Les fusées de la résistance : innovation et persévérance

Illustration : al-Mayadeen

Par Al-Mayadeen

L’opération « Venger les libres » a marqué un nouvel épisode dans la progression des capacités militaires de la Résistance palestinienne. Cet article examine le contexte historique et l’évolution des capacités palestiniennes en matière de roquettes, ainsi que les innovations spécifiques qui ont fait pencher la balance en faveur de Gaza.

Le 9 mai, le gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahu s’est lancé dans une agression de cinq jours contre la bande de Gaza en utilisant son appareil militaire pour mener à bien une campagne d’assassinat contre les dirigeants de la Résistance palestinienne.

Il s’agissait d’une tentative de sauver la face face aux violations récurrentes et croissantes de la sécurité en Cisjordanie et à Al-Qods occupée, qui a soulevé des questions quant à la capacité des gouvernements israéliens successifs à limiter la progression de la Résistance dans les territoires palestiniens occupés et séparés géographiquement dans les uns des autres.

En réponse, la salle d’opérations conjointe de la Résistance (JOR) – qui coordonne les activités militaires et sécuritaires des groupes de la Résistance – a annoncé l’opération « Venger les libres » en représailles à l’assassinat de trois dirigeants.

Cette opération a vu les Brigades Al-Quds jouer un rôle de premier plan dans des missions cruciales, complétées par le rôle actif du Front palestinien de libération de la Palestine (FPLP), du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) et des Brigades Al Nasser Salah Al-Din, ainsi que par les renseignements et la coordination des infrastructures des Brigades Qassam, et par les contributions d’autres groupes au sein de la JOR.

Dans cette bataille, la Résistance palestinienne a montré des capacités de production exemplaires, évidentes dans le rajeunissement de son arsenal de roquettes produites localement, tout en maintenant la capacité d’étendre et d’affiner ses choix d’armes, ce dont les Brigades combattantes et les médias israéliens ont parlé.

La JOR, en particulier les brigades armées du PIJ, s’est engagée pour la dernière fois dans une bataille en août 2022, au cours de laquelle plus de 1000 roquettes ont été tirées, sans parler des affrontements prolongés de mai 2021, au cours desquels des barrages de roquettes ont atteint des cibles dans toute la Palestine occupée.

Lors de cette bataille, la Résistance a interrompu toute navigation aérienne au-dessus des territoires occupés après le lancement de la roquette Ayash-250.

Ainsi, la bande de Gaza assiégée a réussi à démontrer des capacités de production et d’ingénierie innovantes, puisque le processus de réapprovisionnement en munitions dépend désormais du recyclage et de la réutilisation des matériaux au service de la lutte du peuple palestinien pour sa liberté.

Une brève histoire de la lutte

Il n’est pas possible d’apprécier pleinement l’expertise militaire accumulée par la Résistance à Gaza avant de s’être penché sur l’histoire pratique de sa progression, en particulier dans le domaine de la fabrication et de l’ingénierie des roquettes.

Des images datant de 2005 d’une visite sur le terrain avec des dirigeants de la Brigade Al-Quds montraient déjà une partie de l’entraînement du groupe et ses capacités de lancement de roquettes.

Combattants des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, aile armée du mouvement Hamas (résistance islamique), à côté d’un système lance-roquettes – Photo : via al-Jazeera

Comparées aux barrages de roquettes lancés dans toutes les batailles successives depuis 2014, les capacités du PIJ semblaient au mieux relever de l’amateurisme, car les principales tactiques utilisées pour atteindre des objectifs tangibles à l’époque étaient les « opérations martyres », au cours desquelles les combattants des brigades risquaient leur vie dans des attaques planifiées à l’avance contre les positions des forces d’occupation.

Au début des années 2000, des vidéos ont montré des combattants sortant d’une camionnette endommagée et plaçant des roquettes sur des rampes de lancement improvisées en vue de les tirer dans une direction inconnue.

Les premiers stades de la production de fusées ont clairement montré à quel point ces armes étaient sous-développées, les traînées de fumée en spirale montrant la trajectoire inefficace des fusées qui se frayaient un chemin dans l’air.

Les ailettes de guidage des premières roquettes étaient placées parallèlement à la tête de la roquette elle-même, ce qui réduisait considérablement la portée de la charge utile – les ailettes sont censées guider le projectile dans un mouvement de roulis, ce qui lui permet de fendre l’air plus facilement.

De légères améliorations telles que le changement de position des ailettes et le calibrage du poids des roquettes ont culminé en 2014 lorsque la Résistance a été en mesure de montrer ses capacités militaires et de dissuader l’agression sur Gaza.

Les gouvernements israéliens successifs ont tenté de contrecarrer la montée inévitable en force de la Résistance, alors que les combattants de Gaza cherchaient à améliorer leurs moyens militaires en s’appuyant sur les progrès réalisés par les martyrs, l’expertise accumulée par d’autres mouvements de libération et la persévérance des jeunes Palestiniens nés dans le territoire assiégé.

Historiquement, les Israéliens ont cherché à éliminer les dirigeants, les ingénieurs, les combattants hautement qualifiés et les installations de production et de lancement.

Toutefois, les capacités de lancement de roquettes ont connu une progression constante, comme l’a montré le dernier jour de l’opération « Venger les libres », qui a mis en évidence l’efficacité des tactiques de lancement de roquettes des Brigades Al-Quds.

Les Brigades ont déclaré à Al Mayadeen qu’elles avaient lancé à elles seules environ 1500 roquettes et obus qui ont visé des villes israéliennes, l’enveloppe de Gaza et la profondeur de l’entité sioniste, ainsi que des sites militaires, des pistes d’atterrissage et des emplacements d’artillerie.

L’ennemi a admis que les roquettes de la Résistance ont frappé plusieurs sites et villes en Palestine occupée.

Le siège de Gaza

Après la libération de Gaza en 2005, la Résistance a obtenu une plus grande marge de manoeuvre dans la production d’armes et l’organisation de ses opérations, ce qui était auparavant extrêmement difficile en raison de l’occupation directe du territoire et de la présence des forces israéliennes d’occupation.

Pour tenter de limiter la progression de la Résistance dans la bande sous blocus, l’occupation a cherché à mettre en œuvre de sévères sanctions unilatérales qui se sont traduites par le siège et le blocus complets de toutes les voies d’accès à Gaza.

Cette politique était un plan global visant à créer un état de souffrance collective dans la bande de Gaza afin de pousser les Palestiniens à abandonner leur exigence de liberté – une tactique qui a été déployée par les impérialistes et les puissances colonialistes en masse dans le sud de la planète – et à tenter de mettre un terme aux activités militaires des mouvements armés.

De toute évidence, cette politique n’a pas atteint ses objectifs, car la Résistance a fait de grands pas en avant, développant des instruments et des stratégies militaires qui ont assuré de nouvelles victoires au peuple palestinien, brisant la façade de l’ « invincibilité » de l’armée israélienne qui a cédé aux exigences de la Résistance – que ce soit au Liban ou en Palestine – à plusieurs reprises.

La frénésie « sécuritaire » israélienne après que la Résistance a forcé ses troupes à quitter Gaza en 2005 et 2006 a été complétée par des sanctions sévères contre la bande en 2007 et un blocus naval en 2009 qui a interdit l’entrée de tout navire dans les eaux de Gaza, qu’il soit allié à la Résistance ou neutre.

En 2010, le gouvernement de Netanyahu a défini les critères utilisés pour mettre en œuvre cette politique, qui a été qualifiée d’arbitraire par les critiques, énumérant les matériaux qui pourraient être utilisés à des fins militaires et interdits d’entrée dans la bande de Gaza, y compris ce qui a été décrit comme du matériel à double usage qui pourrait être utilisé à des fins civiles et militaires, tel que du matériel d’assainissement et du ciment.

« Israël », force d’occupation et dernier projet colonial au monde, justifie sa punition collective des Palestiniens sous prétexte d’empêcher la Résistance d’obtenir un avantage militaire.

Cependant, après 16 ans de sanctions collectives contre Gaza, « Israël » n’a fait que restreindre la vie civile dans la bande de Gaza et imposer des souffrances à son peuple, tout en ne parvenant pas à maintenir un avantage militaire.

En fait, l’IOF continue de subir des coups massifs sur le terrain alors que la Résistance continue d’étendre son arsenal, en dépit du siège.

Une production sur place

L’obsession israélienne de priver totalement le peuple palestinien de ses moyens de subsistance et de résistance a conduit à l’innovation du côté palestinien, de tactiques militaires révolutionnaires et à la mise au point d’armes.

Traditionnellement, les forces armées dépendent soit de la production de leurs armes par le biais d’installations militaires complexes, soit de l’importation de technologies et d’armes en provenance d’États qui ont déjà mis en place ce processus.

À Gaza, les deux possibilités sont impossibles, surtout depuis qu’ « Israël » a renforcé ses alliances militaires et de renseignement en mer Rouge et en Méditerranée afin d’ancrer son appareil militaire dans les eaux du monde arabe après 2013.

Les combattants de Gaza sont désormais habitués à des pratiques hors du commun, comme en témoigne leur volonté constante de renforcer leurs capacités défensives.

Au début des années 2000, période qui a coïncidé avec l’occupation directe de la bande de Gaza, les ingénieurs des Brigades al-Qassam ont déployé des efforts inimaginables pour se procurer des matériaux explosifs.

Selon le bouche à oreille à Gaza, les ingénieurs chimistes des Brigades allaient même jusqu’à extraire des nitrates de défécations de colombes en en faisant bouillir des kilogrammes pour produire de petites quantités de matières premières utilisées dans la fabrication de roquettes.

Ces circonstances n’ont pas entravé le travail diligent des combattants et des dirigeants de la résistance, qui ont opéré un changement remarquable dans leurs tactiques pour coopter la technologie des roquettes dans les installations de production locales.

Les roquettes FARJR5 – Partiellement produites en Iran et assemblées à Gaza – Illustration : al-Mayadeen

La République islamique d’Iran a été un allié clé de la Résistance palestinienne et a déjà fourni aux combattants de la Résistance des roquettes Fajr 3 et Fajr 5.

Bien que les armes fournies par l’Iran aient été d’une grande aide pour la Résistance dans ses batailles temporelles avec « Israël », le véritable avantage réside dans l’étude du processus, des géométries et de la conception qui constituent ces roquettes.

Les connaissances partagées entre les différents pôles de l’Axe de la Résistance ont conduit à un moment-clé n où la JOR a atteint l’indépendance en termes de production de ses capacités militaires.

Actuellement, on peut affirmer que l’écrasante majorité des roquettes lancées vers les colonies et les territoires occupés sont produites à Gaza même, dans les ateliers des différents groupes de la JOR.

Une précision en hausse

Grâce au partage des connaissances et de l’expertise, les brigades Al-Quds ont pu réduire leur dépendance à l’égard des systèmes d’armes importés ou de contrebande qui eur conféraient des avantages stratégiques sur le champ de bataille.

Elles ont lentement modifié l’équilibre des forces en développant et en fabriquant plusieurs gammes de roquettes et d’autres projectiles explosifs.

Au deuxième jour des affrontements, les Brigades Al-Quds ont publié une vidéo révélant les caractéristiques de la roquette Boraq 85, qui a une portée de 85 km et est capable de viser efficacement « Tel Aviv » et les colonies situées à proximité, à partir de positions de tir dans la bande de Gaza.

La roquette contient une ogive de 40 kg et a été mise en service en 2019.

Les roquettes BORAQ 85 – Produites et assemblées à Gaza – Illustration : al-Mayadeen

Bien que l’ogive de la Boraq soit beaucoup plus petite que celle des roquettes Fajr, elle peut être considérée comme une alternative, car elle cible les positions ennemies à des distances et avec une précision similaires.

En outre, sa production est beaucoup plus facile, car elle est fabriquée à partir de matériaux et de technologies disponibles localement.

Même si la gamme de roquettes Fajr a permis aux Gazaouis d’élargir le champ de la confrontation avec les Israéliens à un moment crucial, les roquettes Boraq produites localement, dans leurs différentes variantes, ont mis en évidence la diminution de la dépendance de la Résistance à l’égard des systèmes d’armes importés.

La Résistance a également développé la ligne de roquettes Badr, qui utilise des ogives explosives plus grandes, estimées à environ 200 kg, en plus de la tendance de l’ogive à se fragmenter en une multitude de shrapnels, selon les médias israéliens.

La roquette Ayyash 250, qui a été lancée pour la première fois lors de la bataille de Seif Al-Quds en mai 2021, a également démontré la capacité de la Résistance à développer des armes couvrant l’ensemble du territoire palestinien occupé.

Yehya Al-Sinwar, l’actuel chef du Hamas dans la bande de Gaza, a déclaré après la bataille de Seif Al-Quds : « La Résistance a désormais couvert une zone qui s’étend de Naqoura, au nord de la Palestine, à ‘Eilat’, au sud. »

Ces percées témoignent des progrès continus des capacités d’ingénierie de la bande de Gaza. Le travail assidu des membres de la Résistance a permis le développement régulier de plusieurs lignes de roquettes, allant d’objets imprécis ciblant les colonies voisines à des armes précises et fabriquées avec qauliét, qui ont infligé des dommages substantiels à leurs cibles.

Le travail des combattants de la Résistance a sans aucun doute été affecté par les sanctions imposées à Gaza. Cependant, la politique israélienne avait poussé la Résistance dans une position de précarité, et alors qu’elle traversait ces conditions matérielles particulières, ses principes généraux d’opération ont été modelés et solidifiés.

Les roquettes QASSIM – Produites et assemblées à Gaza – Illustration : al-Mayadeen

Les Brigades Al-Quds ont déclaré à Al Mayadeen : « Nous travaillons dans des conditions difficiles que seul Allah connaît. Reconstruire et réapprovisionner notre arsenal militaire, en particulier nos tirs de roquettes, exige des efforts considérables axés sur le recyclage, l’approvisionnement et le transport du matériel. Malgré la difficulté des conditions de travail, le siège de Gaza et l’agression continue, nous avons été capables, comme nous l’avons montré à chaque round de confrontation, de restaurer nos capacités militaires et de remplacer les roquettes lancées alors que nous défendons notre peuple. »

Jénine, l’étoile montante de la Cisjordanie sous occupation

Le travail des Brigades Al-Quds et leur plan de progression militaire dans des circonstances difficiles ont été mis en œuvre en Cisjordanie occupée, Jénine et son camp de réfugiés jouant un rôle de premier plan dans la résistance palestinienne d’aujourd’hui.

Le 19 juin, les premiers signes d’une stratégie défensive efficace ont commencé à apparaître. En témoignent les engins hautement explosifs produits localement qui ont porté un coup sévère au personnel et aux véhicules blindés de la « police des frontières israélienne » qui se sont introduits dans la ville.

Ces armes ont été introduites pour la première fois en Cisjordanie, montrant les résultats fructueux du travail secret effectué par l’Axe de la Résistance en général, et les Brigades Al-Quds en particulier.

Si la géographie, la gouvernance et le tissu social de la bande de Gaza diffèrent grandement de ceux de la Cisjordanie, le tableau d’ensemble reste inchangé : le progrès constant des capacités de la Résistance dans un contexte d’échec de la répression israélienne.

21 juin 2023 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine