
Avec plus de 100 000 tonnes de bombes fournies par les US déversées par les Israéliens sur Gaza, les centaines de milliers d'enfants de la bande de Gaza luttent contre les conséquences mortelles de la guerre génocidaire qui a décimé les services d'approvisionnement en eau et d'assainissement. Les deux tiers des systèmes d'approvisionnement en eau sont endommagés ou détruits, ce qui entraîne une diminution massive de la capacité de production d'eau et contraint les enfants et leurs familles à dépendre de sources d'eau insalubres. La menace de maladies d'origine hydrique est montée en flèche - Photo : Yousef al-Zanoun / Activestills
Par Ahmad Abushawish
Fournir de l’eau, chercher de l’eau, boire de l’eau, nager dans l’eau, tout cela peut entraîner la mort.
À Gaza, la mort est présente dans tous les aspects de la vie. La mort est devenue une compagne inséparable, s’attardant dans les rues, les cieux et même dans nos maisons. Ce n’est plus un choc, c’est une sinistre réalité quotidienne à laquelle nous avons été contraints de nous adapter.
Il y a plusieurs façons de mourir à Gaza, même si l’on n’a pas le luxe de choisir.
On peut être tué dans un bombardement ou frappé par une balle de sniper alors que l’on tente de collecter de la nourriture pour lutter contre la faim, ou encore être victime de la famine elle-même. Selon le Ministère de la Santé, 116 personnes sont mortes de malnutrition, dont nombreux sont des bébés et des enfants.
À Gaza, les besoins les plus simples et les plus élémentaires peuvent aussi être mortels. L’eau en fait partie. Tous ses aspects peuvent être dangereux : la fournir, la chercher, la boire, s’y baigner.
Depuis le début du génocide, l’armée israélienne s’est attaquée sans relâche aux infrastructures d’approvisionnement en eau de Gaza. Plus de 85 % des structures d’approvisionnement en eau et d’assainissement de Gaza sont hors d’usage – y compris les canalisations, les puits et les installations de traitement.
Israël a bloqué l’entrée des matériaux liés à l’eau dans la bande de Gaza, ce qui rend les réparations difficiles. Il a également pris pour cible l’entrepôt de l’Autorité chargée de la distribution de l’eau, détruisant des équipements et des pièces détachées.
Pire encore, les travailleurs qui tentent de réparer ou d’exploiter les infrastructures hydrauliques ont été directement pris pour cible et tués. Travailler dans le secteur de l’eau est devenu un métier mortel.
Plus récemment, le 21 juillet, les forces d’occupation israéliennes ont attaqué une usine de dessalement dans le quartier Remal de la ville de Gaza, tuant cinq personnes sur le site. Il s’agissait de l’une des rares stations d’eau en état de marche dans la ville.
La destruction de l’infrastructure de l’eau à Gaza nous a obligés à aller chercher de l’eau tous les jours. Certains entrepreneurs de guerre font payer des sommes exorbitantes pour livrer de l’eau à domicile ; la grande majorité des gens n’a pas les moyens de s’offrir de tels services.
Les Palestiniens sont donc contraints de parcourir de longues distances et d’attendre dans de longues files d’attente, des bidons en plastique à la main, pour aller chercher leur ration d’eau quotidienne.
L’attente sous le soleil brûlant n’est pas seulement épuisante, elle peut aussi devenir mortelle.
Le 13 juillet, 11 Palestiniens – dont sept enfants – ont été tués et des dizaines d’autres blessés lorsqu’un missile israélien a frappé des civils qui faisaient la queue pour obtenir de l’eau auprès de camions-citernes dans le camp de réfugiés de Nuseirat, non loin de chez moi.
Parfois, les camions de distribution d’eau ne sont pas disponibles et les gens sont alors obligés de boire de l’eau impropre à la consommation provenant des puits locaux. Cette eau est contaminée par des bactéries, des produits chimiques et d’autres contaminants et peut déclencher des épidémies de maladies d’origine hydrique.
J’en ai moi-même été victime. Il y a plusieurs mois, après avoir bu l’eau d’un puits local, j’ai contracté l’hépatite A. Ma peau et le blanc de mes yeux ont pris une teinte jaunâtre obsédante. Des vagues de nausées m’empêchaient de manger et une fièvre persistante rendait chaque respiration difficile. Mais le pire était la douleur fulgurante dans mon abdomen – une douleur constante, comme si mes entrailles étaient tordues par des mains invisibles. Pendant des semaines, j’ai été cloué au lit, le corps affaibli, l’esprit rongé par la peur.
Les Israéliens massacrent aussi les Palestiniens qui sont à la recherche d’eau potable
Une visite dans une clinique ne m’a apporté aucun soulagement – juste une ordonnance pour un analgésique et un « salamtek » (prompt rétablissement). J’ai dû combattre l’infection par mes propres moyens.
J’ai survécu, mais d’autres ne sont pas si chanceux. L’hépatite, comme d’autres maladies infectieuses transmises par l’eau qui se répandent à Gaza, tue.
Dans la chaleur insupportable de l’été, on pourrait penser qu’au moins l’eau de mer pourrait soulager les Palestiniens, mais elle aussi est mortelle.
Ces dernières semaines, l’armée israélienne a déclaré l’ensemble du littoral de Gaza zone interdite, interdisant de fait aux Palestiniens de nager, de pêcher ou même de s’approcher de l’eau. Quiconque s’approche de la mer est la cible de tirs.
Même avant l’interdiction, l’armée israélienne attaquait les Palestiniens qui tentaient de se rendre à la mer pour pêcher et soulager la faim de leur famille. En décembre 2024, quelque 200 pêcheurs avaient été tués, selon l’ONU ; beaucoup d’autres sont morts depuis.
Alors que nous sommes interdits d’accès au seul endroit qui nous soulageait de la chaleur, à quelques kilomètres au nord, les Israéliens profitent librement des mêmes vagues de la Méditerranée, prennent des bains de soleil et nagent en toute tranquillité. Ils profitent également de longues douches et du privilège de l’eau courante. Ils utilisent le luxueux volume de 247 litres par jour et par personne.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, une personne a besoin de 100 litres d’eau par jour pour couvrir ses besoins essentiels.
Les habitants de Gaza reçoivent aujourd’hui entre deux et neuf litres par jour.
La lutte pour l’eau n’est qu’une des nombreuses batailles que les Palestiniens de Gaza mènent quotidiennement. Il n’y a pas de nourriture pour nourrir une famille affamée, pas d’électricité pour faire fonctionner les ventilateurs et pas de médicaments pour traiter les maladies qui nous affligent. Chaque aspect de la vie ici est un test d’endurance. Il n’y a littéralement rien pour alléger le poids de ces circonstances brutales – aucun soulagement, aucun répit, pas même le plus petit réconfort.
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment, au XXIe siècle, dans un monde de plus de 7 milliards d’habitants, où les dirigeants mondiaux parlent de prospérité, de dignité et d’État de droit, nous sommes encore privés des besoins humains les plus élémentaires.
En décembre 2024, Human Rights Watch a ouvertement déclaré que les Palestiniens de Gaza étaient victimes d’un « génocide », et a fondé cette conclusion sur l’établissement de la « privation d’eau par Israël comme un acte délibéré ».
Elle a souligné que « des milliers de Palestiniens de Gaza sont morts de malnutrition, de déshydratation et de maladie en août 2024 ».
Un an s’est écoulé depuis. D’innombrables personnes sont mortes à cause de la militarisation ou l’utilisation de l’eau comme arme par Israël – des chiffres qui ne sont pas inclus dans le bilan officiel parce que les autorités sanitaires n’ont tout simplement pas la capacité de les suivre.
La vérité éclate au grand jour. Elle est diffusée dans les médias internationaux. Elle est visible sur les médias sociaux. Et pourtant, le monde reste inactif, refusant d’agir et d’arrêter Israël.
À ce monde, je veux dire : Votre silence résonne plus fort que les bombes qui nous tombent dessus chaque jour. Vous devez agir maintenant, ou entrer dans l’histoire avec votre complicité dans le massacre et la famine du peuple palestinien.
Auteur : Ahmad Abushawish
* Ahmad Abushawish est un écrivain et militant basé à Gaza.
26 juillet 2025 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – YG
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