Khaled Meshaal, alors responsable du bureau politique du mouvement Hamas, lors de sa dernière visite à Gaza en 2012 - Photo: Réseaux sociaux
Par Jawa Ahmad, Jeremy Scahill
Dans une interview exclusive avec Drop Site News, Meshaal affirme que Trump devrait mettre définitivement fin à la guerre d’extermination menée par Israël depuis plusieurs décennies et ouvrir une nouvelle ère dans les relations entre les États-Unis et la Palestine.
DOHA, QATAR — Si le président Donald Trump souhaite instaurer la stabilité au Moyen-Orient, il devrait mettre fin à l’ingérence israélienne dans la politique américaine envers la Palestine, a déclaré Khaled Meshaal, haut responsable du Hamas, à Drop Site. M. Meshaal a également déclaré que les États-Unis devraient entamer un véritable processus de négociations directes avec le Hamas et d’autres organisations politiques palestiniennes dans le but d’établir des relations bilatérales amicales.
« Malheureusement, l’un des problèmes de l’administration américaine est qu’elle accorde la priorité aux intérêts d’Israël plutôt qu’à ceux des États-Unis. Même les partisans de Trump — MAGA — ont fini par se rendre compte qu’Israël était un fardeau pour eux, limitant et nuisant aux intérêts américains. Je demande simplement au peuple américain et à l’administration américaine de juger en fonction des intérêts des États-Unis, et non de ceux d’Israël », a déclaré Meshaal.
« S’ils nous regardent ne serait-ce qu’un instant de manière juste et impartiale, ils verront que le peuple palestinien est opprimé sous l’occupation et qu’il a le droit de résister, à moins que les États-Unis n’interviennent et ne forcent Israël à se retirer, auquel cas nous remercierions les États-Unis. »
Il a ajouté : « Lorsque le monde ne vous aide pas, vous n’avez d’autre choix que de résister à l’occupant jusqu’à ce que vous le forciez à se retirer. »
Jeremy Scahill : Merci d’avoir pris le temps d’échanger avec nous.
Khaled Meshaal : Merci beaucoup. J’apprécie votre enthousiasme à mener cette interview et à offrir cet espace et cette tribune à moi-même et à tous ceux qui représentent la cause palestinienne.
Il ne fait aucun doute que le crime sans précédent commis par Israël est une guerre de génocide, une répétition de ce que les juifs ont subi il y a plusieurs décennies. Ils commettent aujourd’hui cet holocauste et cette guerre génocidaire contre le peuple palestinien et contre une petite zone de seulement 365 kilomètres carrés, en utilisant les outils de destruction et de massacre les plus sévères et les plus horribles.
Nous sommes heureux de nous adresser à l’opinion publique occidentale par le biais de votre plateforme afin que les gens entendent notre voix, et non pas ce qui se dit à notre sujet, et afin que la véritable nature de ce conflit, sur lequel le monde a été trompé pendant plusieurs décennies, soit comprise. Merci donc.
Jeremy Scahill : Le Premier ministre Benjamin Netanyahu vous a mentionné nommément l’autre jour à propos des demandes de désarmement de la résistance palestinienne. Le conseiller à la sécurité nationale de Trump, Mike Waltz, a récemment déclaré que le Hamas pouvait désarmer de manière pacifique ou par la force. Pouvez-vous expliquer en détail la position actuelle de la résistance palestinienne sur la question du désarmement, du gel des armes et d’une trêve à long terme, ou hudna ? Expliquez la position actuelle face à ces exigences de Netanyahu et de l’administration Trump.
Khaled Meshaal : Bien sûr, Netanyahu a mentionné mon nom comme s’il s’agissait d’une surprise ou d’une incitation – il incite à la violence. Netanyahu s’attend-il vraiment à ce que le peuple palestinien abandonne simplement ses armes ? L’histoire de Netanyahu lui-même, et celle de ses prédécesseurs parmi les dirigeants israéliens, est pleine de massacres. Le peuple palestinien n’a aucune confiance envers les Israéliens et l’occupation. L’histoire d’Israël est marquée par les massacres, la trahison et la violation de tous les accords.
Même Yasser Arafat, qui a signé les accords d’Oslo avec eux, a été empoisonné. Mahmoud Abbas, qui a fait preuve d’une extrême souplesse d’esprit en poursuivant Oslo et le processus de paix, se retrouve aujourd’hui dans le quartier général de Ramallah sans véritable rôle à jouer. En fait, Netanyahu, [Bezalel] Smotrich et [Itamar] Ben-Gvir sont en train de démanteler l’Autorité palestinienne et de retenir ses fonds financiers.
Sans parler des massacres commis par Israël tout au long de son histoire en Palestine, au Liban et en Égypte, et même dans l’histoire palestinienne relativement récente : lorsque la résistance palestinienne a quitté Beyrouth, [Ariel] Sharon a perpétré les massacres de Sabra et Chatila.
Par conséquent, dans la culture palestinienne, tant sur le plan historique qu’actuel, il n’y a aucune confiance envers les Israéliens. Il s’agit d’un ennemi criminel et perfide, et il est donc tout à fait naturel que les Palestiniens conservent leurs armes. Il ne s’agit pas d’armes supplémentaires ou de quelque chose de marginal pour les Palestiniens, cela est directement lié à notre existence sous occupation.
Tout peuple vivant dans un État indépendant compte sur l’État et son armée : l’État est le leur, l’armée est la leur, et elle les protège. Et dans toute société, un citoyen s’engage auprès de son État par des moyens politiques. Mais lorsque vous êtes sous occupation, la résistance est naturelle. Qui n’a pas résisté ?
Laissez-moi vous raconter une histoire. En 2007, le président [Jimmy] Carter m’a rendu visite. Je le respectais parce qu’il se comportait selon des normes morales élevées. Il a écrit des livres en faveur de la cause palestinienne. Je l’appréciais, et il m’a offert certains de ses livres dédicacés. Je suis resté en contact avec lui. J’ai été attristé lorsqu’il est décédé.
Cet homme, d’une grande humanité, m’a posé des questions sur mes parents, qui vivaient à Damas à l’époque, en 2007. Il m’a demandé : « Cela vous dérange si je les rencontre ? » J’ai répondu que non, et il les a rencontrés. Mon père lui a spontanément dit : « Monsieur Carter, écoutez, j’ai combattu le mandat britannique. J’ai combattu les Britanniques. » Le président Carter a répondu avec une belle spontanéité : « Nous aussi, nous avons combattu les Britanniques. »
Il voulait dire par là que même les Américains avaient combattu le colonisateur ou les formes de colonialisme et de tutelle sur les États-Unis. Je ne parle pas [uniquement] du Vietnam, de l’Afrique du Sud, des peuples du monde ou de Cuba, je parle aussi des sociétés occidentales.
Vous savez que depuis la BBC à Londres, les autorités britanniques ont permis à [Charles] de Gaulle d’allumer l’étincelle de la résistance populaire du peuple français contre les nazis, contre les forces d’Hitler. Cela fait donc [partie] de la culture, c’est quelque chose de naturel. Par conséquent, ce que font les Palestiniens dans leur résistance est naturel, et le fait qu’ils conservent leurs armes est naturel. Il est essentiel que ce contexte soit clair pour tout le monde.
Lorsque le plan de Trump a été dévoilé, suivi de la résolution du Conseil de sécurité, et que le dialogue a commencé entre nous et les médiateurs égyptiens, qataris et turcs, la question centrale est devenue : comment traiter ce qui était énoncé dans le plan et dans la résolution du Conseil de sécurité ? Notre position était claire : ne pas recourir à une approche de désarmement.
Cela conduirait à des affrontements, à la violence et à la confrontation de la part de ceux qui cherchent à nous l’imposer. Nous ne voulons nous heurter à personne ni nous confronter à qui que ce soit, mais nous n’accepterons pas d’être désarmés de force. Nous leur avons dit que s’ils voulaient obtenir des résultats, il fallait rechercher une approche réaliste assortie de garanties. Nous avons présenté plusieurs garanties de ce type.
La première garantie est que ces armes – celles du Hamas et des forces de résistance – seraient conservées et ne seraient ni utilisées, ni exposées, ni exhibées. [Les armes] seraient mises de côté de leur propre initiative et avec le plus grand sérieux, d’autant plus que le Hamas a fait preuve d’engagement et jouit d’une grande crédibilité.
Deuxièmement, ce que l’on appelle les forces internationales de stabilisation : nous les acceptons aux frontières en tant que forces de séparation entre le côté palestinien et le côté israélien, et non en tant que forces déployées à l’intérieur de Gaza, comme cela était prévu et comme le souhaite Netanyahu, afin qu’elles affrontent les Palestiniens et les désarment.
Troisièmement, nous avons proposé une hudna, ce qui témoigne du sérieux du Hamas et de la résistance palestinienne. Une trêve de cinq ans, sept ans, dix ans, selon ce qui sera convenu. Et une hudna signifie un engagement. Pendant toutes les périodes de calme, comme nous les appelons, au cours des guerres des vingt dernières années, toutes ces hudnas limitées, le Hamas les a respectées, et c’est Israël qui les a violées. Donc, une hudna.
Quatrièmement, nous avons déclaré que les trois médiateurs, ainsi que d’autres pays arabes et islamiques entretenant de bonnes relations avec le Hamas, le Jihad islamique et les forces de résistance, peuvent garantir aux parties israélienne et américaine que le Hamas et la résistance sont engagés. En réalité, la question principale n’est pas la probabilité de l’engagement de la partie palestinienne, le problème réside du côté israélien, car celui-ci est par nature perfide, c’est son histoire.
De plus, c’est la partie qui possède des armes meurtrières. La question n’est pas de savoir comment protéger la partie israélienne, qui est l’occupant. La question est de savoir comment protéger le peuple palestinien, qui est presque sans défense. Les armes de la résistance ne signifient pas que nous sommes armés au sens conventionnel du terme, comme le sont les États. Nous sommes un peuple presque sans défense, et nous n’avons cherché à nous armer que dans la mesure du possible afin de nous protéger et de nous défendre.
Je pense que ce sont là les bonnes approches. Je pense, comme je l’ai déclaré dans mon interview [à Al Jazeera], que la mentalité pragmatique des États-Unis et la préoccupation sincère du président Trump d’instaurer la stabilité et d’empêcher Gaza de rester une plaie ouverte qui inquiète le monde et touche profondément la conscience humaine – les capitales occidentales, plus que toutes les autres, sont exaspérées et lassées par les agissements d’Israël – créent une opportunité pour la stabilité.
Le Hamas offre cette opportunité avec des garanties réelles et un historique d’engagement. C’est l’approche à adopter – toute autre [approche] est irréalisable. Il me suffit de dire qu’elle est irréalisable – et pas seulement inacceptable de notre point de vue.
Jeremy Scahill : J’ai regardé votre récente interview avec Al Jazeera Arabic et vous avez mentionné l’expérience de Paul Bremer, que George W. Bush a nommé « vice-roi » en Irak lors de l’invasion de 2003. Et lorsque les Américains ont mis en œuvre la débaasification, criminalisant le parti Baas de Saddam Hussein, ils ont éliminé un grand nombre de militaires professionnels, mais aussi de membres de la société civile, de fonctionnaires et de technocrates. Ils ont détruit la société civile à cause de la débaasification.
Il me semble que les Américains finiront par se rendre compte que le Hamas n’est pas seulement un mouvement de résistance, mais qu’il était un gouvernement et qu’il a construit des infrastructures civiles et des forces de sécurité civiles. S’ils recréent une politique de débaasification avec le Hamas et qu’ils essaient d’éliminer toute personne affiliée au Hamas, quelles en seraient les conséquences sur le plan de la sécurité ?
Car l’idée est d’envoyer une force de police palestinienne, formée par les Égyptiens peut-être. Mais la réalité est que le Hamas assure la sécurité interne à Gaza depuis deux décennies. Quelles seraient les conséquences si les Américains essayaient d’adopter une approche de débaasification à l’égard du Hamas à Gaza ?
Khaled Meshaal : D’après ce que j’ai pu suivre dans les déclarations américaines, après l’invasion de l’Irak en 2003, les États-Unis ont réévalué leur action en Irak et ont conclu que l’une de leurs erreurs avait été de ne pas se contenter de démanteler le régime. Ils ont réalisé qu’en démantelant l’État irakien et ses institutions, y compris l’armée irakienne, ils avaient semé le chaos. Cela a permis l’émergence de groupes tels que Daech et de forces redoutées par les États-Unis, et a fourni un prétexte pour prolonger la guerre en Irak et dans la région. Je pense donc que l’administration américaine sous la présidence de Donald Trump ne devrait pas répéter la même erreur, car il s’agit d’une expérience relativement récente. Si les États-Unis recherchent la stabilité dans la région, ils ne doivent pas aggraver la situation ni jeter de l’huile sur le feu, ce qui ne ferait qu’accroître l’instabilité.
En outre, le Hamas n’est pas seulement une organisation militaire ou un groupe armé : c’est un mouvement de résistance à dimension militaire, mais aussi un mouvement de la société civile. Il est profondément enraciné dans le peuple palestinien et fait partie intégrante du tissu social palestinien. Ses membres sont présents dans tous les aspects de la vie palestinienne. Pendant deux décennies, le Hamas a gouverné la société de manière efficace, tirant les leçons des erreurs passées et acquérant de l’expérience, et la stabilité régnait. Les habitants de Gaza savent qu’avant que le Hamas ne gouverne Gaza, il régnait l’anarchie, avec un certain degré de chaos causé par des groupes rebelles. Le Hamas a géré cette situation avec une grande efficacité. Il a donc fait ses preuves en matière de maintien de la sécurité dans le pays et de sécurité publique. Il a une expérience réussie dans la gouvernance de la société, le gouvernement et la satisfaction des besoins de la population, malgré un siège injuste qui a duré tout au long de cette période.
Par conséquent, toute tentative – et je parle ici du principe, pas seulement de la méthode – visant à établir une autorité non palestinienne à l’intérieur de Gaza est d’abord inacceptable et ensuite vouée à l’échec. C’est pourquoi j’ai dit que l’expérience Bremer n’était pas acceptable.
Si l’on revient sur l’histoire palestinienne d’il y a cent ans, après la Première Guerre mondiale, au début des années 1920, il y a eu le mandat britannique. Dans la pratique, ce mandat était colonial, et les révoltes palestiniennes des années 1920, 1930 et 1940 l’ont combattu. Le mandat était injuste : il s’appropriait des droits qu’il ne possédait pas et servait de couverture aux gangs sionistes qui ont infiltré la Palestine et établi Israël en 1948. Par conséquent, d’un point de vue pratique, l’expérience et l’héritage du mandat sont extrêmement négatifs et, en principe, inacceptables. En principe, un mandat et une tutelle sont inacceptables.
Quant aux conséquences que vous avez évoquées, si un tel scénario venait à se produire, elles seraient certainement graves. Il ne s’agirait pas d’une confrontation avec le Hamas seul, mais d’une confrontation avec la société [palestinienne]. J’ai dit que toute autorité non palestinienne, c’est-à-dire les autorités étrangères ou les forces étrangères présentes à Gaza, serait considérée par les Palestiniens comme une autorité d’occupation, comme une puissance occupante. Cela créerait automatiquement un état de conflit, car les Palestiniens ne l’accepteraient pas. Pourquoi les Palestiniens rejetteraient-ils l’occupation israélienne mais accepteraient-ils une autre forme d’occupation étrangère ? C’est inacceptable.
C’est pourquoi j’ai dit que le peuple palestinien est celui qui se gouverne lui-même, qui prend ses propres décisions et qui gère [ses affaires]. Le Hamas a alors pris une mesure visant à raccourcir le chemin : il s’est retiré de l’administration – il a en fait renoncé à la gouvernance, et pas seulement dans les slogans – et l’a laissée à des médiateurs tels que l’Égypte, le Qatar et la Turquie, dans le cadre d’un dialogue palestinien avec diverses organisations, afin de convenir de la formation d’une administration technocratique. C’est ce que nous avons fait pendant plus d’un an.
Ce qui a retardé ce [processus], c’est que l’Autorité [palestinienne] à Ramallah n’était pas enthousiaste à cette idée, même si nous avons dit que l’autorité de référence de cette administration serait l’autorité de Ramallah afin que le système palestinien entre Gaza et la Cisjordanie puisse être unifié. Malheureusement, cela a été bloqué.
Il y a trois semaines, cette idée a été finalisée : 40 personnalités palestiniennes respectables, toutes des technocrates indépendants, ont été proposées, et huit ont été sélectionnées. Le plan initial prévoyait que cette étape soit mise en œuvre rapidement et efficacement, mais il y a eu un retard car tout le monde attendait de voir ce qu’Israël ferait dans la deuxième phase et si les États-Unis forceraient Israël à entrer dans cette deuxième phase. Les récentes déclarations du président Trump indiquent que le processus commencerait au début de l’année prochaine, mais c’est Israël qui est à l’origine du retard.
Pour votre information et celle des téléspectateurs et suiveurs américains, la première phase n’a pas rempli ses conditions. Israël a violé les exigences ou les conditions de la première phase : en matière d’aide humanitaire, d’hébergement, d’entrée de tentes et de caravanes, d’aide alimentaire et médicale, de réhabilitation des hôpitaux et d’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens, comme le stipulent le plan Trump et la résolution du Conseil de sécurité.
Malgré cela, Israël ne mentionne que les corps israéliens restants, dont il ne reste plus qu’un seul. Le Hamas et la résistance palestinienne se sont engagés à tout respecter, tandis qu’Israël a violé de nombreuses [obligations]. Cela s’ajoute aux meurtres commis sous divers prétextes. Même la question des combattants du Hamas à Rafah était un problème soluble, et les États-Unis ont proposé une initiative, mais celle-ci a été contrecarrée par Netanyahu. Nous avons également entendu Trump critiquer Netanyahu en disant : « Pourquoi avez-vous fait de cette crise une crise permanente ? »
De plus, la « ligne jaune », qui permettait initialement à Israël de contrôler environ 53 % de Gaza – [Israël] déplace cette ligne – s’est désormais rapprochée de 60 % de la bande de Gaza. Certains dans le monde pensent donc que la première phase a été excellente ou pleinement mise en œuvre, mais ce n’est pas le cas.
Si la guerre, en termes d’anéantissement total, a cessé, les violations israéliennes se poursuivent. C’est pourquoi nous, Palestiniens, et pas seulement le Hamas, demandons qu’Israël soit tenu responsable de tous les accords de la première phase avant de passer rapidement à la deuxième phase. Tout comme le Hamas s’est engagé à respecter les exigences de la première phase, le Hamas, ainsi que toutes les forces palestiniennes, s’engage à respecter les exigences de la deuxième phase à travers ce dialogue sérieux avec les médiateurs afin de parvenir à des approches solides, non pas comme le souhaite Netanyahu, mais comme convenu avec les médiateurs.
Et je crois que la partie américaine, comme je l’ai dit, dans sa recherche de stabilité et son souci de résultats plutôt que dans la manière dont Israël tente d’inciter les États-Unis, l’administration américaine et la communauté internationale comprendront les approches que nous pouvons développer avec les médiateurs.
Jeremy Scahill : Mais comment allez-vous gérer le rôle de Mahmoud Abbas et de l’Autorité palestinienne ? Il a 90 ans. La dernière fois qu’il a été élu, c’était en 2005. L’Autorité palestinienne a été créée en 1994 avec un mandat de cinq ans.
Les Américains ont également sanctionné Abbas : ils lui ont interdit d’assister à l’Assemblée générale des Nations unies à New York. Mais ils veulent aussi l’utiliser comme une sorte de gage de légitimité pour dire : « Ah, vous voyez, les Palestiniens sont d’accord avec cela. »
Récemment, Abbas a fait passer un décret-loi sur les élections – les élections locales – qui empêche le Hamas de se présenter aux élections. Même le Dr Mustafa Barghouti, un leader politique palestinien et ancien candidat à la présidence qui ne contrôle aucune faction armée, ne pourrait pas se présenter aux élections.
Mais d’autres leaders de la résistance m’ont dit que travailler avec l’Autorité palestinienne à Gaza était actuellement la moins mauvaise option, car au moins, c’est palestinien. Mais, compte tenu de l’histoire, cela ne semble pas vraiment convaincre beaucoup de Palestiniens. Quelle est votre position sur la manière dont les Américains veulent utiliser l’Autorité palestinienne et sur la lutte plus large menée par le Hamas et d’autres mouvements pour préserver la cause palestinienne en faveur d’un État indépendant ?
Khaled Meshaal : Tout d’abord, la démocratie est un droit du peuple palestinien. Les élections et la construction d’un système politique palestinien fondé sur des bases démocratiques sont un droit du peuple palestinien, et non une faveur accordée par qui que ce soit dans le monde, ni un cadeau que nous attendons de qui que ce soit. D’autre part, les slogans lancés par les États-Unis et les capitales occidentales sur la démocratisation de la région, ou leur soutien à un système démocratique – qu’ils pratiquent sans aucun doute dans leurs propres pays –, doivent respecter le choix des peuples d’exercer ce droit démocratique. Le peuple palestinien a une culture et une histoire d’engagement politique. Tout comme il a excellé dans la lutte, il excelle en politique. Il a formé des partis depuis l’époque du mandat britannique. Il possède une culture, une presse libre, un système éducatif et des universités. Le peuple palestinien est dynamique, instruit et versé dans la civilisation. La Palestine elle-même est la terre de la civilisation et des prophètes – elle a une longue histoire. Elle a également une histoire de coexistence pacifique entre ses différentes composantes et communautés religieuses. Par conséquent, le peuple palestinien n’a besoin de personne pour lui enseigner la culture de la démocratie. Il a simplement besoin que les autres n’interfèrent pas avec ce droit à la démocratie et ne le violent pas.
Comme vous l’avez mentionné, l’Autorité palestinienne a été créée en 1994. En 2006, des élections ont été organisées, auxquelles le Hamas a participé pour la première fois. Le Hamas a remporté les élections et formé un gouvernement en 2006, proposant des alliances à tous ses partenaires palestiniens.
Cependant, l’Autorité à Ramallah a fait pression sur ces organisations pour qu’elles ne participent pas. En conséquence, le Hamas a été contraint de former seul le gouvernement avec quelques personnalités indépendantes. Ce n’était pas leur choix, mais une décision qui leur a été imposée parce que Ramallah a incité contre nous les organisations participantes. Jusqu’à ce que des affrontements éclatent et que certains membres de l’appareil de sécurité palestinien de l’époque tentent un coup de force contre le gouvernement légitime dirigé par M. Ismail Haniyeh. Le frère Abu Al-Ubid était alors Premier ministre, et il est devenu martyr, comme vous le savez, il y a plus d’un an. Puis l’accord de La Mecque de février 2007 a été conclu, conduisant à un gouvernement d’union nationale auquel ont participé le Fatah et toutes les factions.
En juin 2007, à la suite d’une tentative des restes de l’appareil de sécurité de renverser ce gouvernement, des affrontements ont éclaté et la stabilité a été imposée à Gaza sous la direction du Hamas. Certains ont prétendu que le Hamas avait évincé les autres, ce qui n’est pas vrai. J’ai rendu visite à un dirigeant arabe à l’époque, et il m’a demandé : « Frère Abu al-Waleed, comment se fait-il que vous ayez combattu le Fatah et les autres en 2007 ? » Je lui ai répondu : « Nous n’avons combattu personne. Nous ne nous opposions pas à l’autorité et ne la combattions pas, nous étions l’autorité. Quand quelqu’un se rebelle contre la loi et l’autorité, que devons-nous faire ? Supposons, Monsieur le Président, que quelqu’un d’un parti de votre propre pays vienne vous combattre, que feriez-vous ? Vous riposteriez ? Vous les arrêteriez ? Ou vous vous contenteriez de regarder et de sourire ? » Le président a souri.
Le Hamas n’a donc pas organisé de coup d’État contre qui que ce soit, car il était l’autorité. Ismail Haniyeh [du Hamas] était le Premier ministre du gouvernement d’union nationale, et [le politicien du Fatah] Azzam al-Ahmad était son adjoint. Le Hamas est donc attaché à la démocratie, attaché à la loi et attaché à la réussite de l’expérience démocratique.
Depuis lors, la situation a changé. Quelle en est la principale raison ? De nombreuses puissances occidentales – et malheureusement, certaines puissances régionales de la région – n’étaient pas satisfaites des résultats des élections de 2006 et n’ont pas donné au Hamas et à la société palestinienne la possibilité de faire réussir cette expérience. En conséquence, un coup d’État a été tenté contre lui par le biais de complots sécuritaires et militaires.
Vanity Fair a publié à l’époque un rapport détaillé à ce sujet – il s’agit d’un magazine occidental, comme vous le savez. Gaza a également été soumise à un blocus économique. L’expérience démocratique a donc été combattue sur le plan économique et visée sur le plan sécuritaire par des tentatives de renversement. Le coup d’État sécuritaire n’a pas réussi, mais il ne fait aucun doute que le blocus a nui à l’expérience et rendu la vie à Gaza anormale. Cette expérience démocratique était donc peut-être vouée à l’échec dès le départ, mais la volonté de notre peuple a permis au Hamas de continuer.
Après cela, nous avons été appelés à organiser plusieurs élections, mais c’est le président Mahmoud Abbas qui a fait échouer ce projet. Nous nous sommes mis d’accord à plusieurs reprises, par exemple en 2011, pour reconstruire l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) sur de nouvelles bases démocratiques. Il y a donc des élections pour l’Autorité palestinienne qui, comme vous le savez, opère à Gaza et en Cisjordanie. L’OLP est la référence politique nationale pour le peuple palestinien, à l’intérieur et à l’extérieur [du pays].
Nous avons convenu de reconstruire l’organisation et avons pris une mesure transitoire en formant un cadre de direction temporaire, qui ne s’est réuni que deux fois au Caire, réunions auxquelles j’ai assisté, puis n’a rien fait. Le président Mahmoud Abbas, de sa propre initiative, a appelé à plusieurs reprises à la tenue d’élections municipales, puis les a annulées. Je pense que c’est en 2020 ou 2021 que nous avons convenu de la tenue d’élections, mais celles-ci ont de nouveau été annulées. J’ai demandé à l’un des dirigeants à Ramallah : « Pourquoi les élections ont-elles été annulées ? » Bien sûr, cette question n’était pas officielle, et il m’a répondu : « En bref, parce que nous ne sommes pas sûrs des résultats. »
Par conséquent, la démocratie souhaitée en Palestine, telle qu’elle est malheureusement pratiquée dans certains pays de la région et du monde, consiste à ce que les élections produisent des résultats prédéterminés acceptables pour ceux qui les organisent. Si ce n’est pas le cas, elles sont annulées. Ce n’est pas de la démocratie. Si vous respectez la volonté du peuple, permettez-lui de l’exprimer librement dans les urnes.
Aujourd’hui, tout le monde sait, même après la destruction de Gaza à la suite de deux longues années de crime de génocide commis par Israël, que la conscience palestinienne, la prise de conscience et, je crois, l’électeur palestinien, s’il en avait l’occasion, voteraient pour la résistance. Ils savent que la résistance reflète leur conscience et constitue une réponse naturelle à l’occupation, et que le véritable problème réside dans l’occupation israélienne.
Par conséquent, l’Autorité palestinienne s’est affaiblie parce que, d’une part, elle ne renouvelle plus sa légitimité auprès de son peuple. D’autre part, elle a été réduite à des rôles mineurs, notamment la coordination sécuritaire [répressive] avec Israël. Elle est essentiellement devenue un simple tampon ou une signature nécessaire pour approuver les mesures prises par les Israéliens ou les Américains. Et vous savez, vous qui faites partie de la société américaine et occidentale, que l’Occident ne respecte pas les faibles, même s’ils sont ses partisans. Le monde respecte les forts. Le Hamas est fort, crédible et ouvert à traiter avec le monde entier.
Aujourd’hui, remarquez dans le plan Trump et la résolution du Conseil de sécurité qu’ils veulent bien sûr mettre fin au Hamas tout en rejetant tout rôle pour l’Autorité palestinienne (AP). Les Européens plaident en faveur d’un rôle pour l’AP, mais l’administration américaine ne l’accepte pas, et Israël ne l’accepte pas non plus. C’est pourquoi nous avons appelé à l’unité nationale palestinienne, afin d’être forts ensemble et de pouvoir imposer notre volonté à tous. Le Hamas croit en l’organisation du système palestinien autour de deux principes : les élections et le retour aux urnes, et deuxièmement, le partenariat, ce qui signifie que nous n’excluons personne.
Je l’ai dit : dans des circonstances normales, comme en Occident, le parti qui remporte la majorité gouverne, et les autres sont dans l’opposition ou forment un gouvernement fantôme. Mais dans notre pays, nous avons besoin de l’énergie de tous. Nous organisons des élections, et après les élections, nous formons une formule de partenariat national entre toutes les institutions du système politique palestinien afin de bénéficier des efforts de chacun.
C’est ce que propose le Hamas : il ne s’impose pas uniquement sur la base de sa popularité ou de sa majorité, ni parce qu’il est la principale force sur le terrain. Il cherche à inclure tout le monde. Le Hamas veut la démocratie parce qu’il fait également partie de la société palestinienne. Il a une expérience politique et une présence civile pratique au sein de sa communauté sous tous ses aspects.
Jeremy Scahill : D’après les derniers sondages électoraux que j’ai lus, le Hamas est le parti politique le plus populaire en Palestine. Vous êtes le candidat à la présidence le plus populaire, à l’exception du leader emprisonné Marwan Barghouti. Mais parmi les hommes qui ne sont pas actuellement en prison, vous êtes le candidat favori. Il semble que l’Europe et les États-Unis ne veulent pas que le Hamas puisse participer aux élections. Compte tenu de la popularité du Hamas et de votre popularité en tant que leader politique selon certains sondages palestiniens, envisageriez-vous de vous présenter à la présidence ou à la tête du gouvernement en tant que Premier ministre ? Et comment feriez-vous si une loi vous en empêchait ?
Khaled Meshaal : Tout d’abord, notre cher frère Marwan Barghouti, qui est en prison et dont nous espérons la libération, nous nous sommes battus pour sa libération, ainsi que pour celle de notre frère Ahmad Saadat, secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine. Cependant, c’est Israël qui reste intransigeant. Et je ne révèle aucun secret en disant que certains partis palestiniens n’étaient pas enthousiastes à l’idée de la libération de Marwan Barghouti – sa femme le sait.
Le Hamas, pour sa part, était enthousiaste, mais en raison de l’intransigeance israélienne et du manque de pression suffisante des États-Unis sur Israël lors des récentes négociations, nous n’avons pas pu obtenir la libération d’Ahmad Saadat, de Marwan Barghouti, d’Abbas al-Sayyed du Hamas, d’Ibrahim Hamed, d’Abdullah Barghouti, de Hassan Salameh, d’Arman et de nombreux autres dirigeants palestiniens. Cela est bien sûr profondément regrettable pour nous. Mais cela reflète notre engagement envers tous les prisonniers de notre peuple, qu’ils soient du Hamas, du Fatah ou du Front populaire.
Nous espérons que Marwan sera libéré, qu’il aura la possibilité de s’engager dans la lutte nationale et le travail politique, et qu’il sera candidat – c’est son droit naturel. Le Hamas a également le droit de nommer qui il veut, que ce soit Khaled Meshaal ou quelqu’un d’autre. C’est une décision que le mouvement prendra au moment opportun. Tout comme le Hamas a courageusement participé aux élections de 2006, il est capable de le faire à nouveau. Cependant, les portes sont fermées, non seulement par Israël et l’administration américaine, qui ont fait savoir qu’ils rejetteraient tout résultat électoral, mais aussi, malheureusement, par l’Autorité à Ramallah, qui n’autorise pas les élections à moins de pouvoir en garantir le résultat. Ils veulent des élections soigneusement calibrées et dont ils sont sûrs du résultat.
Nous comprenons et croyons fermement qu’il n’y a pas de solution, tout comme il n’y a pas de solution à l’occupation si ce n’est qu’elle quitte notre terre, que ce soit par la résistance ou par d’autres moyens. D’ailleurs, lors de mes rencontres avec les dirigeants régionaux et occidentaux, je leur ai clairement dit : notre revendication en tant que Palestiniens est le retrait de l’occupation de la Palestine.
Jeremy Scahill : Avez-vous personnellement eu récemment des discussions avec des dirigeants de l’UE, avec des dirigeants européens directement ?
Khaled Meshaal : Non, nous avons rencontré des responsables de l’Union européenne, mais pas au niveau des chefs d’État de l’UE, nous avons rencontré des ministres. Pendant un certain temps, nous étions ouverts, la Norvège et la Suisse faisaient preuve d’ouverture à notre égard. Nous avons rencontré des ministres de ces pays. Nous avons rencontré des responsables de différents pays, certaines de ces réunions étaient publiques, d’autres privées. La plupart des réunions que nous avons tenues étaient privées. Nous sommes ouverts à ce type de réunions.
Le point essentiel est le suivant : j’ai dit à l’un de ces dirigeants que la revendication du peuple palestinien était très simple : la fin de l’occupation. C’est notre droit naturel. Notre peuple n’accepte pas de vivre sous occupation.
Comment nous débarrasser de l’occupation ? Il y a deux options : soit nous résistons, ce qui est notre droit naturel en vertu du droit international, soit d’autres nous aident à nous en débarrasser, tout comme les Américains ont aidé par le passé à chasser les occupants de certains pays. Nous avons dit que nous préférions l’option la plus facile.
Mais tant que la communauté internationale n’agira pas de manière équitable à notre égard, alors que les Américains et les Européens sont intervenus dans certains cas, comme au Kosovo, Bosnie, ailleurs et en Irak, et ont à un certain moment retiré leur soutien au régime d’apartheid en Afrique du Sud –, à ce jour, la communauté internationale et ses grandes puissances ne sont pas intervenues pour nous rendre justice ou pour contraindre Israël à se retirer, au moins conformément aux résolutions de légitimité internationale, que l’Occident respecte, de la Cisjordanie et de Gaza. Elles ne l’ont pas fait.
Par conséquent, lorsque le monde ne vous aide pas, vous n’avez d’autre choix que de résister à l’occupant jusqu’à ce que vous le contraigniez à se retirer. L’histoire – l’histoire palestinienne et l’histoire de la région – montre qu’il n’y a jamais eu de cas où un occupant s’est retiré d’un territoire sans pression. Cela a été le cas pendant l’ère du colonialisme britannique, français et italien dans la région, et cela a été le cas dans notre expérience de l’occupation israélienne depuis 1948. Telle est notre revendication dans le contexte de la résistance.
Dans le domaine politique également, la solution à laquelle nous croyons est la démocratie, mais à condition qu’il s’agisse d’une véritable démocratie, et non d’une démocratie qui nous serait imposée selon les préférences d’Israël ou des États-Unis, où les résultats sont prédéterminés.
En tant que peuple palestinien, nous sommes capables de gérer notre propre système politique, d’organiser des élections libres et équitables et de nous gouverner nous-mêmes. Le résultat de telles élections serait un leadership palestinien fort et respecté, représentant le peuple palestinien dans la gestion à la fois de la lutte sur le terrain et de la bataille politique.
Jeremy Scahill : Si je vous pose cette question, c’est en partie parce que certains dirigeants européens et responsables politiques ont suggéré que le Hamas pourrait se réformer et adopter une position plus modérée. Ils semblent comprendre que le Hamas représente une grande partie du peuple palestinien. Mais vous et d’autres dirigeants allez subir de fortes pressions pour faire des concessions aux pays occidentaux. Compte tenu de votre carrière au sein de ce mouvement, je suis curieux de savoir comment vous allez gérer cela. Car le Hamas a été qualifié de terroriste, et c’est ainsi que le perçoivent de nombreux dirigeants aux États-Unis et en Europe. Mais le Hamas est aussi un mouvement populaire. C’est également un mouvement de résistance. Comment gérez-vous cela ? Je suis sûr que les dirigeants européens vous connaissent bien. Je me demande donc quelle est votre position, comment vous gérez cette pression tout en restant fidèle aux principes fondamentaux du Hamas ?
Khaled Meshaal : Il ne fait aucun doute qu’il est difficile de se présenter face à une accusation initiale ou préventive selon laquelle vous êtes une organisation terroriste et que vous êtes jugé selon les normes israéliennes de classification des groupes. Cependant, si l’administration américaine et les capitales occidentales appliquaient les mêmes normes occidentales au Hamas et aux factions de la résistance palestinienne, elles les classeraient comme des mouvements de libération nationale, tout comme l’ont fait, par exemple, les Américains il y a 200 ans, les Français pendant la Seconde Guerre mondiale et tous les peuples du monde. J’en suis certain.
Tout comme ils ont traité Mandela : autrefois considéré comme un terroriste, il est ensuite devenu un grand homme à leurs yeux, et il était effectivement un grand homme. Si les normes occidentales en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’opposition à l’occupation en vertu du droit international étaient appliquées, les différentes capitales occidentales considéreraient le Hamas et les forces de résistance palestiniennes comme des mouvements de libération nationale. Yasser Arafat était considéré comme un terroriste par eux et est ensuite devenu un homme de paix.
Malheureusement, l’un des problèmes de l’administration américaine est qu’elle donne la priorité aux intérêts d’Israël plutôt qu’à ceux des États-Unis. Même les partisans de Trump – MAGA – ont fini par se rendre compte qu’Israël était un fardeau pour eux, limitant et nuisant aux intérêts américains.
Je demande simplement au peuple américain et à l’administration américaine de juger en fonction des intérêts des États-Unis, et non de ceux d’Israël. S’ils nous regardent ne serait-ce qu’un instant de manière juste et impartiale, ils verront que le peuple palestinien est opprimé sous l’occupation et qu’il a le droit de résister – à moins que les États-Unis n’interviennent et ne forcent Israël à se retirer, auquel cas nous remercierions les États-Unis. Mais s’ils ne le font pas, alors ils devraient nous laisser résister.
Maintenant, quelle est l’autre norme pour le Hamas ? La philosophie de la résistance consiste à libérer [son territoire], ce qui est conforme au droit international et à l’approche historique occidentale à l’égard des occupants. En ce qui concerne la structure – le cadre organisationnel de tout mouvement –, que pourrait-on demander de plus au Hamas en termes de structure démocratique ? Le Hamas élit son président et ses dirigeants tous les quatre ans. Le Hamas est démocratique dans son essence même, peut-être plus que certains partis et forces occidentaux.
L’argent n’est pas utilisé dans nos [élections] comme c’est le cas dans les élections occidentales. Le Hamas est intrinsèquement démocratique et accepte la démocratie avec les autres, comme l’ont montré les élections de 2006, les élections municipales et les élections universitaires et syndicales. Le Hamas pratique [la démocratie] et respecte les résultats.
Le Hamas est également un mouvement ancré dans la société qui fournit des services à la communauté palestinienne. Il dispose d’un organe civil : c’est un mouvement de résistance, pas une organisation [purement] militaire. Ce n’est pas un groupe militaire. C’est un mouvement social qui s’engage auprès de tous les segments de la société et qui a créé de nombreuses institutions, notamment des universités, des hôpitaux et d’autres établissements au service de la communauté palestinienne.
Le Hamas est donc un mouvement qui ne peut être qualifié de terroriste, car il fait partie intégrante du tissu social palestinien. Il convient donc de le traiter sur cette base. Vous pouvez interroger n’importe quelle personnalité occidentale ayant rencontré les dirigeants du Hamas. Comme je vous l’ai dit, le président Carter nous a par exemple rencontrés. D’anciens ambassadeurs américains nous ont rencontrés dans le cadre de l’initiative « Human Dialogue » en Suisse. D’autres nous ont également rencontrés.
Tous sont repartis avec une impression très différente de l’image stéréotypée qu’ils avaient avant de rencontrer les dirigeants du Hamas. Ils ont découvert que les dirigeants du Hamas sont ouverts, démocratiques et disposés à engager le dialogue. Oui, ils défendent leur projet national et leur droit à l’indépendance et à la fin de l’occupation, mais ils sont également ouverts politiquement à tous. Par conséquent, cette étiquette injuste et stéréotypée est épuisante et pesante pour nous, car elle érige des barrières entre nous et les autres.
Permettez-moi de vous donner un exemple : Ahmad Al-Sharaa, anciennement connu sous le nom d’Al-Jolani, a été accusé par les Américains d’être affilié à Al-Qaïda ou Al-Nusra, puis il est soudainement devenu acceptable. Nous sommes heureux qu’il soit accepté, car après tout, c’est un fils de la Syrie. Il a une expérience que je ne peux juger, mais plus tard, il s’est battu pour la liberté de la Syrie et a mené son peuple, avec l’ensemble des forces syriennes, pour se libérer de la tyrannie. C’est une affaire syrienne et c’est leur droit. Pourquoi l’administration américaine donne-t-elle cette opportunité à Ahmad Al-Sharaa, mais pas au Hamas et aux forces de résistance palestiniennes ? Elle ne la donne même pas aujourd’hui à Mahmoud Abbas [président de l’Autorité palestinienne], qui n’est pas accusé de terrorisme.
Il y a clairement deux poids, deux mesures. Je crois – et je l’ai dit à plusieurs reprises, et je vous le dis maintenant à travers votre plateforme – que le peuple palestinien l’emportera et se libérera de l’occupation, et que le sort d’Israël ne sera pas différent de celui du régime d’apartheid en Afrique du Sud. Il est dans l’intérêt des États-Unis et des capitales occidentales de poursuivre un engagement positif avec le Hamas et le peuple palestinien, car nous sommes l’avenir, et cette occupation fera partie du passé.
Jeremy Scahill : En ce qui concerne Ahmed Al Sharaa, je dois dire que lorsqu’il a pris le pouvoir, les Israéliens ont bombardé la quasi-totalité des capacités militaires conventionnelles de la Syrie. Ils font pression sur lui pour qu’il signe un accord de normalisation avec Israël. Les Israéliens ont réussi à occuper de plus en plus de territoire syrien. Oui, c’est un exemple intéressant en raison de son histoire avec Al-Qaïda et Nusra. Cependant, ce que l’Europe exige aujourd’hui des Palestiniens, c’est un État palestinien désarmé, démilitarisé, sans armée ni armes. C’est ce qu’ils disent : une solution à deux États.
De l’autre côté, il y a Israël. Il ne s’agit pas seulement de Netanyahu : une grande partie des Israéliens veulent clairement que vous disparaissiez ou que vous mouriez, comme le montrent les sondages publics. Vous êtes donc confrontés à une situation où le soutien aux Palestiniens est sans précédent, un soutien énorme dans le monde entier. Mais la demande officielle des puissances occidentales est qu’il n’y ait pas d’armes, pas d’armée, pas d’autodéfense – en substance, vous devez toujours être sous la coupe d’Israël. C’est également la réalité qui se dessine en Syrie. C’est ce qu’ils font aux Syriens. Vous vous trouvez donc dans une situation difficile.
Khaled Meshaal : C’est vrai. Et pourquoi ? Quelle est la raison derrière toutes ces situations anormales ? C’est Israël. Lorsque les États-Unis ou les capitales occidentales traitent avec d’autres pays, ils ne sont peut-être pas toujours justes ou équitables, mais ils se comportent de manière relativement raisonnable, sauf dans les cas où Israël est impliqué. À ce moment-là, l’Occident et les États-Unis perdent de vue leurs propres intérêts et s’alignent sur les exigences d’Israël, les exigences d’un occupant qui cherche à dominer la région. C’est notre problème aujourd’hui.
En Palestine, on parle d’abord d’un État. Et je crois que, jusqu’à présent, la question d’un État reste un slogan, sans réelle sincérité. Oui, une conférence a été organisée sous l’égide de l’Arabie saoudite et de la France, et 159 pays ont reconnu l’État palestinien, mais cela reste au niveau symbolique. Il n’y a pas eu de volonté internationale pour forcer Israël à se retirer afin qu’un État puisse réellement exister, car il n’y a pas d’État sans retrait.
L’Autorité palestinienne a déclaré l’État il y a de nombreuses années, mais c’est un État virtuel. Nous ne recherchons pas la satisfaction psychologique d’un État symbolique, nous recherchons la liberté, l’indépendance, vivre sans occupation et construire notre État. Aujourd’hui, cette opportunité n’est pas offerte aux Palestiniens. Si le monde ne veut pas nous aider à y parvenir, alors il devrait nous permettre de résister et ne pas qualifier notre résistance de terrorisme.
De plus, que signifie un État sans armes ? Bien sûr, si un État était accordé comme un cadeau par d’autres – si cela devait arriver –, il serait assorti de conditions, tout comme des conditions ont été imposées à l’Autorité [palestinienne]. Le problème est que toute réalisation fondée sur des accords soumis aux conditions d’autres vous limitera. C’est pourquoi l’Autorité palestinienne a été contrainte sur le plan sécuritaire, politique et économique.
Nous recherchons une autorité palestinienne – ou plus précisément, un État palestinien – après la fin de l’occupation. Nous n’étions pas satisfaits d’avoir une autorité sous occupation dans le cadre des accords d’Oslo. Cette autorité s’est avérée être un échec, car elle était limitée et [Israël] pouvait intervenir à tout moment. Aujourd’hui, l’Autorité est complètement bafouée : l’armée israélienne peut entrer à Ramallah et dans la zone A à tout moment, et elle cherche désormais à rétablir son administration même sur la zone B, contrairement aux accords d’Oslo, et pourrait même réaffirmer son contrôle sur la zone A.
[Israël] intervient quand bon lui semble. Tout ministre palestinien au sein de l’Autorité est arrêté aux points de contrôle – même Mahmoud Abbas ne peut se déplacer sans leur permission. De quel type d’autorité s’agit-il ? C’est une autorité sans souveraineté, sans même le niveau le plus élémentaire de respect ou de prise de décision indépendante.
Par conséquent, pour nous, la voie à suivre est qu’un État ne devrait être établi qu’après la fin de l’occupation. La première étape vers la création d’un État n’est pas possible ici.
C’est pourquoi le peuple palestinien n’attend pas les autres. Il sait que l’Occident, mené par les États-Unis, agit avec un parti pris absolu dès qu’Israël est impliqué. C’est pourquoi nous avons décidé de nous libérer de l’occupation et de créer notre indépendance, comme d’autres peuples l’ont fait. Deuxièmement, pourquoi me demande-t-on de désarmer ? Garanti par qui ? Qui donne à quiconque le droit d’exiger un État sans [armes] ? C’est l’État lui-même qui décide, tout comme certains pays choisissent d’être non alignés ou sans capacités militaires. C’est leur décision, elle ne leur est pas imposée.
Nous sommes comme n’importe quel autre pays dans le monde : nous mettons fin à l’occupation, nous établissons notre État, nous le construisons démocratiquement, et il aura sa propre armée comme n’importe quel autre État dans le monde. En bref, il y a une énorme différence entre attendre que d’autres vous accordent vos droits et satisfassent vos revendications nationales – ce que je considère comme futile et déconnecté de la réalité – et prendre en main votre identité, vos droits et vos aspirations nationales. Lorsque vous agissez ainsi, ceux qui vous rejettent aujourd’hui vous accepteront demain. Nous connaissons bien le monde occidental : il essaie de vous bloquer, mais une fois que vous aurez prouvé votre mérite, il traitera avec vous. C’est ce à quoi nous aspirons.
Nous disons au peuple américain que, au cours des deux dernières années, nous avons profondément apprécié l’engagement dont a fait preuve la société américaine : dans les universités, [y compris] les plus prestigieuses, dans différentes villes des États-Unis, parmi les élites américaines et parmi la nouvelle génération d’Américains, y compris les juifs américains qui ont manifesté leur solidarité avec la Palestine.
Cinquante et un pour cent des jeunes Américains âgés de 18 à 24 ans soutiennent la cause palestinienne, et même le Hamas et la résistance. [Remarque : le sondage, réalisé par Harvard/Harris en décembre 2023, demandait si les attaques du 7 octobre « pouvaient être justifiées par les griefs des Palestiniens ».] Il s’agit d’un changement significatif, et nous espérons que la conscience humaine américaine se réveillera et réalisera qu’Israël est un fardeau pour [les États-Unis] et que le peuple palestinien n’est pas contre les intérêts américains.
Nous nous opposons à ceux qui s’ingèrent dans nos affaires et à ceux qui soutiennent notre ennemi. Mais nous sommes prêts à nous ouvrir à l’Amérique, à l’Europe et au monde entier afin de favoriser les échanges culturels et civilisationnels, tout comme cette région a toujours été le berceau des civilisations, et de gérer nos intérêts mutuels. Ce que nous n’accepterons pas, c’est l’occupation, la tutelle ou le soutien à un occupant.
Nous critiquons les États-Unis non pas parce que ce sont les États-Unis, mais parce qu’ils apportent à Israël, notre occupant, un soutien total sous toutes ses formes. Aujourd’hui, il existe une opportunité de transformation, et je pense qu’il est dans l’intérêt de l’Occident de parrainer un changement fondamental dans [l’approche de] la Palestine, tout comme il a fini par reconnaître la vérité en Afrique du Sud et retiré son soutien au régime d’apartheid.
Jeremy Scahill : Trump est bien sûr un homme d’affaires. Et il ne représente pas seulement l’Amérique en tant que président, il prépare également le terrain pour les transactions commerciales de sa famille. De nombreux pays arabes concluent d’importants accords avec Trump et tentent de devenir ses amis très proches. Et dans cet accord sur Gaza – le plan en 20 points – les pays arabes et islamiques ont apposé leur cachet. Je vous ai entendu sur Al Jazeera rendre hommage à certains de ces pays : ils ont mis fin au génocide en acceptant ce plan, mais les Palestiniens continuent d’être tués chaque jour. Comment pouvez-vous ne pas considérer cela comme l’une des plus grandes trahisons du peuple palestinien par les pays arabes et islamiques, qui collaborent ainsi avec Trump ?
Khaled Meshaal : Écoutez, en tant que Palestiniens, nous traitons avec notre nation arabe et islamique à deux niveaux : l’un basé sur la fraternité – sur le fait que nous sommes une seule nation avec un destin commun et des droits mutuels – et l’autre basé sur les réalités politiques. En tant que dirigeant, je dois trouver un équilibre entre les deux. Si l’on se base sur les critères de fraternité et de destin commun – le fait que nous formons une seule nation et que la cause palestinienne a toujours été, et reste, la cause centrale de la nation [arabe et islamique] –, il ne fait aucun doute que la responsabilité de la nation est grande.
Les gouvernements, les dirigeants et les souverains de la nation n’auraient pas dû permettre que cette guerre criminelle, cette guerre de génocide total, se poursuive pendant deux années entières. C’est pourquoi nous avons appelé de nombreux dirigeants de la nation, dès les premières semaines et les premiers mois, à agir de manière décisive et à dire aux Américains et à l’Occident : ça suffit, cette guerre doit cesser. Il y a sans doute eu des lacunes, et les efforts n’ont pas été à la hauteur de nos espérances.
Dans le même temps, nous sommes conscients de la faiblesse des pays arabes et islamiques. Nous savons que la position arabe n’est pas unifiée : il existe malheureusement des désaccords qui se sont développés au fil du temps. Il n’y a pas de leadership arabe ou islamique consensuel capable de commander, de rejeter et de coordonner une action collective : il y a fragmentation et désordre. De plus, de nombreux États sont préoccupés par leurs propres priorités et intérêts avec les États-Unis et l’Europe.
Ainsi, tout en essayant de jouer un rôle dans le soutien au peuple palestinien, en défendant sa cause ou en mettant fin à la guerre, ils [prennent également en compte] leurs intérêts économiques, leurs achats d’armes et d’autres considérations stratégiques. Et comme le président américain est, en fait, un homme d’affaires, certains pays tentent d’établir avec lui des relations qui servent leurs intérêts ou les protègent d’éventuels préjudices, car ils craignent les aventures et les initiatives soudaines de Trump, comme nous l’avons vu par le passé.
Cette situation affaiblit sans aucun doute l’intervention arabe et islamique forte visant à mettre fin à la guerre, et c’est quelque chose que nous avons critiqué. Mais cela ne nie pas les mesures positives que j’ai mentionnées dans l’interview – et j’étais sincère à leur sujet. Par exemple, le rejet par l’Égypte du déplacement de notre peuple de Gaza est une position égyptienne authentique, car elle correspond également aux intérêts de l’Égypte et à sa sécurité nationale.
De même, la Jordanie a craint – et continue de craindre – les politiques de Netanyahu, Ben-Gvir et Smotrich visant à annexer la Cisjordanie, à déplacer sa population, à étendre les colonies, à détruire, à s’emparer de vastes territoires et à violer la mosquée Al-Aqsa, dont la Jordanie a la garde religieuse. Ces [politiques] inquiètent profondément la Jordanie. Par conséquent, le rejet par la Jordanie du déplacement de la Cisjordanie est également une position sincère : il ne s’agit pas seulement de la sécurité jordanienne, mais de l’existence même de l’État jordanien.
Il y a des inquiétudes pour l’avenir. Nous apprécions les positions prises par l’Égypte et la Jordanie. Nous apprécions également les positions importantes prises par le Qatar, bien qu’il ne soit pas un pays voisin et qu’il soit éloigné : il a pris des positions fortes et louables. Il en va de même pour la Turquie. Et de nombreux pays arabes également, y compris l’Arabie saoudite, à qui il a été demandé de normaliser ses relations avec Israël, d’établir des liens et de rejoindre les accords d’Abraham. [L’Arabie saoudite] a posé quatre conditions : trois liées à l’Arabie saoudite et une liée à la fin de l’occupation et à la création d’un État palestinien.
Il existe des positions arabes et islamiques que je ne veux pas limiter [à une liste] : dans toute notre région, des positions louables ont été adoptées. Cependant, elles n’ont pas été suffisantes compte tenu de la responsabilité de la nation [arabe et islamique] envers la Palestine et à la lumière de l’ampleur des crimes commis pendant deux années entières dans la bande de Gaza.
Notre politique au sein du Hamas consiste à remercier les efforts qui ont été faits, tout en appelant à en faire davantage. Même les pays qui nous ont soutenus, comme l’Iran et le Hezbollah, qui sont entrés dans la confrontation pour soutenir Gaza, sont appréciés par nous. Des efforts politiques, militaires, humanitaires et de soutien ont été déployés en Palestine, et une mobilisation populaire a eu lieu dans les rues arabes et islamiques, tout comme dans les sociétés occidentales. Tout cela est apprécié.
Mais la communauté internationale a-t-elle réussi ? La nation arabe et islamique et ses dirigeants ont-ils réussi à mettre fin au crime à un stade précoce ? La réponse est non. Le massacre et la guerre génocidaire se sont poursuivis pendant deux années entières. Cela a sans aucun doute été extrêmement douloureux pour nous, mais loué soit Dieu.
Lorsque huit dirigeants arabes et islamiques se sont récemment rendus à New York en septembre dernier et ont exercé des pressions sur l’administration, ils ont rencontré le président Trump.
Cela a abouti à ce qui est devenu le plan Trump, qui n’était pas suffisamment équitable et comportait de graves lacunes, mais nous l’avons considéré comme une étape importante vers l’arrêt de la guerre. C’est pourquoi nous l’avons traité de manière positive, intelligente et flexible, ce qui a contribué à mettre fin à la guerre. Cependant, même ce plan est violé par Israël. De temps à autre, nous entendons des déclarations du président Trump et de certains membres de son administration critiquant Israël, mais ces critiques sont modérées. Pendant ce temps, le Hamas, qui a respecté l’accord, continue de faire l’objet d’accusations et de discours virulents de temps à autre. C’est quelque chose qui doit être surmonté.
En bref, sur ce point : oui, on attend davantage des Arabes et des musulmans, mais ils ne sont pas la partie la plus forte. Comme vous le savez, personne dans le monde n’est en mesure de contraindre Israël, pas même les Européens. La responsabilité des États-Unis est donc double, et le pouvoir est synonyme de responsabilité. Seuls le président Trump et l’administration américaine sont capables de contraindre Israël et Netanyahou à respecter les accords, ils assument donc cette responsabilité avant que nous n’attribuions cette responsabilité à une partie régionale ou internationale.
Jeremy Scahill : Le Hamas a, en substance, mis à jour sa charte en 2017 et sa position officielle sur ce que la communauté internationale, en particulier les États-Unis et l’Union européenne, appelle la « solution à deux États » est que si la volonté démocratique du peuple palestinien est d’établir un État selon les frontières d’avant la guerre de 1967, le Hamas ne s’y opposera pas et acceptera la volonté démocratique du peuple palestinien. Mais vous avez une expansion des colons en Cisjordanie. Vous avez une mentalité génocidaire dans la société israélienne. Est-il vraiment encore utile que les Palestiniens discutent d’une solution à deux États ? Cela a-t-il encore une quelconque pertinence à votre avis ?
Khaled Meshaal : Écoutez, ce que nous avons annoncé en 2017 dans la charte politique n’était pas, à ce moment-là, une nouvelle position concernant le comportement ou les positions politiques du Hamas — le Hamas avait déjà développé et maintenu ces positions politiques depuis qu’il participait aux élections, et même avant cela. Depuis plus de vingt-cinq ans, le Hamas a construit une philosophie politique et un système de positions et d’idées politiques, qu’il a développés grâce à sa structure démocratique interne, à travers des dialogues avec d’autres factions palestiniennes, mais aussi avec des pays arabes et islamiques.
L’objectif était de former un programme politique qui s’aligne sur ses principes et ses constantes, mais qui ouvre également des horizons pour obtenir des gains d’une part, et surtout, qui fournisse un terrain d’entente pour l’unité palestinienne et l’engagement avec la position officielle arabe.
Nous voulions, surtout après avoir remporté les élections, créer un programme politique commun où nous pourrions rencontrer le Fatah et d’autres factions, et aussi avoir un programme avec des points communs avec la position officielle arabe, afin de faciliter les choses. Mais nous avons compris qu’Israël ne le permettrait pas. Ce qu’on appelle la « solution à deux États » ne sera pas autorisée [par Israël]. Je pense que l’idée d’une solution à deux États est un beau slogan présenté à l’échelle internationale et régionale, mais Israël ne l’autorisera pas car la Cisjordanie est, pour Israël, le cœur du projet sioniste. Israël l’a historiquement appelée Judée-Samarie.
Ce qui s’est passé à Gaza en 2005, avec le retrait israélien, était une exception imposée à Sharon à l’époque, car Gaza était devenue un fardeau pour eux. Gaza est une zone limitée, et la politique israélienne accepte de céder de petites zones, surtout si elles sont densément peuplées et posent un problème de sécurité, comme Gaza. L’Intifada de 2000, bien que principalement concentrée en Cisjordanie en termes de population et de superficie, a été traitée par Israël par un retrait de Gaza, et non de Cisjordanie.
Au contraire, ils ont lancé l’opération « Bouclier défensif ». Car la Cisjordanie, dans le plan israélien, est le cœur du projet sioniste. C’est pourquoi j’ai dit : si Israël se retire de Cisjordanie et de Jérusalem, cela signifierait un changement dans l’équilibre des pouvoirs, et Israël se retirerait de toute la Palestine, il quitterait toute la Palestine.
Alors pourquoi le Hamas a-t-il accepté un État palestinien sur les frontières de 1967, sans l’appeler une solution à deux États ? Parce que la solution à deux États implique automatiquement la reconnaissance d’Israël. Lors des discussions avec les Occidentaux, nous leur avons dit : non, nous acceptons un État sur les frontières de 1967 comme projet national commun avec les autres factions palestiniennes. Quant à la reconnaissance d’Israël, le Hamas a une position [claire] à ce sujet : nous ne reconnaissons pas Israël. Cependant, nous respecterons la volonté des Palestiniens lorsqu’ils seront consultés sur cette question et d’autres questions connexes.
Quant à nous, au Hamas, nous ne reconnaissons pas la légitimité de l’occupation. Alors, pourquoi avons-nous adhéré à l’idée d’un État palestinien dans les frontières de 1967 ? Pour parvenir à une position commune avec nos partenaires palestiniens, mais aussi avec les pays arabes et islamiques. L’approche du Hamas s’est avérée juste, non seulement celle présentée en 2017, mais aussi celle de 2006 dans le document d’accord national issu de l’initiative des prisonniers. Tout cela était sur la table : un État dans les frontières de 1967.
Cependant, même le système arabe officiel, qui a présenté l’initiative du roi Abdallah – que Dieu ait pitié de lui – lors du sommet de Beyrouth en 2002, n’a pas été en mesure, au cours des 23 dernières années, de faire un seul pas vers la création d’un État palestinien, car Israël s’y oppose. Israël ne donnera rien gratuitement.
Pour le Hamas, nous sommes donc à la fois attachés à nos principes et réalistes. Attachés à nos principes : nous rejetons l’occupation, nous rejetons la tutelle, nous refusons de renoncer à nos droits sur la terre et sur Jérusalem, au droit au retour des réfugiés et à l’indépendance de notre processus décisionnel national. Tels sont les principes et les droits de notre peuple, y compris la libération de nos prisonniers. Dans le même temps, nous sommes politiquement réalistes et traitons avec nos partenaires, notamment l’Autorité palestinienne à Ramallah et le Fatah.
Nous sommes réalistes dans nos relations avec la réalité arabe et islamique et la communauté internationale, et nous sommes prêts à nous engager dans tout projet sérieux visant à établir un État palestinien selon les frontières de 1967. Même si je me rends compte, malheureusement, que cela est impossible en raison de la politique israélienne, et pas seulement en raison des réalités actuelles avec les colons ou des politiques de Ben Gvir et Smotrich, cela reflète [seulement] l’essence de la stratégie. Le Likoud a une stratégie claire : pas d’État palestinien entre le fleuve et la mer, et si les Palestiniens veulent un État, ils doivent aller en Jordanie. Telle est leur stratégie.
La différence entre Netanyahu et Smotrich ou Ben Gvir réside uniquement dans la manière dont ils présentent leur position. Mais Netanyahu ne diffère pas d’eux sur le fond : il ne reconnaît pas les droits des Palestiniens.
Par conséquent, la réalité actuelle à Gaza, les colonies, les violations, les tentatives de déplacement et le crime de guerre de génocide à Gaza montrent qu’Israël ne respecte pas les droits des Palestiniens et n’accepte pas un État palestinien. Néanmoins, nous, les Palestiniens – au sein du Hamas, avec nos partenaires sur la scène palestinienne et nos pays arabes et islamiques – sommes prêts, s’il y a un engagement régional et international sérieux, à contraindre Israël à se retirer aux frontières du 4 juin 1967, y compris Jérusalem, afin que nous puissions établir notre État palestinien.
Si les conditions sont réunies, le Hamas l’acceptera et agira de manière responsable. Nous construirons un véritable État palestinien démocratique, contrairement à l’Israël d’aujourd’hui, qui revendique la démocratie tout en la violant, même à l’encontre de ses propres citoyens.
* Jawa Ahmad est chercheur sur le Moyen-Orient auprès de Drop Site News.Auteur : Jeremy Scahill
* Jeremy Scahill est journaliste à Drop Site News, cofondateur de The Intercept, auteur des livres Blackwater et Dirty Wars. A fait des reportages en Irak, en Afghanistan, en Somalie, au Yémen, etc...
Auteur : Jawa Ahmad
15 décembre 2025 – Drop Site News – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

Soyez le premier à commenter