Pourquoi Israël échoue à briser la Résistance en Palestine

23 juin 2023 - Les habitants palestiniens de Beita protestent suite au retour de centaines de colons israéliens dans l'avant-poste évacué d'Evyatar, établi sur des terres appartenant à des résidents de Beita sur Jabal Sabih. L'avant-poste a été évacué en 2021 et est utilisé par l'armée d'occupation depuis lors. Les habitants de Beita ont organisé des manifestations hebdomadaires depuis l'installation de l'avant-poste en mai 2021. Le ministre israélien de la sécurité publique, le fasciste Itamar Ben-Gvir, a visité l'avant-poste ce jour et a incité les colons à s'emparer de toutes les collines - Photo : Wahaj Bani Moufleh / Activestills

Par Ramzy Baroud

Les chiffres peuvent être déshumanisants, mais lorsqu’ils sont replacés dans leur contexte, ils permettent d’éclairer des problèmes plus larges et de répondre à des questions pressantes, comme celle de savoir pourquoi la Palestine occupée est au seuil d’une révolte majeure et pourquoi Israël ne peut pas écraser la résistance palestinienne, quelles que soient ses tentatives et sa violence.

C’est alors que les chiffres deviennent révélateurs. Depuis le début de l’année, près de 200 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée et à Gaza. Parmi eux, 27 enfants.

Si l’on imagine une carte colorée mettant en corrélation les villes, les villages et les camps de réfugiés des victimes palestiniennes avec la rébellion armée en cours, on constate immédiatement des liens directs. Gaza, Jénine et Naplouse, par exemple, ont payé le plus lourd tribut à la violence israélienne, ce qui en fait les régions qui résistent le plus.

Sans surprise, les réfugiés palestiniens ont toujours été à l’avant-garde du mouvement de libération de la Palestine, transformant les camps de réfugiés tels que Jénine, Balata, Aqabat Jabr, Jabaliya, Nuseirat et d’autres en points chauds de la résistance populaire et armée.

Plus Israël tente d’écraser la résistance palestinienne, plus la réaction palestinienne est forte.

Prenons l’exemple de Jénine. Le camp de réfugiés rebelle n’a jamais cessé de résister à l’occupation israélienne depuis la fameuse bataille et le massacre israélien qui s’en est suivi en avril 2002.

La résistance s’y est poursuivie sous toutes ses formes, malgré le fait que de nombreux combattants qui ont défendu le camp contre l’invasion israélienne lors du deuxième soulèvement palestinien, ou Intifada, ont été tués ou emprisonnés.

Maintenant qu’une nouvelle génération a pris le relais, Israël recommence. Les incursions militaires israéliennes à Jénine sont devenues routinières et font de plus en plus de victimes, bien qu’il y ait un prix à payer pour Israël lui-même.

La plus notable et la plus violente de ces incursions a eu lieu le 26 janvier, lorsque l’armée israélienne a envahi le camp, tué dix Palestiniens et en a blessé plus de vingt autres.

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D’autres Palestiniens continuent d’être tués à mesure que les raids israéliens deviennent plus fréquents. Et plus les raids sont fréquents, plus la résistance est forte, qui s’est étendue au-delà des limites de Jénine, aux colonies juives illégales voisines, aux points de contrôle militaires, etc.

Il est de notoriété publique que nombre des Palestiniens qu’Israël accuse de mener des opérations contre ses soldats et ses colons sont originaires de Jénine.

Les Israéliens peuvent vouloir considérer leur violence en Palestine comme de l’autodéfense, mais c’est tout simplement totalement faux. Un occupant militaire, que ce soit en Palestine ou ailleurs, ne peut, par définition juridique stricte, être en état de légitime défense.

Ce dernier concept ne s’applique qu’aux nations souveraines qui tentent de se défendre contre des menaces à l’intérieur ou à l’extérieur de leurs frontières internationalement reconnues.

Non seulement Israël est défini par la communauté internationale et le droit comme une « puissance occupante », mais il est également légalement tenu de « veiller à ce que la population civile soit protégée contre tous les actes de violence », comme l’a déclaré le secrétaire général des Nations unies le 20 juin.

Cette déclaration faisait référence au meurtre de huit Palestiniens à Jénine, un jour plus tôt. Parmi les victimes figuraient deux enfants, Sadil Ghassan Turkman, 14 ans, et Ahmed Saqr, 15 ans.

Il va sans dire qu’Israël ne s’investit pas dans la « protection » de ces enfants et d’autres enfants palestiniens. Il est au contraire l’entité qui produit le mal.

Mais puisque les Nations unies et d’autres membres de la communauté internationale se contentent de faire des déclarations – « rappelant à Israël » sa responsabilité, exprimant leur « profonde inquiétude » face à la situation ou, dans le cas de Washington, blâmant même les Palestiniens – quelles autres options les Palestiniens ont-ils, sinon celle de résister ?

La montée en puissance du Repaire aux Lions, des Brigades de Jénine, des Brigades de Naplouse et de bien d’autres groupes et brigades de ce type, constitués essentiellement de réfugiés palestiniens déséhérités et mal armés, n’est pas un mystère. On se bat lorsqu’on est opprimé, humilié et régulièrement violé dans ses droits.

Ce rôle régit les relations humaines et les conflits depuis les origines.

Mais la montée en puissance des Palestiniens doit inquiéter ceux qui veulent maintenir le statu quo. L’un d’entre eux est l’Autorité palestinienne (AP).

Celle-ci risque de perdre beaucoup si la révolte palestinienne s’étend au-delà des frontières du nord de la Cisjordanie. Le « président » de l’AP, Mahmoud Abbas, qui jouit d’une légitimité des plus réduites, n’aura aucun rôle politique à jouer. Sans ce rôle, aussi artificiel soit-il, les fonds étrangers se tariront rapidement et la fête sera finie.

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Pour Israël, les enjeux sont également importants.

L’armée israélienne, sous la direction de l’ennemi juré de Netanyahu, le ministre de la défense Yoav Gallant, veut intensifier la lutte contre les Palestiniens sans répéter l’invasion massive des villes de 2002. Mais l’agence de renseignement intérieur, le Shin Bet, est de plus en plus encline à une répression à grande échelle.

Le ministre israélien des finances, le fasciste Bezalel Smotrich, veut exploiter la violence comme prétexte pour étendre les colonies illégales. Un autre homme politique de la mouvance fasciste, le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, cherche à déclencher une guerre civile, menée par les colons juifs les plus violents, qui constituent le cœur même de son électorat politique.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui se débat avec ses propres problèmes politiques et juridiques, tente de donner à chacun un peu de ce qu’il veut, mais tout à la fois. Les paradoxes sont une voie idéale pour le chaos.

C’est ainsi que Gallant a réactivé les assassinats aériens de militants palestiniens, pour la première fois depuis la seconde Intifada. Les premières frappes ont eu lieu dans la région de Jalameh, près de Jénine, le 21 juin.

Entre-temps, le Shin Bet élargit sa liste de cibles. D’autres assassinats suivront certainement.

Parallèlement, Smotrich planifie déjà une expansion massive des colonies juives, et Ben-Gvir envoie des hordes de colons pour mener des pogroms dans des villages palestiniens pacifiques. L’enfer de Huwwara, le 26 février, s’est répété à Turmus’ayya le 21 juin.

Bien que les États-Unis et leurs partenaires occidentaux peuvent continuer à s’abstenir d’intervenir dans les prétendues « affaires intérieures israéliennes », ils devraient examiner attentivement ce qui se passe en Palestine. Il ne s’agit pas d’une affaire habituelle.

La prochaine Intifada en Palestine sera armée, unitaire et populaire, avec des conséquences trop difficiles à évaluer.

Si, pour les Palestiniens, un soulèvement est un cri contre l’injustice sous toutes ses formes, pour des gens comme Smotrich et Ben-Gvir, la violence est une stratégie vers l’expansion des colonies, le nettoyage ethnique et la guerre civile.

Au vu des pogroms de Huwwara et de Turmus’ayya, la guerre civile a déjà commencé.

27 juin 2023 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah