18 décembre 2025 - Assad Abdeen porte le corps de son fils âgé d'un mois, Saeed, à l'hôpital Al-Nasser de Khan Yunis, le 18 décembre 2025. Le bébé est mort après avoir été exposé au froid et à de fortes baisses de température dans la tente où vit sa famille déplacée, qui n'est pas adaptée à des conditions météorologiques aussi difficiles. La grande majorité des Palestiniens de Gaza sont toujours déplacés et vivent une situation humanitaire catastrophique, aggravée par les conditions hivernales rigoureuses. A cette date, le nombre de décès dans les hôpitaux dus à la dépression atmosphérique et au froid intense dans la bande de Gaza est passé à 13 - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par Thaer Ahmad
Le monde doit cesser de considérer le mot « cessez-le-feu » comme une garantie de sécurité alors que les habitants de Gaza restent sous le feu des bombardements, assiégés et dans des conditions qui ne peuvent que leur causer davantage de souffrances et de peine.
Les images et les témoignages qui nous parviennent de Gaza cet hiver sont tragiques et insupportables. Mohammed Khalil, un nourrisson âgé de deux semaines, a été retrouvé « froid comme la glace » dans une tente inondée par plusieurs jours de fortes pluies.
Saeed Abdeen, un prématuré âgé de 29 jours, est mort d’hypothermie malgré les efforts désespérés de sa famille pour le garder au chaud dans leur tente en nylon délabrée. Chaque matin, les familles se réveillaient avec de l’eau inondant leur literie par en dessous, incapables de sécher quoi que ce soit dans cette humidité incessante.
Ce n’est pas simplement la conséquence d’un hiver rigoureux et des éléments. Ce sont les conséquences prévisibles et évitables d’un siège étouffant et d’une obstruction systématique de l’aide humanitaire qui ont privé plus de deux millions de Palestiniens des conditions minimales nécessaires à la survie humaine.
La tempête Byron a peut-être apporté la pluie et les températures glaciales, mais c’est la politique israélienne qui tue les enfants.
Ces derniers jours, au moins 16 décès ont été signalés en raison des fortes pluies et de la chute des températures. Des bâtiments inondés se sont effondrés sur des familles qui n’avaient pas d’abri plus sûr, et trois enfants ont été tués lorsque la tempête s’est abattue sur les camps de déplacés et les tentes de fortune installées sur les décombres.
Plus de 79 000 personnes sont entassées dans plus de 100 écoles de l’UNRWA transformées en abris, toutes plus endommagées les unes que les autres, envahies par les eaux usées qui débordent à cause des pluies.
Les équipes humanitaires tentent de résoudre les problèmes sur le terrain au fur et à mesure, mais les fournitures les plus élémentaires nécessaires, telles que le bois, le contreplaqué, les vêtements chauds et les tentes appropriées, continuent de rester inutilisées aux points de passage, bloquées par les autorités israéliennes d’occupation.
Le froid meurtrier s’est abattu sur une population déjà affaiblie par plus de deux ans de bombardements incessants et aveugles, de multiples déplacements forcés et l’effondrement du système de santé de Gaza.
Depuis le début du soi-disant « cessez-le-feu » le 10 octobre, nous avons entendu à plusieurs reprises la communauté internationale appeler à une « augmentation de l’aide ».

Les Palestiniens font face à des inondations après de fortes pluies qui ont frappé le camp d’Abu Marhil dans le quartier d’Az-Zaytun à Gaza, le 10 décembre 2025 – Photo : Hamza Z. H. Qraiqea / AA
Mais la réalité sur le terrain montre que les 600 camions d’aide humanitaire par jour convenus (prévus dans la proposition du président Donald Trump) ne se sont toujours pas concrétisés. Au contraire, selon les autorités palestiniennes, la moyenne est bien inférieure, avec environ 244 camions par jour.
Des enfants meurent faute de ce que tout parent qualifierait de produits de première nécessité : couvertures, tentes, chaussures, savon.
Plus de 27 000 tentes ont été inondées, emportées par le vent ou déchirées. Quelque 13 000 familles se retrouvent à nouveau à la rue.
OCHA estime que 795 000 personnes sont en danger immédiat en raison de la pluie verglaçante et de la chute des températures.
Et comme les matériaux de construction sont toujours soumis à des restrictions par Israël en tant que produits dits « à double usage », les familles n’ont aucun moyen de renforcer leurs abris. Même les sacs de sable et les pompes à eau sont bloqués à la frontière.
Les restrictions imposées par Israël ont également contraint à la fermeture d’espaces adaptés aux enfants et de centres psychosociaux. Save the Children a fermé quatre de ses sites en raison des inondations et de l’intrusion des eaux usées.
Et même si les enfants avaient accès à ces espaces de répit, ils n’avaient toujours pas de chaussures, de manteaux ou de sécurité pour pouvoir traverser la boue et la vase qui recouvraient les chemins de terre du camp.
La cruauté de ces conditions est tragiquement inimaginable. La nuit, les familles se blottissent autour de leurs nourrissons. Les mères et les pères restent éveillés, vérifiant si leurs enfants respirent encore.
Les petits corps des nourrissons sont incapables de générer suffisamment de chaleur pour réguler leur température et n’ont pas assez de chair sur les os pour les isoler davantage du froid glacial.
Les nouveau-nés en bonne santé et nés à terme sont susceptibles de souffrir de complications causées par l’hypothermie, mais à Gaza, de nombreux nouveau-nés sont prématurés, ont un faible poids à la naissance et sont issus de mères qui ont des difficultés à les allaiter, confinées dans une bande de Gaza qui ne cesse de rétrécir, sans électricité, sans assainissement et sans matériaux pour reconstruire.
Les infections respiratoires sont en forte augmentation. Les maladies d’origine hydrique sont en augmentation.
Si un nouveau-né ou un nourrisson palestinien survit miraculeusement à la nuit glaciale, il doit encore lutter pour sa vie face aux maladies transmissibles et au manque d’accès à des soins de santé appropriés.
Même les parents les plus vigilants qui identifient les premiers signes de détresse chez leur bébé ne trouveront ni ambulance ni voiture pour circuler dans les rues inondées, et les hôpitaux ne disposent ni de réchauffeurs ni du matériel nécessaire pour les réanimer.
Malgré le dit « cessez-le-feu » négocié par les États-Unis, Israël a poursuivi ses attaques qui ont tué des centaines de Palestiniens et blessé plus de 1000 personnes depuis le début de l’accord.
Les maisons continuent d’être détruites. Les demandes d’aide continuent d’être rejetées. Les médecins continuent de se voir refuser l’entrée, y compris moi-même.
Notre responsabilité à tous
Il existe une tentative délibérée de nuire au bien-être de la population palestinienne à Gaza en bloquant l’aide humanitaire. Le monde doit cesser de considérer le mot « cessez-le-feu » comme une garantie de sécurité alors que les habitants de Gaza restent sous le feu, assiégés et dans des conditions qui ne font qu’accroître leurs souffrances et leur désespoir.

7 août 2025 – Dr Musab Farwana, à l’hôpital « Patient’s Friends Benevolent Society » de Gaza : « Nous voyons des enfants souffrant non seulement de malnutrition, mais aussi de déshydratation sévère due au manque d’eau potable. Les cas sont très graves. Nous risquons de perdre beaucoup d’enfants. Si la situation perdure et n’est pas traitée de toute urgence, elle va s’aggraver. Nous perdrons de plus en plus de vies innocentes, des dizaines, voire des centaines d’enfants » – Extrait vidéo Abdel Qader Sabbah
Les images de maisons mobiles en Égypte ou en Jordanie attendant l’autorisation d’entrer à Gaza ne font que confirmer ce que toutes les organisations humanitaires ont déclaré : si l’accès ne change pas, d’autres nourrissons mourront.
Les discours pontifiants sur la composition d’une « force internationale de stabilisation » soulignent le manque de sérieux de la communauté internationale, alors que les parents enterrent leurs bébés et ne trouvent pas un morceau de tissu pour couvrir leurs enfants survivants.
La discussion devrait se concentrer uniquement sur la levée du blocus et l’autorisation d’acheminer l’aide sans restrictions. Si cela se produit, des vies seront sauvées ; c’est aussi simple que cela.
Ce ne sont pas les conditions météorologiques difficiles qui tuent les enfants de Gaza. C’est l’effort délibéré d’Israël pour rendre le froid, la chaleur et l’humidité insupportables.
C’est la violation délibérée du droit international humanitaire, renforcée par une rhétorique déshumanisante amplifiée par les gouvernements et les médias grand public.
Comme si un bébé de moins d’un mois mourant de froid était moins tragique parce qu’il était palestinien…
Sommes-nous assez naïfs pour croire que l’aide arrivera miraculeusement sans qu’il y ait de comptes à rendre ? Quand il n’y a aucune conséquence à affamer une population, à couper l’eau et l’électricité, à bloquer l’accès aux matériaux pour construire des abris et aux traitements médicaux, comment ne pas s’attendre à ce que le nombre de morts augmente ?
Nous pouvons blâmer les vents violents. Nous pouvons blâmer l’hiver cruel. Mais la responsabilité nous incombe… à moins que les décideurs politiques et les responsables comprennent que nous ne sommes pas dupes des faux cessez-le-feu et des fausses promesses.
Les enjeux sont énormes, l’urgence est extraordinaire, et nous ne devons pas tomber dans le piège de ceux qui cherchent à nous convaincre du contraire.
Auteur : Thaer Ahmad
* Le Dr Thaer Ahmad est médecin urgentiste, enseignant et expert en santé mondiale. Il a exercé à Gaza, en Syrie, au Liban, en Jordanie, en Turquie et au Kenya. Il est membre du conseil d'administration de l'Association médicale palestino-américaine et il s'est rendu à Gaza en 2024 avec des organisations humanitaires et a travaillé à l'hôpital Nasser de Khan Younis et à l'hôpital Al-Aqsa de Deir al-Balah.
23 décembre 2025 – Zeteo – Traduction : Chronique de Palestine

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