Par Tufy Kairuz, Ashjan Sadique Adi
Nous devons comprendre que le Hamas a été créé dans un certain contexte et que le contexte palestinien depuis 1947 a été tragique et catastrophique à cause du sionisme et de toute son oppression.
Le Hamas a été créé en 1987, après 40 ans de non-négociation, 40 ans de violence, 40 ans de viol, 40 ans d’annexion territoriale, d’emprisonnement, de torture, de meurtre et de vol de terres.
Imaginez que vous soyez expulsé de votre maison parce que quelqu’un prétend que votre maison lui appartient maintenant, parce que ses ancêtres y auraient vécu autrefois ; mais si vous refusez ce mensonge et si vous résistez, c’est la mort vous attend et il vaut mieux fuir : c’est ce que représente la fondation de l’État génocidaire d’Israël, avec ses 15 000 meurtres.
Le Hamas est donc un groupe de résistance, le résultat et la conséquence de tout ce contexte d’occupation et de colonisation.
En conséquence de l’Occident lui-même, en conséquence d’Israël lui-même et de toute sa violence, en conséquence du sionisme lui-même, le Hamas est né. Et les personnes (les soi-disant personnes démocratiques et civilisées qui ne sont pas conscientes de ce contexte ou qui sont subjuguées par les grands impérialistes qui en sont responsables) continuent de critiquer, de mépriser et de juger le Hamas dans leur hypocrisie.
Si l’Etat palestinien avait été créé, conformément à la résolution 181 de l’ONU, le Hamas n’aurait pas eu besoin d’exister, personne n’aurait eu besoin de s’accrocher à un parti politique religieux et armé. Et le Hamas est venu répondre aux besoins de ceux qui ne veulent pas céder; il est devenu l’ancre à laquelle ils se sont accrochés, parce que la religion est un espace d’accueil fondamental où l’aide humanitaire n’arrive pas.
Pensez-vous vraiment que notre discours sur les droits de l’homme et la démocratie suffise à réconforter les gens qui sont dans un tel état de désespoir ? C’est une rhétorique vide qui n’atteint pas cette population colonisée, vivant dans un espace territorial exigu, sans aucune qualité de vie.
Un autre point est que les gens ici au Brésil ont toujours méprisé et ne se sont jamais souciés de la Palestine, qui a été assassinée pendant plus de sept décennies, et maintenant ils pensent pouvoir exprimer une opinion sur une histoire qu’ils ne connaissent pas et dont ils ne se sont jamais souciés.
Nous, Palestiniens, mourons depuis 1948 et même avant, avec les groupes terroristes Irgoun, Stern et Hagannah, qui ont massacré nos villages au début du XXe siècle, et le monde s’est toujours tu.
Aujourd’hui, les experts du Moyen-Orient et de la Palestine sur Facebook veulent donner leur avis sur le Hamas, sur notre gouvernabilité, sur notre culture, sur nos moyens de nous défendre contre l’une des armées les plus puissantes du monde… Alors, si vous ne voulez pas soutenir le peuple qui tente de se libérer, ne donnez pas votre avis, avec les mots creux et illégitimes de ceux qui font trois repas par jour. Dans ce cas, le silence est plus digne.
Au début du XXe siècle, sous la domination de l’Empire ottoman, la Palestine était un territoire développé, avec un théâtre, des concerts, des industries, des métiers à tisser, des ports, des aéroports et des chemins de fer. Un territoire puissant avant l’invasion coloniale britannique, mais tout cela a été détruit par l’Occident lui-même, par les innombrables interventions que nous avons subies, par l’invasion de l’État d’Israël.
La Palestine s’acheminait vers un processus de sécularisation qui a été détruit, barbarisé. Et maintenant, après tout cela, nous rencontrons des gens qui sont en colère, indignés et surpris.
Mais pourquoi les Palestiniens en sont-ils arrivés à ce point de révolte, de colère, d’insatisfaction ? Ou pensez-vous qu’ils sont nés ainsi ? Au lieu de penser que ces sentiments sont le résultat d’un contexte de vie tragique ?
Et maintenant, c’est nous, les gens qui ont des droits humains garantis et même des privilèges, qui venons critiquer la résistance, critiquer ceux qui s’organisent pour se libérer parce qu’ils n’en peuvent plus de la violence quotidienne.
Ceux qui ont la mémoire courte devraient se rappeler que le Hamas et d’autres groupes à l’idéologie similaire n’existent que grâce à la complicité, à l’hypocrisie et à la lâcheté de l’Occident. Jusqu’aux années 1980, lorsque plusieurs de ces groupes sont apparus, des décennies ont été perdues dans la négociation d’une solution équitable avec des forces laïques et progressistes.
En outre, toute la région, ce qu’on appelle le Moyen-Orient, a été poussée vers des idéologies à fort contenu religieux par les interventions militaires constantes et la politique toxique de l’Occident dans cette partie du monde.
Comme l’ironie fait partie intégrante de l’histoire, le même Occident qui a critiqué et même justifié les interventions au Moyen-Orient – y compris le soutien criminel à une colonie d’envahisseurs qui occupe actuellement la Palestine, au nom de la démocratie, de l’État laïque et des droits de l’homme – est aujourd’hui assiégé par des hordes d’intégristes et subit les effets délétères d’une vague fasciste.
Les « barbares » ne sont donc plus aux portes du « château de cartes » de l’Occident, mais à l’intérieur. Mais l’ironie finale est de réaliser « l’étreinte des noyés » entre l’Occident et son « Rosemary’s baby », Israël, en Palestine : tous deux coulent en une étreinte fatale vers le fond de la mer, emportant avec eux l’éthique, la morale et la justice.
* Ashjan Sadique Adi est d'ascendance palestinienne. Elle est titulaire d'un diplôme en psychologie et d'une maîtrise en éducation de l'université fédérale du Mato Grosso do Sul (UFMS), ainsi que d'un doctorat en psychologie sociale de l'université de São Paulo (USP). Elle est membre du GRACIAS - Groupe d'anthropologie dans les contextes islamiques et arabes - et directrice du secrétariat des femmes de la FEPAL - Fédération arabo-palestinienne du Brésil.Ses comptes Facebook et Twitter/X. * Tufy Kairuz est historien, professeur, titulaire d'un doctorat en histoire de l'université de York au Canada et d'une maîtrise en histoire de l'université fédérale de Rio de Janeiro.Auteur : Ashjan Sadique Adi
Auteur : Tufy Kairuz
Mars 2024 – Transmis par l’auteure – Traduction du Portugais/brésilien : Chronique de Palestine