
10 octobre 2025 - Malgré l'annonce d'un cessez-le-feu, les frappes se poursuivent à l'est de Khan Yunis, dans la bande de Gaza, tandis que les Palestiniens déplacés retournent dans leurs maisons détruites. Depuis que l'armée israélienne a commencé un retrait partiel du territoire dans le cadre de la première phase d'un accord de paix avec le Hamas, 19 Palestiniens ont été tués dans les frappes aériennes israéliennes qui se poursuivent dans toute la bande de Gaza - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par Collectif féministe palestinien
La récente décision du secrétaire général de l’ONU d’inscrire le Hamas, et pas Israël, sur la liste noire des auteurs de violences sexuelles va à l’encontre des preuves réunies par l’ONU lui-même.
Le 15 juillet 2025, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a publié son rapport annuel sur les violences sexuelles dans les zones de conflit, ajoutant le Hamas à la « liste des parties soupçonnées de manière crédible d’avoir commis ou d’être responsables de viols ou d’autres formes de violences sexuelles dans des situations de conflit armé » établie par les Nations unies. [1]
Cette décision a été prise malgré le fait qu’aucun des deux précédents rapports de l’ONU sur lesquels le secrétaire général a fondé ses conclusions n’ait attribué au Hamas un seul acte de violence sexuelle de cette nature le 7 octobre, ni trouvé de preuves d’un plan ou d’ordres incitant à commettre des violences sexuelles.
La preuve la plus solide présentée dans le rapport du secrétaire général pour étayer l’affirmation selon laquelle le Hamas avait commis des violences sexuelles le 7 octobre était la présence présumée de plusieurs corps dénudés à partir de la taille et aux mains liées (une affirmation que nous examinons ci-dessous) – une preuve qui, selon le rapport, « pourrait indiquer certaines formes de violences sexuelles » (sans préciser par qui) mais qui, reconnaît-il, est circonstancielle (paragraphe 35).
En revanche, le rapport détaille pas moins de « 12 incidents de violences sexuelles en zone de conflit perpétrées par les forces armées et de sécurité israéliennes […] dans les prisons de Naqab/Ketziot et d’Ofer et au centre de détention d’Etzion contre sept hommes palestiniens, dont un viol, une tentative de viol, trois incidents d’écrasement ou d’étirage des parties génitales des détenus ; et sept incidents de coups de pied ou de coups portés aux parties génitales », en plus d’« au moins deux cas de viol et quatre incidents de violence sur des parties génitales par les forces armées et de sécurité israéliennes contre des détenus palestiniens dans les prisons de Naqab/Ketziot et Megiddo et la base militaire de Sde Teiman », tous vérifiés par l’ONU (paragraphe 36).
Ces incidents récents s’ajoutent à une vaste littérature documentant les violences sexuelles commises par les forces israéliennes à l’encontre d’hommes, de femmes et d’enfants palestiniens depuis plusieurs décennies : des violences que l’ONU elle-même a qualifiées de « systématiques » et « institutionnalisées » (voir paragraphes 153 et 193 du présent rapport).
Pourtant, la décision a été prise de mettre le Hamas, et non Israël, sur la liste noire pour les violences sexuelles en zone de conflit. Pourquoi ?
Le parti pris flagrant qui transparaît dans cette décision du secrétaire général n’est malheureusement que le dernier épisode d’une longue histoire de complicité de l’ONU dans la propagande israélienne sur les viols massifs (rigoureusement démentie dans des publications telles que The Intercept, Yes Magazine, Mondoweiss, Grayzone, Middle East Monitor, Electronic Intifada et le London Times). [2]
Dans cet article, nous retraçons les moments clés de cette histoire à travers une analyse des deux principaux rapports de l’ONU sur les violences sexuelles en Israël et dans les territoires palestiniens occupés (TPO). Nous passons également en revue le rapport le plus approfondi, mais moins connu, de l’ONU sur les violences sexuelles systématiques commises par les forces israéliennes.
En nous appuyant sur les preuves de violences sexuelles fournies par l’ONU lui-même, nous expliquons que la décision de mettre le Hamas sur liste noire et non Israël pour les violences sexuelles en zone de conflit s’inscrit dans une longue trajectoire de partialité, nous enquêtons sur les racines de cette partialité et nous attirons l’attention sur la réalité bien documentée des violences sexuelles systématiques commises par Israël contre les Palestiniens.
Nous concluons que la décision du secrétaire général de l’ONU de mettre le Hamas sur liste noire, qui épouse la propagande israélienne tout en ignorant les propres preuves de l’ONU concernant le recours systématique à la violence sexuelle par Israël, restera dans l’histoire comme une preuve exemplaire de la complicité de l’ONU dans le génocide perpétré par Israël à Gaza.
1. Le rapport Patten : biaisé depuis le début
Le 20 janvier 2024, alors qu’Israël intensifiait son génocide à Gaza, le ministère israélien des Affaires étrangères a invité Pramila Patten, représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies chargée de la violence sexuelle dans les conflits, à se rendre en Israël afin de « constater par elle-même l’ampleur des atrocités (sexuelles) et de porter les crimes du Hamas à l’attention des autorités internationales ».
À l’époque, la narrative israélienne sur les viols massifs – pierre angulaire de sa justification du génocide – commençait à perdre de sa crédibilité, car des rapports d’enquête faisaient état des mensonges des témoins, d’affirmations peu fiables et d’un manque flagrant de preuves et de survivants.
Patten, cependant, ne s’est pas laissée convaincre. Après avoir visionné en privé le tristement célèbre documentaire de propagande israélien de 43 minutes, elle a déclaré : « Ce n’est qu’après avoir vu la vidéo que j’ai compris des choses que je ne comprenais pas auparavant concernant l’ampleur de la catastrophe qui s’est produite ».
Le parti pris en faveur de la narrative israélienne était évident dès le début de la mission de Patten.
L’objectif officiel de la mission, dont nous avons longuement documenté la complicité et les erreurs dans un article précédent, était de vérifier les allégations de violences sexuelles en zone de conflit commises lors des « attaques terroristes brutales menées par le Hamas le 7 octobre 2023 », mais Patten a elle-même déclaré que la « principale préoccupation » de la mission était « de tout faire pour les otages (israéliens) restants ».
Le bureau de Patten n’ayant pas de pouvoirs d’enquête, il s’est largement appuyé sur des informations de seconde main, et le rapport lui-même admet que l’équipe de la mission a été handicapée par le fait que les informations sur lesquelles elle s’est appuyée « provenaient en grande partie d’institutions nationales israéliennes » (paragraphe 55).[3]
Il s’agissait notamment : « du président d’Israël et de la première dame, des ministères concernés… des Forces de défense israéliennes (FDI), de l’Agence de sécurité israélienne (Shin Bet) et de la police nationale israélienne chargée de l’enquête sur les attentats du 7 octobre (Lahav 433) ; [et] plusieurs visites de travail à la base militaire de Shura, à la morgue où les corps des victimes ont été transférés, ainsi qu’une visite au Centre national israélien de médecine légale » (paragraphe 33).
En l’espace de deux semaines, l’équipe de la mission « a tenu 33 réunions avec des représentants d’institutions nationales israéliennes » (paragraphe 33), tandis que Patten elle-même a rencontré certains des principaux auteurs de la propagande israélienne sur les atrocités : elle a été photographiée avec Yossi Landau, à l’origine des mensonges tristement célèbres sur « la femme enceinte dont le fœtus a été arraché » et « les bébés décapités ».
Ce parti pris dans le choix des sources est significatif, d’autant que le rapport ne cite aucune des preuves qu’il utilise.
La conclusion du rapport selon laquelle il existait « des motifs raisonnables de croire que des violences sexuelles, y compris des viols et des viols collectifs, avaient été commises lors des attaques du 7 octobre 2023 dans plusieurs endroits » reposait sur un manque flagrant de preuves et sur une poignée d’incidents présumés.
Parmi ceux-ci figurait l’allégation, reprise au paragraphe 35 du rapport du Secrétaire général et aux paragraphes 12 et 58 du rapport original de Patten, selon laquelle « plusieurs corps entièrement nus ou partiellement nus à partir de la taille ont été retrouvés – principalement des femmes – les mains liées et ayant reçu plusieurs balles, souvent dans la tête. Bien que circonstancielle, le fait de déshabiller et d’attacher les victimes peut indiquer certaines formes de violences sexuelles. »
Face à la souffrance des Palestiniennes, les féministes restent muettes
Ces allégations reposaient en grande partie sur les rapports des « premiers intervenants ». Cependant, nous savons que la principale organisation chargée d’intervenir le 7 octobre depuis Israël était ZAKA, l’organisation ultranationaliste qui, selon son porte-parole Yehuda Meshi-Zahav, se considère comme « une branche du ministère des Affaires étrangères ».
Les membres de ZAKA ont été parmi les pires artisans de la propagande sur les atrocités commises par Israël. Étant donné que l’équipe de Patten n’avait aucun pouvoir d’enquête et devait terminer sa mission dans un délai de deux semaines ; qu’elle a tenté sans succès de parler à des survivantes d’agressions sexuelles ou de viols commis le 7 octobre ; qu’elle a été fortement encadrée par le gouvernement israélien ; et qu’à l’époque, la presse s’appuyait sur un ensemble restreint et constamment recyclé de 12 témoignages, qui ont tous été démentis ou se sont révélés peu fiables, il est raisonnable de conclure que l’équipe de Patten s’est peut-être elle-même appuyée sur bon nombre de ces mêmes témoignages.
Parmi ceux qui ont affirmé que des femmes nues avaient été retrouvées partiellement ou totalement dénudées, les mains liées (soulignant qu’elles avaient été abattues d’une balle dans la tête), figurait Shari Mendes. Mendes, « une des témoins les plus connues qui soutenait les allégations d’Israël concernant des viols systématiques », est architecte et membre du corps rabbinique de l’armée israélienne.
Elle s’est portée volontaire pour préparer les corps en vue de leur inhumation à la base militaire de Shura, où l’équipe de Patten a effectué « plusieurs visites » (paragraphe 3). Bien que Mendes soit parfois présentée par les médias comme un membre de l’« équipe médico-légale », elle n’était ni responsable ni qualifiée pour recueillir des preuves médico-légales ou identifier la cause du décès.
Mendes, qui a ensuite été invitée à témoigner devant l’ONU, a changé plusieurs fois sa version des faits après avoir répété certains des mensonges les plus démystifiés concernant le 7 octobre, affirmant notamment dans une interview au Daily Mail qu’elle avait vu un fœtus arraché du ventre de sa mère et décapité (les registres de l’institut national d’assurance israélien confirment qu’un seul bébé a été tué le 7 octobre : Mila Cohen, âgée de 10 mois, qui, selon la presse, a reçu une balle tirée à travers une porte alors que des militants palestiniens tentaient d’entrer dans sa maison). [4]
Cinq médecins légistes qualifiés, qui ont révélé par la suite avoir travaillé à Shura et avoir été chargés spécifiquement d’examiner les corps pour déterminer « la possibilité d’un viol », ont conclu, selon Haaretz, qu’« aucun de ces corps ne présentait de signes de relations sexuelles ou de mutilations génitales ».
Le seul cas de viol relaté dans le rapport qui n’avait pas déjà été évoqué dans les médias et qui n’avait pas été démenti auparavant était « le viol d’une femme à l’extérieur d’un abri anti-bombes à l’entrée du kibboutz Re’im, corroboré par des témoignages et des preuves numériques » (paragraphe 61, c’est nous qui soulignons). Cependant, dans une contradiction flagrante, le rapport indique explicitement qu’il n’a trouvé aucune preuve numérique de viol.
Bien que des experts aient examiné « plus de 5000 photos, pendant environ 50 heures, et plusieurs fichiers audio d’images des attaques, fournis en partie par divers organismes publics et grâce à un examen indépendant en ligne de diverses sources ouvertes », l’équipe de Patten a été contrainte de conclure que « l’évaluation médico-légale des photos et vidéos disponibles n’a permis d’identifier aucun signe tangible de viol » (paragraphe 74, c’est nous qui soulignons).
Ce qu’il est encore plus important de savoir concernant le rapport de Patten, cependant, compte tenu de l’importance accordée par le Secrétaire général aux conclusions du rapport Patten dans sa décision d’inscrire le Hamas sur la liste noire pour violences sexuelles, c’est ce qu’il n’a pas trouvé.
Il n’a trouvé :
a) Aucun survivant : malgré un appel lancé aux survivants pour qu’ils se manifestent, l’équipe de Patten n’a pas réussi à localiser un seul survivant de violences sexuelles qui auraient été commises le 7 octobre et n’a parlé à aucun survivant (paragraphe 48).
b) Aucun schéma récurrent : l’équipe de la mission n’a explicitement trouvé aucun schéma récurrent de violences sexuelles qui auraient été commises le 7 octobre, ni prouvé qu’il y en avait eu davantage que la poignée d’incidents présumés contenus dans le rapport. À la 51e minute de la conférence de presse de Patten du 4 mars 2024, Farnaz Fassihi, du New York Times, demande : « Diriez-vous que vous avez constaté une tendance à la violence sexuelle qui était une stratégie du Hamas, tant dans les attaques du 7 octobre qu’en ce qui concerne les otages ? » Patten répond catégoriquement par la négative. Plus tard dans la conférence de presse, lorsque la journaliste Liza Rozovsky, de Haaretz, lui a demandé : « Ai-je raison de penser que vous ne pouvez pas conclure que les violences sexuelles avaient un caractère systématique ? », Mme Patten réitère sa réponse en déclarant : « Non… ce qui différencie le travail que nous avons entrepris, à savoir la collecte et la vérification d’informations en vue de leur inclusion dans le rapport annuel du Secrétaire général, d’une véritable enquête, c’est que vous pourriez, dans une enquête, aborder les éléments de violence généralisée ou systématique. Nous ne sommes pas entrés dans ce détail » (minute 57). [5] Le rapport de Patten indique qu’il n’a pas été possible « d’établir la proportion de personnes concernées par les violences sexuelles » (paragraphe 86), un point que Patten a réitéré lors de la conférence de presse en déclarant :
« Je ne m’attarde pas sur la prévalence (proportion chiffrée, pourcentage, ndt), je n’ai pas de chiffres dans le rapport. Car pour moi, un seul cas suffit amplement. Il ne s’agit pas de… Je ne me suis pas lancé dans un exercice de comptabilité. La première lettre que j’ai reçue du gouvernement israélien faisait état de centaines, voire de milliers de cas de violences sexuelles brutales perpétrées contre des hommes, des femmes et des enfants. Je n’ai rien trouvé, rien de tel. »
Il est important de noter que si la prévalence ne relevait pas du champ d’action de la mission, la recherche de schémas récurrents en faisait partie. Le rapport expliquait que « le mandat de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies, chargée de la question des violences sexuelles en période de conflit (RSSG-SVC) englobe la collecte, l’analyse et la vérification des informations existantes, ainsi que des informations reçues de manière indépendante, sur les incidents et les schémas récurrents de violences sexuelles liées aux conflits » (paragraphe 25, c’est nous qui soulignons). Étant donné que la liste noire du secrétaire général (SG) est censée répertorier « les parties soupçonnées de manière crédible d’avoir commis ou d’être responsables de schémas de viols ou d’autres formes de violences sexuelles dans des situations de conflit armé », l’incapacité de l’équipe de Patten à trouver des preuves d’un schéma de violences sexuelles rend la décision du SG d’inscrire le Hamas sur la liste noire particulièrement discutable.
c) Aucune attribution : le rapport de Patten n’attribue aucun acte de violence sexuelle au Hamas ou à tout autre groupe de résistance palestinien. Lors de la conférence de presse du 4 mars, Patten a expliqué que :
« Compte tenu des multiples acteurs, à savoir le Hamas, le Jihad islamique palestinien, d’autres groupes armés, des civils armés et non armés, je ne me suis pas attardée sur l’attribution, étant donné le temps dont je disposais et le fait que je ne menais pas d’enquête. »
Cette conclusion a également été notée dans le rapport lui-même, qui explique que « étant donné que la mission n’était pas une enquête, elle n’a pas recueilli d’informations ni tiré de conclusions sur l’attribution des violations présumées à des groupes armés spécifiques » (paragraphe 78).
Où sont nos féministes ? Le premier droit des Palestiniennes n’est-il pas le droit à la vie ?
Le fait que l’équipe de Patten n’ait pas été en mesure d’établir un schéma ou une prévalence des supposées violences sexuelles du 7 octobre, qu’elle n’ait pas réussi à localiser de survivants ou de preuves numériques de viols et qu’elle n’ait attribué aucune responsabilité au Hamas pour un seul acte de violence sexuelle, devrait nous amener à remettre sérieusement en question la décision du Secrétaire général d’ajouter le Hamas à la « liste des parties soupçonnées de manière crédible d’avoir commis ou d’être responsables de viols ou d’autres formes de violence sexuelle dans des situations de conflit armé ».
Cela est d’autant plus indiscutable et nécessaire que cette décision semble s’être principalement appuyée sur les conclusions du rapport de Patten.
2. Ce que nous savons des violences sexuelles commises contre les captifs israéliens
Le seul domaine dans lequel le rapport Patten prétend disposer d’« informations claires et convaincantes » (un seuil de preuve plus élevé que « des motifs raisonnables de croire ») concerne les captifs [israéliens]. Le rapport affirme que l’équipe de mission a reçu « des informations claires et convaincantes selon lesquelles certains captifs emmenés à Gaza ont été soumis à diverses formes de violences sexuelles liées au conflit pendant leur captivité » (paragraphe 85).
La décision du Secrétaire général d’inscrire le Hamas sur la liste noire s’est fortement appuyée sur cette conclusion, ainsi que sur une affirmation contenue dans un rapport de septembre 2024 de la Commission d’enquête (COI) selon laquelle la Commission avait reçu « des informations crédibles selon lesquelles certains captifs auraient été victimes de violences sexuelles et sexistes » (paragraphe 82).
Toutefois, tant dans son rapport de septembre 2024 que dans son rapport précédent de juin 2024 (que nous examinons ci-dessous), la COI admet qu’elle n’a pas été en mesure d’interroger directement des captifs en raison du refus d’Israël de coopérer (voir minute 20.45).
De fait, la COI indique clairement dans son rapport de septembre 2024 qu’elle a dû s’appuyer « sur des témoignages vidéo et audio de captifs libérés accessibles via des sources ouvertes » pour son rapport et qu’elle n’a pu s’entretenir directement avec aucun captif.
Comme aucun des deux rapports ne cite ses sources ni ne cite les témoins présumés, il est très difficile d’évaluer la véracité de ces affirmations. Il est important de noter qu’aucun des deux rapports n’affirme que les violences sexuelles contre les captifs étaient systématiques, généralisées ou ordonnées par le Hamas (toutes accusations que l’ONU portera plus tard contre les forces israéliennes en ce qui concerne les détenus palestiniens).
Au contraire, on nous dit que certains captifs ont probablement été victimes de violences sexuelles. À ce jour, la seule captive libérée qui s’est manifestée publiquement pour affirmer avoir été violée pendant sa captivité est Amit Soussana (il s’agit probablement de « l’otage féminine libérée [qui] a déclaré avoir été violée dans un appartement » et qui est mentionnée dans le rapport de la COI de septembre 2024).
Dans une interview accordée au New York Times, Soussana raconte que son ravisseur l’a forcée à se livrer à « un acte sexuel » avant d’exprimer des remords et de la supplier de ne pas en parler à Israël.
Dans une réponse de 1300 mots à l’histoire de Soussanna, le Hamas a déclaré qu’« il était essentiel pour le groupe d’enquêter sur les allégations de Mme Soussana » et qu’il condamnait toute forme de violence sexuelle.
Au-delà de la question de la crédibilité, il est important de noter que le récit de Soussana ne corrobore pas l’affirmation d’Israël selon laquelle il existait un plan ou une directive de la part du Hamas visant à utiliser le viol comme arme de guerre, et qu’il ne constitue pas non plus un « schéma » qui permettrait d’inscrire le Hamas sur la liste noire des Nations unies.
Comme le rapport de la COI lui-même affirme que « certains otages libérés ont déclaré n’avoir subi aucun mauvais traitement » (paragraphe 83), il est raisonnable de déduire que ce traitement n’était pas systématique.
Étant donné que le gouvernement israélien a affirmé à plusieurs reprises, sur la base du récit de Soussanna, que les femmes captives à Gaza sont victimes de violences sexuelles systématiques afin de justifier le génocide en cours, et étant donné que cette affirmation a également été reprise par les familles des captifs pour exiger leur retour (familles que Patten a rencontrées lors de son voyage d’une semaine en Israël, s’engageant à faire de sa mission « tout ce qui est en son pouvoir pour les captifs (israéliens) restants »), nous devons nous garder de tirer des conclusions sans preuves.
3. Le deuxième rapport : Commission d’enquête (COI)
Si les lacunes du rapport de Patten – élaboré à la demande du gouvernement israélien, appuyé sur des sources gouvernementales israéliennes et dépourvu des moyens d’enquêter – n’avaient rien de surprenant, beaucoup avaient des attentes plus élevées envers la Commission d’enquête des Nations unies.
Créée en 2021 avec un mandat permanent, la COI est à ce jour le seul organe des Nations unies doté de pouvoirs d’enquête pour examiner les allégations d’Israël selon lesquelles le Hamas aurait commis des violences sexuelles systématiques le 7 octobre. Ce n’est donc pas un hasard si, au moment même où Patten rencontrait le président Herzog et était accueilli dans des bases militaires israéliennes, la COI se voyait interdire l’entrée en Israël et était délibérément empêchée de mener son enquête.
Si pour beaucoup d’entre nous, cette absence de soutien de la part du gouvernement israélien a été interprétée comme un signe positif de l’indépendance de la Commission, cela a finalement empêché cette dernière de remplir son mandat et de mener une enquête approfondie et indépendante sur les allégations de violences sexuelles commises par Israël.
Dans l’impossibilité d’accéder au territoire où les crimes présumés ont été commis ou de s’entretenir directement avec les témoins, et confrontée à un manque flagrant de témoignages de survivants et de preuves médico-légales et numériques, la Commission avait deux options.
Soit elle pouvait annoncer que le gouvernement israélien refusait de coopérer et qu’elle était donc empêchée de mener son enquête. Soit elle pouvait poursuivre son « enquête » en se basant sur des témoignages de seconde main et des récits des premiers intervenants, malgré les nombreuses preuves démontrant que ces récits s’étaient jusqu’à présent révélés peu fiables et truffés d’inexactitudes. Elle a choisi la seconde option.
La dépendance excessive à des sources compromises qui en a résulté a entravé le travail de la COI dès le début. Dans un article précédent, nous avons analysé les conséquences de cette situation sur le rapport publié en juin 2024, en détaillant la répétition par la COI d’allégations démenties, sa dépendance à l’égard de témoignages de seconde main non crédibles, ses erreurs factuelles manifestes et sa dépendance excessive à des « preuves » vidéo et photographiques publiées en ligne par des sources peu fiables, notamment le groupe de premiers intervenants discrédité ZAKA, et leur interprétation erronée.
Dans un exemple révélateur, la COI s’est appuyée sur le témoignage des premiers intervenants pour affirmer que « de nombreux corps transportés au camp de Shura présentaient des signes indiquant des violences sexuelles » (paragraphe 136), alors que cinq médecins légistes, mentionnés plus haut dans cet article, travaillaient à Shura et étaient spécifiquement chargés d’examiner « les corps arrivés entièrement ou partiellement nus afin d’examiner la possibilité d’un viol ».
Ils n’ont trouvé aucun signe de mutilation génitale ou de viol sur aucun des corps qu’ils ont examinés.
Mais ce qui est le plus frappant dans le rapport de la COI, c’est encore une fois ce qu’il n’a pas trouvé :
1. Aucune preuve de viol : la Commission n’a trouvé aucune preuve directe d’un seul viol commis le 7 octobre (paragraphe 138). La seule allégation de viol figurant dans le rapport est la déclaration d’un témoin présumé qui affirme avoir vu « le corps d’un homme avec […] un pistolet inséré dans l’anus » (paragraphe 154). Cette affirmation est répétée deux fois dans le rapport et citée comme preuve possible du « crime de guerre de viol et d’autres formes de violence sexuelle » (paragraphe 292), bien que la Commission n’ait « pas été en mesure de corroborer cette information » (paragraphe 154).
Cela va à l’encontre des exigences méthodologiques du rapport lui-même, qui stipulent que les informations non corroborées doivent être exclues (paragraphe 14). Nous n’avons également trouvé aucune corroboration de ce récit ailleurs.
2. Aucun survivant : la Commission n’a pu rencontrer « aucun survivant des violences sexuelles commises le 7 octobre, malgré ses tentatives en ce sens » (paragraphe 19).
3. Aucune preuve médico-légale : la Commission a noté « l’absence de preuves médico-légales des crimes sexuels commis le 7 octobre » (paragraphe 18).
4. Aucune preuve d’instructions de commettre des violences sexuelles et aucun plan : l’enquête n’a « pas pu vérifier » les affirmations israéliennes selon lesquelles des instructions avaient été trouvées sur des combattants palestiniens leur ordonnant de commettre des violences sexuelles (paragraphe 139). Malgré les informations contraires relayées par les médias, le rapport n’a trouvé aucune preuve de viols planifiés ou systématiques pouvant être attribués au Hamas ou à tout autre groupe armé palestinien (paragraphe 138).
5. Aucune mutilation génitale : la COI n’a pas non plus été « en mesure de vérifier les informations faisant état de tortures à caractère sexuel et de mutilations génitales », qui avaient largement circulé dans les mois qui ont suivi le 7 octobre (paragraphe 138). En outre, la Commission a estimé que « certaines allégations spécifiques étaient fausses, inexactes ou contradictoires » (paragraphe 138).
6. Aucune attribution de violences sexuelles au Hamas : pour expliquer son incapacité à attribuer la responsabilité des violences sexuelles, la Commission d’enquête a expliqué que l’équipe de Pramilla Patten n’avait pas été en mesure de procéder à une « attribution spécifique » en raison de son manque de pouvoirs d’enquête, et a exhorté Israël à accorder l’accès à la COI, ce qu’il a refusé de faire (paragraphe 140).
Malgré cette absence flagrante de preuves, le rapport de la COI a été largement présenté comme impartial et équitable (à la fois par la COI elle-même et par les médias de l’ONU qui ont accompagné sa publication) et renvoie « les deux camps » dos à dos.
Pour pouvoir mettre le signe égal entre les violences sexuelles présumées du 7 octobre et les décennies de violences sexuelles systématiques commises par les forces israéliennes, la COI a été obligée de recourir à toutes sortes de manipulations : elle a notamment utilisé une définition biaisée de la violence sexiste, différente de celle couramment utilisée en droit international, pour pouvoir regrouper divers incidents sous cette qualification. [6]
Par exemple, les agressions contre des femmes soldats à la base militaire de Nahal Oz (décrites dans le rapport comme des « jeunes femmes » (paragraphe 113) qui « semblaient effrayées » (paragraphe 108) ont été répertoriées dans le rapport de la COI comme des exemples de violence sexiste, sans tenir compte du fait qu’elles ont été prises pour cible, tout comme les soldats masculins, non pas parce qu’elles étaient des femmes, mais parce qu’elles étaient des soldats de l’armée israélienne.
Cette définition large a permis à la COI de gonfler les preuves de violences sexuelles commises le 7 octobre, dans le but ultime de présenter un rapport qui condamnai à égalité Israël et les « acteurs armés » palestiniens.
4. Le rapport 2025 de la COI sur les violences sexuelles systématiques commises par les forces israéliennes
La campagne de pression internationale menée par Israël et les États-Unis contre la COI, l’accusant d’antisémitisme et exigeant sa dissolution, s’est considérablement intensifiée au cours des trois dernières années, contribuant à des pertes de financement et à des réductions de personnel qui ont entravé le travail de la Commission. [7]
Si ce type de pression politique a pu contribuer à la volonté de la Commission d’apparaître « impartiale » en présentant une analyse qui renvoyait les deux camps dos à dos dans son rapport de 2024, un courant plus profond pathologisant la résistance palestinienne semble également avoir été à l’œuvre.
La propagande israélienne sur les viols de masse s’appuie depuis longtemps sur un imaginaire colonial islamophobe qui présente le Hamas et d’autres groupes de résistance palestiniens comme des « terroristes » hypersexuels et brutaux, enveloppant ainsi ces allégations dans un voile d’exception qui permet d’abaisser considérablement, voire de supprimer, le besoin de preuve.
La COI est beaucoup plus à l’aise pour documenter le statut de victime des Palestiniens. En 2025, conscients qu’ils étaient sur le point de prendre leur retraite ou de démissionner collectivement de leurs fonctions, les trois membres de la Commission ont publié un rapport accablant intitulé « More than a human can bear » (Plus qu’un être humain ne peut supporter) : L’utilisation systématique par Israël de violences sexuelles, reproductives et autres formes de violences basées sur le genre depuis octobre 2023. [8]
Ce rapport est une litanie horrible des brutalités sexuelles commises par les forces israéliennes qui, enfin, prend note de certains des crimes dont ont témoigné des survivants palestiniens, des témoins et des organisations de la société civile au cours des deux dernières années (et depuis des décennies).
Dans ce rapport, la COI démontre de manière définitive qu’Israël s’est livré à des violences sexuelles généralisées, systématiques et institutionnalisées. Soulignant que « la violence sexuelle et sexiste n’est en aucun cas un élément nouveau de l’occupation israélienne », le rapport fait état d’une forte augmentation du recours à la torture et aux abus sexuels après le 7 octobre (paragraphe 81).
Ces violences sexuelles étaient omniprésentes, survenant dans toute la bande de Gaza et en Cisjordanie, et particulièrement concentrées dans les situations de détention : « La Commission a documenté des cas de violences sexuelles et sexistes à l’encontre de détenus hommes et femmes dans plus de 10 installations militaires et pénitentiaires israéliennes […] Les violences sexuelles étaient utilisées comme moyen de punition et d’intimidation dès l’arrestation et tout au long de la détention, y compris pendant les interrogatoires et les fouilles » (paragraphe 116). [9]
Voici une brève sélection d’exemples d’incidents contenus dans le rapport, qui ont tous été corroborés par des déclarations directes de victimes et de témoins et vérifiés à l’aide de photos et de séquences vidéo (paragraphe 81). [10] Bon nombre de ces cas d’abus sexuels ont été publiés en ligne par les soldats qui les ont commis, ce qui démontre une culture d’impunité au sein d’Israël qui a favorisé et encouragé de tels actes.
« La Commission a documenté des cas de viol et d’agression sexuelle sur des détenus de sexe masculin, notamment l’utilisation d’une sonde électrique pour causer des brûlures à l’anus et l’insertion d’objets, tels que des doigts, des bâtons, des manches à balai et des légumes, dans l’anus et le rectum… La victime a déclaré à la Commission : « Ils m’ont emmené dans une salle d’interrogatoire et m’ont suspendu par les bras derrière le dos. Mes orteils touchaient à peine le sol. Un gardien a inséré un bâton métallique dans mon pénis à plusieurs reprises, une vingtaine de fois au total. J’ai commencé à saigner. La douleur était atroce… » (paragraphe 119).
La commission documente au moins deux cas dans lesquels des survivants palestiniens ont eu besoin de « soins médicaux et/ou d’une intervention chirurgicale en raison de blessures causées par un viol » (paragraphe 120).
Lors d’une agression à la prison de Sde Teiman, qui a fracturé plusieurs côtes de la victime et perforé son poumon, « la victime a également été poignardée dans le rectum avec un objet tranchant. Le rectum de la victime a été déchiré à la suite de l’agression et elle a dû subir une intervention chirurgicale au rectum. Après l’agression, la victime a dû utiliser une poche de stomie en raison de la gravité de ses blessures. Une vidéo filmant les agresseurs a été prise par un soldat » (paragraphe 120).
Ces cas de viol ont été traités avec impunité par les forces israéliennes : « La Commission a documenté un cas où un détenu de sexe masculin a été violé à plusieurs reprises dans un centre de détention israélien. Une plainte a été déposée auprès du parquet israélien, mais plus de six mois après le signalement de l’incident, la Commission a reçu des informations selon lesquelles aucune mesure efficace n’avait été prise par les autorités israéliennes pour enquêter sur les allégations ou poursuivre les personnes impliquées, malgré les preuves » (paragraphe 158).
La commission a constaté que le viol, les abus sexuels et les humiliations sexuelles étaient monnaie courante dans les prisons israéliennes : « La commission a reçu des informations selon lesquelles des détenus étaient contraints de se déshabiller et de s’allonger les uns sur les autres… Un détenu a été victime d’une tentative de viol avec une carotte dans l’anus devant les autres détenus… Dans un autre cas, un soldat a retiré son pantalon et a pressé son entrejambe contre le visage d’un détenu en disant : « Tu es ma salope. Suce ma bite » (paragraphe 122).
« Des détenus de sexe masculin ont rapporté que des membres des forces spéciales israéliennes (FSI) les avaient tabassés, leur avait donné des coups de pied, leur avait étiré ou écrasé les parties génitales, souvent alors qu’ils étaient nus. La Commission a vérifié quatre cas de ce type… Un autre détenu libéré de la prison de Megiddo a déclaré à la Commission : « J’étais à genoux, la tête baissée et les mains attachées derrière le dos. Ils m’ont frappé et donné des coups de pied partout sur le corps, y compris sur le visage et les parties génitales. J’ai cru que j’allais mourir » (paragraphe 114).
Dans une vidéo mise en ligne par des soldats israéliens, « on voit des soldats des FSI forcer trois Palestiniens, complètement nus et les yeux bandés, à monter dans un bus. On entend un soldat des ISF insulter violemment les détenus en arabe et en hébreu : « frère de salope », « fils de pute », « espèce de porc », « chatte de ta sœur » et « proxénète » […] La vidéo a été publiée avec la description suivante : « Les porcs nazis de Nukhba sont conduits nus directement dans les sous-sols du Shin Bet » (paragraphe 100).
Les femmes détenues ont également été victimes d’agressions sexuelles et de harcèlement dans les prisons et les centres de détention israéliens. Le rapport indique que cela comprenait « des coups de pied dans les parties génitales des femmes, des attouchements sur leurs seins, des tentatives de baisers et des menaces de viol ».
Dans un cas signalé à la Commission, une femme a été menacée d’agression sexuelle devant son mari alors qu’elle était détenue à la prison de Hasharon. Un soldat aurait défait sa braguette et menacé de faire asseoir la femme sur ses genoux tandis qu’un autre soldat faisait des commentaires sur ses seins. Les soldats auraient craché au visage de la femme, qui avait accouché deux mois avant sa détention, et l’aurait battue jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse » (paragraphe 124).
Des soldats ont également commis des abus sexuels, notamment des attouchements et des caresses, sur des fillettes, notamment à Jérusalem-Est et en Cisjordanie (paragraphe 112).
La nudité forcée, les fouilles à nu et le doxxing (divulgation des données personnelles, ndt) ont été fréquemment utilisés comme moyens de profanation et d’humiliation sexuelles par les forces israéliennes. S’appuyant sur de nombreuses preuves photographiques et vidéo, la commission note que « depuis le 7 octobre 2023, des centaines d’hommes et de garçons palestiniens ont été photographiés et filmés dans des conditions humiliantes et dégradantes alors qu’ils étaient soumis à des abus à caractère sexuel » (paragraphe 93).
Dans un cas, une soldate israélienne a forcé deux adolescents palestiniens, déshabillés jusqu’à leurs sous-vêtements, à danser devant d’autres détenus pendant qu’elle les filmait en riant (paragraphe 96). La commission a conclu, sur la base de motifs raisonnables, que « le déshabillage et la nudité forcés en public ainsi que d’autres types d’abus commis par le personnel militaire israélien ont été soit ordonnés, soit tolérés » (paragraphe 191).
La conclusion du rapport est sans équivoque. La Commission écrit que :
« Des violences sexuelles ont été perpétrées (par Israël) tout au long des opérations militaires à Gaza depuis le 7 octobre 2023 et en Cisjordanie : pendant les processus d’évacuation, avant ou pendant les arrestations, dans des maisons civiles, des établissements de santé et des abris, ainsi que pendant la détention. Les abus sexuels ont été infligés par la force, y compris alors que la victime était soumise à des violences, des intimidations et d’autres formes de contrainte, dans des circonstances intrinsèquement coercitives » (paragraphe 180).
La COI affirme clairement que les violences sexuelles contre les Palestiniens sont « systématiques et institutionnalisées » (voir paragraphes 153 et 193) et que les « forces de sécurité israéliennes » (FSI) en portent l’entière responsabilité. Afin de démontrer la complicité des FSI dans ces violences, la COI documente en détail un cas tristement célèbre de viol collectif à Sde Teiman, qui a laissé la victime avec des « blessures mettant sa vie en danger » (paragraphe 154).
Après la diffusion d’une vidéo du viol collectif par la chaîne israélienne Channel 12 le 6 août 2024, Israël a arrêté dix soldats, dont cinq ont été immédiatement libérés et cinq autres ont été initialement placés en résidence surveillée, les conditions ayant été assouplies après une courte période.
Même cela a provoqué une indignation massive en Israël, des foules prenant d’assaut la base où les soldats étaient détenus pour exiger leur libération, et des débats à la télévision nationale sur la légitimité du viol collectif de Palestiniens.
Lorsqu’on lui a demandé, lors d’un débat à la Knesset, s’il était légitime « d’insérer un bâton dans le rectum d’une personne », Hanoch Milwidsky, membre de la Knesset du parti Likoud, a répondu : « S’il s’agit d’un Nukhba [militant du Hamas], tout est légitime. Tout » (paragraphe 156).
Il convient de noter que ce comportement n’a pas commencé après le 7 octobre : un rapport du National Lawyers Guild de 1977 détaillait « l’insertion de bouteilles et de bâtons dans l’anus ou le vagin d’un détenu » et « l’insertion d’un fil métallique dans le pénis » comme des formes courantes de torture utilisées par les forces israéliennes contre les détenus palestiniens.
En fin de compte, l’autorisation systématique de la violence sexuelle par l’État israélien conduit la COI à conclure qu’on ne peut pas compter sur Israël pour rendre compte de ses propres crimes sexuels :
« Le système judiciaire israélien ne répond pas aux normes internationales de justice en ce qui concerne son application aux Palestiniens. À l’heure actuelle, il ne peut garantir un procès équitable car il est intrinsèquement discriminatoire dans son application de la loi ; la législation nationale continue d’être utilisée pour persécuter les Palestiniens et disculper les auteurs de violations des droits des Palestiniens. On ne peut pas compter sur le système judiciaire israélien pour demander des comptes aux civils et aux militaires israéliens en ce qui concerne les Palestiniens » (paragraphe 161).
Cette conclusion accablante est ignorée par le Secrétaire général qui, malgré les preuves, refuse d’inscrire Israël sur la liste noire pour les violences sexuelles en zone de conflit et appelle plutôt Israël à « enquêter et à poursuivre toutes les allégations de violences sexuelles contre des détenus palestiniens » (paragraphe 37). [11] Historiquement, le mythe selon lequel Israël était capable d’enquêter et de poursuivre ses propres crimes contre les Palestiniens (en tant que « démocratie » supposée fonctionner) a servi de couverture à ceux qui ne voulaient pas lui demander des comptes, une tradition de complicité que le secrétaire général de l’ONU perpétue délibérément.
Conclusion : l’ONU est complice du génocide
À la lumière des propres conclusions de l’ONU, la décision du secrétaire général d’inscrire le Hamas et non Israël sur la liste des « auteurs ou responsables de viols ou d’autres formes de violences sexuelles dans des situations de conflit armé » est manifestement absurde.
Dans le rapport 2025 de la COI sur les violences sexuelles commises par Israël, nous trouvons exactement ce qui n’apparaît dans aucun rapport publié par l’ONU concernant le Hamas : l’attribution, le caractère systématique, les preuves et l’intention. La décision du bureau du secrétaire général de l’ONU de mettre le Hamas sur liste noire et non Israël prouve clairement sa complicité institutionnelle dans le génocide en cours commis par Israël.
Cette complicité n’est pas nouvelle : L’ONU a largement contribué à la création d’un État colonial d’apartheid suprémaciste juif en Palestine, et a admis Israël comme État membre seulement un an après que celui-ci se soit emparé de territoires par le biais de meurtres et de nettoyages ethniques pendant la Nakba.
Malgré le travail remarquable accompli par certains rapporteurs spéciaux, l’ONU a également toujours été structurée de manière à accorder une influence disproportionnée aux États membres puissants, dont beaucoup investissent activement en Israël.
En décidant de mettre le Hamas et non Israël sur la liste noire pour les violences sexuelles liées au conflit, l’ONU tente d’établir un bilan historique en faveur d’Israël et de jeter un discrédit permanent sur le Hamas et la résistance palestinienne en général.
En criminalisant et en pathologisant la résistance palestinienne sans preuve – tout en détournant délibérément le regard des hommes, femmes et enfants palestiniens victimes de la violence sexuelle systématique d’Israël – la liste noire de l’ONU contribue à créer les conditions affectives et épistémiques propices à la déshumanisation et au génocide des Palestiniens.
Nous condamnons cette complicité. Nous avons mené cette enquête pour rétablir la vérité et dénoncer le triste bilan historique de l’ONU.
Notes :
1. Le Secrétaire général a à plusieurs reprises encouragé les différents pays et le Conseil de sécurité des Nations unies à prendre des sanctions contre les parties figurant sur cette liste (paragraphe 17).
2. Le Hamas a également à plusieurs reprises et avec véhémence nié que ses combattants se soient livrés à des violences sexuelles systématiques ou à des « viols collectifs » le 7 octobre.
3. Il convient de noter que, parallèlement à sa coopération volontaire avec Mme Patten et son équipe, Israël a activement entravé l’enquête de la Commission d’enquête, seul organe des Nations Unies doté de pouvoirs d’enquête réels. Il a notamment refusé l’entrée de la Commission d’enquête en « Israël » et interdit aux médecins qui avaient soigné ou été en contact avec les victimes du 7 octobre de s’entretenir avec la Commission.
4. Une autre source publique affirmant avoir vu des femmes déshabillées et attachées à des arbres est Rami Davidian, un agriculteur qui prétend avoir sauvé 700 personnes du festival Nova le 7 octobre et qui est tristement célèbre pour ses récits changeants. Dans l’une de ses versions, Davidian affirme avoir sauvé une jeune Israélienne en brandissant un tuyau d’arrosage contre 5 ou 6 « terroristes » armés. Dans une version ultérieure du même incident, il affirme avoir déjoué les militants en se faisant passer pour un Bédouin et en les convainquant de lui remettre la jeune fille.
5. Même en se basant sur la norme beaucoup moins stricte des « informations crédibles » (moins fiables que des preuves, mais plus que des indices), Patten affirme clairement lors de la conférence de presse qu’aucun schéma de violence sexuelle n’a été mis en évidence.
6. Alors que le rapport de Patten et celui du Secrétaire général utilisent une définition fondée sur l’article 8(2)(b) du Statut de Rome de la CPI – « viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, avortement forcé, stérilisation forcée, mariage forcé et toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable commise contre des femmes, des hommes, des filles ou des garçons, directement ou indirectement liée à un conflit » –, la COI utilise une définition beaucoup plus large. Le rapport de la COI définit la violence sexuelle comme « toute une série d’actes physiques et non physiques de nature sexuelle commis contre une personne ou contraignant une personne à se livrer à un tel acte, par la force, la menace de la force ou la coercition » (paragraphe 134n) et la violence sexiste comme « les préjudices infligés à ceux qui occupent une place inférieure dans la hiérarchie des sexes, [qui] reflètent en tant que tels un abus de pouvoir de la part de l’auteur masculin » (paragraphe 133). Voir ici pour plus de détails.
7. Israël et les États-Unis ont exercé de fortes pressions contre la création de la COI, ce qui a entraîné une réduction du financement de 1,2 million de dollars américains et le licenciement de 6 membres du personnel, passant de 24 à 18. En janvier 2022, un câble envoyé par le ministère israélien des Affaires étrangères aux missions diplomatiques du monde entier désignait la COI comme sa « priorité absolue » à l’ONU.
8. Cette décision marque la première démission collective des membres de la Commission d’enquête depuis la création du Conseil des droits de l’homme en 2006. L’équipe a déclaré dans un communiqué que ces démissions n’avaient « absolument rien à voir avec un événement ou une pression extérieurs ».
9. En raison du recours notoire à la torture dans l’ensemble du système pénitentiaire israélien et des « circonstances manifestement coercitives » dans lesquelles les « aveux » présumés ont été obtenus des militants palestiniens, la COI explique qu’elle ne considère pas ces aveux, qui ont été diffusés « à des fins purement propagandistes », comme des preuves de crimes, mais plutôt comme « une violation des garanties d’une procédure régulière et d’un procès équitable » (paragraphe 123).
10.Toutes les mises en évidence dans ces extraits sont les nôtres. Il convient de noter que tous les cas de violences sexuelles commises par Israël documentés dans ces rapports ont d’abord été signalés par des survivantes palestiniennes, des témoins, des universitaires et des organisations de défense des droits humains telles que Al-Haq, Addameer, le Centre d’aide juridique et de conseil pour les femmes et le Centre palestinien pour les droits humains. Ce sont ces voix, et non celles de l’ONU, que nous devrions apprendre à consulter.
11. Les violences sexuelles systématiques commises à l’encontre des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza ne sont pas mentionnées dans les recommandations du rapport.
Auteur : Collectif féministe palestinien
* Le Collectif féministe palestinien (PFC) est un groupe de femmes et de féministes palestiniennes et arabes, basé aux États-Unis, qui s'engage pour la libération sociale et politique de la Palestine en s'attaquant à la violence, à l'oppression et à la dépossession systémiques, sexospécifiques et coloniales.
Le site Web.
6 octobre 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
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