
Les Palestiniens de la bande de Gaza sous blocus israélien, ont organisé des rassemblements et des veillées pour protester contre l'assassinat par les troupes israéliennes d'occupation, de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh, et commémorer la mémoire de celle qui était devenue une véritable icône de la cause palestinienne - Photo: Mahmoud Ajjour, The Palestine Chronicle
Par Sarra Brahmi
La guerre menée contre Gaza depuis octobre 2023 ne se résume pas à une confrontation militaire : elle s’accompagne d’une offensive systématique contre la presse. L’ampleur des pertes humaines dans les rangs des journalistes n’est pas un dommage collatéral accidentel, mais un indicateur de la stratégie israélienne face à l’information.
Un bilan inédit dans l’histoire contemporaine
Selon le Committee to Protect Journalists (CPJ), près de 200 journalistes et travailleurs des médias ont été tués depuis le début du conflit, dont la quasi-totalité sont Palestiniens.
Jamais, dans un laps de temps aussi court, une guerre n’avait coûté la vie à autant de professionnels de l’information.
Ce chiffre dépasse largement les bilans cumulés de décennies de conflits en Irak, en Syrie ou en Afghanistan. Il souligne l’exceptionnalité de Gaza comme espace où exercer le journalisme est devenu une activité quasi suicidaire.
Le ciblage comme méthode
Plusieurs enquêtes menées par CPJ et l’IFJ montrent que nombre de journalistes n’ont pas seulement péri dans des bombardements indiscriminés : ils ont été visés chez eux, dans leur voiture, parfois même après avoir clairement signalé leur statut de presse.
Ces pratiques posent une question centrale : Israël cherche-t-il à réduire la capacité des Palestiniens à documenter leur propre destruction ? En frappant les témoins directs, l’armée israélienne ne frappe pas seulement des individus, mais attaque la possibilité même de produire un récit autonome palestinien.
Les implications politiques
Le rôle du journaliste en temps de guerre n’est pas neutre. À Gaza, il incarne à la fois le dernier rempart contre l’effacement narratif et un vecteur de mobilisation internationale.
En éliminant les voix locales, Israël réduit le flux d’images, de témoignages et de preuves susceptibles d’alimenter des enquêtes futures pour crimes de guerre. Ainsi, au-delà du drame humain, il s’agit d’un enjeu de contrôle du récit : qui raconte Gaza ? Qui fabrique l’archive historique de cette guerre ?
Le droit international à l’épreuve
Le droit humanitaire international considère les journalistes comme des civils protégés. Leur ciblage intentionnel constitue un crime de guerre.
Pourtant, face à l’ampleur des violations documentées, la communauté internationale reste largement silencieuse. Quelques communiqués d’ONG et de syndicats professionnels n’ont pas suffi à enclencher de véritables mécanismes judiciaires.
Ce silence traduit une crise structurelle du système de protection des journalistes, révélant que les conventions internationales pèsent peu face aux logiques de puissance et d’impunité.
Une double perte
Chaque journaliste tué emporte avec lui une part d’archives, de récits et de mémoire collective. La mort d’un photoreporter ou d’un chroniqueur n’est pas seulement une perte individuelle : elle signifie que des images ne seront jamais captées, que des témoignages resteront à jamais enfouis.
Ainsi, le massacre des journalistes à Gaza n’est pas seulement un crime contre des personnes, mais une attaque contre la mémoire historique d’un peuple.
Ce qui se joue à Gaza dépasse le simple bilan macabre. L’assassinat répété de journalistes traduit une stratégie : étouffer la parole palestinienne et neutraliser les témoins d’un crime en cours.
Si la communauté internationale continue à tolérer cette situation, elle acte non seulement la fragilité du droit international, mais aussi la possibilité pour tout État de mener une guerre en effaçant ses traces.
Auteur : Sarra Brahmi
23 septembre 2025 – Transmis par l’auteure.
Soyez le premier à commenter