Illustration : Batoul Chamas / Al-Mayadeen
Par Al-Mayadeen
D’une modeste conférence de presse à l’un des visages les plus connus des médias, le porte-parole des Brigades al-Qassam, Abu Obeida, est devenu une légende en imposant un nouveau discours médiatique autour de la cause palestinienne.
Al-mulatham, comme on le surnomme parmi les arabophones, un mot arabe romanisé signifiant « le masqué », le porte-parole des Brigades al-Qassam, Abu Obeida, est devenu une figure légendaire parmi les pro-Palestiniens et une source de crainte pour les Israéliens, non seulement pendant cette guerre contre Gaza, mais aussi lors de toutes les opérations menées par la résistance palestinienne contre l’occupation israélienne.
« La permission [de riposter] est [par la présente] accordée à ceux qui sont combattus, car ils ont été lésés. Et en effet, Allah est le plus capable de les aider [à l’emporter] », Al-Hajj 22:39. Tels sont les premiers mots qu’Abu Obeida a prononcés publiquement lors d’une humble déclaration à la presse depuis le camp de réfugiés de Jabalia, fin septembre 2004.
Bien que son masque n’était pas le même, puisqu’il portait alors une cagoule, la voix d’Abu Obeida trouvait un écho aussi bien auprès des partisans que des opposants à la cause palestinienne.
Selon certaines informations, il était âgé de 18 ans au moment de ce discours, où il aurait simplement été chargé de faire une lecture à haute voix puis de quitter la conférence, selon Metras. Bien qu’il n’ait duré que quelques minutes, ce discours allait changer son nom à jamais, le rendant synonyme de triomphe pour la Palestine et de dévastation pour le régime israélien.
Les revers israéliens à Gaza : une histoire vieille comme le monde
La déclaration soulignait alors les échecs israéliens dans les opérations militaires menées dans le nord de Gaza, et plus particulièrement dans le camp de réfugiés de la ville de Jabalia, au cœur des combats qui ont conduit à la libération de la bande de Gaza de l’occupation israélienne.
Qassam Brigades announce the deaths of senior commanders killed after war resumed in March, including longtime spokesman & chief of the military media apparatus, Hudhaifa al-Kahlout. The speech was delivered by he who "inherited his title Abu Obeida." [Qassam Brigades 29/12] pic.twitter.com/eFtMY5DfG4
— Jon Elmer (@jonelmer) December 29, 2025
« [Les combats en cours] sont l’incarnation même de l’échec militaire israélien, car l’ennemi dispose d’une force militaire meurtrière, composée d’avions de combat, de chars et de missiles, qu’il utilise pour bombarder des civils et prendre pour cible des femmes et des enfants. Pendant ce temps, la vaillante Résistance, qui ne dispose d’aucun de ces moyens, prend pour cible les soldats et les occupants », avait déclaré Abu Obeida, soulignant que les Brigades al-Qassam avaient tué au moins sept soldats israéliens en trois jours de combats.
C’est ainsi qu’Abu Obeida est rapidement devenu une figure légendaire, admirée par les partisans de la résistance contre l’occupation israélienne, toutes religions, communautés et nationalités confondues.
Ce n’est toutefois qu’en 2007 qu’il a été officiellement nommé porte-parole des Brigades al-Qassam, un rôle qu’il a assumé un an après avoir annoncé l’opération historique au cours de laquelle la résistance a capturé le soldat israélien Gilad Shalit, qui est resté en captivité pendant plus de cinq ans.
Ces discours reflètent ceux qu’Abu Obeida prononcera plus tard dans sa carrière, annonçant les pertes et les échecs israéliens à Gaza à travers ses discours enflammés qui touchent le cœur de chaque auditeur, quelle que soit la barrière linguistique.
Le moral de la Résistance
À chaque cycle d’affrontements, à chaque guerre menée contre Gaza, Abu Obeida gagnait en importance, et des personnes de tous horizons attendaient que son regard menaçant mais rassurant, voilé par un keffieh rouge, leur apporte les nouvelles attendues par le public et redoutées par les Israéliens.
Au fil des années, Abu Obeida a acquis une notoriété régionale et internationale de plus en plus vaste, en particulier lors de la bataille d’al-Furqan en 2008, qui a vu l’occupation israélienne lancer une offensive contre Gaza trois ans seulement après s’en être retiré.
Alors que les lignes de communication étaient largement perturbées, Abu Obeida est resté une figure constante, informant le public, proférant des menaces contre l’occupation israélienne et annonçant les pertes israéliennes tout en rassurant ses partisans sur le fait que les forces de la Résistance restaient intactes.
Il redonnait espoir non seulement aux spectateurs en dehors de Gaza, mais aussi à la population de Gaza elle-même, apparaissant comme une lueur d’optimisme au milieu des bombardements intensifs qui ont coûté la vie à des milliers de Palestiniens, sans distinction d’aucune sorte.
Avec défi, pendant la guerre, Abu Obeida a déclaré un jour : « Gilad Shalit vous manque », en référence aux Israéliens, soulignant que le régime israélien dissimulait les pertes et les dommages causés par les opérations de résistance visant les territoires palestiniens occupés.
Plus tard, entre 2010 et 2014, Abu Obeida a bénéficié d’une plus grande visibilité médiatique, et à chaque apparition publique, sa popularité a augmenté de manière exponentielle.
Il était un fervent opposant aux pourparlers de « paix » avec l’occupant israélien, les qualifiant de trahison de la cause palestinienne et mettant en garde contre les projets israéliens d’expansion des colonies dans la Cisjordanie occupée, ce qui a donné à al-Qassam un élan supplémentaire en tant que garant de la Palestine et de sa libération ultime.
En 2014, pendant la bataille des Grains flétris, Abu Obeida a une fois de plus fait une annonce aussi importante que celle qu’il avait faite des années auparavant, déclarant qu’al-Qassam avait capturé un autre soldat israélien, cette fois à al-Shujaiyya, un bastion de la résistance palestinienne.
Oron Shaul avait été capturé par le Hamas le 21 juillet 2014. Quelques jours plus tard, le 1er août, al-Qassam capturait Hadar Goldin près de Rafah. Shaul ne reviendra qu’en 2025, lorsque les forces d’occupation israéliennes récupéreront sa dépouille lors de leur dernière invasion de Gaza.
Il a également joué un rôle tout aussi important en 2020, en préparant le terrain pour la bataille de Seif al-Quds de 2021 en soulignant que les plans israéliens visant à occuper davantage la Cisjordanie constituaient une « déclaration de guerre ».
En mai 2021, pendant ladite bataille, c’est lui qui a annoncé la nouvelle qui a réjoui le cœur des partisans de la cause palestinienne, en déclarant que les roquettes de la Résistance frappaient toutes les grandes villes palestiniennes occupées, soulignant que de telles opérations étaient devenues « plus faciles que de boire de l’eau » pour le Hamas.
Il a également proclamé plus tard que la bataille avait permis à la Résistance de remporter une victoire face à l’occupation israélienne, décrivant cette dernière comme un « ennemi fragile ».
L’homme qui a déclenché le déluge
En tant que porte-parole militaire, il est peu probable qu’il ait joué un rôle dans la mise en œuvre de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » du 7 octobre.
Cependant, Abu Obeida a vaillamment défendu la population de Gaza, déclarant que toute attaque visant des civils serait suivie d’une riposte proportionnée contre l’occupation israélienne, lançant un ultimatum après l’autre dans le but d’alléger les coups portés aux civils palestiniens dans le cadre du génocide en cours.
Semaine après semaine, mois après mois, Abu Obeida, visiblement amaigri par la famine qui sévit à Gaza, est resté un garant du moral des Palestiniens et des Arabes, même les enfants attendant ses apparitions à la télévision et revêtant des treillis militaires similaires aux siens, levant leur index comme lui, l’imitant dans leurs louanges, car il était devenu une idole pour beaucoup.
Grâce à son anonymat, protégé par le keffieh symbolique pendant plus de deux décennies, Abu Obeida a transcendé sa simple personne, devenant un mouvement à part entière et véhiculant le message d’une lutte collective, devenant un symbole culturel et politique incarnant la libération.
Au fil des ans, Abu Obeida a conservé le même ton et la même cadence lorsqu’il s’exprimait, ce qui lui a permis de devenir à lui seul un symbole de défiance, car il employait un langage sévère, riche en vocabulaire littéraire et coranique, mêlé à un vocabulaire martial qui semait la peur dans le cœur des ennemis.
Abu Obeida, tout comme la libération, est devenu inévitable, et l’espoir qu’il a donné à des dizaines de millions de personnes à travers le monde est sans égal, devenant aussi synonyme de la lutte palestinienne que le koufityeh, la célèbre flèche rouge à l’envers et l’AK-47.
Il était d’une incroyable habilité et savait parfaitement mettre en scène les coups assourdissants portés au régime israélien.
L’homme qui a changé les médias
Abu Obeida a mérité le titre de « commandant des médias », et à juste titre, car il a su transmettre avec professionnalisme le message approprié pour que la victoire de la Résistance soit visible par tous, quelle que soit l’issue.
Cette figure masquée et mystérieuse, dont l’identité restait secrète [son vrai nom étant Hudhaifa Samir Abdullah al-Kahlout], est devenue l’une des personnes les plus reconnaissables de la planète grâce à ses discours qui ont remonté le moral d’un peuple voyant ses frères se faire massacrer, car il a servi d’arme face à l’occupation israélienne, plus dangereuse que n’importe quelle arme de l’arsenal du Hamas.
L’homme qui terminait toutes ses déclarations remarquables par « C’est une lutte [qui se termine] par le triomphe ou le martyre » a obtenu le plus grand honneur que l’homme puisse recevoir, en atteignant le martyre qu’il avait longtemps désiré et pour lequel il avait travaillé toute sa vie, s’assurant sans relâche que le message et les actions de la Résistance fassent le tour du monde et suscitent un effort pro-palestinien sans précédent à travers la planète grâce à ses déclarations intelligentes et efficaces qui garantissaient que, quoi que fasse « Israël », cela serait présenté comme une défaite pour l’occupant.
Si sa date de naissance reste inconnue, la date du martyre de ce combattant résilient restera gravée dans l’histoire comme étant le 30 août 2025, après avoir passé toute sa vie adulte à se sacrifier pour la Résistance et la cause qui a façonné toute son identité et celle de sa patrie.
Auteur : Al-Mayadeen
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29 décembre 2025 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine

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