités dont le Hamas aurait besoin pour menacer ou attaquer Israël, afin de définir une base de référence pour le désarmement », a déclaré Rubio.
« Nous allons laisser les équipes techniques se pencher sur cette question. Il faudra évidemment que ce soit quelque chose qu’ils soient prêts à accepter, que nos partenaires puissent les pousser et les contraindre à accepter. Il faudra également que ce soit quelque chose qu’Israël accepte. Pour que cela fonctionne, les deux parties doivent être d’accord, et nous avons besoin d’espace pour y parvenir. »
Lors de réunions avec des médiateurs régionaux, le Hamas a proposé une série d’idées sur la manière d’aborder la question sur le plan technique. Si l’objectif est de garantir qu’aucune attaque ne soit lancée contre Israël, le Hamas estime qu’une trêve à long terme imposée par la communauté internationale est la meilleure solution.
« Nous sommes ouverts à une approche globale afin d’éviter toute nouvelle escalade ou tout nouveau conflit ou explosion », a déclaré M. Naim début décembre. Il a déclaré vendredi à Drop Site que pour que le Hamas puisse adopter une position officielle, il fallait lui présenter une proposition concrète. « Nous n’avons aucune idée des véritables objectifs de ce plan en termes clairs », a déclaré M. Naim.
Le Hamas s’est déclaré ouvert à un accord qui prévoit le stockage ou le « gel » des armes du Hamas et du Jihad islamique, une configuration qui serait approuvée par les groupes de résistance palestiniens eux-mêmes. La violation d’un tel accord, en particulier s’il est approuvé par un grand nombre de pays arabes et islamiques, aurait de graves conséquences pour la lutte palestinienne dans son ensemble.
Selon les responsables du Hamas, le risque le plus important d’un tel accord est qu’Israël poursuive ses attaques comme il l’a fait au Liban, tout en insistant sur le fait que les Palestiniens n’ont pas le droit de se défendre.
« Dans son discours, l’occupant veut présenter les armes comme un obstacle à la mise en œuvre même de la deuxième phase. Pourquoi devrions-nous croire à ce discours ? Au cours de la première phase, l’occupant a présenté un objectif clair : il a convaincu les Américains, et peut-être d’autres, que la principale raison de la poursuite de la guerre était la présence de prisonniers [israéliens] détenus par la résistance dans la bande de Gaza. Et le monde entier s’est mis à répéter que le seul problème était les prisonniers », a déclaré Badran.
« Alors, où l’occupation a-t-elle tenu ses engagements dans la première phase ? Elle ne les a pas tenus du tout. Cela montre que les prisonniers n’étaient qu’un prétexte et une excuse. Maintenant, ils veulent nous pousser vers la deuxième phase – qui est beaucoup plus dangereuse et stratégique – en utilisant la même méthode, en prétendant que le problème est les armes. Le problème n’est pas les armes. »
Quelle sécurité pour la Palestiniens de Gaza ?
Les responsables du Hamas ont réitéré leur position selon laquelle les Palestiniens devraient être chargés de la gouvernance et de la sécurité intérieure afin de stabiliser Gaza, d’empêcher la reprise des combats et d’ouvrir un espace pour de véritables négociations sur le programme plus large intégré dans le plan de Trump.
Le Hamas a officiellement accepté la création d’un comité technocratique non partisan chargé de gouverner Gaza pendant la période de transition, mais il a insisté pour que celui-ci ne serve pas simplement à mettre en œuvre un programme étranger ou israélien. Les forces internationales, ont-ils souligné, ne devraient pas être impliquées dans le maintien de l’ordre ou le désarmement.
Badran a fait valoir qu’une force de police palestinienne, déployée avec le soutien total de toutes les organisations palestiniennes, y compris le Hamas et le Jihad islamique, aurait la crédibilité locale nécessaire pour établir l’ordre et garantir le respect de tout accord régissant les armes de la résistance.
Il a affirmé que la proposition du Hamas d’accepter une trêve à long terme avec Israël, dans laquelle la résistance palestinienne accepte de stocker ses armes et de ne pas les utiliser dans des attaques contre Israël, est la seule voie tangible pour résoudre le problème.
« Le comité qui assume la responsabilité de la bande de Gaza dans tous ses détails doit également assumer la responsabilité de ce qu’on appelle la sécurité intérieure ou la paix civile au sein de la bande de Gaza », a-t-il déclaré. « La police palestinienne actuellement présente dans la bande de Gaza depuis environ vingt ans n’est pas la police du Hamas. Il est vrai que le Hamas supervise l’administration générale, mais ces employés – les forces de police – sont en fin de compte une force de police civile, et non une armée. Par conséquent, un grand nombre d’entre eux ne sont pas membres du Hamas, même à ce jour », a ajouté M. Badran.

Gaza, mai 2021 – Scène de rue après l’annonce du cessez-le-feu. En Palestine occupée, la résistance palestinienne est comme un poisson dans l’eau – Photo : Réseaux sociaux
« Toute personne armée autre que la police palestinienne qui apparaît dans la rue avec une arme doit rendre des comptes à cette force de police, et son arme doit être confisquée. Nous avons été très clairs sur ce point : la sécurité intérieure liée à la bande de Gaza est la tâche de ce comité, qui est responsable de toutes les questions, y compris la sécurité. »
Né à Naplouse, en Cisjordanie, Badran a passé au total 14 ans de sa vie dans les prisons israéliennes. Il était le compagnon de cellule et l’ami proche de Yahya Sinwar, l’ancien dirigeant du Hamas à Gaza, assassiné par les forces israéliennes le 16 octobre 2024.
Badran a été kidnappé en 2002 et condamné en 2004 à 17 ans de prison pour avoir orchestré une série d’attaques meurtrières pendant la deuxième intifada palestinienne, qui a débuté en 2000. Il a été libéré en 2011 avec Sinwar et plus de 1000 autres Palestiniens en échange du soldat israélien Gilad Shalit.
Lors de son entretien avec Drop Site à Doha, Badran a décrit les motivations derrière les attaques du 7 octobre, les conditions humanitaires désastreuses dans la bande de Gaza, qui s’étaient aggravées au cours du mois précédant les attaques, et les souffrances endurées par les Palestiniens au cours des sept décennies qui ont précédé le lancement de l’opération Déluge d’Al-Aqsa en 2023.
« Je pense que le sentiment général des Palestiniens était qu’ils avaient été contraints de franchir ce pas parce que le monde ne les écoutait pas. Vous vous souvenez qu’en 2018 et 2019, lors de la Grande Marche du retour, des marches pacifiques ont eu lieu. Des centaines de Palestiniens ont été tués, mais le monde n’a toujours pas compris le message, pas plus que l’occupant. Peut-être que le 7 octobre est venu dire au monde entier que les Palestiniens sont capables de faire quelque chose à quoi vous ne vous attendiez pas », a déclaré Badran.
« Nous ne cherchons pas à améliorer nos conditions de vie, nous ne sommes pas une minorité vivant dans un autre État. Nous voulons nos droits politiques. Et c’est pourquoi je vous dis que le 7 octobre est fondamentalement dû à cette idée. »
Il a décrit comment les Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes mènent régulièrement des grèves de la faim prolongées, dans certains cas pour obtenir une simple revendication, à savoir qu’on leur donne des verres pour boire leur thé.
« Alors, quelqu’un qui ne peut renoncer à de petites choses – et qui a payé le prix d’une grève de la faim de vingt jours juste pour obtenir ce verre – pourquoi s’attendre à ce qu’il capitule ? », a-t-il ajouté. «
C’est la mentalité palestinienne. Ne pas la comprendre conduira les principaux dirigeants politiques, y compris Trump et son équipe, à une mauvaise compréhension et donc à de mauvaises décisions. Le sentiment que les Palestiniens sont faibles, que leurs capacités sont limitées, que Gaza a été détruite et que l’occupation a aujourd’hui atteint toute sa gloire en attaquant les Palestiniens conduit à une conclusion erronée : que le monde peut vivre avec cette situation. Et je vous le dis : ce n’est pas possible. »
Badran a déclaré que les Palestiniens ne cherchent pas simplement à obtenir de meilleures tentes pour vivre, une réduction des points de contrôle ou un ralentissement de l’expansion des colonies israéliennes. Ils n’accepteront pas non plus un processus bureaucratique de plusieurs décennies, comme celui d’Oslo, qui promet une résolution vague des questions relatives à la création d’un État et à l’autodétermination, alors que la guerre d’extermination menée par Israël se poursuit sans relâche.
« Les Palestiniens veulent quelque chose de clair et de direct : leur droit à l’autodétermination, à se gouverner eux-mêmes et à établir un État palestinien à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem, avec une souveraineté totale, sans que personne ne nous contrôle ou n’interfère dans nos affaires intérieures. C’est une demande naturelle pour tout peuple. Elle n’est ni irréaliste ni déraisonnable », a-t-il déclaré.
« Si le monde veut une véritable stabilité, il doit agir maintenant et fournir aux Palestiniens une solution authentique, et non une solution qui se limite à améliorer leurs conditions [de vie]. »
* Jawa Ahmad est chercheur sur le Moyen-Orient auprès de Drop Site News.Auteur : Jawa Ahmad
Auteur : Jeremy Scahill
* Jeremy Scahill est journaliste à Drop Site News, cofondateur de The Intercept, auteur des livres Blackwater et Dirty Wars. A fait des reportages en Irak, en Afghanistan, en Somalie, au Yémen, etc...
19 décembre 2025 – Drop Site News – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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