Salah Hamouri sous la menace d’un nouvel ordre de détention administrative

Salah Hamouri - Photo : archives
L'avocat franco-palestinien Salah Hamouri - Photo : archives

Par Samidoun

Appel à l’action : l’avocat palestinien-français Salah Hamouri menacé d’une nouvelle détention administrative.

Les animateurs de la campagne de soutien à Salah Hamouri – emprisonné par l’occupant israélien sans inculpation ni jugement sous le régime de la détention administrative – ont fait savoir que Salah était menacé de maintien en détention. Le Shin Bet aurait demandé à Avigdor Lieberman, ministre israélien de la défense – d’extrême droite et raciste connu – de renouveler la détention de Hamouri pour six mois supplémentaires.

Des milliers de concitoyens français, dont 1 600 élus, et des dizaines de conseils municipaux et de municipalités ont voté ou signé des résolutions demandant la libération immédiate de Hamouri – un Jérusalemite palestinien qui travaille comme chercheur pour l’association de soutien aux prisonniers Addameer.

Salah a passé l’examen du barreau palestinien pour exercer la profession d’avocat seulement trois jours avant d’être arrêté par les forces d’occupation, le 23 août 2017, et ensuite placé en détention administrative sans inculpation ni jugement. Après une campagne de soutien menée par l’épouse de Salah, Elsa Lefort, le président français Emmanuel Macron a demandé la libération de Hamouri le 10 décembre lors de sa rencontre avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Hamouri est un ancien prisonnier politique palestinien dont la situation était largement connue dans toute la France comme un symbole d’injustice et de fausses accusations, jusqu’à sa libération en 2011 lors de l’échange de prisonniers de Wafa al-Ahrar, quelques mois seulement avant la fin de sa peine.

Il s’est exprimé dans toute la France et à l’étranger lors d’événements tels que le “Forum social mondial sur les prisonniers palestiniens et la lutte pour la liberté”. Il a ensuite étudié le droit. Pendant ses études, il a été interdit de se rendre en Cisjordanie, ce qui l’a empêché de suivre des cours à son université. Alors qu’il s’en retournait en Palestine d’une visite en France, sa femme française, Elsa Lefort, alors enceinte, s’est vu refuser l’entrée en dépit d’un visa valide puis frappée d’une interdiction d’entrée de 10 ans, la forçant à donner naissance à son fils en France plutôt qu’en présence de son père en Palestine.

La campagne de soutien à Salah Hamouri insiste sur le fait que les prochains jours sont critiques car Lieberman devrait donner l’ordre de renouvellement d’emprisonnement le 28 février, voir avant. Les animateurs de la campagne exigent que le gouvernement français prenne des mesures sérieuses pour protéger leur concitoyen, et exiger qu’Israël libère immédiatement Salah Hamouri.

Consultez la page Facebook de la campagne de soutien à Salah Hamouri.

25 février 2018 – Samidoun – Traduction : Chronique de Palestine

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Salah Hamouri: « Vous êtes notre espoir et les porte-voix de notre résistance »

Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, est embastillé par Israël depuis 100 jours, en vertu d’un ordre de détention administrative. L’Humanité a pu lui faire parvenir des questions par l’intermédiaire de ses avocats.

Parvenez-vous à garder le moral ?

Salah Hamouri: Cela fait longtemps qu’il ne m’a pas semblé aussi difficile de répondre à cette question. Me retrouver pour la quatrième fois incarcéré et cela après cinq ans et demi de liberté… cinq ans et demi pendant lesquels j’ai bâti ma vie d’adulte, et une famille dont je suis privé depuis janvier 2016 et encore plus aujourd’hui. J’ai entrepris un nouveau cursus universitaire et je suis devenu avocat trois jours avant mon arrestation. J’ai, malgré tout, un bon moral, il existe une grande solidarité entre les détenus. Je reçois de temps en temps, via mes avocats, des nouvelles du monde extérieur.

Ça a été particulièrement difficile pour moi de me trouver face à ces jeunes de 14-15 ans, emprisonnés comme moi, vêtus de l’uniforme marron glauque des prisons israéliennes, les pieds et les mains liés, conduits par les gardiens.

Lors d’un transfert à la prison de Ramleh, j’ai été très touché de voir que les prisonniers sont mis dans six cages qu’aucun être humain ne devrait jamais connaître. Dans une de ces cages, j’ai vite reconnu un prisonnier avec qui j’ai vécu cinq ans, il se nomme Walid Dakka. Il s’est approché de moi. Depuis notre dernière rencontre, ses cheveux ont blanchi, ses rides se sont multipliées, ses cernes traduisent une grande fatigue. Il a crié en me voyant : « Le Français ! Qu’est-ce que tu fais là, pourquoi ils t’ont remis en prison ? » À ce moment, la carte de la Palestine s’est dessinée dans mon esprit, j’ai pensé à toutes les souffrances que subit mon peuple. Ces arrestations sont des moyens de pression que l’occupation utilise pour nous chasser de notre terre et également pour tenter de détruire nos vies personnelles et sociales. Toutes ces relations que nous bâtissons sont un moyen pour tenir debout face à l’occupant. Le but de cette occupation est clairement de vider la Palestine de ses habitants, et tout particulièrement à Jérusalem-Est.

Comment se passent vos conditions de détention ? Comment êtes-vous traité ?

Salah Hamouri: Je suis dans la prison du Néguev, avec 2 400 autres prisonniers. Un grand nombre d’entre eux sont privés de liberté depuis plus de dix ans. Il y a plus de 300 détenus administratifs dans cette prison. Nous avons le droit de faire rentrer des vêtements et des livres 4 fois par an, ce qui n’est pas suffisant. Nous n’avons pas accès à la presse écrite arabe, nous n’avons qu’une chaîne télé d’information, les autres chaînes sont uniquement des divertissements en hébreu.

L’administration de la prison met en place une politique « douce » de torture : la torture psychologique afin de briser les Palestiniens et les pousser à quitter la Palestine. Cette torture « douce » est beaucoup plus ravageuse que la torture physique. Nous avons certes assez de nourriture et le droit de sortir dans la cour quotidiennement, mais ce n’est pas de cela dont nous avons besoin. Nous avons besoin que cesse cette torture psychologique qui est utilisée pour tenter de nous briser et de nous convaincre que notre combat est vain. C’est pour cette raison qu’ils nous empêchent de recevoir assez de livres et d’avoir accès à l’information de la région. Le fait de n’avoir qu’une seule visite familiale de 45 minutes par mois est également un moyen de torture, d’autant plus que celle-ci s’effectue derrière une vitre. Nous n’avons pas le droit de prendre nos proches dans nos bras.

Les familles de prisonniers souffrent aussi beaucoup de notre emprisonnement, d’abord, par notre absence, mais également parce que la prison est très éloignée dans le désert. Chaque visite est une véritable épreuve pour eux. Certains prisonniers sont même privés de visites.

Quels sont vos contacts avec le consulat de France ?

Salah Hamouri: J’ai reçu la visite du consul et du vice-consul de Jérusalem quand j’étais détenu au centre d’interrogatoire Al Moskobieh, à Jérusalem. À chaque audience, un représentant du consulat a été présent et j’ai également reçu la visite du consul général de Tel-Aviv dans la prison du Néguev. Sa première demande de visite avait été refusée quelques jours avant. J’ai appris que les élus français qui souhaitaient me rencontrer ne l’ont pas pu. Lors de ma précédente incarcération, je recevais régulièrement des visites du consul ainsi que d’élus français. C’est scandaleux que la diplomatie française se fasse ainsi mépriser par l’occupant et ne tape pas du poing sur la table afin de permettre à l’un de ses citoyens emprisonnés de recevoir les visites d’élus, de recevoir son courrier et d’être bien évidemment libéré au plus vite.

Comment jugez-vous le silence des plus hautes autorités françaises ?

Salah Hamouri: On a bien vu, lors de ma précédente incarcération, que le silence des autorités françaises ne peut être brisé que grâce à votre solidarité. Ce silence, qui pèse aujourd’hui, est sûrement dû au fait qu’une pression de la force occupante et de ses soutiens est mise sur l’État français qui amène notre président à ne pas parler de ma situation. Il faut que la France soit courageuse et qu’elle brise ce silence pour me défendre et se défendre elle-même contre toute subordination.

Il est temps que la France soit de retour et soutienne les peuples sous occupation et sous la domination des forces impérialistes. La France doit me considérer comme n’importe quel autre citoyen français et faire respecter fermement mes droits d’autant plus que l’État israélien me prive de mes droits les plus élémentaires avec cette détention administrative. La France ne doit pas se soumettre aux pressions américaines, israéliennes, ni aux amis de Netanyahou. Elle doit prendre une position claire pour défendre les droits des Français partout dans le monde.

Est-ce que la campagne lancée en France est importante pour vous ?

Salah Hamouri: Énormément ! Elle me touche mais elle touche également tous mes camarades. Nous vous envoyons nos sincères salutations et tous nos remerciements. Quand j’ai appris que, malgré la toute première décision du tribunal (libération conditionnelle), je n’allais pas être libéré mais placé en détention administrative, j’étais persuadé que le mouvement de solidarité avait déjà commencé en France. Je sais bien que ma libération en 2011 avait été obtenue grâce à la grande et belle mobilisation qui existait en France. Je suis emprisonné depuis 100 jours, je peux constater les effets de la campagne, et mes avocats me témoignent qu’elle a pris plus d’ampleur encore que la précédente ! Cette lutte que vous menez aujourd’hui en France est basée sur le long terme et il faudra ne rien lâcher, même si cela prend du temps, mais vos efforts finiront par payer. Cette résistance que vous menez en France, cette solidarité qui grandit chaque jour ont dépassé les frontières de la France et ont une résonance énorme. Votre solidarité est le seul moyen pour que notre souffrance soit connue dans le monde et qu’il y soit mis un terme.

Avez-vous un appel à lancer ?

Salah Hamouri: Vous êtes un espoir pour des milliers de gens dans les Bastille israéliennes. Il est primordial de dénoncer ce que les autorités israéliennes font aux Palestiniens et, en particulier, aux enfants qui sont trop nombreux à connaître les prisons de l’occupant. Il s’agit là d’un véritable projet pour casser l’enfance palestinienne. Vous êtes les porte-voix de notre résistance en Europe et partout dans le monde. Soyez-en bien sûr, la prison ne sera jamais le lieu où l’occupant pourra enterrer nos rêves et notre espoir ! Chaque jour, nous sommes plus convaincus que la résistance est notre droit et notre devoir et qu’elle nous permettra d’arracher nos droits nationaux, d’obtenir notre liberté et notre indépendance. Chaque action que vous menez nous envoie des rayons de soleil qui réchauffent nos cellules sombres dans l’hiver froid du désert.

30 novembre 2018 – Un article du journal l’Humanité