
18 août 2025 - Karim Muammar, âgé de 3 ans, souffre du syndrome de Fanconi-Bickel, une maladie génétique rare qui touche le foie, les reins et les intestins. Ce syndrome provoque un dysfonctionnement tubulaire des reins, entraînant la perte de glucose, de phosphate, de certains acides aminés et d'autres substances dans l'urine au lieu d'être réabsorbés par l'organisme. Sa mère a du mal à subvenir aux besoins de Karim en raison de la fermeture des points de passage et du manque de nourriture. Il vit dans des conditions difficiles dans une tente à la périphérie de Khan Yunis. Sa mère a perdu son frère à cause de cette maladie et craint de perdre également son fils. Elle appelle les autorités compétentes à accélérer le voyage de son enfant afin de lui sauver la vie - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par Rima Saleh
Alors que la guerre génocidaire à Gaza dure depuis près de deux ans, les modes d’exactions israéliennes dans la région se multiplient, en particulier à l’encontre des groupes les plus vulnérables, comme les mères et les enfants.
Selon le Bureau central palestinien des statistiques, 12 400 femmes et 18 000 enfants ont été assassinés, tandis que près de 4700 femmes et enfants sont portés disparus. Cela met en lumière les politiques sionistes qui se focalisent sur le ciblage des femmes, parce qu’elles portent les générations résistantes, et les enfants, puisque ce sont eux, les futures générations qui poursuivront la résistance contre cette occupation.
Les mères à Gaza, en particulier celles qui sont enceintes ou allaitantes, sont confrontées à d’innombrables souffrances, qu’elles soient émotionnelles, physiques ou mentales.
Elles doivent faire face à de multiples craintes et difficultés, la plus grande reste la peur de perdre leur bébé.
Shaima, une femme palestinienne, témoigne de son expérience pendant sa grossesse avec son deuxième enfant : « Involontairement, j’ai cessé d’avoir peur pour moi-même face à la terreur que j’ai vécue, afin de préserver mon bébé. J’ai survécu aux bombardements alors que j’étais enceinte de sept mois. Lorsque ma maison a été bombardée, je suis sortie des décombres, entourée de fumée, suffocante, tremblant de peur. »
Shaima décrit les terribles conditions de sa grossesse, soulignant qu’elle a contracté le virus de l’hépatite en raison de la mauvaise qualité de l’eau et de la pollution environnementale causée par la destruction des infrastructures essentielles à Gaza, sans oublier, celle des réseaux d’assainissement, l’absence d’eau potable, l’utilisation de toilettes partagées avec des centaines d’autres personnes dans les centres de réfugiés, ainsi que sa consommation régulière de nourriture en conserve.
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Shaima est l’une des survivantes d’un bombardement qui a frappé sa maison à deux reprises. Elle a vécu une peur immense, inhalant la fumée et les gaz toxiques résultant des frappes, ce qui a provoqué son accouchement juste après le deuxième bombardement, alors qu’elle n’était qu’au huitième mois de grossesse.
Elle a donné naissance à Salah, un bébé pesant moins de deux kilogrammes, en raison de la malnutrition sévère et des maladies qu’elle a contractées pendant sa grossesse. Après cette naissance, une nouvelle période de détresse avec son nourrisson a commencé pour elle, notamment la difficulté de fournir de la nourriture, des médicaments et du lait.
Le virus de l’hépatite est une menace immédiate pour la vie des mères et des enfants à Gaza, car il provoque des complications graves pendant la grossesse qui peuvent entraîner la mort du bébé ou de la mère, en raison de l’absence de soins médicaux.
Il exacerbe également la souffrance psychologique et physique, ce qui rend la prévention, la sensibilisation, ainsi que la fourniture de nourriture et de traitements absolument urgentes pour protéger les mères et leurs enfants des conséquences de cette maladie.
Le Dr Raed Al-Saudi, chef du département de gynécologie et obstétrique à l’hôpital Al-Awda de Nusseirat, confirme que toutes les conditions précédemment citées augmentent la propagation de ce virus parmi les femmes.
D’autre aprt, l’UNRWA, confirme que la propagation du virus de l’hépatite à Gaza constitue une menace grave pour les mères et les enfants.
Cette situation accroit leur vulnérabilité sanitaire dans un contexte marqué par des déplacements, des conditions d’hygiène désastreuses et pouvant mener à la mort, d’autant plus qu’il n’existe actuellement aucun traitement curatif pour cette maladie.
Nour, mère de deux enfants, témoigne de l’absence totale des mesures de précaution et de prévention les plus élémentaires contre le virus : « Le docteur me dit qu’il faut manger des légumes stérilisés, boire de l’eau minérale, utiliser ses affaires personnelles sans les partager, et éviter tout contact direct avec les autres. » Puis elle ajoute, avec ironie : « Dieu merci, il n’y a rien que je puisse faire… à part souffrir de la maladie. »
Accouchement prématuré dans des conditions extrêmes
Plusieurs mères ont perdu leurs bébés ou ont dû faire face à des accouchements prématurés en raison de la douleur et de la peur qu’elles ressentent, ce qui affecte leur état psychologique. Sur le plan physique et médical, la situation est encore plus grave, car il n’y a ni nourriture, ni médicaments, ni la moindre prise en charge médicale de base.
À Gaza, les médecins déploient des efforts considérables pour tenter de préserver la vie des femmes enceintes et de leurs bébés. Ces derniers décrivent la situation comme une catastrophe humanitaire majeure.
De nombreux cas de pertes fœtales et d’accouchements prématurés ont été signalés, en grande partie attribués à l’impact psychologique de la peur et de la douleur.
Sur le plan physique et médical, la situation est particulièrement critique à cause de l’absence de nourriture, de médicaments et de soins de santé de base.
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L’UNICEF souligne que les conditions inhumaines auxquelles sont confrontées les femmes enceintes à Gaza mettent gravement en péril leur vie ainsi que celle de leurs bébés, contribuant à une augmentation significative des cas de fausses couches et d’accouchements prématurés.
De son côté, l’UNRWA rapporte que 55 % des mères allaitantes souffrent de problèmes de santé majeurs, compromettant leur capacité à allaiter. En outre, 99 % d’entre font face à des défis liés à la disponibilité du lait maternel.
Insuffisance de lait maternel et pénurie de lait infantile sur les marchés de Gaza
Mohammad Abu Afsh, directeur de l’assistance médicale, a alerté sur la dégradation de la santé des nourrissons, conséquence directe des restrictions israéliennes qui empêchent l’entrée de lait infantile à Gaza, ainsi que l’interdiction des aliments de substitution nutritifs pour les enfants.
Cette situation est illustrée par le témoignage de Shaima, qui a souffert d’un allaitement insuffisant de son enfant jusqu’à ses cinq mois. La dépression post-partum, conjuguée à l’horreur de la guerre, a aggravé sa santé mentale déjà fragilisée. De plus, la malnutrition sévère dont elle a été victime a affecté sa capacité à produire du lait maternel, compromettant ainsi la nutrition de son nourrisson.
Il existait une seconde option, celle du lait infantile, mais cette alternative s’est révélée, et demeure, difficile d’accès. Le prix d’une boîte de lait varie entre 100 et 120 shekels, soit environ 60 dollars, alors qu’une seule boîte ne suffit que pour trois jours.
Ainsi, « mon enfant a besoin de 450 à 500 shekels (environ 200 dollars) par semaine » dit-elle.
Face à cette situation critique, Samar, a donné naissance à son premier enfant dans des conditions inhumaines, elle a été contrainte de nourrir son nouveau-né de cinq semaines avec du lait infantile périmé. Elle confie avec tristesse : « C’est tout ce que j’ai pu obtenir, et je suis bien consciente des dangers que cela représente. Mais que puis-je faire ? »
Les mères sont incapables de répondre aux besoins nutritionnels minimaux de leurs nourrissons en raison de la fermeture des passages et de l’absence de produits adéquats sur le marché. Elles doivent faire face à des prix exorbitants, inaccessibles.
Confrontée à cette situation, Shaima a dû recourir à du lait destiné aux personnes âgées, moins coûteux, malgré sa connaissance des risques associés. C’était néanmoins le seul moyen qu’elle avait pour apaiser les pleurs de son bébé affamé. Parfois, elle est même contrainte de le nourrir avec de la soupe de lentilles, alors que son enfant n’a que quelques mois.
Le lait n’est pas le seul produit difficile d’accès à Gaza. Certaines mères rapportent que le prix des couches dépasse les 250 shekels, soit environ 50 dollars pour un paquet de 40 couches, qui ne suffisent qu’à une semaine d’utilisation.
Ce coût élevé s’ajoute à la quasi-indisponibilité d’autres produits essentiels, tels que les vêtements, les articles de toilette, le shampoing, les biberons et les compléments alimentaires.
Les mères ont également été contraintes d’utiliser des substituts inadéquats et nuisibles, faute d’autres options disponibles. Elles recourent parfois à des couches de taille supérieure, lorsque celles-ci sont accessibles à un prix moindre. En l’absence même de ces couches, elles les remplacent souvent par des sacs en plastique ou des morceaux de tissu, des solutions inappropriées pour les nourrissons.
Cette situation expose les enfants à des irritations cutanées sévères, aggravées par le manque total de médicaments et de pommades nécessaires pour les traiter, comme l’ont témoigné Nour et Shaima.
Une enfance volée
Asma décrit la situation de sa fille Laya, qui n’avait même pas deux mois au début de la guerre. Aujourd’hui, âgée de près de deux ans, Laya n’a connu de la vie que la fuite, la faim, les massacres, le sang, ainsi que les camions d’aide alimentaire que son père tente de rejoindre au péril de sa vie, dans l’espoir d’obtenir un peu de nourriture pour sa famille.
Une enfant de deux ans devrait uniquement découvrir la joie, les jeux, les amis, les bonbons, ses plats préférés, les couleurs et l’amour de sa famille. Pourtant, pour les enfants de Gaza, il n’y a que des récits et des réalités qui dépassent l’imagination humaine, des histoires qui brisent le cœur, difficiles à entendre.
Asma raconte : « Cela fait sept ans que je rêve d’avoir une petite fille. Aujourd’hui, elle a deux ans et, dès qu’elle a faim, elle ne demande que de la « daqqa » — un plat à base de blé moulu, de poivre noir épicé et de sel de citron — ou des lentilles, car elle ne connaît pas d’autre nourriture. Comment son estomac pourrait-il supporter cela ? »
Les agences humanitaires des Nations Unies alertent sur l’ampleur de la malnutrition sévère qui touche les enfants de Gaza.
Des milliers d’entre eux risquent de mourir de faim en raison de la pénurie de nourriture et de soins médicaux, ainsi que de l’impossibilité d’accéder à l’aide humanitaire, à cause du blocus et des restrictions imposées par les forces israéliennes d’occupation.
Auteur : Rima Saleh
12 août 2025 – The Palestine Studies – Traduction : Chronique de Palestine – Fadhma N’Soumer
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