La jeune Ahed Tamimi sous la menace d’années d’emprisonnement

Dessin : Carlos Latuff
Dessin : Carlos Latuff

Par Tamara Nassar

L’adolescente Ahed Tamimi risque de faire face à des années d’emprisonnement dans les geôles de l’occupant israélien.

L’armée israélienne a déposé 12 plaintes ce lundi contre l’adolescente palestinienne Ahed Tamimi.

La jeune fille âgée de 16 ans, filmée lors d’une confrontation avec des soldats dans son village natal de Nabi Saleh le mois dernier, pourrait rester dans les prisons israéliennes pendant des années si elle était inculpée pour jets de pierres, incitation [à la résistance] et agression et menace à l’égard d’un soldat.

Les tribunaux militaires israéliens sont connus pour leur taux de condamnation de près de 100 pour cent contre les Palestiniens.

Dans une interview accordée à The Real News la semaine dernière, le père de Ahed, Bassem Tamimi, a décrit l’arrestation de sa fille, le 19 décembre, lors d’une descente nocturne dans la maison occupée par la famille en Cisjordanie.

Il a également réitéré son affirmation selon laquelle l’un des soldats d’Ahed, accusé d’avoir “agressé”, avait déjà tiré au visage et blessé grièvement le cousin d’Ahed, Muhammad Fadel Tamimi, âgé de 15 ans.

Ahed et sa cousine Nour ont tenté de chasser deux soldats israéliens de la propriété de la famille. Ahed peut être vue dans une vidéo en train de légèrement gifler et pousser un des hommes armés.

Ahed, la mère de Nour et Ahed, Nariman, ont toutes été arrêtées par l’armée suite à la diffusion de la vidéo qui a déclenché des appels à la vengeance contre la famille, à l’initiative de dirigeants israéliens.

Ahed est l’un des plus de 300 enfants palestiniens actuellement détenus par l’armée israélienne et Nariman fait également face à des accusations d ‘«incitation» [à la résistance] pour avoir filmé l’incident en direct.

Nour, 20 ans, devait être libérée lundi, mais elle a également été accusé dimanche d’agression aggravée et d’interférence avec un soldat. Selon son père, Naji Tamimi, elle est restée en détention à la suite d’un appel contre sa libération par le procureur militaire israélien.

Dans un post sur Facebook mardi, Naji Tamimi a déclaré qu’il s’attend à une autre audience dans son cas dans les prochains jours.

La famille Tamimi est devenue célèbre pour son rôle dans la résistance civile de Nabi Saleh contre l’occupation et la colonisation israéliennes, une campagne qui a coûté la vie et la liberté à de nombreux habitants en raison de la réponse violente d’Israël.

La tante d’Ahed, Manal Tamimi, a été arrêtée le 28 décembre alors qu’elle protestait près d’une prison militaire israélienne.

Selon un membre de sa famille, Bilal Tamimi devait être libérée mardi si les procureurs militaires israéliens ne s’y opposaient pas.

Aucune solidarité de la part des féministes occidentales

Depuis que les forces d’occupation israéliennes l’ont arrachée de chez elle, Ahed est devenue un point focal et international de solidarité, et pour beaucoup une icône de la résistance.

Dès son plus jeune âge, Ahed a participé à la défense de son village et de sa maison contre les soldats israéliens.

Pourtant, la solidarité a été sélective. “On a observé un curieux manque de soutien de la part des groupes féministes occidentaux, des défenseurs des droits humains et des officiels étatiques qui se présentent habituellement comme de grands défenseurs des droits humains et des champions de l’émancipation féminine”, remarque Shenila Khoja-Moolji dans Al-Jazeera.

Le silence est d’autant plus perceptible que Ben Caspit, éminent journaliste israélien, a exigé que l’armée “impose un prix” aux femmes Tamimi, “dans le noir, sans témoins ni caméras”.

Le commentaire de Caspit a été largement interprété comme une suggestion que les femmes devraient être agressées sexuellement, bien qu’il l’ait catégoriquement nié.

Ahed, comme Malala Yousafzai, militante de l’éducation et lauréat du prix Nobel, a une longue histoire de résistance à l’injustice, note Khoja-Moolji, mais contrairement à Malala, Ahed n’a toujours pas reçu d’invitations à rencontrer les dirigeants mondiaux, dont Barack Obama, ou à s’exprimer devant les Nations Unies.

Bien au contraire, l’année dernière, Ahed a été empêchée de se rendre aux États-Unis pour parler des injustices subies par les Palestiniens. Son père, Bassem, précédemment déclaré prisonnier d’opinion par Amnesty International, s’est également vu refuser un visa pour pouvoir s’exprimer en Australie.

Punition collective

Les détentions des Tamimis sont survenues au cours d’une vague de près de 600 arrestations de Palestiniens par les forces d’occupation israéliennes depuis que le président américain Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël le 6 décembre dernier.

Plus de 450 Palestiniens sont actuellement détenus sans inculpation ni jugement – ce qu’on appelle la détention administrative qui peut être renouvelée indéfiniment.

La semaine dernière, les tribunaux militaires israéliens ont confirmé ou renouvelé des ordonnances de détention administrative contre 41 détenus palestiniens.

Parmi les prisonniers dont les ordres ont été renouvelés, il y a Khalida Jarrar, leader de gauche et membre du Conseil Législatif Palestinien, qui a été récemment arrêtée en juillet.

Les forces d’occupation israéliennes ont arrêté lundi Nasser Abdel-Jawad, un autre député palestinien, lors d’un raid avant l’aube sur son domicile dans le village de Deir Ballut en Cisjordanie, selon le groupe de solidarité des prisonniers Samidoun.

Son arrestation a porté à 12 le nombre de députés palestiniens emprisonnés par Israël, neuf d’entre eux sans inculpation ni procès.

Les Palestiniens continuent de résister à leur détention par Israël. Rizk Rajoub, âgé de 61 ans, a entamé une grève de la faim le 23 décembre lorsque le tribunal militaire israélien lui a fait choisir entre la détention administrative et l’exil au Soudan, selon Samidoun.

Rajoub a passé environ 20 ans dans les prisons israéliennes, dont 10 en détention administrative. Son arrestation la plus récente a eu lieu en novembre dernier dans son village natal de Dura.

Samidoun a également rapporté sur le cas de la Palestinienne Israa Jaabis, âgée de 32 ans, qui a été condamnée à 11 ans de prison le 7 novembre par un tribunal israélien à Jérusalem.

Jaabis, originaire de Jérusalem-Est occupée, a subi de graves brûlures et a perdu la plupart de ses doigts après qu’une bonbonne de gaz ait provoqué un incendie dans sa voiture en octobre 2015. Elle a ensuite été accusée d’avoir tenté de faire explosé sa voiture.

Sa famille a nié avec véhémence l’accusation, déclarant que Jaabis déménageait dans un nouvel appartement et avait transféré ses effets et meubles pendant plusieurs jours, dont la bonbonne de gaz quand celle-ci a explosé.

Les utilisateurs de Twitter ont utilisé le hashtag #FreeIsraa pour montrer leur soutien à Jaabis, qui, selon Samidoun, ne bénéficie pas d’un traitement médical adéquat en prison.

La toute jeune détenue Marah al-Jaidi, âgée de 16 ans, a été libérée par Israël ce lundi. Elle a passé une année en prison accusée d’avoir en sa possession un couteau avec l’intention de l’utiliser contre les soldats de l’occupation.

Les médias palestiniens ont fait circuler des photos de la famille de Marah, l’accueillant à sa libération :

بعد اعتقال دام لمدة عام… قوات الاحتلال تفرج قبل قليل عن الأسيرة الطفلة مرح الجعيدي (16عاماً) من مدينة قلقيلية . pic.twitter.com/BgzDuJuWZO
— شبكة قدس | الأسرى (@asranews) January 1, 2018

Après sa libération, Marah a décrit devant la presse locale les dures conditions imposées aux femmes et aux jeunes filles dans les prisons israéliennes, et elle a appelé à les soutenir.

2 janvier 2018 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine