Gaza : boire de l’eau salée pour ne pas tomber d’inanition

« Les autorités israéliennes ont délibérément créé des conditions de vie visant à causer la destruction d’une partie de la population de Gaza, en privant intentionnellement les civils palestiniens de l’enclave d’un accès adéquat à l’eau », écrit HRW. « Ce faisant, les autorités israéliennes sont responsables du crime contre l’humanité d’extermination, et d’actes de génocide » - Photo : Nations Unies

Par Hassan Herzallah

Nous buvons de l’eau salée pour rester debout, pour éviter d’avoir des vertiges et de nous effondrer. C’est ce à quoi nous en sommes arrivés à Gaza, où la plupart des gens passent trois jours sans manger.

Il était 7 heures du matin, le vendredi 18 juillet. Mon père m’a réveillé difficilement pour que je j’aille chercher de l’eau potable dans les camions qui passent de temps en temps près du campement.

J’ai pris deux bouteilles et je suis parti. Il y avait une longue file d’attente pour l’eau, car le camion ne venait qu’une fois tous les trois jours environ.

Soudain, alors que j’attendais mon tour, j’ai senti que je perdais l’équilibre. Je ne pouvais plus tenir debout. Nous n’avions rien mangé depuis la veille au soir et il n’y avait ni farine ni riz dans notre tente.

La veille, nous avions moins d’un kilo de pâtes, que nous avions mangées sans jamais nous sentir rassasiés. Mais nous étions tout de même mieux lotis que beaucoup de gens autour de nous.

Un voisin du camp a remarqué que j’étais sur le point de tomber et m’a aidé à m’asseoir dans un coin près de la route.

À Gaza, l’eau tue aussi

Quand mon tour est arrivé et que j’ai rempli mes bouteilles d’eau, mon ami m’a aidé à les porter. À ce moment-là, j’ai voulu raconter à mes parents ce qui s’était passé, mais je me suis retenu. Je me suis dit : « Si je leur dis, ils vont s’inquiéter. »

J’ai décidé de me reposer un peu et de sortir dans l’après-midi pour trouver ce dont nous avions besoin.

Mais je n’ai pas pu sortir à ce moment-là. J’avais des vertiges et la chaleur était étouffante. Nous vivons en effet dans des tentes sans ombre, sous un soleil de plomb.

Ce jour-là, nous n’avons rien mangé au petit-déjeuner. J’ai attendu que la température descende un peu, puis je suis allé au marché pour acheter quelque chose. Je ne m’attendais pas à le trouver aussi vide. Je n’ai trouvé ni un kilo de farine ni aucun autre aliment. J’ai ressenti une intense colère en même temps qu’une profonde tristesse. Comment allais-je retourner vers ma famille les mains vides, sans rien ?

J’ai vu un marchand de légumes qui vendait des figues et des raisins, alors j’ai acheté moins d’un kilo de raisins pour plus de 30 dollars — je ne pouvais pas rentrer les mains vides.

Nous sommes une famille de six personnes, me suis-je dit, nous allons partager cela et supporter la faim. Peut-être que demain, nous trouverons quelque chose d’autre.

Je suis retourné à la tente en portant les raisins, à peine capable de marcher. La rue était vide de marchandises, et les gens autour de moi avaient les yeux fatigués et le pas chancelant, cherchant n’importe quoi pour nourrir leurs enfants.

Quand je suis retourné à la tente, Mahmoud, mon ami de Nuseirat, m’a envoyé un message WhatsApp me demandant : « Hassan, combien de sel dois-je mettre dans un verre d’eau ? »

Oui, voilà où nous en sommes : nous buvons de l’eau et du sel pour éviter de nous évanouir, de perdre du poids, d’avoir des vertiges.

Du nord au sud, telle est la situation actuelle à Gaza. Impossible de trouver un kilo de farine, et la plupart des gens passent trois jours sans manger.

« Un bout de papier peut-il tout changer ? » Personne ne s’attendait à ce qu’une simple question marque le début d’une catastrophe, mais c’est ce qui s’est passé le 6 mai 2024, alors que des millions de personnes déplacées et moi-même nous trouvions à Rafah.

Israël utilise l’eau comme arme de son génocide à Gaza

Ce matin-là, des tracts sont tombés sur le sol, exhortant les gens à évacuer simplement à cause d’un bout de papier, changeant ainsi la vie d’un million de personnes. Ce fut le début de la fin.

Aujourd’hui, l’occupant israélien a poursuivi son avancée dans la région centrale, Deir al-Balah, et a ordonné l’évacuation de vastes zones. Les gens ne savaient pas où aller dans des conditions de survie extrêmement difficiles, avec de graves pénuries de nourriture et de médicaments et une famine généralisée.

Dans une vidéo déchirante, on voit une femme de Gaza assise par terre dans un campement de tentes pour personnes déplacées, souffrant de faim et d’épuisement extrêmes. Elle n’a rien mangé depuis cinq jours.

Cette femme n’est pas un cas isolé, mais plutôt le symbole de la souffrance de toute une communauté soumise à un siège étouffant depuis plus de quatre mois.

Alors que j’écrivais la fin de cet article, l’estomac vide, mon petit cousin orphelin est entré et m’a posé une question à laquelle je ne savais pas répondre : « As-tu quelque chose à manger ? »

Je ne savais pas comment lui dire que j’avais faim moi aussi. Je ne pouvais pas dire à un petit enfant que nous n’avions même pas une miche de pain pour le nourrir.

Je lui ai simplement acheté du jus, qu’il a bu rapidement avant de dire : « C’est tellement bon. »

À ce moment-là, je savais que ce que je lui avais donné ne suffirait pas à apaiser sa faim, mais que cela lui permettrait peut-être de tenir jusqu’au prochain repas, qui serait lui aussi de toute façon insuffisant.

2 août 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine

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