Pour Israël, les enfants assassinés à Gaza ne sont que des « dommages collatéraux »

Photo de Tamim Dawoud, âgé de 4 ans, qui a été « effrayé à mort » par les bombardements israéliens dans le quartier de Rimal, à l'ouest de la ville de Gaza, le 9 mai 2023 - Photo : Mohammed Salem

Par Tareq S. Hajjaj

L’assaut israélien de cinq jours sur Gaza a tué 33 personnes. La majorité d’entre elles étaient des civils, dont six enfants. Mais pour Israël, il s’agit simplement de « dommages collatéraux ».

Le calme est revenu à Gaza après cinq jours de terrifiants bombardements israéliens qui, du 9 au 13 mai, ont tué 33 personnes, dont six enfants. Les personnes qui sont restées enfermées chez elles pendant près d’une semaine sont impatientes de sortir pour évaluer les dégâts.

Les gens se déversent dans les rues et regardent les destruction causée par les frappes aériennes israéliennes. Les familles emmènent leurs enfants dans les quelques parcs gratuits qu’on trouve encore à Gaza et, si elles en ont les moyens, elles leur achètent un kebab pour tenter de leur faire oublier l’horrible agression.

Au total, 2041 maisons dans la bande de Gaza ont été endommagées lors des frappes aériennes, tandis que 31 immeubles ont été complètement détruits, 93 familles n’ont plus de toit et 128 maisons sont tellement endommagées qu’elles sont inhabitables, selon un rapport du bureau des médias du gouvernement.

Après les cinq jours de terreur qu’ont vécu les habitants de Gaza la semaine dernière, un cessez-le-feu a été instauré à 22 heures le samedi 13 mai et tout semble rentré dans l’ordre. Sauf pour ceux dont la vie a été bouleversée à jamais.

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Comme lors de chaque agression précédente, tous les habitants de Gaza sont atterrés et accablés par le nombre de morts, de blessés et de maisons détruites. Mais cela n’est rien par rapport à ceux qui sont frappés directement par la perte d’un ou plusieurs de leurs proches. Le chagrin et la douleur ne les quittera plus jamais.

« C’est comme si c’était moi qui avais été tué. J’ai le cœur brisé et rien ne pourra me consoler », a déclaré à Mondoweiss, Mohammed Saed qui pleure sa fiancée, Dania Adas.

Dania, 19 ans, a été tuée dans son sommeil quelques mois seulement avant de se marier avec Mohammed. Dania fait partie des nombreux civils palestiniens assassinés à Gaza, des morts qu’Israël baptise « dommages collatéraux ».

Elle a été tuée avec sa sœur Iman, âgée de 17 ans, dans le secteur d’al-Nakheel, à l’est d’al-Shuja’iyya, lors d’une frappe aérienne qui visait Khalil al-Bahtini, un haut dirigeant du Jihad Islamique (PIJ), dont la fille de 4 ans, Hajer, et la femme de 40 ans, Laila Hiji, ont également été tuées dans l’attaque.

Le mariage n’aura jamais lieu

La famille de Dania et Iman est inconsolable et Mohammed, le fiancé de Dania, ne parvient pas non plus à surmonter son chagrin. Lui et Dania s’aimaient plus que tout, ils s’étaient promis de ne jamais se quitter sauf si la mort les séparait.

Le soir même de l’assassinat de Dania, Mohammed et Dania avaient passé toute la nuit à discuter de leur avenir. Ils avaient même choisi les prénoms de leurs futurs enfants.

Maintenant, Mohammed est assis au milieu des décombres, dans le salon où Dania et lui ont passé leur dernière nuit ensemble, sanglotant et serrant frénétiquement les accoudoirs du sofa. Alaa Adas, le père de Dania, tente de le calmer. Mohammed se jette dans ses bras mais ne parvient toujours pas à contenir ses larmes.

« Son sourire était tout pour moi, elle était mon rêve », dit-il. « Même si je vivais un milliard d’années, je ne pourrais pas l’oublier, ni elle, ni rien de ce qui la concerne ».

Ils devaient se marier le 26 juin.

La nuit de la frappe aérienne, le mardi 9 mai à 5 heures du matin, la porte de la chambre d’Ala Adas a été arrachée de ses gonds.

« J’ai couru jusqu’à la chambre des filles », raconte-t-il à Mondoweiss. « Mais la poussière m’a aveuglé. Je suis arrivé à la chambre, mais elle était détruite, en ruines. J’ai crié de toutes mes forces, ‘Dania, Iman’, encore et encore, mais je n’ai pas eu de réponse ».

« C’est son oreiller », dit-il en tenant l’oreiller taché de sang qui appartenait à sa fille. « Elles dormaient, toute heureuses. Elles ont été tuées toutes les deux, les papillons de ma maison ».

« J’ai commencé à creuser dans les décombres et j’ai finalement trouvé mes filles ici », poursuit-il, debout au milieu de la maison détruite, en montrant du doigt l’endroit où il a trouvé Dania.

« J’ai trouvé son oreiller, qui était couvert de son sang. J’ai continué à creuser jusqu’à ce que je puisse la toucher, mais elle ne respirait plus. » Le père prend une grande inspiration pour tenter de maîtrise sa souffrance.

Il a continué à chercher son autre fille, Iman, jusqu’à ce qu’il la trouve enfin sous les décombres, sa poupée sur son cœur.

Mort de frayeur

Mohammed Dawoud, 36 ans, vit avec sa femme et ses deux enfants. Son fils Tamim, âgé de 4 ans, est né avec un problème cardiaque qui a nécessité une opération à cœur ouvert à l’âge de six mois. L’état de Tamim est resté stable après l’opération et il a pu entrer à l’école maternelle cette année.

Lui et sa sœur Judi, âgée de 7 ans, comblaient de joie leurs parents.

Dans le quartier d’al-Rimal, à l’ouest de la ville de Gaza, l’immeuble voisin de la maison de la famille Dawoud a été touché par une frappe aérienne israélienne visant un autre dirigeant du PIJ.

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« Lorsque Tamim a entendu la bombe dans l’immeuble voisin, il a été terrifié et a crié de peur », raconte Mohammed. “Il a mis ses petites mains sur sa poitrine, puis il est resté silencieux pendant un moment. Ensuite, son visage est devenu bleu et il est mort avant que nous puissions arriver à l’hôpital.

Tamim est l’un des six enfants qui ont été tués au cours des cinq jours d’attaques israéliennes. Mais il n’a pas été touché par des éclats d’obus ni enseveli sous les décombres. Son cœur ne pouvait tout simplement pas supporter les épouvantables bombardements israéliens.

Pourtant, Mohammed affirme que ce n’est pas le problème cardiaque qui a causé sa mort.

« De nombreuses personnes vivent longtemps avec des problèmes cardiaques et mènent une vie normale », affirme-t-il. « Mais le bruit était terrifiant, même pour des adultes. On entendait tout ce qui se passait autour de notre immeuble, avec les ambulances et les équipes de la protection civile qui sortaient les martyrs des décombres. La peur s’est emparée de son petit cœur, qui n’a pas pu la supporter ».

Une semaine après sa mort, quand il entre dans la chambre de son fils et qu’il voit ses jouets et son sac, Mohammed n’arrive toujours pas à croire que son fils est mort.

« Je n’arrive pas à croire que j’ai perdu mon beau garçon », dit-il. « Il aurait pu vivre heureux et longtemps. Mais il est mort de peur sous les bombes israéliennes ».

18 mai 2023 – MondoWeiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet