Cessez-le feu : à présent, Israël doit rendre des comptes pour ces deux années de génocide

Des Palestiniens, dont des enfants, rassemblés dans le camp de réfugiés de Nuseirat, célèbrent avec des drapeaux palestiniens l'annonce de l'accord de cessez-le-feu à Gaza, le 9 octobre 2025, à Deir al-Balah - Photo : Moiz Salhi / AA

Par Diana Buttu

« Nous sommes soulagés de l’annonce d’un cessez-le-feu à Gaza. À présent, le monde doit demander des comptes à Israël pour ces deux années de génocide », écrit Diana Buttu.

Personne ne peut être plus heureux que les Palestiniens à l’idée que les bombes israéliennes cessent de tomber. Personne. Nous pouvons enfin commencer à localiser et à enterrer nos morts, à récupérer nos proches sous les décombres et à comprendre, collectivement, ce que nous avons vécu ces deux dernières années.

Chaque jour, pendant deux ans, nous nous sommes soutenus les uns les autres, physiquement et verbalement, nous protégeant mutuellement contre les manipulations psychologiques et la déshumanisation incessantes.

Nous avons vu la technologie la plus sophistiquée se transformer en machines à tuer impitoyables, déchiquetant les corps d’enfants avec une cruauté que je n’aurais jamais imaginé voir un jour.

Nous avons vécu à notre tour ce qu’ont subi nos parents et grands-parents au siècle dernier, avec cette destruction impitoyable des vestiges de la Palestine par des personnes qui ne s’en sont jamais souciées.

Je suis heureuse et soulagée que cela soit peut-être terminé… Nous le sommes tous. Je peux respirer. Nous pouvons respirer.

Pourtant, je suis inquiète.

Depuis près de deux semaines, depuis que le président Donald Trump a annoncé son plan en 20 points, j’explique sans cesse à quel point il est répugnant que les Palestiniens soient contraints de négocier la fin de leur propre génocide. Soyons clairs : aucun « accord » ni aucune négociation n’auraient jamais dû être nécessaires. Vraiment ? Les Palestiniens doivent négocier la fin de leur famine avec le pays même qui les affame délibérément, les bombarde et réduit leurs maisons en miettes comme des poissons dans un tonneau, et prône notre nettoyage ethnique ? Avec le pays qui a arraisonné au moins 50 navires transportant de l’aide humanitaire et kidnappé des centaines de personnes dans les eaux internationales, tout cela pour les empêcher de donner du lait maternisé aux bébés de Gaza ? Vraiment ?

Le génocide oblige au contraire tous les pays du monde à intervenir pour arrêter Israël, et non les victimes à « négocier » avec Israël pour qu’il les épargne.

Et nous en sommes là. Le dernier accord exige qu’Israël se retire d’une partie, mais pas de la totalité, de Gaza, et que les prisonniers israéliens soient remis en échange de Palestiniens.

L’aide va « affluer » à Gaza. Cela semble étrangement familier, n’est-ce pas ? En effet, c’est le cas. Il s’agit en substance du même accord qui a été signé en janvier 2025 et qu’Israël a décidé de rompre en mars 2025.

Mais entrons dans les détails. Pourquoi Israël est-il toujours autorisé à décider du montant de l’aide qui entre à Gaza ? Israël va-t-il, comme il l’a déjà fait, empêcher de façon tout à fait arbitraire l’entrée à Gaza d’une longue liste d’articles, ou déterminer la taille du chargement, y compris la hauteur des sacs d’aide ?

Va-t-il imposer des retards interminables et faire tout ce qui est en son pouvoir pour entraver la livraison d’une aide dont le besoin est encore plus urgent ? Bien sûr que oui.

Et qui s’y opposera ? Trump, peut-être avec un tout nouveau prix Nobel, obtenu seulement après avoir aidé, encouragé et financé le génocide d’Israël (et bombardé l’Iran), pour ensuite mettre fin au génocide juste à temps pour être pris en considération pour le prix ?

Avec ou sans prix Nobel de la paix, il est très douteux qu’il fasse quoi que ce soit pour faire pression sur Israël – son bilan parle de lui-même.

Et si Israël refuse de se retirer complètement de Gaza ? Qui exigera qu’Israël le fasse ? Et que se passera-t-il si Israël continue à envoyer des drones, lancer des bombes et d’autres armes meurtrières sur Gaza ? Qui empêchera Israël de le faire ?

La réponse est : personne. Car si la [dite] communauté internationale dans son ensemble n’a pas empêché Israël de commettre un génocide, il semble certain qu’elle ne l’empêchera pas de continuer à perpétrer quotidiennement des actes de violence extrême contre les Palestiniens.

On attend désormais de nous que nous endurions cela ; c’est devenu la nouvelle norme.

22 septembre 2025 – Les secours tentent d’éteindre un incendie qui s’est déclaré après les attaques israéliennes contre une maison appartenant à la famille Al-Shawa au carrefour de Samer, dans la ville de Gaza – Photo : Khames Alrefi / AA

Pendant deux ans, on nous a rabattu les oreilles avec les « otages israéliens et avons vu la colère qu’Israël a manifestée dans le but déclaré de récupérer ces captifs. Plus de 11 000 Palestiniens, dont la grande majorité sont des otages (et oui, ce sont des otages car beaucoup n’ont été inculpés d’aucun délit et sont détenus au secret), sont aujourd’hui détenus par Israël.

Parmi eux figurent des médecins comme le Dr Hussam Abu Safiya, directeur de l’hôpital Kamal Adwan, des journalistes, dont Ali Samoudi, qui était avec Shireen Abu Akleh lorsqu’elle a été assassinée par un tireur d’élite israélien en 2022, au moins 400 enfants, et bien d’autres encore.

Comment nos otages pourront-ils rentrer chez eux ? Qu’en est-il des corps de plus de 720 Palestiniens, dont la plupart sont détenus depuis bien avant octobre 2023, et qu’Israël continue de retenir en otage ?

Quand ces corps nous seront-ils rendus afin que nous puissions leur offrir une sépulture digne ?

Si l’on applique la logique d’Israël (et non la nôtre), s’il est permis d’exécuter ou de blesser environ 20 % de la population de Gaza, de raser délibérément la plus grande ville palestinienne, de détruire 90 % des habitations palestiniennes, d’attaquer tous les hôpitaux et toutes les écoles pour 248 captifs israéliens, quelle est alors l’action permise pour obtenir la libération plus de 11 000 otages palestiniens ?

Et c’est là que réside le problème : si le monde détourne son regard de la Palestine, comme je le crains maintenant qu’il y ait un « accord » et que les parties « négocient », alors l’indignation publique mondiale et la dynamique exigeant qu’Israël soit tenu responsable se dissiperont.

En étant autorisé à négocier ce qui ne devrait jamais être négocié, Israël s’en tirera littéralement à bon compte après avoir commis un génocide.

9 octobre 2025 – Zeteo – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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