30 novembre 2025 - Des enfants palestiniens ramassent du papier, du bois de chauffage et d'autres matériaux dans la décharge de Khan Yunis pour subvenir aux besoins de leur famille. Un certain nombre de bergers sont également contraints d'y faire paître leur bétail. La grande majorité de la population de Gaza est toujours déplacée et subit des conditions de vie difficiles, un manque de services de base et un environnement toxique causé par l'absence d'infrastructures et deux années de bombardements israéliens incessants. L'effondrement des stations d'épuration et des pompes d'égouts a entraîné le déversement incontrôlé d'eaux usées brutes dans les rues, les terres agricoles et les sources d'eau. Cela contamine l'environnement et accélère la propagation des maladies - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Dans Gaza, l’aide humanitaire continue de disparaître.
Cela fait plus d’un mois et demi qu’un « cessez-le-feu » a été conclu à Gaza. Dans le cadre de cet accord, 600 camions devaient traverser quotidiennement la bande de Gaza pour acheminer de la nourriture, des médicaments, des tentes, du carburant et d’autres produits de première nécessité.
Nous nous sommes habitués aux déclarations officielles faisant état de centaines de camions traversant la frontière chaque jour. Des photos sont publiées, les passages sont soigneusement documentés et les annonces sont faites dans la jubilation.
« Depuis le début du cessez-le-feu, 4200 camions transportant des biens humanitaires entrent chaque semaine à Gaza. 70 % des camions qui sont entrés transportaient de la nourriture… Plus de 16 600 camions de nourriture sont entrés à Gaza depuis le début du cessez-le-feu. Plus de 370 000 tonnes de nourriture » affirment les autorités d’occupation israéliennes dans une mise à jour du 26 novembre.
On pourrait penser que les Palestiniens de Gaza sont les personnes les mieux nourries au monde…
Pour beaucoup d’entre nous, la manière dont Israël compte les « camions de nourriture » n’est pas claire, car de nombreux camions commerciaux sont autorisés à entrer avec des denrées alimentaires de faible valeur nutritive, comme des barres chocolatées et des biscuits, ou des denrées trop chères, comme du poulet congelé à 25 dollars le kilo ou une boîte d’œufs à 30 dollars.
Les organisations humanitaires semblent également douter du décompte officiel. Selon le Programme Alimentaire Mondial, seule la moitié de l’aide alimentaire nécessaire entre à Gaza.
Selon les agences de secours palestiniennes, seul un quart de l’aide nécessaire est effectivement autorisé à entrer.
Et seule une fraction de cette fraction parvient réellement aux personnes déplacées, pauvres, blessées et affamées. En effet, une grande partie de l’aide qui parvient à entrer à Gaza disparaît dans un « triangle des Bermudes ».
La distance entre la frontière et les camps de déplacés, où l’aide devrait être distribuée, semble courte sur la carte, mais en réalité, c’est la plus longue distance sur le plan politique et sécuritaire.
En effet, de nombreux camions qui traversent la frontière n’atteignent jamais les familles qui ont le plus besoin de ces provisions.
Les gens entendent parler des camions, mais ne voient aucun colis humanitaire. Ils entendent parler de tonnes de farine, mais ne voient pas de pain. Ils regardent des vidéos de camions entrant dans la bande de Gaza, mais ne les voient jamais arriver dans leurs camps ou leurs quartiers.
On a l’impression que l’aide entre à Gaza pour disparaître dans les airs.
Récemment, les discussions sur l’aide manquante se sont multipliées dans les rues, d’autant plus que des denrées alimentaires de base sont soudainement apparues sur les marchés locaux, toujours accompagnées d’étiquettes indiquant « Aide humanitaire, non destinée à la vente ». J’ai vu des boîtes de conserve de poulet portant cette étiquette vendues 15 dollars pièce.
Même lorsque les colis d’aide parviennent aux personnes dans le besoin, ils ne contiennent souvent pas les articles promis. Par exemple, ma famille a reçu un colis alimentaire qui était censé contenir du riz, des lentilles et six bouteilles d’huile de cuisson, mais lorsque nous l’avons ouvert, il n’y avait ni riz ni lentilles, seulement trois bouteilles d’huile de cuisson.
Il ne s’agit pas simplement d’une question de corruption. Après deux ans de guerre génocidaire, la gouvernance à Gaza s’est effondrée, ses institutions étant systématiquement prises pour cible par l’armée israélienne.
Il n’y a pas d’autorité unifiée et aucune force n’est en mesure d’assurer l’ordre public et la sécurité.
Selon le mécanisme de suivi de l’aide humanitaire mis en place par l’ONU, entre le 19 mai et le 29 novembre, 8 035 camions d’aide humanitaire ont atteint leur destination à Gaza ; 7127 ont été « interceptés » de manière « pacifique » ou « violente ».
L’armée israélienne impose des restrictions sur les routes que les camions peuvent emprunter, les obligeant souvent à emprunter des itinéraires très dangereux. Certaines routes ne peuvent être utilisées sans la coordination des familles locales puissantes ou des comités de quartier, d’autres sont contrôlées par des groupes armés.
Tout cela fait d’un trajet de quelques dizaines de kilomètres un processus très fragile, facile à perturber. C’est ainsi que l’aide disparaît dans le « triangle des Bermudes » de Gaza.
Les organisations internationales sont également incapables d’assurer la sécurité. Elles ne peuvent pas accompagner les camions en raison du danger, ne peuvent pas superviser le déchargement en temps réel et ne disposent pas d’effectifs suffisants pour suivre chaque expédition.
Leur dépendance vis-à-vis des comités locaux et des bénévoles signifie qu’elles s’appuient sur un système plein de lacunes dont les différentes parties tirent rapidement parti.
Au milieu de tout cela, une grande question demeure : qui profite vraiment de la disparition de l’aide ?
Il y a les marchands à la recherche de profits rapides. Il y a les groupes armés locaux à la recherche d’une source de revenus. Et il y a, bien sûr, l’occupant et ses alliés qui veulent continuer à utiliser la faim comme un moyen de pression politique. Tous profitent de la souffrance des Palestiniens ordinaires.
Le problème ici est que l’attention portée à ce qui se passe à Gaza a diminué depuis le cessez-le-feu. L’opinion publique mondiale se sent rassurée que le génocide soit terminé et ne se demande plus pourquoi l’aide ne parvient pas au peuple palestinien.
Pendant ce temps, dans les milieux politiques et stratégiques, la disparition de l’aide est considérée comme normale, comme si elle était une conséquence naturelle du conflit.
Mais ce n’est pas le cas ; il s’agit d’une crise orchestrée, destinée à infliger une nouvelle forme de punition collective au peuple palestinien.
Alors que le monde choisit une fois de plus de fermer les yeux, ce ne sont pas seulement les camions qui disparaissent dans le « triangle des Bermudes » de Gaza, mais aussi la force des Palestiniens à persévérer.
Auteur : Amal Mohammed Abu Saif
* Amal Mohammed Abu Saif est étudiante en laboratoire médical à l'université Al-Israa et autrice d'Atheer Gaza, un roman né des décombres et écrit au rythme de la survie. Elle vit dans le camp de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, où la guerre n'est pas seulement une toile de fond, mais une réalité quotidienne.Son objectif est de faire entendre la voix de Gaza à travers le monde et de partager la vérité de son peuple avec ceux qui ne l'ont jamais vécue.
29 novembre 2025 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – YG

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