« Déluge d’Al-Aqsa » Jour 41 : les Israéliens font la guerre aux hôpitaux

15 novembre 2023 - L'hôpital Nasser reçoit un certain nombre de Palestiniens blessés et tués, dont des enfants, après que les forces coloniales israéliennes aient pris pour cible une zone résidentielle à Khan Younis. Plus de 11 250 Palestiniens ont été tués par des frappes aériennes israéliennes, dont près de 4700 enfants. Des milliers sont toujours manquants sous les décombres. Le ministère de la santé de Gaza a cessé de compter les victimes à la date du 14 novembre, après que le système de santé se soit effondré - Photo : Mohammed Zaanoun/ Activestills

Par Leila Warah

Dans la foulée du refus israélien de se conformer à une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, l’armée israélienne a pris d’assaut l’hôpital Al-Shifa pour la deuxième fois, terrorisant les civils et ne trouvant aucune preuve de l’existence d’un quelconque centre de commandement du mouvement Hamas.

Victimes :

  • 11 255 * Palestiniens tués, dont 4630 enfants, et 29 000 blessés à Gaza *
  • 196 Palestiniens tués en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est

* Le nombre de victimes à Gaza couvre la période du 7 octobre au 14 novembre.

Principaux développements :

  • Des frappes aériennes israéliennes ont visé le périmètre de l’hôpital al-Ahli jeudi après-midi, rapporte Al Jazeera, qui estime que ces attaques pourraient être considérées comme un indicateur de la préparation de l’assaut de l’hôpital.
  • Les forces israéliennes ont violemment pris d’assaut l’hôpital Al-Shifa à deux reprises en l’espace de 24 heures, détruisant l’intérieur du complexe médical bien qu’elles n’y aient trouvé aucun combattant palestinien.
  • Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution juridiquement contraignante appelant à des « pauses humanitaires urgentes et prolongées », à l’acheminement sans restriction de l’aide, y compris du carburant et des évacuations médicales, et à la libération des prisonniers à l’intérieur de Gaza ; cependant, Israël affirme que « cela n’arrivera pas ».
  • UNOCHA : Les personnes qui fuient vers le sud de la bande de Gaza en empruntant les soit-disant « couloirs de sécurité » des forces israéliennes risquent d’être arrêtées, et l’ONU a reçu des rapports faisant état de « passages à tabac et de personnes dépouillées de leurs vêtements par des soldats israéliens ».
  • Selon un communiqué de la police de l’occupation, les forces israéliennes ont tué trois personnes qui sont arrivées dans un « véhicule suspect et ont ouvert le feu en direction de nos forces », tirant sur quatre personnes et les blessant à un poste de contrôle près de Jérusalem, en Cisjordanie occupée, jeudi matin, selon les médias israéliens.
  • Les forces israéliennes d’occupation ont kidnappé 69 Palestiniens au cours de raids militaires nocturnes sur des maisons palestiniennes à travers la Cisjordanie occupée, dont quatre frères et sœurs dans le village de Kufr Rai près de Jénine dans le but de forcer leur frère à se rendre, a rapporté Wafa.
  • UNOCHA : La Croix-Rouge palestinienne n’est plus en mesure de répondre aux centaines d’appels de personnes cherchant de l’aide pour évacuer des blessés ou des personnes piégées sous les décombres dans Gaza.
  • Au 10 novembre, environ 2700 personnes, dont quelque 1500 enfants, étaient toujours portées disparues et présumées mortes ou coincées sous les décombres, selon le ministère de la Santé de Gaza
  • La Croix-Rouge et l’UNRWA appellent à l’évacuation des 650 patients piégés par l’armée israélienne dans l’hôpital al-Shifa vers d’autres établissements, y compris en Égypte, car les besoins de ces patients dépassent les capacités du système de santé déjà effondré de Gaza, rapporte Al Jazeera.
  • Mercredi, l’entreprise palestinienne de télécommunications Paltel a prévenu que Gaza devrait entrer dans une période de panne de communication, car les centres de données et les équipements de l’entreprise vont s’arrêter en raison du manque de carburant.
  • Au moins sept membres du personnel de l’hôpital jordanien de Gaza ont été blessés à l’entrée des urgences alors qu’ils tentaient « de soigner des Palestiniens qui avaient eux-mêmes été blessés par des frappes aériennes israéliennes », a déclaré un porte-parole de l’armée jordanienne, ajoutant que la Jordanie enquêtait sur l’incident et tenait Israël pour responsable de la protection de son corps enseignant et de son personnel.
  • Le Croissant-Rouge palestinien a diffusé une vidéo bouleversante montrant les forces israéliennes prenant pour cible les secouristes de l’organisation alors qu’elles bombardaient les environs de l’hôpital Al-Awda, dans le nord de Gaza, vendredi dernier.
  • Le chef de l’opposition au Premier ministre Benjamin Netanyahu, Yair Lapid, demande publiquement au Premier ministre de démissionner parce que le public a perdu confiance en lui.

Bombardements, tirs, détentions et fouilles à nu de Palestiniens

L’hôpital Al-Shifa, le plus grand hôpital de la bande de Gaza, a été pris d’assaut à deux reprises par les forces israéliennes au cours des dernières 24 heures, bien qu’elles n’y aient trouvé que des civils, notamment du personnel médical, des patients et des personnes déplacées. Il n’y a pas non plus de preuves de l’existence d’un quelconque centre de commandement présumé du Hamas.

La première incursion militaire a commencé à l’aube mercredi avant que les soldats ne se retirent dans la soirée, maintenant leur siège sur le complexe médical alors que « l’odeur de la mort flotte partout », a déclaré le directeur de l’hôpital Al-Shifa, Muhammad Abu Salmiya, à Al Jazeera.

Selon le bureau des médias du gouvernement de Gaza, les forces israéliennes ont expulsé plusieurs enfants et patients, « les privant de traitement et les laissant faire face aux menaces de bombardements, de snipers et de drones meurtriers » et ont même attaqué plusieurs membres du personnel médical à l’intérieur de l’hôpital Al-Shifa au cours de l’incursion.

« Ils les ont forcés à se déshabiller, les ont insultés et maudits. Ils ont demandé au personnel médical de quitter leur poste afin de pouvoir les interroger sous la menace des armes », a déclaré le bureau.

De même, Wafa news a rapporté que des témoins directs ont vu les forces israéliennes forcer des personnes déplacées à se déshabiller, détenir et interroger des médecins, des patients et des civils.

Le média palestinien a ajouté que les forces israéliennes ont également été vues en train d’installer des caméras de reconnaissance faciale et des portes électroniques dans la cour du complexe médical.

Alors que les forces israéliennes prenaient d’assaut l’hôpital Al Shifa mercredi, le Premier ministre israélien, M. Netanyahu, a déclaré sur X : « Il n’y a pas d’endroit à Gaza que nous ne puissions atteindre ».

« Nous arriverons, nous éliminerons le Hamas et nous rendrons les otages. Ces deux objectifs sont sacrés… Hier, j’ai encore parlé avec le président Biden. Nous serons implacables. Nous éliminerons le Hamas, nous remporterons la victoire et nous rendrons les otages », a-t-il poursuivi.

Après avoir trouvé aucune preuve vérifiable de l’utilisation de l’hôpital al-Shifa comme siège central des opérations du Hamas, les forces israéliennes ont lancé un second raid sur l’hôpital aux premières heures du jeudi, moins de 24 heures plus tard.

Al Jazeera a rapporté que l’ensemble du bâtiment avait été endommagé de l’intérieur, précisant que les militaires israéliens avaient renversé les murs et les cloisons entre les chambres et détruit tout l’équipement médical.
Les bombardements israéliens ont également causé « des dégâts matériels au service de chirurgie spécialisée de l’hôpital », a déclaré le ministère palestinien de la santé sur Telegram.

L’Organisation mondiale de la santé a qualifié de « totalement inacceptable » l’attaque israélienne contre l’hôpital Al-Shifa.

« Les hôpitaux ne sont pas des champs de bataille », dit le communiqué.

« Les travailleurs de la santé ont enduré des semaines de bombardements et de siège et continuent pourtant à faire tout ce qu’ils peuvent pour sauver des vies. La communauté internationale doit agir maintenant pour mettre fin au démantèlement systématique du système de santé de Gaza par Israël et obtenir un cessez-le-feu immédiat », a déclaré Melanie Ward, directrice générale de Medical Aid for Palestinians, dans un communiqué.

Apparemment, aucun crime, aussi grave soit-il, n’est suffisant pour que la communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité, dise à Israël : « Arrêtez ! Arrêtez », a déclaré Riyad Mansour, observateur palestinien auprès des Nations unies.

« Les appels à la retenue ne fonctionnent manifestement pas », a-t-il ajouté. « Les demandes de respect du droit international doivent être soutenues par des efforts immédiats, sérieux et collectifs pour faire respecter le droit ».

Selon Al Jazeera, les forces israéliennes contrôlent entièrement le complexe médical et les civils sont piégés à l’intérieur de l’hôpital et détenus par les Israéliens. Les forces israéliennes ont emmené certains Palestiniens dans des lieux inconnus, et leur sort n’est toujours pas connu.

Il devient de plus en plus difficile pour quiconque d’atteindre le personnel médical, les patients et les personnes déplacées encore bloqués à l’intérieur de l’hôpital.

« Je ne peux même pas imaginer […] la panique des patients, la panique des médecins et des infirmières. Ce qu’ils vivent est vraiment inimaginable », a déclaré mercredi soir à Al Jazeera Tommaso Della Longa, porte-parole de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR).

M. Longa a ajouté que la fermeture des hôpitaux en raison du manque de carburant, entre autres produits essentiels, est « quelque chose d’inacceptable », car des milliers de Palestiniens pris au piège dans l’enclave assiégée n’ont plus accès aux soins de santé.

Jeudi, Israël a donné à l’UNRWA un peu plus de 23 000 litres de carburant à utiliser dans la bande de Gaza, ce qui représente environ 9 % de ce dont l’agence a besoin pour venir en aide aux Palestiniens de l’enclave assiégée.

« Nous avons besoin de beaucoup plus de carburant. Nous avons besoin de 160 000 litres de carburant par jour pour les opérations humanitaires de base », a-t-il déclaré, appelant Israël à « autoriser immédiatement la livraison de la quantité de carburant nécessaire, comme l’exige le droit humanitaire international ».

Pire encore, le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, dénonce le fait que les autorités israéliennes « ont restreint l’utilisation de ce carburant au transport du le peu d’aide qui arrive par l’Égypte », ce qui signifie qu’il ne peut pas être utilisé dans les hôpitaux ou pour la purification de l’eau.

« Il est consternant que le carburant continue d’être utilisé comme arme de guerre », a-t-il ajouté dans un communiqué publié sur X.

Pendant ce temps, les responsables politiques israéliens continuent de s’opposer à l’entrée de l’aide humanitaire de base dans l’enclave assiégée, punissant collectivement les 2,3 millions de personnes vivant à Gaza en raison de la possibilité que le Hamas utilise le carburant.

Le ministre de la sécurité nationale, le fasciste Itamar Ben-Gvir, a déclaré mercredi que « diesel = arme ».

De même, la ministre des transports Miri Regev a déclaré que « le carburant pour l’UNRWA est du carburant pour le Hamas ».

Toutefois, les Nations unies ont réaffirmé que « le carburant est à la base de l’accès et de la fourniture de tous les services humanitaires à Gaza. Sans lui, l’accès de la population de Gaza à l’aide humanitaire vitale cessera ».

« Nous assistons déjà à un effondrement en cascade des services d’approvisionnement en eau, d’évacuation des eaux usées et d’assainissement, des télécommunications, des pénuries alimentaires et des soins de santé », ont-ils ajouté.

Francesca Albanese, rapporteur spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, a souligné que « Gaza est ‘occupée’ en raison du contrôle effectif exercé par Israël, indépendamment de l’existence du Hamas » et qu’Israël « a le droit de se protéger mais pas de faire la guerre au peuple palestinien qui est maintenu sous l’occupation belligérante d’Israël » depuis 1967.

Pendant ce temps, au sud de Gaza, l’armée israélienne demande à nouveau aux Palestiniens d’évacuer « immédiatement », cette fois-ci de l’est de Khan Younis, y compris Al-Qarara, Khuza’a, Bani Suhaila et Abasan.

Il est essentiel de noter qu’Israël a progressivement repoussé les habitants de Gaza vers le sud, affirmant que c’était pour leur sécurité, alors que toutes les zones sont aussi meurtrières les unes que les autres.

Des tracts ont été larguées du ciel pour demander aux gens de se rendre dans des « abris connus », a tweeté Yousef Hammash, qui travaille avec le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). « Quelqu’un peut-il me dire où se trouvent ces abris connus ? » a déclaré M. Hammash.

Alors que la plupart des civils ont évacué la ville de Gaza, ceux qui sont restés dans les maisons entourant l’hôpital al-Shifa ont reçu l’ordre de l’armée israélienne de partir, a rapporté al Jazeera.

Cependant, des familles auraient été prises pour cible par des tireurs d’élite si elles tentaient d’évacuer et ne bénéficieraient pas d’un passage sécurisé.

Mensonge et manipulation

Alors que l’opération israélienne dans l’hôpital prend de l’ampleur, l’armée d’occupation diffuse des affirmations invérifiables sur ce que ses forces sont supposées avoir trouvé dans le complexe médical.

« L’armée est dans l’hôpital et personne ne sait ce qu’elle fait ni quelles armes elle a apportées pour prétendre les avoir trouvées à l’intérieur du complexe », a déclaré le ministère palestinien des affaires étrangères mercredi soir, alors qu’Israël diffusait des vidéos affirmant confirmer que le Hamas utilisait l’hôpital al-Shifa comme centre de commandement opérationnel.

De même, l’analyste politique principal d’Al Jazeera, Marwan Bishara, a sérieusement mis en doute les « preuves » d’Israël.

C’est assez déconcertant. Pourquoi le Hamas laisserait-il les armes et rien d’autre ? » a questionné M. Bishara.

L’armée israélienne « n’a rien à montrer pour justifier le génocide qu’elle a perpétré contre Gaza, les bombardements des hôpitaux et d’autres installations, ainsi que les punitions collectives », a-t-il ajouté.

Bassem Naim, représentant du Hamas, a également déclaré à Al Jazeera que les soit-disant preuves présentées par l’armée étaient « ridicules » et « sans valeur ».

Israël avait déjà affirmé avoir découvert un tunnel du Hamas sous un autre établissement médical de Gaza, ce qu’Al Jazeera avait rapidement démenti.

Jeudi, les médias israéliens ont rapporté que l’armée avait retiré une vidéo du porte-parole israélien, le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, qui prétendait apporter la preuve que des armes étaient détenues à l’intérieur de l’hôpital al-Shifa.

Bien que l’armée n’ait pas commenté la vidéo supprimée, des commentateurs en ligne ont souligné diverses cohérences entre les images postées par l’armée et les rapports de Fox News, qui avait un correspondant avec eux pendant le raid.

L’armée israélienne a ensuite mis en ligne la vidéo avec des parties floutées, ce qui a suscité encore plus de doutes sur l’authenticité des séquences filmées.

Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée : Israël s’en moque

Mercredi soir, le Conseil de sécurité de l’ONU a finalement adopté une résolution, après quatre tentatives infructueuses pour répondre à la guerre d’Israël contre Gaza.

Rédigée par Malte, la résolution appelant à des « pauses humanitaires urgentes et prolongées », à l’acheminement sans restriction de l’aide, y compris du carburant et des évacuations médicales, et à la libération des prisonniers à l’intérieur de Gaza a été adoptée par 12 voix pour et 0 contre.

Trois pays se sont abstenus : La Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Le texte souligne également la nécessité de protéger les civils, en particulier les enfants, et appelle à la mise en place de « corridors dans toute la bande de Gaza pendant un nombre suffisant de jours », mais ne fait aucune mention d’un cessez-le-feu.

L’ambassadeur de Malte à l’ONU a déclaré que la résolution « vise à garantir un répit dans le cauchemar actuel à Gaza et à donner de l’espoir aux familles de toutes les victimes ».

Le fait que Washington « ait finalement cessé de paralyser le Conseil de sécurité sur la question d’Israël et de la Palestine » montre à Israël que « l’inquiétude mondiale, même parmi ses alliés, est forte », a déclaré Louis Charbonneau, directeur de l’ONU à Human Rights Watch.

En réponse, l’ambassadeur d’Israël aux Nations unies, Gilad Erdan, a éructé que la résolution était « déconnectée de la réalité » et n’avait « aucun sens ».

M. Erdan a déclaré sans ambages : « Cela ne se fera pas ».

« Israël continuera d’agir jusqu’à ce que le Hamas soit détruit et que les otages soient rendus », a-t-il poursuivi, affirmant que l’assaut d’Israël sur Gaza est conforme au droit international, malgré la ferme condamnation de plusieurs experts.

Bien que James Bays, rédacteur diplomatique d’Al Jazeera, affirme que la résolution est « contraignante en vertu du droit international », il y a eu « beaucoup » d’autres résolutions contraignantes du Conseil de sécurité “qu’Israël ne respecte pas”.

« Les autorités israéliennes, qui ont déjà perdu toute légitimité dans la conscience de l’humanité, ne pourront pas dissimuler les crimes qu’elles ont commis en bombardant des hôpitaux et en tuant des femmes et des enfants sous les yeux du monde entier », a déclaré le ministère turc des affaires étrangères.

16 novembre 2023 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine

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