Tuer « les yeux de Gaza »

Photo : Bachar Taleb - via The Palestine Studies

Par Ayham Al-Sahli

Depuis octobre 2023, les attaques israéliennes contre Gaza n’ont jamais cessé. Durant cette période, l’armée d’occupation israélienne a visé à plusieurs reprises les civils, parmi eux les journalistes.

Selon les médias gouvernementaux de Gaza, 238 journalistes ont été assassinés jusqu’à présent. Ce chiffre a été mis à jour suite à une attaque survenue tard dans la soirée du 10 août 2025, qui a visé une tente de journalistes près du complexe médical Al-Shifa à Gaza, entraînant la mort de six journalistes :

  • Anas Al-Sharif, correspondant de la chaîne Al Jazeera.
  • Ibrahim Daher, photographe de presse.
  • Mou’men Alaywa, photographe de presse.
  • Mohammad Al-Khaldi, travaillant pour la plateforme « Sahat ».

Après cette attaque, le directeur du complexe Al-Shifa, le Dr. Mohammad Abu Salmiya, a annoncé la mort de sept personnes, dont Anas et Mohammad, tués dans une tente clairement identifiée comme étant réservée aux journalistes.

Dans une déclaration à Al Jazeera, il a accusé Israël de vouloir dissimuler ses massacres dans la bande de Gaza en ciblant les journalistes. Il a ajouté que l’occupant se prépare à un carnage en l’absence de la voix d’Anas, de Mohamed, d’Al Jazeera et des tribunes de la vérité, exprimant sa crainte que les habitants de Gaza meurent en silence, sans que personne n’entende leur voix.

Un objectif clair

Ce nouveau crime s’inscrit dans un processus méthodique visant à faire taire les voix qui documentent l’horreur vécue à Gaza. Surtout qu’Israël a interdit l’entrée de journalistes étrangers et arabes dans la bande de Gaza, laissant aux journalistes palestiniens, enfants de Gaza, le soin d’assurer une couverture continue depuis le début de la guerre d’agression. Sans oublier qu’Anas Al-Sharif et Mohammad Qreiqa opéraient dans le nord de la bande de Gaza, zone où Israël prévoit une grande opération militaire, selon ses récentes déclarations.

« La voix de Gaza » assassinée par les Israéliens

Par conséquent, il semblerait que les Israéliens tentent d’empêcher toute prise d’images ou diffusion de nouvelles depuis cette zone.

Dans un communiqué publié peu après le raid contre la tente des journalistes, l’armée d’occupation israélienne a reconnu l’assassinat d’Al-Sharif, le qualifiant de « terroriste déguisé en journaliste de la chaîne Al Jazeera », prétendant qu’Anas Al-Sharif était un chef de cellule du mouvement Hamas et qu’il avait encouragé le lancement de roquettes sur Israël.

Les journalistes dans la bande de Gaza ont fait l’objet d’une campagne criminelle israélienne d’appel au meurtre depuis le début de la guerre contre, en octobre 2023, et même avant la guerre, notamment avec l’assassinat de la journaliste palestinienne de la chaîne Al Jazeera, Shireen Abu Akleh, en mai 2022, lorsqu’elle a été prise pour cible par un sniper israélien à Jénine.

Mise à mort de la vérité

Plusieurs instances locales, arabes et internationales ont condamné l’assassinat des journalistes à Gaza. Al Jazeera a publié un communiqué dans lequel la chaîne a déclaré : « Nous condamnons l’assassinat prémédité de nos correspondants Anas Al-Sharif et Mohammed Quraiqea ainsi que des photographes Ibrahim Daher et Mohammed Noufel, » et a affirmé que « l’assassinat de nos correspondants par les forces d’occupation israéliennes constitue une nouvelle attaque flagrante et délibérée contre la liberté de la presse. »

Al Jazeera tient l’armée d’occupation et son gouvernement responsables du ciblage et de l’assassinat de son équipe.

Elle a également dénoncé les crimes odieux et les tentatives continues des autorités israéliennes pour faire taire la voix de la vérité, insistant sur le fait que l’impunité et l’absence de poursuites permettent à Israël de poursuivre ses exactions et l’encouragent à plus de violences meurtrières contre les témoins de la vérité.

La Fédération des journalistes palestiniens a vivement condamné « le crime odieux de l’assassinat des deux collègues journalistes Anas Al-Sharif et Mohammed Quraqa, correspondants de la chaîne Al-Jazeera dans la ville de Gaza, à la suite de la frappe contre une tente de journalistes à l’hôpital Al-Shifa. »

La Fédération a publié une déclaration d’Al-Sharif concernant les menaces et les attaques israéliennes depuis le début de la guerre d’agression.

Al-Sharif avait en effet déclaré : « Depuis le déclenchement de la guerre en 2023, j’ai reçu des dizaines de menaces de la part de l’armée d’occupation israélienne, qui ont commencé dès le premier mois. La première de ces menaces s’est matérialisée par une attaque directe contre ma maison et celle de ma famille, ce qui a causé la mort de mon père. Par la suite, les attaques se sont répétées plusieurs fois. »

Il est du devoir de tout journaliste d’être aux côtés de ses collègues massacrés en Palestine

Le porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies, Stéphane Dujarric, a condamné l’assassinat en déclarant : « Nous avons vu ce qui s’est passé aujourd’hui à Gaza, et nous avons toujours été très clairs dans notre condamnation de tous les assassinats de journalistes. »

Il a insisté sur le fait que les journalistes doivent pouvoir exercer leur travail librement, sans être ciblés, « à Gaza comme partout ailleurs. »

De son côté, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’expression, Irene Khan, a déclaré que « l’armée israélienne tente de tuer la vérité, mais elle ne peut pas y parvenir. »

Khan, qui avait récemment mis en garde contre le fait que les menaces israéliennes contre Al-Sharif mettaient sa vie en danger, a ajouté que les journalistes qui « dévoilent les atrocités d’Israël dans la bande de Gaza sont ciblés. »

Elle a qualifié le journaliste assassiné Anas Al-Sharif de « brave » et a souligné que le nombre de journalistes tués dans la bande de Gaza dépasse celui de tout autre conflit, ajoutant :« Israël agit comme une bête acculée, dos au mur, qui cible tous ceux qui la critiquent.»

Elle a souligné la nécessité « d’exiger qu’Israel rende des comptes » et de l’obliger à « permettre l’entrée des médias internationaux à Gaza. »

Quant au Club de la presse étasunien, son président a déclaré : « Nous exprimons notre tristesse et notre profonde inquiétude face aux informations faisant état de la mort du correspondant d’Al-Jazeera, Anas Al-Sharif, à Gaza. » Il a appelé à « une enquête complète et transparente » sur les circonstances de sa mort.

De son côté, la directrice régionale du Comité pour la protection des journalistes a déclaré : « Israël s’est habituée à qualifier les journalistes de ‘terroristes’ sans fournir de preuves crédibles. »

Elle a ajouté que « l’attitude d’Israël à l’égard des journalistes soulève des questions sur ses intentions et sur son respect de la liberté de la presse. »

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) s’est dit choqué par l’assassinat des deux correspondants de la chaîne Al-Jazeera, Anas Al-Sharif et Mohammed Quraqa, ainsi que de leurs deux photographes, lors de l’attaque israélienne contre une tente de journalistes dans la ville de Gaza. Il a appelé à ce que les responsables de ces crimes répondent de leurs actes.

Le CPJ a également exprimé son inquiétude face à la qualification répétée par Israël des journalistes comme « terroristes », sans fournir de preuves, estimant que cela soulève de sérieuses questions quant à ses intentions.

De son côté, Reporters sans frontières (RSF) a estimé que l’armée israélienne répète dans ses attaques contre les journalistes un schéma connu et documenté, en particulier contre les journalistes d’Al-Jazeera. L’organisation a dénoncé le fait que la communauté internationale, menée par l’Union européenne et les États-Unis, a ignoré les avertissements annonçant cette attaque imminente. Elle a appelé le monde à prendre des mesures fermes pour mettre fin à ce qu’elle a qualifié d’exécutions israéliennes de journalistes.

Lama, 11 ans, rêvait de devenir journaliste, jusqu’à ce que les Israéliens la tuent

Sur le plan gouvernemental, le service de communication de la présidence turque a déclaré que la mort des journalistes d’Al-Jazeera dans la bande de Gaza, suite à une attaque directe, constitue un acte barbare de la part d’Israël. Il a ajouté qu’Israël cible les journalistes afin d’empêcher le monde de voir les crimes de génocide qu’elle commet.

De son côté, le ministère iranien des Affaires étrangères a condamné l’attaque israélienne contre les journalistes, la qualifiant de crime, en déclarant que : « L’attaque contre des journalistes est interdite en toute circonstance, et les viser constitue un crime de guerre. »

Le ministre des Affaires étrangères de Norvège a déclaré : « l’assassinat des journalistes d’Al-Jazeera à Gaza est révoltant et absolument inacceptable », ajoutant : « Attaquer délibérément des journalistes constitue une atteinte à la liberté d’expression. »

Il a estimé que Gaza, après l’assassinat de plus de 200 journalistes et professionnels des médias, est devenue « le lieu le plus dangereux au monde pour les journalistes », soulignant l’urgence de les protéger.

De son côté, le député indépendant britannique Jeremy Corbyn a affirmé que l’assassinat de journalistes est une tentative de dissimuler la réalité des crimes contre l’humanité, ajoutant que les tuer délibérément est un acte profondément répugnant.

11 août 2025 – The Palestine Studies – Traduction de l’arabe : Chronique de Palestine – Fadhma N’Soumer

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