Nous prenons la mer pour Gaza, et voici pourquoi

Photo : Global Sumud Flotilla

Par Melanie Schweizer

« Le temps n’est plus aux débats et hésitations ; la famine est là et se propage rapidement. »

Dans le même temps, des milliers de camions d’aide humanitaire sont immobilisés à la frontière, bloqués par les forces d’occupation israéliennes. L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) dispose de 6000 camions en attente d’autorisation d’entrée.

De l’autre côté de la frontière, plus de 1900 Palestiniens ont été assassinés par des soldats israéliens alors qu’ils cherchaient à se procurer le peu de nourriture qui entre à Gaza.

Après 22 mois de génocide, l’espérance de vie à la naissance dans l’enclave assiégée a chuté de 35 ans. C’est pourquoi nous naviguons vers Gaza : pour briser le siège !

La flottille mondiale Sumud représente un moment historique : la plus grande flotte civile et humanitaire jamais mise en route pour Gaza, préparée dans les délais les plus courts de l’histoire et formée grâce à l’union sans précédent de quatre grands mouvements populaires – les organisateurs et les participants de la Freedom Flotilla Coalition, de la Global March to Gaza, du Sumud Convoy et de l’Asian Sumud Nusantara.

Cette coalition rassemble des milliers de personnes à travers le monde, notamment des avocats, des médecins, des infirmières, des journalistes, des parlementaires et des défenseurs des droits humains. Ensemble, nous nous engageons dans une mission visant à fournir une aide vitale directement à la population de Gaza et à contester un blocus illégal qui constitue l’un des crimes les plus graves au regard du droit international.

Intervention au nom de l’association Waves of freedom par Frédérique Derbas, lors de la manifestation du 30 août à Rennes, contre le génocide à Gaza.

Bonjour à toutes et à tous.

Je représente l’association Waves of Freedom, Les vagues de la liberté en français. Notre association est l’antenne française de la coalition internationale à l’origine de la flottille d’une cinquantaine de bateaux qui partira demain de Barcelone à 13 heures pour briser le blocus de Gaza.

D’autres départs auront lieu de Tunis jeudi prochain.

Comme vous le savez, la situation à Gaza est critique. Comme l’ONU l’a reconnu il y a dix jours, la bande de Gaza subit aujourd’hui la famine à cause du blocus imposé par Israël et l’Egypte. Ces derniers jours, comme depuis plusieurs mois, la majorité de l’aide humanitaire continue d’être bloquée par Israël.

Selon l’ONU, l’aide humanitaire acheminée à Gaza représente à peine 15% du stock de nourriture nécessaire. Plusieurs centaines de personnes sont déjà mortes de faim, et des centaines de milliers souffrent de malnutrition et sont en danger de mort. Selon l’ONU, c’est 500 000 personnes qui sont en danger immédiat à Gaza. Ces chiffres s’ajoutent au plus de 60 000 personnes tuées à Gaza par Israël depuis près de deux ans.

Ces chiffres constituent une estimation basse, puisque des personnes voire des familles entières ont disparu. Certaines études estiment que plus de 200 000 personnes pourraient avoir été tuées à Gaza. Comme on peut l’imaginer, l’administration à Gaza n’est plus en mesure de recenser tous les cas.

A Gaza, le système médical est lui aussi ciblé. Selon l’OMS, entre mars et juillet 2025, Israël a empêché l’entrée à Gaza d’une centaine de professionnels de santé. L’hôpital Al Nasser, un hôpital situé au sud de la bande de Gaza a été bombardé par Israël ce lundi. Vingt personnes ont été tuées, dont 5 journalistes.

En plus de détruire la totalité des infrastructures de Gaza, de cibler les civils et d’affamer les survivants, Israël tente aussi d’empêcher l’information en ciblant les journalistes. Plus de 200 journalistes ont été tués à Gaza depuis octobre 2023, c’est un chiffre record, qui dépasse de très loin ce qui a été observé dans toutes les guerres précédentes.

La flottille qui partira demain de Barcelone a trois objectifs. Il s’agit de briser le blocus de Gaza, qui dure depuis 2007.

Contrairement à ce qu’on nous raconte, l’injustice subie par le peuple palestinien n’a pas débuté le 7 octobre 2023. Si la bande de Gaza est le territoire le plus densément peuplé au monde, c’est parce que c’est là qu’ont été parqués les Palestiniens expulsés par Israël en 1948, et qu’Israël n’a jamais appliqué les résolutions de l’ONU portant sur le droit au retour.

La Bande de Gaza est occupée depuis 1967, et sous blocus depuis 2007. Nous devons nous mobiliser pour mettre fin à cette situation. Il s’agit aussi avec cette flottille de faire entrer l’aide humanitaire. La nourriture et l’aide médicale doivent pouvoir entrer à Gaza.

Les soignants, les agences de l’ONU et les ONG doivent pouvoir travailler. Les travailleurs humanitaires ne doivent plus être ciblés. Les personnes qui se rendent aux distributions de nourriture ne doivent plus être assassinés. Rappelons que depuis mai, plus de 2000 personnes ont été tuées par l’armée israélienne près des centres de distribution alimentaire. C’est inacceptable.

Israël souhaite nous faire oublier le génocide à Gaza. On ne l’oubliera pas, et on ne détournera pas non plus les yeux de la colonisation et de l’annexion de la Cisjordanie.

Puisque les Etats occidentaux ne souhaitent pas imposer à Israël des sanctions qui permettraient de mettre fin au massacre, à la colonisation et à l’occupation, nous devons continuer à nous mobiliser, jusqu’à la libération de la Palestine.

A partir de demain, nous devons suivre la flottille qui partira de Barcelone et la soutenir. Plus de 27 000 personnes de 150 nationalites différentes ont candidaté au départ. Sur la cinquantaine de bateaux, ce sont plusieurs centaines personnes de 44 pays qui vont embarquer.

Nous devons exiger des 44 Etats en question qu’ils soutiennent leurs ressortissants.

Nous devons exiger des différents Etats, et notamment de la France, de faire en sorte que le droit de la mer et le droit international soient respectés par Israël.

Je vous remercie.

Depuis 2006, la Freedom Flotilla Coalition organise des expéditions maritimes vers Gaza afin de briser le siège illégal imposé par Israël. Certains navires ont réussi leur mission, d’autres ont été interceptés et, en 2010, l’un d’entre eux a été attaqué avec une force meurtrière, entraînant la mort de dix participants. Malgré la répression, cette coalition a maintenu vivante la voie maritime de la solidarité.

La Marche mondiale vers Gaza s’est mobilisée en mars 2025 et a rassemblé plus de 4000 participants du monde entier au Caire pour marcher vers Rafah. Simultanément, le convoi Sumud a rassemblé des participants d’Algérie, de Libye, du Maroc et de Tunisie et a organisé des bus pour rejoindre la Marche mondiale.

La marche et le convoi ont été violemment bloqués, et des centaines de personnes ont été arrêtées par les autorités égyptiennes. Ces initiatives ont toutefois prouvé que la société civile internationale est prête à agir en masse en solidarité avec le peuple palestinien.

Cela a été confirmé par la formation de l’Asian Sumud Nusantara, qui a encore élargi le réseau, démontrant que la résistance au génocide ne se limite pas à une seule région, mais s’étend à travers le monde.

La coordination sans précédent de ces quatre mouvements montre que l’humanité reconnaît sa responsabilité d’agir lorsque nos dirigeants non seulement ne parviennent pas à empêcher les atrocités, mais contribuent et encouragent l’extermination du peuple palestinien.

La situation à Gaza est catastrophique. Depuis octobre 2023, la population est confrontée à des bombardements aveugles, à des déplacements massifs et à une famine délibérée.

Même s’ils continuent à résister à l’occupation, les habitants de Gaza sont confrontés à une situation de plus en plus désastreuse. Le blocus imposé et renforcé par Israël empêche l’acheminement de nourriture, de médicaments et de biens de première nécessité à deux millions de civils.

Il en résulte une famine, des maladies et des morts massives.

Il ne s’agit pas seulement d’une crise humanitaire, mais d’une politique délibérée, rendue possible par l’impunité.

Le droit international est clair :

  • La quatrième Convention de Genève, article 23, oblige les parties à autoriser le libre passage des envois de matériel médical et hospitalier, ainsi que des denrées alimentaires essentielles, destinés aux civils.
  • Le Protocole additionnel I, article 70, exige des parties qu’elles autorisent et facilitent le passage rapide et sans entrave de l’aide humanitaire.
  • Le Manuel de San Remo, règle 102, interdit les blocus qui ont pour effet d’affamer les civils ou de leur refuser l’aide humanitaire essentielle.
  • La Convention sur le génocide, article II(c), reconnaît comme acte de génocide le fait d’infliger délibérément des conditions de vie calculées pour détruire un groupe, y compris par la famine.
  • Le Statut de Rome, article 8(2)(b)(xxv), définit la famine des civils comme une méthode de guerre constituant un crime de guerre.
  • La Cour internationale de justice a rendu trois mesures provisoires contraignantes (en janvier, mars et mai 2024), exigeant qu’Israël autorise et facilite l’acheminement de l’aide humanitaire vers Gaza sans obstruction.

Malgré ces obligations claires, les États n’ont pas agi et Israël continue d’imposer un blocus qui a été condamné par les organes des Nations unies, les organisations humanitaires et les experts juridiques du monde entier comme une punition collective illégale.

La flottille mondiale Sumud est une réponse populaire à leurs crimes : une insistance sur le fait que là où les gouvernements échouent, nous agirons.

Notre flottille est humanitaire : elle transporte de la nourriture, des médicaments et des fournitures essentielles ; elle ne transporte pas d’armes.

Elle est pacifique : nos navires ne sont pas armés et leur objectif est transparent.

Et elle est légale : elle exerce les droits consacrés par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), notamment la liberté de navigation en haute mer (article 87), l’obligation d’utiliser les mers à des fins pacifiques (articles 88 et 301) et le droit de passage inoffensif dans les eaux territoriales.

Notre mission ne relève d’aucune des exceptions qui permettraient une ingérence en vertu de l’article 110 de la CNUDM. Il ne s’agit pas de piraterie, ni de traite d’esclaves, ni de diffusion illicite, et certainement pas d’une action militaire. Il s’agit du transport légal d’aide humanitaire.

Nos participants sont des civils protégés en vertu de l’article 4 de la Quatrième Convention de Genève. Toute ingérence, tout mauvais traitement ou toute arrestation constituerait non seulement une grave violation de leurs droits, mais engagerait également la responsabilité juridique de l’État qui commettrait de tels actes.

La Flottille mondiale Sumud exige donc :

  • Un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent.
  • La levée du blocus illégal de Gaza.
  • La garantie d’un accès humanitaire sûr et sans entrave par voie maritime et terrestre.
  • La responsabilité pour les violations du droit international, y compris le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
  • Une Palestine libre, accordant enfin aux Palestiniens le droit à l’autodétermination.

Cette mission s’inscrit dans la fière tradition de la résistance civile mondiale contre les systèmes d’oppression : la marche du sel de Gandhi contre la domination coloniale britannique, la lutte de Nelson Mandela contre l’apartheid en Afrique du Sud, le défi lancé par Rosa Parks à la ségrégation aux États-Unis.

La libération n’a jamais été le résultat d’un réveil moral soudain de la classe dirigeante. Elle est le fruit d’une lutte qui mobilise à grande échelle.

La Flottille mondiale Sumud est une telle mobilisation. Elle est historique en raison de ce qu’elle représente : l’unité internationale contre le génocide, l’affirmation que la loi doit être appliquée et non simplement proclamée, et le refus de rester silencieux face à la famine.

Nous naviguons parce que les gouvernements ont échoué. Nous naviguons parce que le silence permet les atrocités. Nous naviguons pour défendre le droit international et faire respecter la dignité humaine.

La Flottille mondiale Sumud est une mission pacifique et humanitaire. Elle transporte non seulement de la nourriture et des médicaments, mais aussi l’espoir de millions de personnes : que l’humanité l’emportera sur l’indifférence.

26 août 2025 – Progessive International – Traduction : Chronique de Palestine