Le Tribunal de Gaza ne traite pas de symboles, mais de la mise en accusation de l’État génocidaire

Le peuple palestinien est confronté aux injustices et au déni de ses droits le plus fondamentaux depuis la création d'Israël en 1948 - sur les ruines de la Palestine historique - et l'occupation de Jérusalem, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza à partir de 1967 - Photo: réseaux sociaux

Par Ramzy Baroud

Face au lourd silence des systèmes juridiques et politiques internationaux et à leur incapacité totale à tenir Israël responsable du génocide commis à Gaza, la société civile internationale a refusé de rester les bras croisés.

Au contraire, elle continue à tracer la voie, en présentant des modèles de réflexion essentiels pour ce à quoi doit ressembler la véritable justice en Palestine.

La dernière expression, et sans doute la plus importante, de cette conscience mondiale est le Tribunal de Gaza. Sa dernière session s’est achevée à Istanbul le dimanche 26 octobre.

Lancé à Londres en novembre 2024 et délibérément inspiré du tribunal historique Russell, ce tribunal a pour mission de mobiliser la société civile mondiale et de fournir un « dossier populaire » complet en documentant de manière rigoureuse les crimes commis par Israël contre le peuple palestinien.

Ses activités ont consisté en des audiences préalables à Sarajevo et en la consolidation des conclusions de trois chambres thématiques : droit international, relations internationales et ordre mondial, histoire, éthique et philosophie.

La session d’Istanbul s’est achevée par un verdict moral sans appel rendu par un jury de conscience, qui a accusé Israël de violence exterminatrice systématique.

Ces tribunaux dirigés par la société civile sont organisés spécifiquement pour combler le vide éthique et juridique créé par l’incapacité du système international à faire face aux crimes de guerre commis par des États puissants qui, en apparence, sont pratiquement à l’abri de toute responsabilité.

Dans le cas de la Palestine, de telles initiatives sont particulièrement cruciales. Elles contribuent à établir un dossier bien documenté contre les crimes de guerre israéliens et contre ceux qui les rendent possibles par un financement direct, la fourniture d’armes ou le blocage de toute mesure punitive au sein des institutions internationales.

Bien qu’il existe des mécanismes par le biais du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), de la Cour internationale de justice (CIJ) et de la Cour pénale internationale (CPI), le gouvernement américain et d’autres alliés d’Israël ont toujours réussi à bloquer ou, au mieux, à entraver les voies juridiques qui auraient pu mettre fin à la guerre d’extermination contre les Palestiniens.

Le Tribunal de Gaza devient ainsi une plateforme nécessaire pour rendre un jugement éclairé et fondé sur des preuves, le jugement même qui aurait dû être adopté par la CIJ et appliqué par le CSNU.

Les personnes à l’origine de ces initiatives sont des experts en droit international, des universitaires et des militants pour la justice, réputés et expérimentés. Parmi eux figurent des personnalités de renom telles que le Dr Richard Falk, ancien rapporteur spécial des Nations unies pour la Palestine et professeur émérite de droit international à l’université de Princeton, qui a présidé le tribunal.

Dans leur déclaration intitulée « Conclusions finales et jugement moral », les juges ont condamné le génocide israélien, soulignant son « caractère holistique », sa « déshumanisation du peuple » et son « caractère sadique ».

Parmi les autres crimes examinés, les juges ont inculpé et condamné Israël pour les crimes de famine et d’affamement, de domicide (destruction délibérée de maisons et d’abris), d’écocide (destruction systématique de l’environnement et des écosystèmes), de reprocide (destruction des conditions nécessaires à la procréation et à la reproduction) et de scolasticide (destruction systématique des établissements scolaires, du personnel enseignant et de la mémoire collective d’un peuple).

Les juges ont également condamné le massacre de journalistes, ces personnes qui tentent de documenter et de dénoncer le génocide, ainsi que leurs familles. « Le silence imposé à ces journalistes contribue à dissimuler le génocide, et plus de journalistes ont été tués que dans tout autre conflit », peut-on lire dans la déclaration finale.

La déclaration condamne en outre le recours généralisé par Israël à la torture, aux violences sexuelles, aux disparitions forcées et aux violences sexistes en détention, parmi une multitude d’autres crimes odieux.

Surtout, le verdict final attribue directement la responsabilité à des acteurs puissants. Le tribunal a conclu que « les gouvernements occidentaux, en particulier les États-Unis et d’autres », se sont rendus complices du génocide israélien et, dans certains cas, ont activement collaboré avec lui.

La complicité et la collusion ne se limitaient pas aux acteurs étatiques. Elles s’étendaient aux médias et aux institutions universitaires qui, selon le Tribunal, justifient activement les crimes israéliens, réduisent au silence la voix palestinienne et condamnent en bloc tous les Palestiniens — une position tout à fait conforme au discours d’Israël.

La puissante mise en accusation d’Israël n’est pas seulement symbolique. Sa valeur pratique dépend toutefois entièrement de notre capacité collective à tirer parti de ses conclusions. Nous devons utiliser ces preuves pour faire avancer les nombreuses poursuites judiciaires engagées contre les dirigeants israéliens, les responsables militaires et les soldats individuels.

Les dossiers volumineux, les témoignages des victimes, les analyses d’experts et les récits de témoins oculaires constituent une mine d’or pour ceux qui sont déterminés à voir les criminels de guerre israéliens punis pour l’un des pires crimes commis contre une population civile dans l’histoire moderne.

Il est essentiel de reconnaître que la plupart des procédures judiciaires en cours concernant Gaza – devant la CIJ, la CPI et divers tribunaux nationaux – ont été lancées et soutenues par la société civile.

Ces initiatives sont menées par des groupes de défense des droits humains, des organisations de recherche juridique et des militants pour la justice.

Le Tribunal de Gaza n’est donc pas une fin en soi, mais une étape essentielle sur la voie de la justice et de la responsabilité. Il s’appuie consciemment sur le travail des initiatives passées et constitue désormais un tremplin majeur et indispensable pour les actions futures.

Contrairement au jugement divin, la justice humaine n’est ni garantie ni inévitable ; c’est un processus difficile. Sa réalisation repose entièrement sur la détermination de ceux qui se battent pour elle et aspirent à la faire triompher.

Les amis de la Palestine, partout dans le monde, sont inébranlables dans leur détermination à briser une fois pour toutes l’immunité israélienne.

Le Tribunal de Gaza est une arme puissante dans leur arsenal. Son succès dépend de notre foi inébranlable dans le processus et de notre détermination sans faille à aller jusqu’au bout.

6 novembre 2025 – Middle-East-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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