La résistance armée en Palestine devient irrésistible

10 septembre 2022 - Des membres des Brigades des Martyrs d'Al-Aqsa réunis à Naplouse, en Cisjordanie, en solidarité avec l'un de leurs dirigeants emprisonnés, Nasser Abu Hmeid, qui lutte actuellement contre le cancer. Abu Hmeid, 49 ans, réfugié du camp de réfugiés d'Al-Amari, près de Ramallah, a été arrêté en 2002 et purge sept peines de prison à vie et 50 années supplémentaires pour son implication dans la résistance armée palestinienne contre la colonisation et l'occupation israéliennes durant la 2e Intifada - Photo : Ahmad Al-Bazz / Activestills

Par Robert Inlakesh

Cette Intifada vient du peuple, tout comme la première Intifada en 1987, mais il n’y aura personne pour intervenir et négocier la fin du soulèvement dans un avenir proche.

L’establishment répressif du régime sioniste est en état de choc après que les vagues d’attaques de la résistance aient laissé les services de renseignement, l’armée et la police en quête d’explications. Mais contrairement à ce qui s’est passé dans les années passées, le régime israélien est incapable de démanteler la résistance en s’attaquant les groupes armés, car il s’agit d’un soulèvement populaire, armé et décentralisé.

Samedi soir, vers 21 heures, des informations ont commencé à émerger sur une attaque de la résistance palestinienne dans la partie orientale d’Al-Quds sous occupation. Prenant d’assaut les soldats israéliens, les agents de sécurité privés et la police des frontières, un Palestinien est sorti d’une voiture à un poste de contrôle dans la partie orientale d’Al-Quds occupée, et a ouvert le feu, tuant un soldat israélien et en blessant deux autres.

Le lieu de l’attaque a choqué les forces israéliennes : il s’agissait du poste de contrôle du camp de réfugiés de Shuafat.


Bien que les attaques armées palestiniennes soient devenues fréquentes au cours des derniers mois, dans toute la Cisjordanie, le fait que cette attaque ait eu lieu dans le camp de Shuafat, illégalement annexé, a évidemment été une mauvaise surprise.

Dans un premier temps, les médias hébraïques ont fait état de trois exécutants, dont l’un aurait été en possession d’un fusil M16. Plus tard, une vidéo de l’incident a été publiée, révélant qu’un seul attaquant était armé d’une arme de poing, qu’il a tiré 8 balles avant que son arme ne s’enraye et qu’il a pu facilement s’enfuir alors que les soldats présents s’enfuyaient de peur dans tous les sens.

L’attaque de Shuafat, en particulier, a mis à mal l’establishment militaire israélien, montrant que les forces qui tenaient le poste de contrôle étaient désorganisées et paralysées face au danger.

Des dizaines de professionnels de l’armée israélienne, armés et entraînés, ont été vaincus par un seul Palestinien muni d’une arme de poing et sans autre équipement.

Pour aggraver les choses, l’attaquant a pu se sauver facilement et, bien que les forces israéliennes aient depuis assiégé le camp de réfugiés de Shuafat, elles n’ont pas pu retrouver le combattant de la résistance.

Quelques jours plus tard, mardi, le groupe Areen Al-Aswad, également connu sous le nom de « Repaire aux lions », basé dans la vieille ville de Naplouse, a annoncé qu’il avait mené une attaque de la résistance dans le secteur de Deir Sharaf. Le groupe armé nouvellement formé a tiré sur des soldats israéliens qui escortaient des colons armés, tuant l’un des soldats.

L’opération a été menée depuis une voiture roulant à vive allure.

La résistance a connu son véritable renouveau l’année dernière, en septembre, lorsque les combattants de la résistance armée connus sous le nom de Brigades de Jénine ont annoncé leur formation officielle dans le camp de réfugiés du même nom.

Les Brigades de Jénine, composées de jeunes combattants âgés de 18 à 25 ans principalement, affichent leur allégeance aux brigades Al-Quds du mouvement du Jihad islamique palestinien (PIJ), mais s’associent à toutes les autres factions armées.

Au début de l’année 2022, nous avons commencé à voir l’émergence d’un modèle similaire de résistance armée à l’intérieur de la vieille ville de Naplouse, s’alignant sur les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, un mouvement armé qui a été dissous et qui était auparavant lié au parti Fatah.

Quant aux Brigades Al-Qassam du Hamas qui sont actives en Cisjordanie et ont mené, au cours de l’année écoulée, un certain nombre d’attaques contre des cibles de l’occupation israélienne, elles ne semblent pas avoir encore véritablement fait de percée.

Une chose à noter à propos des groupes de résistance nouvellement formés, basés à Naplouse et à Jénine, est qu’ils ne semblent pas relever d’une structure très synchronisée de commandement et de contrôle.

Bien qu’il semble que pour l’Repaire aux lions de Naplouse, le contrôle de la sécurité soit plus strict que dans le camp de Jénine, rien n’indique qu’il existe un véritable leadership au sein du groupe.

Au début de l’année, Ibrahim Nabulsi, âgé de 19 ans, a été tué lors d’un affrontement armé avec une unité complète des forces spéciales israéliennes, après quoi il a été désigné comme commandant des Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, mais il est peu probable qu’il ait rempli l’un des rôles traditionnellement dévolus à une personne ayant un tel rang.

Nabulsi et, plus récemment, Musab Shtayyeh, sont devenus deux des figures les plus symboliques de Naplouse depuis le début de l’année.

Ibrahim Nabulsi est le martyr par excellence, tandis que Shtayyeh reste inébranlable, mais en mauvaise santé, après avoir été arrêté par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne (AP), et après avoir échappé à plusieurs tentatives d’arrestation israéliennes.

La seule autre période de l’histoire à laquelle l’escalade d’aujourd’hui peut être comparée, pour comprendre la situation actuelle, est la résurgence des attaques de la résistance armée en 2015, un phénomène qui a duré environ 11 mois.

Jusqu’à ce jour, « Tel Aviv » n’a pas encore compris comment cette résistance s’est formée et comment elle aurait pu y faire face.

La différence aujourd’hui, cependant, est que les actes apparemment un peu hasardeux de résistance armée ne sont pas seulement le fait d’individus, mais que des groupes se forment pour rendre la lutte armée plus efficace et inspirer d’autres personnes à faire de même.

La stratégie d’ « Israël » consistant à tuer et à arrêter les combattants de la résistance est futile car personne ne contrôle totalement les mouvements armés et quiconque est martyrisé ou arrêté sera remplacé.

La récente attaque au poste de contrôle du camp de réfugiés de Shuafat montre bien à quel point la résistance armée est imprévisible et qu’en la confrontant avec plus de violence, on ne fait qu’encourager davantage de personnes à franchir ce cap.

En 2002, « Israël » a mené l’opération « Bouclier défensif », tuant des centaines de Palestiniens et frappant avec efficacité les groupes armés dans le camp de réfugiés de Jénine et ailleurs.

À l’époque, l’Autorité Palestinienne [AP] était du côté de la résistance palestinienne et un accord a donc pu être conclu pour mettre fin aux affrontements, désarmer la résistance et poursuivre les soi-disant « pourparlers de paix » qui n’étaient qu’une tromperie.

Aujourd’hui, l’AP est considérée comme une collaboratrice de l’occupant et s’emploie activement à arrêter, torturer, dénigrer, faire de la propagande et même tuer ceux qui choisissent de suivre une voie révolutionnaire alternative contre l’occupation.

L’Intifada d’aujourd’hui, la troisième Intifada, n’en est qu’à ses débuts et la seule raison pour laquelle nous ne l’appelons pas encore Intifada, c’est que l’Autorité palestinienne s’y oppose et nie le fait qu’un mouvement populaire armé vient de démarrer, un mouvement sur lequel elle n’a aucun pouvoir.

La volonté démocratique du peuple palestinien se fait maintenant entendre, sous la forme de coups de feu !

Trente ans d’échec et de soumission de l’AP représente une période trop longue, une période plus longue que celle qu’ont connu la plupart des jeunes résistants d’aujourd’hui.

Cette Intifada vient du peuple, tout comme la première Intifada en 1987, mais il n’y aura bientôt plus personne pour intervenir et négocier la fin du soulèvement.

14 octobre 2022 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine