Les “bitcoins” au secours de la résistance palestinienne ?

Composition : al-Qassam website
Composition : al-Qassam website
Hana SalahLa branche armée du Hamas dans la bande de Gaza a annoncé qu’elle avait commencé à accepter des dons en bitcoins dans le cadre d’une nouvelle initiative pour surmonter sa crise financière.

GAZA CITY, Bande de Gaza – Les Brigades Izz ad-Din al-Qassam, l’aile militaire du Hamas, ont annoncé le 31 janvier que le Hamas avait commencé pour la première fois à recevoir un soutien financier en bitcoins de ses partisans à travers le monde entier. Le Bitcoin est une crypto-monnaie et un système de paiement international comparable aux monnaies internationales.

Cette annonce fait référence à une nouvelle initiative du mouvement du Hamas pour s’opposer aux politiques de l’occupant israélien et l’Autorité palestinienne (AP) qui visent à assécher ses ressources. La bande de Gaza administrée par le Hamas est sous blocus israélien depuis 2007. Depuis lors, Israël contrôle totalement le seul point de passage commercial avec Gaza, le barrage de Karam Abu Salem, tandis que l’Égypte impose des restrictions au point de passage de Rafah, au sud de gaza, pour les déplacements de personnes.

Les dons peuvent être reçus via différents comptes de donateurs sur des plates-formes Bitcoin en ligne. Un nouveau compte consiste en un portefeuille pour un solde en devise. Vous pouvez acheter des devises via un support, un compte bancaire ou une carte de crédit, ou via un click de souris pour un don dans le portefeuille. Le montant est ensuite transféré sur le compte des brigades al-Qassam, dont les références sont indiquées quotidiennement via le service de messagerie Telegram.

Deux jours avant de publier l’adresse du portefeuille bitcoin des brigades d’al-Qassam pour y recevoir des dons, son porte-parole militaire, Abu Obeida, a exhorté les partisans du Hamas du monde entier, par le biais d’un message sur son canal Telegram, à augmenter leurs dons.

Abu Obeida a accusé Israël d’avoir coupé toutes les sources financières du Hamas, affirmant: “L’ennemi sioniste combat la résistance palestinienne en tentant de couper l’aide à la résistance par tous les moyens. Mais ceux qui nous soutiennent à travers le monde entier combattent ces tentatives sionistes et cherchent tous les moyens possibles pour aider la résistance.”

Plusieurs responsables du Hamas ont refusé de livrer des commentaires à Al-Monitor sur la demande de dons en bitcoins. Des sources bien informées du Hamas ont toutefois indiqué que plusieurs associations affiliées au Hamas dans la bande de Gaza sont confrontées à une crise financière difficile. En conséquence, le Hamas a fermé bon nombre de ces associations à Gaza et a réduit les salaires de ses employés dans tous les secteurs.

Des employés travaillant dans les associations affiliées au Hamas à Gaza ont fait savoir à Al-Monitor qu’ils n’étaient pas payés depuis des mois.

Dans une annonce sur Telegram datée du 1er février, les brigades al-Qassam ont changé l’adresse du portefeuille en bitcoins pour renforcer “la sécurité et la confidentialité”.

Al-Monitor a tenté de savoir combien de dons ont été collectés jusqu’à présent, mais en vain.

Ibrahim al-Madhoun, analyste politique proche du Hamas, a déclaré à Al-Monitor: “Le Hamas souffre d’une crise financière en raison de la baisse de son soutien régional. Certains pays soutenant le Hamas font face à des pressions politiques et à des menaces américaines, comme le Qatar et l’Iran. En outre, les donateurs ont d’autres engagements financiers dans d’autres secteurs de la région et ont été impactés par les soulèvements du Printemps arabe.”

Par son appel aux dons en bitcoins, le Hamas surmontera de nombreux obstacles, principalement sa crise financière et le blocus financier imposé à ses transactions et à ses institutions par les systèmes bancaires officiels du monde entier.

Amine Abu Aisha, économiste et professeur à l’université Israa de Gaza, a déclaré à Al-Monitor: “Les bitcoins seront un nouveau moyen d’aider le Hamas à recevoir des dons, depuis que les canaux officiels via les banques sont inaccessibles en raison des contrôles stricts.

Abu Aisha estime que la diminution du soutien de l’Iran au Hamas est l’une des raisons de la crise, sans parler de la récession économique générale dans la bande de Gaza. Il a ajouté: “La crypto-monnaie permettra à plusieurs institutions et individus de financer facilement le Hamas sans faire face à des accusations de financement du terrorisme. Les transferts d’argent peuvent être effectués via plusieurs comptes cachés qui ne sont soumis à aucun contrôle gouvernemental ou légal dans plusieurs pays.”

Abu Aisha s’attend à ce que le Hamas reçoive des millions de dollars dans les mois à venir, surtout si certains pays qu’il n’a pas nommés réalisent ces dons.

Mustafa al-Sawaf, analyste politique et ancien rédacteur en chef du journal local Felesteen, a déclaré à Al-Monitor: “Les bitcoins feront partie de la guerre du renseignement et de l’information entre le Hamas et Israël. La plupart des dons proviendront de personnes qui croient au droit des Palestiniens à la résistance plutôt que de régimes en place. Les régimes arabes et internationaux sont généralement enclins à normaliser davantage [avec Israël] et à combattre le Hamas. Mais le Hamas continuera à chercher et trouver des moyens de sortir de cette crise financière.”

Les brigades Al-Qassam n’ont pas fait connaître le mécanisme permettant de convertir la crypto-monnaie en billets de banque.

L’analyste financier égyptien Ahmed Taleb, chercheur indépendant basé au Caire, a déclaré au téléphone à Al-Monitor: “Il existe plusieurs mécanismes pour convertir la crypto-monnaie. Il existe plusieurs plates-formes électroniques en dehors des territoires palestiniens vers lesquelles le Hamas peut transférer de l’argent avant de le convertir. La bonne nouvelle à propos de la crypto-monnaie est la difficulté pour Israël de la suivre et de surveiller la circulation de l’argent, car celle-ci a lieu en dehors du système bancaire officiel.”

Taleb a aussi expliqué que le Hamas tirait très probablement parti de l’expérience d’autres pays tels que l’Iran et même de l’État islamique (IS), qui utilisait des bitcoins pour financer leurs activités. Il a noté que “le Hamas n’est pas tombé au hasard sur la crypto-monnaie. Il a reçu à l’étranger une formation à son utilisation et aurait même pu déjà y avoir recours dans le passé.”

Al-Hassan Ali Bakr, analyste économique palestinien et directeur régional d’ICM Capital, estime qu’il est difficile pour Israël de tracer les dons en bitcoins, d’autant plus qu’il est possible de transférer ces dons depuis le portefeuille des brigades d’al-Qassam vers d’autres portefeuilles via le la technologie blockchain, avant de les convertir en d’autres monnaies.

Il a déclaré à Al-Monitor: “Naturellement, les transferts d’argent peuvent être effectués par l’intermédiaire de sociétés de transfert d’argent telles que MoneyGram, Western Union ou de comptes bancaires de donateurs ou d’organisations”.

Les bitcoins ont notamment été utilisés pour financer plusieurs activités secrètes dans le monde, notamment le blanchiment d’argent. La crypto-monnaie a subi d’énormes pertes en 2014 après la fermeture d’une des principales plates-formes de trading de bitcoins suite à la décision du Département de la justice des États-Unis d’arrêter plusieurs personnes accusées d’utiliser des bitcoins pour blanchir de l’argent.

Il n’existe pas de fatwa officielle palestinienne ou du Hamas liée aux bitcoins. Cependant, en Égypte, le grand imam d’Al Azhar Ahmed el-Tayeb a interdit en décembre 2017 l’utilisation des bitcoins dans les transactions financières en raison des risques encourus et de l’absence de couverture monétaire par la Banque centrale d’Égypte, sans parler de leur utilisation potentielle comme outil de financement du terrorisme.

Commentant le respect de la charia à propos des bitcoins, Madhoun a déclaré: “Selon la Charia islamique, la nécessité ne connaît pas de loi. La nécessité ici est de résoudre la crise financière et le Hamas est donc dans l’obligation d’utiliser des bitcoins.”

* Hana Salah est journaliste spécialisée dans le domaine financier et basée à Gaza. Elle a au préalable travaillé pour l’agence de presse Anadolu.


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13 février 2019 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine