Pour mettre fin à la famine à Gaza, il faut contourner le blocus israélien avec 1000 bateaux

Bien que le Handala ait été saisi lors d'un acte de piraterie israélien dans les eaux internationales, la mission n'a pas échoué : elle a allumé la mèche. Comme les flottilles avant elle, elle a prouvé que le siège israélien peut être affronté de front par des citoyens ordinaires, écrit Omar Aziz - Photo : via The New Arab

Par Omar Aziz

Le consensus contre le siège israélien de Gaza se renforce et, selon Omar Aziz, le rêve de 1 000 bateaux voguant vers Gaza pourrait devenir une réalité.

« Il ne faut pas attendre qu’Israël donne son autorisation… Il faut briser le blocus. »

Tels furent les paroles courageuses d’Huwaida Arraf, l’avocate palestino-américaine spécialisée dans les droits humains, après qu’elle a été kidnappée en pleine mer par les forces israéliennes.

Elle naviguait à bord du Handala, un navire civil d’aide humanitaire chargé de nourriture et de médicaments à destination de Gaza. Avant que des israéliens armés et masqués ne prennent d’assaut le navire, Arraf a dit à l’armée par radio : « Vous affamez des civils… et imposez un blocus illégal. Pourquoi avez-vous peur du lait en poudre et des ours en peluche ? »

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Même si le Handala a été arraisonné dans le cadre d’un acte de piraterie israélienne dans les eaux internationales, la mission n’a pas échoué : elle a provoqué une prise de conscience. Comme les flottilles précédentes, elle a prouvé que le siège israélien peut être combattu par des citoyens ordinaires, sans attendre l’autorisation des États.

Gaza est volontairement affamée

Depuis mars, Israël a bouclé Gaza, tout en poursuivant ses bombardements aériens. L’Integrated Food Security Phase Classification (IPC), l’organisme mondial de référence en matière de famine, a désormais confirmé que « le pire scénario de famine » est en train de se développer et appelle à une « urgente réponse humanitaire indépendante et de grande ampleur ».

Au moins un demi-million de Palestiniens vont se trouver au niveau 5 de l’échelle d’insécurité alimentaire aiguë d’ici septembre, ce qui indique une catastrophe humanitaire meurtrière provoquée par une famine et une malnutrition aiguë généralisées. Il n’y a pas de phase 6.

Alex de Waal, expert renommé en matière de famine avec plus de 40 ans d’expérience, met en garde contre le risque d’une augmentation « exponentielle » des décès dus à la famine à Gaza.

Au moins 175 Palestiniens sont déjà morts de faim. Mais aujourd’hui, c’est toute la population de Gaza qui est en danger.

Ce n’est pas un échec logistique. C’est une politique délibérée. Affamer Gaza fait partie de la stratégie d’Israël depuis le début.

Netanyahu est désormais accusé par la CPI de crimes de guerre, notamment d’exterminer et d’affamer les Palestiniens. Pourtant les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne continuent de fournir des armes, du renseignement et une couverture diplomatique à Israël. Il n’y a pas de sanctions. Il n’y a pas d’embargo sur les armes. Et il n’est pas question non plus d’une intervention militaire pour mettre fin à l’offensive israélienne.

Au lieu de cela, on assiste tous au spectacle.

Prenons l’exemple de la Gaza Humanitarian Foundation, une initiative d’aide humanitaire menée par les États-Unis et Israël. Elle a été dénoncée comme une escroquerie meurtrière : des « sites d’aide » où les Palestiniens sont attirés, puis abattus par des mercenaires américains. Selon les chiffres de l’ONU, près de 1400 Palestiniens ont été tués depuis fin mai en tentant de récupérer de la nourriture sur ces sites.

Et le Premier ministre britannique Keir Starmer parle tranquillement de reprendre les largages aériens d’aide humanitaire, en promettant de travailler avec la Jordanie sur cette initiative, bien que l’UNRWA les qualifie d’« inefficaces, dangereux et humiliants ».

Le Madleen est arrivé à bon port… dans nos coeurs !

Malgré cela, Israël continue de réduire l’aide terrestre à quasiment rien : 36 camions sont entrés à Gaza samedi, bien en deçà des 500 à 600 camions qui entraient chaque jour pendant le dernier cessez-le-feu.

La famine généralisée devient une réalité, et ce ne sont certainement pas les États qui commettent le génocide à Gaza qui viendront au secours des Palestiniens

Chaque heure de retard dans l’acheminement de l’aide fait mourir davantage de personnes de faim. Israël le sait, mais c’est sa stratégie. En fait, Israël utilise le temps comme une arme depuis des décennies.

En Cisjordanie, les Palestiniens attendent indéfiniment aux postes de contrôle pour obtenir des permis de travail, de construction et de déplacement. Des femmes enceintes sont mortes en accouchant aux postes de contrôle.

À Gaza, des patients atteints de cancer ont attendu des années pour obtenir l’autorisation de se faire soigner dans des hôpitaux palestiniens en dehors de Gaza, autorisation qui leur a souvent été refusée jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

Pendant la pandémie, Israël a vacciné ses propres citoyens tout en refusant d’administrer des doses aux Palestiniens.

Aujourd’hui, l’État hébreu affame progressivement les Palestiniens et fait en sorte que lorsque l’aide arrive, il est déjà trop tard. La famine ne peut être inversée du jour au lendemain.

Un seul navire humanitaire civil ne peut briser un siège imposé par l’une des armées les plus puissantes au monde. Mais des milliers pourraient y parvenir.

Imaginez une flottille sponsorisée par les peuples du monde entier. Indépendante. Internationale !

Imaginez que les syndicats, les groupes de solidarité locaux et les organisations se mobilisent en nombre sans précédent !

Et qu’Oxfam, Médecins sans frontières et Save the Children affrètent des navires sous leurs propres drapeaux !

L’État voyou et génocidaire a attaqué la Flotille de la Liberté

Et que même seulement 1 % des centaines de milliers de bateaux de plaisance méditerranéens mettaient simultanément le cap sur Gaza !

La pression publique intense exercée par une flottille coordonnée d’une telle ampleur pourrait contraindre Israël à ouvrir les portes de la prison de Gaza et à laisser passer l’aide humanitaire.

Cela pourrait ouvrir la voie à un corridor humanitaire géré par des civils, une artère qui apporterait la vie à Gaza à travers la Méditerranée.

En 1984, les syndicalistes londoniens ont envoyé des convois d’aide aux mineurs en grève sous le slogan « Ils ne mourront pas de faim ». En 1940, plus de 700 navires civils ont traversé la Manche pour défendre Dunkerque. Le même esprit de solidarité et de challenge peut renaître.

Ce n’est pas un rêve irréalisable, La rapporteuse spéciale des Nations unies, Francesca Albanese, a déclaré que le Madleen avait « montré la voie à des milliers et des milliers d’autres personnes pour qu’elles affrètent aussi un bateau ».

L’ancien chancelier fantôme britannique John McDonald a publié sur X : « Le Royaume-Uni devrait briser le blocus maritime avec une flotte de navires humanitaires ».

La majeure partie des gens pensent que le siège israélien doit être brisé par tous les moyens nécessaires.

Le poète palestinien Mohammed El-Kurd a récemment écrit : « Le pape devrait se trouver à bord d’une flottille qui va à Gaza ». Il a raison. Et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, devrait se joindre à lui.

Il est temps de lâcher la bride à notre imagination, de refuser de se limiter à ce qui est habituellement considéré comme de l’activisme raisonnable ou légitime. Ce moment exige de l’audace. Ceux qui ont des privilèges, des tribunes et des passeports doivent les utiliser à bon escient.

Greta Thunberg a montré la voie à bord du Madleen en juin. David Beckham, ambassadeur de l’UNICEF, ne devrait-il pas lui aussi être à bord d’un navire à destination de Gaza ?

Heureusement, des organisateurs ont déjà répondu à cet appel.

Deux grandes campagnes tentent actuellement de coordonner des flottilles d’aide massive. Les organisateurs de la Global Sumud Flotilla affirment que des délégations d’au moins 40 pays participeront bientôt à « la plus grande mission maritime visant à briser le siège illégal d’Israël ».

Elle réunira les efforts terrestres et maritimes précédents, tels que la Maghreb Sumud Flotilla, la Freedom Flotilla Coalition et la Global March to Gaza.

Une autre initiative, la 1000 Ship Flotilla, est également en cours d’organisation en Malaisie.

Les risques encourus par les flottilles

Comme nous l’avons vu avec les flottilles précédentes, le kidnapping, l’emprisonnement, la torture, la mort sont autant de risques auxquels s’exposent ceux qui osent acheminer de l’aide à Gaza. Et Israël a clairement fait savoir qu’il n’y avait pas de limites à sa campagne d’extermination, en tuant au moins 60 000 Palestiniens.

Si une poignée de bateaux du Mouvement Free Gaza ont atteint Gaza en 2008-2009, aucun navire humanitaire n’a réussi à briser le blocus maritime depuis 2010, date à laquelle les forces israéliennes ont pris d’assaut le Mavi Marmara dans les eaux internationales, en tuant dix militants qui étaient à bord.

Il convient de noter que les convois Viva Palestina ont réussi à atteindre Gaza via le passage de Rafah en 2009 et 2010, acheminant une aide humanitaire importante par voie terrestre.

Cependant, toutes les tentatives ultérieures ont échoué à briser le blocus. Et ne vous y trompez pas, le rôle de l’Égypte dans le maintien du blocus de Gaza – en restreignant l’aide, en expulsant les militants se rendant à Rafah et en fermant les passages – la rend complice du châtiment collectif infligé à une population captive.

En 2025, Israël a intercepté les trois missions de la Flottille de la liberté pour Gaza. En mai, des drones ont frappé le Conscience au large des côtes de Malte. En juin, le Madleen, un yacht battant pavillon britannique et transportant 12 militants, dont Thunberg, a été saisi à 200 km des côtes de Gaza – un acte de piraterie commis contre un navire immatriculé au Royaume-Uni qui aurait dû susciter une réaction sévère de la part du gouvernement britannique.

Dix ans après, les crimes commis sur le Mavi Marmara continuent de me hanter

Mais malgré tout cela, le fait demeure : le plus grand danger à l’heure actuelle est de permettre à Israël de poursuivre son génocide.

Tous les efforts doivent désormais être consacrés à l’organisation d’une fin à cette situation, à une échelle capable de briser directement le siège israélien et d’acheminer l’aide.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille abandonner les efforts visant à isoler Israël et à le tenir responsable dans tous les domaines, ni que le travail stratégique visant à démanteler le sionisme doive être mis de côté.

Il s’agit plutôt de reconnaître l’urgence absolue de ce moment, qui est crucial pour empêcher la poursuite de l’anéantissement de la vie palestinienne.

Depuis près de deux ans, les Palestiniens résistent à l’assaut d’Israël, qui est de loin le plus grand crime du XXIe siècle. Du massacre à l’échelle industrielle des Palestiniens assiégés à la famine de toute une population, les crimes d’Israël brisent toutes les frontières juridiques et morales.

Gaza est en train d’être rayée de la carte, et le monde regarde. Par conséquent, si les gouvernements ne font pas respecter le droit international, c’est aux peuples de le faire.

Après tout, c’est notre monde, pas le leur. C’est à nous de choisir si nous voulons nous taire ou nous lever et nous révolter contre la mort de la lumière.

Envoyez les bateaux. Maintenant.

7 août 2025 – The New Arab – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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