Les Israéliens ont pour objectif de voler tout l’espace de Gaza et de réduire à néant sa population

Par Qassam Muaddi

Le cabinet de guerre israélien a approuvé à l’unanimité dimanche l’extension de la guerre menée par Israël contre Gaza, qui comprend notamment des plans visant à réoccuper la bande de Gaza pour une durée indéterminée.

Le cabinet de guerre israélien a approuvé à l’unanimité dimanche l’extension de la guerre menée par Israël contre Gaza, selon des informations relayées par des responsables israéliens. L’objectif de ce plan d’extension de la guerre est, selon ces responsables, de réoccuper Gaza et d’y maintenir le contrôle pendant une période indéterminée.

Cette décision intervient quelques jours après que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que l’objectif principal de la guerre était de « vaincre le Hamas », indiquant que la libération des captifs israéliens était un objectif secondaire. Cette information a été confirmée lundi par l’Associated Press, qui s’est entretenue avec deux responsables israéliens.

Les déclarations de responsables gouvernementaux ces dernières semaines semblent indiquer que l’extension des opérations reproduira la stratégie israélienne à Rafah dans toute la bande de Gaza.

À Rafah, les forces israéliennes ont réduit la ville en ruines, forçant tous les Palestiniens à la quitter. Compte tenu de ce précédent, le nouveau plan ne peut être compris que comme la prochaine étape du projet israélien visant à nettoyer ethniquement Gaza de tous ses Palestiniens.

La réoccupation de Gaza

Il y a trois semaines, les médias israéliens ont révélé des plans visant à diviser la bande de Gaza en cinq zones en créant des zones militaires permanentes à l’intérieur de l’enclave palestinienne.

Depuis la reprise de la guerre par Israël à la mi-mars, les forces israéliennes ont complètement isolé la zone sud de Rafah du reste de la bande de Gaza en créant un nouveau corridor militaire baptisé « corridor Morag », qui traverse la bande de Gaza d’est en ouest, et en coupant Rafah de Khan Younis, où des centaines de milliers de Palestiniens déplacés tentent actuellement de trouver refuge.

Malgré l’approbation des nouveaux plans par le cabinet, Netanyahu ne les a pas encore annoncés officiellement, ce qui laisse place à toutes les spéculations. Selon la radio israélienne Kan, l’expansion des opérations israéliennes à Gaza refléterait la stratégie de l’armée israélienne à Rafah depuis la reprise de la guerre.

En plus d’isoler Rafah, l’armée israélienne a suivi une stratégie visant à raser la ville en démolissant ou en faisant exploser de grands blocs d’habitations, réduisant ainsi toute la ville en ruines. L’armée israélienne a également annoncé qu’elle intégrerait Rafah dans sa nouvelle zone tampon militarisée élargie.

Dans une déclaration télévisée, le ministre israélien de la Guerre, Israel Katz, a décrit l’opération comme visant à « réduire la taille et l’isolement de Gaza ». Cette stratégie a commencé à prendre forme alors qu’Israël était encore engagé dans des pourparlers indirects, par l’intermédiaire de l’Égypte et du Qatar, pour parvenir à un nouvel accord de cessez-le-feu avec le Hamas.

Israël avait posé comme condition le désarmement du Hamas, ce que la partie palestinienne ne pouvait que refuser. Israël a également refusé de s’engager à mettre fin à la guerre.

Dimanche, la réunion du cabinet de guerre s’est tenue dans un contexte de reprise de la résistance des organisations palestiniennes, qui ont attaqué les forces israéliennes à Rafah et à Beit Hanoun au cours de la semaine dernière, conduisant Israël à reconnaître la perte de quatre soldats et plusieurs blessés.

Dans le même temps, Israël a poursuivi ses bombardements sur les villes palestiniennes du nord au sud de la bande de Gaza. Rien que lundi matin, le bilan quotidien s’élevait à 20 Palestiniens massacrés par des frappes israéliennes à Beit Lahia, Gaza et Khan Younis.

La « stratégie de Rafah » pour vider Gaza de ses habitants

Au-delà de la réoccupation totale de Gaza, Israël poursuit toutefois son objectif de longue date, qui est de chasser les Palestiniens de la bande de Gaza.

Les alliés de Netanyahu au sein du gouvernement, en particulier Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, ainsi que des membres de la Knesset et des dirigeants du mouvement des colons, réclament depuis le 7 octobre 2023 l’expulsion des Palestiniens de Gaza et la réinstallation de colons sur ce territoire.

Netanyahu lui-même n’a cessé de promouvoir sa vision d’une « migration volontaire » des Palestiniens, sur la base de la proposition du président américain Donald Trump de déplacer les Gazaouis hors de la bande de Gaza et de transformer leur territoire en « riviera ».

En mars, le gouvernement israélien a approuvé la création d’un bureau spécial chargé d’organiser et de promouvoir le déplacement forcé des Palestiniens de Gaza vers d’autres pays.

Cet objectif final s’inscrit dans la « stratégie de Rafah », qui consiste à détruire toutes les infrastructures civiles afin de rendre le territoire incapable de soutenir toute vie communautaire, rendant la vie impossible aux Palestiniens et présentant leur transfert hors de Gaza comme « volontaire ».

Israël a déjà commencé à mettre en œuvre cette stratégie à grande échelle, avant même la conclusion du cessez-le-feu en janvier.

En novembre dernier, l’armée israélienne a complètement bouclé le territoire au nord de la ville de Gaza, empêchant toute aide humanitaire et l’entrée de marchandises, tout en procédant à la démolition massive de blocs d’habitations et à l’évacuation forcée des derniers hôpitaux et écoles où s’étaient réfugiées des familles.

Aujourd’hui, la décision du cabinet de guerre israélien d’étendre la guerre intervient également à un moment où la situation humanitaire à Gaza est des plus critiques, aggravée par le blocus total de l’aide humanitaire et des marchandises imposé par l’armée israélienne.

Samedi, une fillette palestinienne de deux mois, Jenan al-Skafi, est morte de malnutrition dans la ville de Gaza. Sa mère a déclaré à Al Jazeera que son enfant était née pendant le cessez-le-feu, lorsque les marchandises étaient autorisées à entrer à Gaza, et qu’elle avait commencé à perdre du poids après la reprise du blocus et la pénurie de lait.

Selon le ministère de la Santé de Gaza, 51 enfants palestiniens sont morts de malnutrition depuis octobre 2023.

Au cours des deux mois qui ont précédé le cessez-le-feu, Israël a réduit la population du nord de Gaza de plus de 800 000 à moins de 100 000 habitants. Le plan israélien visant à dépeupler le nord de Gaza a finalement échoué lorsque les Palestiniens sont revenus en masse, de manière spontanée, lors d’une marche de plusieurs jours vers le nord pendant le cessez-le-feu.

Les nouveaux plans visant à étendre la guerre sur le modèle actuel suivi à Rafah pourraient constituer une nouvelle tentative d’Israël pour faire de même, cette fois à partir de Rafah. La création du nouveau « corridor Morag » pourrait être une préparation en vue de pousser les Palestiniens vers la frontière égyptienne ou vers la mer.

Obstacles internes israéliens

Cependant, les nouveaux plans du cabinet de guerre israélien se heurtent à un obstacle majeur : le manque de personnel actif dans les rangs de l’armée. Le nouveau chef d’état-major de l’armée israélienne, Eyal Zamir, a mis en garde contre le manque de soldats dès son entrée en fonction.

À la mi-avril, le quotidien israélien Yediot Ahronot a rapporté que Zamir avait averti les ministres du cabinet de guerre que l’armée israélienne ne disposait pas de suffisamment de soldats « pour réaliser toutes ses ambitions ».

Israël est confronté depuis des mois à un déficit croissant de soldats, en raison de l’épuisement des réservistes qui ont servi pendant plusieurs mois depuis le 7 octobre 2023, en plus du grand nombre de soldats tués, blessés, amputés et traumatisés dans la plus longue guerre de l’histoire d’Israël.

En avril, des milliers de soldats, d’officiers et d’anciens combattants israéliens ont signé des lettres consécutives appelant à la fin de la guerre si nécessaire pour libérer les prisonniers israéliens restants à Gaza, accusant Netanyahu et son cabinet de prolonger la guerre pour son profit politique personnel.

Au cœur de la crise se trouve la communauté religieuse orthodoxe haredi, qui est exemptée du service militaire depuis la création d’Israël en 1948. Les représentants haredim à la Knesset et au sein du gouvernement ont exigé que cette exemption soit inscrite dans la loi. Et bien que la Knesset ait adopté la loi en première lecture en juin, elle n’est toujours pas entrée en vigueur.

Dans le même temps, le chef d’état-major de l’armée israélienne a annoncé dimanche la mobilisation de dizaines de milliers de soldats de réserve israéliens afin d’étendre la guerre à Gaza.

Malgré cette approbation, les nouveaux plans d’Israël visant à étendre ses opérations militaires ne seront pas mis en œuvre avant la visite du président américain Donald Trump dans la région dans dix jours, selon le site d’information israélien « Walla », ce qui indique la volonté d’Israël d’obtenir l’approbation des États-Unis pour tous ses plans.

Jusqu’à présent, ces plans visant à étendre les opérations militaires et à réoccuper Gaza ont été annoncés sans réaction officielle ou presque de la part des gouvernements occidentaux.

Cette absence de protestation après près de deux ans de génocide qui a fait plus de 60 000 morts parmi les Palestiniens prouve que les États-Unis ne sont pas les seuls à donner le feu vert à Israël pour exterminer Gaza. Ce génocide compte de nombreux autres participants, même s’ils se contentent d’une complicité silencieuse.

Auteur : Qassam Muaddi

* Qassam Muaddi est un journaliste palestinien basé à Ramallah. Il couvre l’actualité palestinienne : événements politiques, mouvements sociaux, questions culturelles ... Il écrit pour les quotidiens libanais Assafir et Al Akhbar, les sites Middle East Eye, Mondoweiss et The New Arab, ainsi que pour les journaux électroniques palestiniens Metras et Quds News Network.
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5 mai 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine