Jésus était lui aussi palestinien, comme le rappelle Mohammad Sabaaneh

Creation : Mohammad Sabaaneh

Par Miko Peled

Quel message contient une caricature ? Qui sait quelles étaient les opinions politiques de Michel-Ange ? Qu’aurait-il pensé de la Palestine ? Nous ne le saurons jamais. Mais il ne fait guère de doute que s’il avait vu ce dessin du peintre et caricaturiste palestinien Mohammad Sabaaneh, il en aurait été ému.

J’ai récemment visité l’Italie, et j’y ai vu le chef d’œuvre de Michel-Ange, la Pietà. Elle est si puissante, qu’elle vous émeut au point de ressentir la peine de la mère, Marie, tenant le corps inerte de son jeune fils mort crucifié. C’est une puissante représentation qui recrée le moment qui est peut-être plus douloureux que tout ce que l’on peut imaginer : une mère pleurant son fils assassiné.

Que pourrait-il y avoir de pire que des parents enterrant leurs enfants ?

Une mère palestinienne et son fils

L’histoire de Jésus s’est déroulée en Palestine. La Pietà de Michel-Ange est l’image d’une mère palestinienne tenant dans ses bras son jeune fils qui vient de sacrifier sa vie pour les autres – un Chahid (martyr) au sens propre du terme. Mohammad Sabaaneh, brillant caricaturiste politique vivant à Ramallah, a recréé le chef d’œuvre de Michel-Ange et fait une déclaration politique audacieuse – les mères palestiniennes, représentées ici par la cité de Naplouse, enterrent leurs fils.

Mohammad Sabaaneh est un caricaturiste politique qui a créé des représentations de la tragédie palestinienne parmi les plus fortes. Son œuvre regorge d’images de mères et d’enfants, d’orphelins et de parents endeuillés, et de prisonniers dans les prisons israéliennes.

Ce dessin précisément contient le jeune visage innocent d’une jeune mère palestinienne, ici, Marie, dont le corps est formé par l’ancienne cité de Naplouse où tant de jeunes gens sont en train de donner leur vie. C’est dans cette ville que tant de jeunes vies palestiniennes sont fauchées par la force brute de la machine de guerre israélienne parce que la jeunesse ose se lever.

Le portrait du fils représente les jeunes fils palestiniens courageux, et peut-être naïfs qui, face à l’insurmontable se sont levés contre la force brute, l’oppression, la destruction violente de la Palestine et de son peuple, et en ont payé le prix ultime. Ce n’est pas une coïncidence si M Sabaaneh a vu le portrait de ces jeunes Palestiniens dans celui du jeune Palestinien (quoique Palestinien juif), Jésus Christ.

Tandis que le portrait de la mère est bien celui de Marie, quoique incarné par les pierres de la cité de Naplouse, Jésus, le sacrifié, le Chahid, est un jeune Palestinien, en jeans et T-shirt. Son visage est couvert d’un keffieh palestinien, qui est devenu le symbole le plus adoré de la résistance à l’oppression.

Enfants crucifiés à l’étoile

Rayan Suleiman avait 7 ans. Il rentrait de l’école à pied quand lui et ses frères ont été pourchassés par des soldats israéliens.

A la fin de la poursuite, Rayan était mort. D’après Al Jazeera, « les médecins d’un hôpital de Beit Jala, ville palestinienne au sud de Jérusalem, n’ont pas pu le ressusciter. Un pédiatre, Mohamed Ismail, a dit que Rayan était en bonne santé et n’avait pas d’antécédents médicaux. »

Le monde et Rayan – Creation : Mohammad Sabaaneh

Le Dr Ismail a, par ailleurs, ajouté, « Le scénario le plus probable de ce qui s’est passé c’est qu’en raison du stress, son organisme a sécrété une quantité excessive d’adrénaline, qui a eu pour effet une accélération du rythme cardiaque, » et « il a été victime d’un arrêt cardiaque » a-t-il précisé.

Le visage des parents d’Ahmed Manasra raconte le récit de personnes torturées qui sont impuissantes face aux forces qui leur ont pris leur fils. Ahmed est « ma joie première, » dit sa mère. Mais ces forces alors, « ont causé sa ruine. » La « ruine » dont elle parle se caractérise par des problèmes émotionnels graves, des apparitions, et le fait de se gratter et de s’automutiler constamment.

Tout cela étant la conséquence de tortures physiques et émotionnelles, infligées par ses geôliers israéliens.

Le martyr de ce garçon, vient de ce qu’il a été arrêté à l’âge de 13 ans sur accusation de « terrorisme ». Sa douleur est évidente dans ce dessin de M Sabaaneh. Ahmed Manasra est à la fois un enfant et un prisonnier torturé par le régime brutal d’apartheid israélien.

Ahmed Manasra a passé de nombreux mois à l’isolement, qui est considéré comme une forme de torture. « Il est seul tout le temps, à l’isolement. Il n’a personne à qui parler, rien que les quatre murs qui l’entourent », m’a dit son père lorsque je me suis entretenu avec la famille, chez eux dans le quartier Beit Hanina de Jérusalem.

« Lorsque nous lui rendons visite il ne tient pas en place, c’est une épave, les gardiens interviennent tout le temps et le plaquent sur sa chaise. »

Liberté pour Ahmad Manasra – Creation : Mohammad Sabaaneh

« Je n’ai pas pu le toucher depuis sept ans, pas même un doigt, m’a dit sa mère, « Je l’embrasse à travers la vitre. »

Ceci est un petit détail, presque indétectable dans une œuvre plus grande de M Sabaaneh. C’est un Palestinien, un pauvre garçon réfugié aux habits rapiécés cloué sur l’étoile à six branches – qui est devenue le symbole de l’état d’apartheid.

Bien que les enfants palestiniens, même ceux qui vivent dans les pires conditions que l’on puisse imaginer, sont globalement vifs et pleins de vie, la réalité dans laquelle ils naissent est prédéterminée par un régime d’apartheid cruel qui dirige leur patrie et gouverne leur peuple.

Les enfants palestiniens vivent dans une réalité si cruelle qu’il est parfois difficile de la rendre avec des mots de façon adéquate. Cependant, Mohammad Sabaaneh y parvient parfaitement dans ses caricatures. Ce que nous pouvons trouver difficile à décrire il l’exprime par son art.

Sachant ce que vivent les enfants palestiniens, qu’ils soient riches ou pauvres, réfugiés ou citoyens d’Israël, ce petit garçon crucifié sur l’étoile sioniste est on ne peut plus éloquent.

Il n’est pas facile de rendre la douleur, la souffrance, le courage et la résistance tout à la fois. Pourtant dans ces caricatures, parmi tant d’autres. M Sabaaneh réussit à combiner tous ces éléments. Il a été arrêté et harcelé par les autorités israéliennes, il a même irrité l’autorité Palestinienne à Ramallah.

Il n’est pas nécessaire d’être critique d’art pour voir à quel point M Sabaaneh représente brillamment l’expérience palestinienne à travers son art. il a publié plusieurs livres de ses œuvres, et tous expriment merveilleusement cette expérience. Il a également publié un roman illustré qui relate en détails sa propre expérience dans une prison israélienne.

C’est un incroyable talent et un incroyable combattant.

1er novembre 2022 – Mint Press News – Traduction: Chronique de Palestine – MJB