Crise de l’électricité dans Gaza : « Nous voulons mettre fin à ce cauchemar ! »

Photo : Al Jazeera/Ezz Zanoon
Des manifestants dans le camp de réfugiés de Jabaliya au nord de Gaza se rassemblent pour protester contre les coupures d'électricité - Photo : Al Jazeera/Ezz Zanoon

Par Farah Najjar

Malgré une amélioration de l’approvisionnement en énergie, les Palestiniens du territoire sous blocus disent que des solutions durables doivent être mises en œuvre.

“Nos vies sont arrêtées en raison des coupures de courant”, a déclaré à Al Jazeera Shukri Abu Oan, un militant basé à Gaza.

Les frustrations se sont amplifié plus tôt ce mois-ci quand les coupures de courant continues ont laissé des maisons dans Gaza sans électricité pendant jusqu’à 21 heures par jour. Des milliers de résidents ont pris la rue pour exprimer leur mécontentement lors des premières manifestations de masse que l’enclave assiégée a connues depuis près d’une décennie.

Depuis ces manifestations, Gaza a reçu un approvisionnement électrique basé sur de nouveaux horaires de distribution, mais que temporaire, offrant huit heures d’électricité à la fois.

Mais les habitants disent que l’incohérence dans l’approvisionnement a perturbé la vie quotidienne.

“Je vois ma mère souffrir, et j’ai huit frères et sœurs qui ne peuvent jamais se concentrer sur leurs devoirs en raison du manque de lumière.” “Cela entraîne une détérioration de la qualité de l’éducation dans le territoire”, a déclaré Abu Oan, l’un des organisateurs des protestations.

Gaza a été sous un siège de dix ans imposé par Israël à la suite de la victoire électorale du Hamas et sa prise de contrôle de la bande en 2007. Avec de sévères restrictions sur l’entrée de nourriture et l’accès aux services de base, Gaza a été surnommée la plus grande prison en plein air, et son économie tente depuis de ne pas totalement sombrer.

La population de Gaza, qui compte environ deux millions d’habitants, est habituée à des pénuries alimentaires et médicales périodiques. Mais les pannes qui ont commencé le 3 janvier se sont avérées difficiles, même pour les citoyens aussi habitués aux restrictions que ceux de Gaza.

Les protestations ont donné quelques résultats, les résidents rapportant que le nombre d’heures d’électricité disponible a augmenté seulement trois jours après que les manifestations aient éclaté.

Mohammed al-Tlouly, un militant basé à Gaza, a déclaré que la bande était devenue une “zone d’obscurité”.

“Nous exigeons un droit humain fondamental. Tous les manifestants qui ont participé – non affiliés à aucun groupe politique – veulent mettre fin à ce cauchemar”, a déclaré Al-Tlouly à Al Jazeera.

On estime que 11 manifestants ont été temporairement détenus pour avoir participé aux manifestations alors que des affrontements ont éclaté entre des manifestants et la police qui voulait bloquer la marche, selon Abu Oan.

“Nous avons brisé la barrière de silence et avons rassemblé le peuple de Gaza pour dire pacifiquement ‘non'”, a-t-il dit.

Bien que Gaza reçoive son électricité d’Israël, d’Égypte et de son unique centrale, les récents développements ont gravement affecté l’accès à ce service de base.

En 2013, l’Égypte, qui a en grande partie fermé son passage frontalier avec Gaza, a bloqué les tunnels reliant Gaza à la ville d’al-Arish, freinant le flux de marchandises dont le carburant utilisé pour produire de l’électricité

La centrale de Gaza, construite en 2002, dans la ville de Nuseirat, a également été endommagée à maintes reprises par les frappes aériennes israéliennes et elle fonctionne actuellement à la moitié de sa capacité initiale. Ceci, couplé avec le blocage prolongé qui restreint l’entrée du matériel de construction, a fait à d’Israël le fournisseur unique de carburant pour le territoire assiégé.

En raison de l’économie réduite et dévastée de Gaza à la suite d’une série d’agressions militaires israéliennes au cours de la dernière décennie, les Palestiniens ont du mal à faire face au coût élevé du carburant israélien.

Le dernier raid militaire en 2014 a particulièrement aggravé la crise humanitaire sur le terrain. Au moins 18 000 logements ont été détruits, laissant plus de 100 000 personnes sans abri.

Actuellement, 80% des ménages de Gaza vivent sous le seuil de la pauvreté et dépendent d’une forme quelconque d’aide extérieure pour avoir simplement de la nourriture sur la table. Le taux de chômage à Gaza s’élève aujourd’hui à plus de 40%.

Waleed Al-Modallal, professeur agrégé de science politique à l’Université islamique de Gaza, a déclaré que l’infrastructure détruite est tout simplement incapable de répondre aux besoins d’une population croissante.

“La crise de l’électricité s’est détériorée au fil des ans. Tous les membres de la société de Gaza ont été touchés et les gens ont recouru à des solutions dangereuses en raison des perturbations chroniques d’alimentation électrique”, a déclaré Al-Modallal à Al Jazeera.

La colère parmi les citoyens de Gaza est également canalisée vers ce que certains dans la bande considèrent comme une incapacité chronique des responsables palestiniens à se mettre en place une solution durable à la crise.

Tant le mouvement Hamas que l’Autorité palestinienne dirigée par le Fatah en Cisjordanie sont blâmés sur la question.

“Nous voulions, à travers les manifestations, rendre à notre peuple un sentiment de fierté nationale, quelque chose dont nous avons été dépouillés au milieu de cette scission politique. Nous voulions que nos revendications soient entendues comme celles de simples citoyens et non comme celles d’affiliés politiques”, a déclaré Abu Oan.

Le porte-parole du Hamas, Hazem Qassem, a rejeté la responsabilité [de son mouvement] pour les coupures. “Nous sommes un mouvement, et non un gouvernement … [mais] c’est une négligence de chacun, en particulier de l’Autorité palestinienne”, a-t-il déclaré à Al Jazeera.

Le Fatah critique carrément le Hamas.

“Le Hamas est directement responsable de la compagnie d’électricité à Gaza. C’est l’organisation qui embauche ses employés, c’est l’entité directement chargée d’améliorer l’état de l’usine et elle reçoit des fonds mensuels de l’Autorité palestinienne”, a déclaré Osamah Qawasmeh, un porte-parole du Fatah à Ramallah en Cisjordanie occupée.

Qawasmeh a ajouté à Al Jazeera que la contribution financière du Hamas aux achats de carburant avait été minime.

Étant donné que toutes les parties étaient responsables de la situation actuelle, a déclaré al-Modallal, une protestation populaire était inévitable.

Qu’il s’agisse du Hamas, de l’Autorité palestinienne ou d’Israël, la crise de l’électricité est le résultat d’une série de causes, y compris les “rivalités politiques internes”, mais en définitive, c’est l’occupation israélienne [la première responsable], a-t-il dit.

“Les gens de Gaza sont toujours en train de s’adapter à des conditions de vie difficiles et ils ne s’attendent pas à recevoir de l’électricité 24 heures sur 24. Les gens sont réalistes et espèrent seulement recevoir de l’électricité pendant plus de quelques heures par jour”, a-t-il conclu.



31 janvier 2016 – Al Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine