Les théofascistes israéliens font main basse sur le patrimoine historique palestinien

Septembre 2022 - Véritable joyau historique, une mosaïque d'époque bysantine a été découverte par hasard par un agriculteur de la bande de Gaza - Photo: Ismael Mohamad

Par Jeff Wright

L’Autorité israélienne des antiquités, aujourd’hui dirigée par un membre du parti fasciste « Pouvoir juif » de Ben Gvir, devrait favoriser l’expansion des colonies et l’annexion de fait.

On estime à 6000 le nombre de sites antiques en Cisjordanie. « Pratiquement dans chaque village ou ville, on trouve des vestiges archéologiques d’importance variable, allant d’un point d’eau à un monticule à plusieurs niveaux », selon Emek Shaveh, une ONG israélienne qui s’efforce de « défendre les droits au patrimoine culturel et de protéger les sites anciens en tant que biens publics appartenant aux membres de toutes les communautés, de toutes les confessions et de tous les peuples ».

Dans son bulletin d’information de mars, Emek Shaveh décrit comment les changements intervenus au sein du 37e gouvernement israélien menacent ces sites, les autorités chargées de la sauvegarde du patrimoine israélien étant regroupées sous l’égide des colons d’extrême droite.

« Dans un climat d’urgence politique accrue et de crainte constante d’une conflagration violente », écrit Emek Shaveh, « on peut être pardonné de négliger les développements liés au patrimoine. Cependant, dans ce domaine également, nous observons la situation avec inquiétude ». ***

L’Autorité des antiquités d’Israël, l’organisme gouvernemental chargé de superviser les antiquités du pays, a été transférée du ministère de la Culture au ministère du Patrimoine, dirigé désormais par Amichai Eliyahu, membre du Parti du Pouvoir juif de Ben Gvir. Sa nomination et d’autres changements, écrit Emek Shaveh, signifient « un nouveau pas vers la politisation extrême de l’autorité [israélienne des antiquités] ».

Par exemple, la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, signée par Israël en 1954, interdit de retirer des biens culturels d’un territoire occupé. Mais, écrit Emek Shaveh, « dans une démarche inhabituelle, l’Autorité israélienne des antiquités a non seulement avoué qu’elle effectuait des fouilles en Cisjordanie, mais elle a également annoncé que les découvertes issues de ces fouilles seraient exposées dans un musée situé à l’intérieur de la ligne verte…. ».

Plus préoccupant encore, Emek Shaveh rapporte que les camps archéologiques ont été utilisés à la fois pour étendre les colonies de Cisjordanie et pour en créer de nouvelles, ce qui a eu pour effet d’annexer de facto des terres de Cisjordanie.

Interrogé par Mondoweiss sur ce rapport, Alon Arad, directeur exécutif d’Emek Shaveh, a déclaré : « La plupart des activités archéologiques d’Israël dans les territoires occupés sont par définition un acte d’appropriation physique, historique et culturelle, conçu pour renforcer l’emprise d’Israël sur la terre tout en ignorant les communautés palestiniennes ».

Le rapport d’Emek Sheveh explique comment la colonie de Shiloh, établie en 1978, a commencé par des fouilles archéologiques à Tel Shiloh-Khirbet sur les terres du village palestinien de Qaryut en Cisjordanie. Décrivant les fouilles qui ont révélé des preuves de l’existence d’une colonie remontant à 4000 ans, un rapport de 2017 produit par Emek Shaveh et Yesh Din – une ONG israélienne qui défend les droits de l’homme des Palestiniens vivant en Cisjordanie – conclut :

« L’histoire du site incarne l’essence de [leur] rapport : depuis la saisie des terres du site et l’expulsion des propriétaires palestiniens qui vivaient là et cultivaient la terre, en passant par la cession de la gestion du site à des organisations de colons qui manipulent les visiteurs en fonction selon leur idéologie, et enfin par son développement en tant que site touristique et commercial inhabituel, tout en endommageant de manière irréversible le tel archéologique (les couches archéologiques) et les antiquités qui s’y trouvent. »

« Même si l’établissement d’un camp n’inclut pas la transformation du site en une colonie de peuplement », précise Emek Shaveh, « la création d’un camp est un moyen de s’emparer d’une zone et de déplacer les Palestiniens de leur terre ».

La lettre d’informations du mois de mars poursuit : « Il va sans dire qu’une fois qu’un camp est établi, une présence militaire est jugée nécessaire pour couvrir les Israéliens qui restent sur le site. Nous pouvons supposer que cette tendance ne fera que s’intensifier sous l’égide de l’actuel ministre du patrimoine. »

Selon Arad d’Emek Shaveh, « l’intensification des activités archéologiques dans les territoires occupés met également en évidence la contradiction fondamentale inhérente à la conduite de travaux archéologiques et scientifiques qui sont menés sous la force militaire ».

« Nous pensons », a déclaré M. Arad, « que le nouveau ministre du patrimoine politisera encore plus le patrimoine et sacrifiera ce qui subsiste du professionnalisme archéologique sur l’autel de l’annexion. La communauté archéologique en Israël doit prendre la mesure de cette situation. Elle doit considérer les limites de ce qui est professionnellement et éthiquement légitime et faire face aux implications du fait que l’archéologie est devenue une justification principale de l’occupation et de la violation des droits de l’homme ».

Emek Shaveh a terminé sa lettre d’information par une « bonne nouvelle », annonçant que les États-Unis ont rapatrié une cuillère à usage cosmétique en ivoire datant de l’âge du fer à l’Autorité palestinienne (AP). CNN a rapporté le retour de cette antiquité volée lors d’une cérémonie officielle qui s’est déroulée le 6 janvier au ministère palestinien du tourisme et des antiquités à Bethléem.

La première restitution par les États-Unis d’un artefact dérobé à l’Autorité palestinienne fait suite à la récupération de la cuillère dans le cadre d’une enquête criminelle multinationale menée par le bureau du procureur de Manhattan.

George Noll, chef du bureau américain des affaires palestiniennes, a déclaré que ce rapatriement constituait « un moment historique entre les peuples américain et palestinien et une démonstration de notre foi dans le pouvoir des échanges culturels pour construire la compréhension mutuelle, le respect et le partenariat ».

La ministre palestinienne du Tourisme et des Antiquités, Rula Maayah, a résumé le travail inlassable d’Emek Shaveh et d’autres personnes engagées dans la préservation du patrimoine culturel des Palestiniens en déclarant, lors de la cérémonie, que la cuillère « acquiert sa véritable valeur scientifique et archéologique » lorsqu’elle est renvoyée sur le site de sa découverte.

25 mars 2023 – MondoWeiss – Traduction : Chronique de Palestine