Gaza a fait son choix : toujours elle résistera!

Photo: Mohammed Asad
La grande marche du Retour à Gaza, 10 août 2018 - Photo: Mohammed Asad

Par Haidar Eid

Et aucune débauche de propagande israélienne ni aucune manipulation du type de l’Eurovision ne peut effacer la légitimité de son droit à résister.

Nous avions déjà passé des nuits blanches sous les bombardements israéliens – en 2006, 2008, 2012, 2014 et 2018. Samedi, le régime israélien d’apartheid a décidé de lancer une nouvelle campagne meurtrière de bombardement contre l’une des régions les plus densément peuplées de la planète.

Encore une fois, les victimes étaient des enfants et des femmes. Siba Abu Arrar, une fillette palestinienne de 14 mois, a été tuée avec sa tante enceinte, Falastine, qui a succombé à ses blessures peu après que des avions de guerre israéliens de fabrication américaine eurent pris pour cible leur maison dans le quartier de Zeitoun.

Vendredi, comme tous les 57 vendredis précédents, j’ai rejoint des milliers de manifestants pacifiques devant la barrière à l’est du camp de concentration de Gaza, où des tireurs d’élite israéliens ont tué quatre Palestiniens et en ont blessé 51 autres, y compris des enfants. Raed Abu Teir, âgé de 19 ans, avait été blessé lors de manifestations précédentes, et il a été tué alors qu’il marchait avec des béquilles.

Des appels à un cessez-le-feu ont été lancés, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ayant promis de lancer des “frappes massives” dans l’espoir de tuer le plus grand nombre possible de Palestiniens en visant des zones résidentielles.

Comme pour les précédentes décisions de trêve, cette fois encore Israël et les Palestiniens – l’oppresseur et les opprimés – ont été présentés comme “deux parties en conflit” et ce qui constitue une résistance légitime au regard du droit international était assimilé à ce qui est une occupation illégale et brutale. Le fait qu’Israël dispose d’une véritable armée, d’une puissance de feu disproportionnée et d’un statut d’occupant a été comme d’habitude négligé, de même que la différence frappante entre le nombre de victimes : 24 Palestiniens et quatre Israéliens.

Comme tous les précédents cessez-le-feu négociés par les autorités égyptiennes et les Nations Unies, celui-ci visait également et aussi longtemps que possible à maintenir la “stabilité” dans le camp de concentration à ciel ouvert qu’est Gaza, en exigeant que toute forme de résistance soit stoppée.

Là encore, le gouvernement israélien est impatient de garder Gaza sous contrôle avant l’occasion généreuse que les pays européens lui donnent de blanchir ses crimes de guerre en organisant le concours de l’Eurovision à Tel Aviv, à une heure de route de la bande de Gaza.

Comme par le passé, les Palestiniens devraient à présent accepter avec gratitude une “période de calme” dans laquelle les bombes israéliennes ne pleuvent pas sur leurs maisons et où son blocus continue à étrangler Gaza.

En fait, on demande régulièrement aux Palestiniens de se comporter comme des “Palestiniens de maison” et de remercier leurs maîtres ashkénazes blancs pour les miettes qu’ils leur laissent pour à peine survivre.

Ils doivent céder à une mort lente, mourir comme des nuisibles, ne montrer aucune forme de rébellion, et accepter l’idée que s’ils meurent en résistant, alors ce sera de leur faute.

Mais trop c’est trop !

Les Palestiniens n’accepteront plus les diktats de la prétendue “communauté internationale” qui continue de favoriser Israël et de couvrir ses crimes de guerre. Parler d’améliorer les conditions de vie sous l’oppression face aux grands sacrifices consentis par notre peuple est une trahison des victimes palestiniennes.

Tout accord de cessez-le-feu n’entraînant pas la levée immédiate du blocus sur la bande de Gaza et la réouverture du point de passage de Rafah – ainsi que de tous les autres points de passage de manière pour permettre l’entrée de carburant, de médicaments et de tous autres biens de première nécessité – et qui n’inclurait pas de dispositions pour mettre fin à l’occupation israélienne et l’apartheid, ne sera pas accepté.

Nous ne permettrons plus que Gaza soit séparée de la Palestine et du contexte historique à l’origine de toutes les souffrances de son peuple. Il ne s’agit pas d’un “conflit”, comme les Israéliens aiment à le présenter, avec un groupe armé hostile.

Il s’agit d’une occupation lancée par un pouvoir colonial qui s’efforce de purifier ethniquement toute une population autochtone afin de consolider et de légitimer sa colonie. Ce qui se passe à Gaza est un lent génocide, pas une “opération de sécurité”.

Les massacres barbares commis par le régime israélien d’apartheid depuis 2006 ont coûté la vie à des milliers de Palestiniens, dont la majorité sont des civils, y compris de nombreux enfants. Des familles entières ont été exterminées en plein jour en même temps qu’étaient détruites de façon systématique des centaines de maisons palestiniennes. Des médecins et des ambulanciers ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions, de même que des journalistes. Des dizaines de milliers de personnes ont été dans ces guerres rendues pour toujours invalides.

Nous, les Palestiniens à Gaza, avons déjà fait notre choix. Nous ne mourrons pas d’une mort lente et pénible en remerciant nos tueurs, tout en nous flouant nous-mêmes en acceptant l’esclavage de l’occupant comme un fait accompli.

Non, nous continuerons à nous battre pour notre dignité, pour nous-mêmes et pour nos enfants. Nous, membres de la société civile palestinienne, affirmons depuis longtemps que la voie à suivre devrait être le pouvoir du peuple – la seule force capable de lutter contre l’énorme asymétrie du pouvoir dans la lutte contre Israël.

Et notre grande Marche du retour l’a démontré. Nous avons réussi à rompre les efforts visant à couper intentionnellement de ses racines le “conflit” de Gaza, et nous avons fait entendre nos revendications dans le monde entier. Nous ne voulons pas d’un autre cessez-le-feu à court terme ou d’une “légère” amélioration des conditions de vie dans le Marché du siècle. Nous ne voulons pas de miettes. Nous voulons retourner sur nos terres, nous voulons que nos droits en vertu du droit international soient reconnus.

C’est pourquoi, chaque vendredi, nous continuons d’appeler au boycott, au désinvestissement, aux sanctions (BDS) contre Israël et nous saluons les efforts de divers groupes et individus du monde entier – la véritable communauté internationale – qui se sont associés à nos efforts.

Nous appelons maintenant tous les artistes de l’Eurovision à abandonner leur participation aux assassinats, au meurtres de tout-petits, de femmes enceintes, de médecins, de journalistes et de musiciens et à la destruction de maisons, civils, hôpitaux, écoles et centres culturels.

Voulez-vous vraiment divertir les soldats israéliens qui abattent des manifestants non armés ? Voulez-vous vraiment jouer à 60 km de Gaza, où la famille de Siba – la toute petite fille âgée de 14 mois – ne pourra jamais faire son deuil ? Voulez-vous vraiment chanter pour l’apartheid en Israël ?

Il est temps que vous-même, ainsi que le reste du monde de l’art, vous teniez du bon côté de l’Histoire – comme ce fut le cas il y a quelques décennies à l’époque de l’apartheid en Afrique du Sud – et que vous boycottiez Israël.

A1 * Haiddar Eid est écrivain et professeur de littérature postcoloniale à l’université Al-Aqsa à Gaza, après avoir enseigné dans plusieurs universités à l’étranger. Vétéran dans le mouvement des droits nationaux palestiniens, c’est un commentateur politique indépendant, auteur de nombreux articles sur la situation en Palestine.

6 mai 2019 – Al Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah