Le plan israélo-US pour Gaza, c’est la fin de toute résistance et la mise sous perfusion

10 octobre 2025 - Malgré l'annonce d'un cessez-le-feu, les frappes se poursuivent à l'est de Khan Yunis, dans la bande de Gaza, tandis que les Palestiniens déplacés retournent dans leurs maisons détruites. Depuis que l'armée israélienne a commencé un retrait partiel du territoire dans le cadre de la première phase d'un accord de paix avec le Hamas, 19 Palestiniens ont été tués dans les frappes aériennes israéliennes qui se poursuivent dans toute la bande de Gaza - Photo : Doaa Albaz / Activestills

Par Reem Hani

Al-Akhbar a obtenu un document détaillant le plan de distribution de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, qui a été présenté la semaine dernière lors de la première réunion du Centre de coordination civilo-militaire (CMCC) dirigé par les États-Unis.

Malgré l’échec de la Fondation humanitaire de Gaza [GHF], une initiative soutenue à la fois par les États-Unis et Israël, Washington cherche désormais à imposer un nouveau modèle similaire.

Ce plan prévoit que l’aide soit exclusivement acheminée vers les zones contrôlées par l’armée d’occupation israélienne, en coordination avec Tel-Aviv et avec la participation d’ONG arabes et occidentales, sans consulter aucun organisme palestinien.

Lors d’une réunion entre les responsables du CMCC et le coordinateur des opérations du Programme alimentaire mondial (PAM), ce dernier s’est opposé à l’approche proposée, avertissant qu’elle « mènerait Washington à l’échec ».

Ses remarques ont incité le général américain John Henson à insister pour que le document de trois pages décrivant le « système de centres » soit entièrement laissé de côté, tout en précisant qu’un plan final pour la distribution de l’aide par l’intermédiaire de ces centres serait publié à un stade ultérieur.

Le plan israélo/US pour Gaza est une véritable horreur dystopique

Cependant, Henson a souligné que les civils de Gaza « ne recevront pas d’aide directement de ces centres », suggérant que la plupart des aspects du plan resteraient probablement inchangés dans toute modification future.

Le plan prévoit la création de 12 à 15 centres le long de la « ligne jaune », chacun équipé d’entrepôts logistiques, de points de distribution, de cliniques de santé, de cuisines communautaires et d’installations de désarmement, où les combattants pourraient rendre leurs armes en échange d’une amnistie.

Ces centres sont destinés à servir les populations « des deux côtés de la ligne ». Les tâches de distribution de l’aide seraient confiées aux Émirats arabes unis et au Croissant-Rouge marocain, ainsi qu’à l’organisation humanitaire chrétienne évangélique Samaritan’s Purse, que le plan propose de charger de la gestion des hôpitaux de campagne.

Le plan prévoit également la création de bases d’opérations avancées (FOB) appartenant à une « force de sécurité internationale » le long de la « ligne jaune », qui serviraient de points de départ pour les « opérations » visant à désarmer Gaza.

Surveillance serrée

Afin de garantir que tout ce qui entre à Gaza reste sous le contrôle des États-Unis et d’Israël, le plan prévoit la mise en place d’un « système de surveillance numérique » pour suivre les livraisons d’aide humanitaire.

Seules les organisations représentées au sein du CMCC seraient autorisées à livrer de l’aide, sous la supervision et la direction du centre. Henson a proposé que des cartes indiquant l’emplacement de ces centres soient mises à disposition et que le système de surveillance numérique fournisse des données en temps réel sur l’aide entrant à Gaza, les niveaux de carburant, le nombre de camions qui traversent la frontière et leur contenu.

Il a exigé que ces données soient présentées quotidiennement lors du briefing matinal, accompagnées des prévisions pour les jours à venir.

En réponse aux restrictions imposées à l’entrée de grandes quantités de fournitures humanitaires, M. Henson a dressé une liste des articles interdits, qualifiés de « matériaux à double usage », affirmant que 90 % des expéditions refusées l’étaient parce que l’ONG qui en faisait la demande n’était « pas enregistrée ».

Cela s’est produit malgré des discussions répétées concernant l’enregistrement du personnel des ONG et les procédures d’accès.

Cette ambiguïté a rendu flou le concept d’« organisations enregistrées », d’autant plus que les données fournies par le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) israélien sont probablement « fabriquées de toutes pièces et inexactes ».

Lorsque le personnel militaire américain a demandé les raisons du rejet de certaines expéditions, le PAM a expliqué que les agences humanitaires ne recevaient que des réponses générales invoquant des « raisons de sécurité », sans autre précision, ce qui rendait difficile de déterminer quelle partie spécifique de l’expédition posait problème.

Selon le PAM, les refus sont généralement prononcés en vertu de la « procédure 2720 », à deux niveaux : soit par le COGAT lui-même, soit, même si le COGAT donne son accord, par les services de sécurité intérieure israéliens (Shin Bet), qui peuvent toujours opposer un refus pour des raisons de « sécurité ».

Lors d’une réunion sur les « matériaux à double usage » présidée par le département d’État américain, une liste des principaux articles soumis à restriction a été rédigée et divisée en trois catégories, qui doivent être examinées uniquement par Israël et les États-Unis, sans impliquer aucune organisation humanitaire dans le processus.

Besoins urgents

Chaque organisation humanitaire a été invitée à identifier quatre à cinq priorités absolues dans son domaine, après quoi le PAM a souligné la nécessité de disposer d’infrastructures de stockage supplémentaires. Le programme prévoit un grand nombre d’unités de stockage mobiles (MSU) qui pourraient doubler la capacité de stockage de Gaza.

Certaines de ces infrastructures ont déjà été approuvées et attendent d’être transférées, tandis que d’autres sont encore en cours d’examen (certaines en Jordanie, d’autres à Ashdod). Le PAM a ajouté que l’augmentation des importations nécessite également une augmentation parallèle des capacités internes, notamment davantage de véhicules blindés (AV) pour escorter les convois, ainsi que des équipements de télécommunications d’urgence (ETC), dont l’entrée à Gaza est actuellement interdite par le Shin Bet.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS), entre autres, a souligné le besoin urgent de milliers de fournitures médicales pour faire fonctionner les hôpitaux. Elle a demandé une « liste de médicaments et d’instruments médicaux » afin de faciliter leur entrée sans qu’ils soient soumis à un contrôle de double usage, en plus de l’importation d’hôpitaux de campagne prêts à être déployés.

Au lieu de nourriture, les Israéliens distribuent la mort

Les organisations ont souligné la nécessité de disposer d’un large éventail d’équipements médicaux, en particulier des dispositifs de fixation osseuse externe, des générateurs, des instruments médicaux contenant des composants électroniques et des fauteuils roulants.

Parmi les besoins les plus urgents de Gaza figuraient également des unités de dessalement de l’eau, des infrastructures d’égouts, des pompes, des générateurs et les produits chimiques nécessaires aux stations d’épuration.

Bien que le département d’État américain ait précisé que les articles de secours pour l’hiver, tels que les couvertures et les vêtements, ne sont pas considérés comme à double usage et seraient donc exemptés de restrictions, il reste difficile d’importer des tentes comportant des composants métalliques.

L’installation de grandes tentes nécessite également des outils spécifiques, tels que des pelles, des brouettes et du bois, qui sont soumis à des restrictions similaires.

Un flou complet

Selon les commentaires formulés par le personnel de Médecins Sans Frontières (MSF) à l’issue de la réunion, les possibilités d’engagement étaient « très limitées ». Chaque organisation a été contrainte de présenter au maximum cinq priorités, sans possibilité de dialogue, de réflexion collective ou de propositions conjointes.

Le personnel en a conclu que les forces américaines restaient en « mode écoute », recueillant des informations, tandis que leurs prochaines étapes restaient floues.

Pour sa part, le lieutenant-colonel Musonda, qui supervise le volet médical du plan américain visant à introduire du matériel médical et des produits pharmaceutiques à Gaza et qui rend compte directement au général Henson, a souligné la nécessité de comprendre les réserves d’Israël.

Il a proposé de commencer par des fournitures médicales « non controversées » déjà disponibles en Israël ou en Égypte afin de « renforcer progressivement la confiance » avant de demander l’entrée d’articles plus sensibles, tels que de grands générateurs.

S’exprimant en marge de la réunion, Musonda a ajouté que la priorité devait être donnée aux patients dans un état critique, en s’appuyant sur son expérience antérieure en Afghanistan.

Il a également suggéré de suivre les équipements médicaux vitaux et de surveiller les matériaux sensibles afin de convaincre l’occupant qu’ils sont utilisés strictement à des fins médicales.

MSF a toutefois mis en garde contre « une surveillance excessive de chaque article à double usage », arguant qu’un tel système créerait une « bureaucratie complexe et inefficace ».

31 octobre 2025 – Al-Akhbar – Traduction : Chronique de Palestine

Soyez le premier à commenter

Laisser une réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.