L’Occident amuse la galerie avec la «reconnaissance de l’État palestinien» et les Israéliens affament et massacrent

3 août 2025 - Les Palestiniens de la bande de Gaza pleurent ceux qui ont été tués alors qu'ils attendaient l'aide humanitaire dans les zones de distribution de la prétendue aide américaine dans le quartier de Morag, à Rafah. Six Palestiniens ont aussi été pris pour cible dans une tente abritant des personnes déplacées dans le quartier de Mawasi, à Khan Yunis - Photo : Doaa Albaz / Activestills

Par Mitchell Plitnick

La reconnaissance d’un État palestinien par la France, la Grande-Bretagne et le Canada pourrait signifier quelque chose dans l’avenir. Mais, comme d’habitude, les Palestiniens ne recevront aucune aide immédiate de l’Europe, encore moins de l’Amérique du Nord, pour mettre fin tout de suite au génocide à Gaza.

147 des 193 États membres des Nations unies ont déjà reconnu l’État de Palestine. Pourtant, l’annonce que plusieurs pays occidentaux allaient aussi le faire a déclenché une vague d’hystérie, comme s’il s’agissait de quelque chose d’inédit.

Le président français Emmanuel Macron a fait part de son intention de reconnaître la Palestine la semaine dernière. Cette déclaration a été suivie par la menace du Premier ministre britannique Keir Starmer de faire de même.

La déclaration de Macron et la menace de Starmer ont suscité une réaction hystérique de la part des dirigeants israéliens, notamment du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a accusé Starmer et Macron de « récompenser le terrorisme ».

Le Canada a emboîté le pas mercredi, déclarant qu’il reconnaîtrait la Palestine car, selon son Premier ministre Mark Carney, « la perspective d’un État palestinien s’éloigne littéralement sous nos yeux ».

Que penser de ces promesses de reconnaissance d’un état palestinien ? Auront-elles un impact sur le comportement d’Israël ?

Du théâtre politique, mais pas totalement vide de sens

La reconnaissance par le Canada, la France et le Royaume-Uni n’entraînera pas de changement immédiat dans la politique de famine et de génocide menée par Israël à Gaza. En effet, tous trois continueront, selon toute apparence, à faire des affaires avec Israël, y compris dans le domaine du commerce des armes, même après cette reconnaissance.

Il est désormais clair, même pour les plus fervents défenseurs d’Israël, que seules des mesures de boycott et de sanctions, telles que préconisées par le mouvement BDS à travers le monde, pourront changer la politique israélienne. Il est difficile de croire que Macron, Carney et Starmer l’ignorent.

Ces déclarations visent à apaiser les détracteurs de la politique française, canadienne et britannique sans avoir à prendre des mesures vraiment radicales et, il faut l’admettre, plus compliquées, qui auraient un impact réel sur le gouvernement Netanyahu.

Cela ne signifie toutefois pas que cette reconnaissance soit une mesure totalement vide de sens. Elle est loin d’avoir l’impact que l’on pourrait penser si l’on en juge par les protestations virulentes d’Israël, mais elle aura une signification à long terme.

La reconnaissance de la France et du Royaume-Uni signifierait que les États-Unis sont le seul membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU à ne pas reconnaître la Palestine, puisque la Russie et la Chine l’ont reconnue en 1988. Le Canada est le voisin le plus proche des États-Unis, et sa décision aura des répercussions au sud de sa frontière.

Cela donnerait à la Palestine et à ses défenseurs un poids supplémentaire pour tenter de pousser les États-Unis, le seul pays qui intéresse Israël, à reconnaître également la Palestine. Cela peut sembler inimaginable, mais l’évolution de l’opinion publique américaine à l’égard d’Israël signifie qu’une future administration pourrait être amenée à prendre le bon chemin.

La reconnaissance donnera également un nouvel élan aux forces d’opposition au Canada, au Royaume-Uni, en France et dans le reste de l’Europe pour intensifier la lutte en faveur de changements politiques.

À un moment donné, les dirigeants européens, canadiens et même américains ne pourront plus ignorer une opposition aussi massive au soutien d’une ethnocratie d’apartheid génocidaire. En effet, nous assistons à un élan public sans précédent en faveur d’un changement de politique, qui se développe rapidement, même parmi certains membres de la droite, et commence à avoir de l’effet.

Les déclarations de Macron, Carney et Starmer ne sont pas identiques. Nous devons examiner chacune individuellement et considérer le rôle important que joue le régime de Donald Trump dans tout cela.

Les obscénités du Royaume-Uni

L’utilisation par Keir Starmer de la reconnaissance de la Palestine comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête d’Israël, est un chef d’œuvre d’inversion de la réalité. Cela défie également toute logique. Starmer dit aux Palestiniens qu’il reconnaîtra leur droit à un État sauf si l’État qui fait mourir de faim leurs bébés relâche un tout petit peu la pression, auquel cas il ne le fera pas.

Donc, les Palestiniens, selon Starmer, ne méritent un État que s’ils sont morts.

Soit les Palestiniens ont droit à leur propre État, soit ils n’y ont pas droit. S’ils y ont droit, leur droit devrait être reconnu indépendamment de ce qu’Israël fait. S’ils n’ont pas ce droit, alors il ne devrait y avoir aucune reconnaissance.

Mais l’idée que la reconnaissance puisse être utilisée comme un levier contre un État génocidaire est obscène, en elle-même. Les droits ne sont pas une monnaie d’échange.

Il n’y a pas de logique à utiliser la reconnaissance comme une menace si mettre fin à l’oppression et la dépossession des Palestiniens et à la violence est vraiment le but de la diplomatie. Starmer vient donc de démontrer que tel n’est pas l’objectif de la diplomatie britannique.

Les fourberies de Macron

Macron a fait quelque chose de différent, mais presque aussi visqueux.

La Palestine est depuis longtemps une source de tension importante en France, et le génocide a évidemment aggravé cela. Ne voulant pas prendre la mesure significative de sanctionner ou boycotter Israël, Macron a promis de reconnaître la Palestine en lieu et place.

Cela ne servira à rien, mais ce sera tout de même encore pire s’il recule à nouveau.

Chaque fois qu’un État dit qu’il prendra position, même pour la forme, contre les crimes d’Israël mais recule face aux pleurnicheries d’Israël et aux menaces de Washington, cela augmente la pression sur d’autres dirigeants pour rester en dehors de cette lutte, tout en encourageant Israël et les États-Unis à intensifier leur nettoyage ethnique des Palestiniens. La reconnaissance peut être une étape utile si elle est l’aboutissement d’un processus. Elle ne permet guère d’en initier un.

Cela a été démontré par la lettre de 34 anciens ambassadeurs européens du 23 juillet. Cette lettre appelle l’UE à agir contre le génocide d’Israël de manière plus concrète.

Les ambassadeurs ont listé huit mesures que l’UE devrait prendre avant de reconnaître la Palestine lors de l’Assemblée générale des Nations unies fin septembre :

  • 1. Reprendre immédiatement les livraisons d’aide internationale à grande échelle et inonder la bande de Gaza de fournitures humanitaires.
  • 2. Suspendre immédiatement toutes les exportations d’armes et de biens à double usage vers Israël.
  • 3. Interdire le commerce avec les colonies israéliennes dans le territoire palestinien occupé et interdire les relations commerciales et les investissements de l’UE et des États membres avec toute entité ou entreprise faisant affaire ou bénéficiant des colonies israéliennes.
  • 4. Suspendre tous les accords commerciaux préférentiels pour Israël en vertu de l’accord d’association avec l’UE, qui comprend un article conditionnant l’accord au respect du droit international et des normes relatives aux droits humains.
  • 5. Annuler la participation d’Israël à Horizon Europe et tous les programmes de recherche, universitaires et technologiques à double usage de l’UE.
  • 6. Imposer des sanctions ciblées aux ministres, responsables gouvernementaux, commandants militaires et colons violents israéliens responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de facilitation du génocide et d’actes de terrorisme sanctionnés par les lois étatiques.
  • 7. Soutenir les mécanismes judiciaires internationaux et nationaux — y compris la CPI et les tribunaux nationaux relevant de la compétence universelle—pour traduire les auteurs en justice.
  • 8. Fournir un soutien politique, juridique et financier aux victimes civiles palestiniennes, aux défenseurs des droits de l’homme et aux organisations humanitaires opérant dans des conditions impossibles.
  • 9. Reconnaître l’État palestinien.

Certaines de ces mesures ne pourraient pas être prises par un seul membre de l’UE, par exemple la France seule, et il faudrait un accord unanime pour que l’UE les mette en œuvre.

Certaines peuvent être prises par des États membres individuels. Mais si un état proposait ces mesures publiquement et appelait les citoyens des États membres à les soutenir, cela créerait plus de pression politique que la reconnaissance en soi.

Le langage tordu du Canada

Le premier ministre canadien Mark Carney s’est rapproché de la position de Macron, mais il dévoile sa mentalité colonialiste en ce qui concerne les droits palestiniens. En annonçant son plan de reconnaissance, le leader canadien a déclaré : « Le Canada condamne le fait que le gouvernement israélien ait laissé une catastrophe se dérouler à Gaza. »

Mis à part le fait que cela fait écho à la manipulation grossière de Starmer qui fait dépendre les droits des Palestiniens du comportement d’Israël, imaginez que quelqu’un aux procès de Nuremberg ait dit qu’ils « condamnaient le gouvernement nazi allemand pour avoir laissé une telle catastrophe se produire dans toute la zone de l’Europe qu’ils contrôlaient » ?

Quelqu’un oserait-il dire que les États-Unis ont « laissé » les bombes atomiques tomber sur Hiroshima et Nagasaki ?

Cela nie la responsabilité d’Israël envers Gaza, tout en l’enveloppant dans un langage qui semble accuser Israël. Cela laisse croire qu’Israël n’était que le spectateur impuissant d’une calamité naturelle qui s’est abattue sur la population de Gaza.

C’est une astuce bien connue pour jeter sur Israël un voile d’innocence suffisant pour maintenir des relations commerciales et militaires. Mais ce que fait vraiment ce discours trompeur, c’est qu’il absout Israël, peut-être pas complètement, mais certainement pour le pire de ses crimes.

Carney va même plus loin en conditionnant la reconnaissance de la Palestine par le Canada aux réformes de l’Autorité palestinienne. Alors que l’AP a sûrement besoin d’être réformée (bien que la nature de cette réforme nécessaire soit perçue très différemment par les Palestiniens que par les dirigeants occidentaux), c’est un deux poids deux mesures insensé.

Quels que soient les délits commis par l’AP et de l’OLP, ils ont précédé le génocide d’Israël. Pourtant, la reconnaissance d’Israël par le Canada n’est pas liée à l’arrêt du pire de tous les crimes. Après ce que les Palestiniens ont traversé, Carney pense qu’ils doivent encore mériter, « gagner » comme ils disent, la reconnaissance de leurs droits nationaux, tandis qu’Israël peut garder son statut malgré le génocide.

Carney joue à ce petit jeu malhonnête parce qu’il doit gérer une relation difficile avec Donald Trump et les États-Unis tout en apaisant une population qui est devenue de plus en plus critique envers Israël.

Les États-Unis et pourquoi cela se produit maintenant

La semaine dernière, alors que les États-Unis se retiraient des pourparlers de cessez-le-feu avec Israël, le Qatar et l’Égypte, Donald Trump a déclaré aux journalistes : « C’est un peu décevant », faisant référence à sa récente conversation avec Benjamin Netanyahu.

Qu’est-ce qui a déçu Trump ? Il est clair qu’il voulait que Netanyahu mette fin au génocide, avec à la clé un échange des captifs restants à Gaza contre des prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Les tentatives de négociation de Trump en politique étrangère ont été des échecs majeurs, et ses « accords commerciaux » sont impopulaires. Il veut vraiment réussir quelque chose.

Mais Netanyahu n’était pas d’accord. Trump, conscient que le Hamas n’allait pas simplement rendre les captifs restants et permettre à Israël de continuer tranquillement son génocide sans crainte de tuer ses ressortissants, a décidé qu’il n’y avait plus rien à faire et s’est retiré du processus.

Mais cette décision a des implications pour la vision régionale de Trump. Le chroniqueur israélien Zvi Bar’el a eu raison d’écrire mardi, « Il semble que Trump ait conclu que ses ambitions de créer un ‘nouveau Moyen-Orient’, d’établir la paix entre Israël et plusieurs autres pays arabes, et, pour couronner le tout, de normaliser les relations entre Israël et l’Arabie saoudite, devront attendre encore un certain temps. »

C’est tout à fait juste, Trump est frustré et en a assez de toute cette situation. Il veut s’en détourner, surtout maintenant, car ses ennuis personnels impliquant le défunt et non regretté pédophile trafiquant de sexe Jeffrey Epstein, sont loin de disparaître.

Un accord au Moyen-Orient, même juste un cessez-le-feu à Gaza, aurait aidé, mais cela n’arrivera pas. Et il en veut à Netanyahu.

Bien que Trump ait rejeté l’annonce de la France, il n’a pas fait, ni menacé, même à demi-mot, de faire une quelconque pression sur Macron pour inverser sa position. Il a simplement dit qu’elle n’était pas pertinente.

Sa réaction à Starmer était encore plus molle. Il a répété la hasbara israélienne comme quoi la reconnaissance « récompense le Hamas », mais il a ajouté : « Je ne vais pas prendre position, mais cela ne me dérange pas qu’il prenne position (sur la reconnaissance de la Palestine). »

Starmer avait rencontré Trump juste avant son annonce, et il est clair qu’il n’aurait pas pris cette décision s’il pensait qu’il y aurait une réponse sérieuse de Washington.

Jeudi, le département d’État a annoncé de nouvelles sanctions contre l’Autorité palestinienne et l’OLP. Les sanctions étaient basées sur de vieilles plaintes, principalement que l’OLP est allée à la CPI et à la CIJ après avoir finalement compris que les États-Unis ne feraient jamais pression sur Israël pour une solution à deux États.

Il n’y avait aucune raison réelle de faire cela maintenant, à part pour équilibrer la position publique de Trump.

A sa manière habituelle et schizophrène, il a exprimé son agacement envers Netanyahu en permettant à la France et au Royaume-Uni d’aller de l’avant avec leurs démarches vers la reconnaissance (il semble moins à l’aise avec le Canada, peut-être parce que Carney ne l’a pas consulté avant comme Starmer l’a fait), mais il reste préoccupé par le fait que sa base évangélique pourrait considérer qu’il penche trop fortement en faveur des Palestiniens, même si une partie de sa base MAGA se déchaînent contre Israël.

La reconnaissance de l’Etat palestinien pourrait avoir une importance plus tard, lorsque le génocide sera achevé. Mais, comme à l’accoutumé, les Palestiniens n’obtiendront pas de l’Europe et encore moins de l’Amérique du Nord, l’aide immédiate et substantielle dont ils ont impérativement besoin.

1er août 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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