Hassan Nasrallah, Secrétaire général du mouvement Hezbollah [résistance libanaise], assassiné par les Israéliens le 27 septembre 2024 à Beyrouth - Photo : Archives
Par Layla Yammine
Les États-Unis ont fixé au gouvernement libanais la date limite de fin décembre pour désarmer le mouvement Hezbollah. Mais à l’approche de cette échéance, on ignore encore quelle sera la décision du Liban, compte tenu des difficultés que présente le désarmement du groupe et du soutien populaire à la résistance contre Israël.
Le 23 novembre, Israël a assassiné le chef d’état-major du Hezbollah, Haitham Tabtabai, avant même que le premier anniversaire de la signature du « cessez-le-feu » entre Israël et le Liban puisse être commémoré.
Cet accord peut désormais être déclaré nul et non avenu.
Le Hezbollah a rigoureusement appliqué le cessez le feu, mais Israël ne l’a jamais fait. Au cours de l’année qui a suivi sa signature le 27 novembre 2024, Israël a intensifié ses attaques quotidiennes contre le sud du Liban, la vallée de la Bekaa et Beyrouth, enregistrant plus de 4500 violations des frontières terrestres, aériennes et maritimes du Liban.
L’assassinat de Tabtabai est l’aboutissement d’un processus d’un an de provocations israéliennes périodiques visant à ramener le Hezbollah dans une confrontation ouverte. Mais le Hezbollah, affaibli par les attaques successives d’Israël depuis 2023, n’a pas voulu réagir.
L’État génocidaire menace à nouveau le Liban d’une invasion meurtrière
Avant l’accord de novembre 2024, le mouvement de résistance libanais a essuyé plusieurs coups durs, depuis les tristement célèbres « attaques au pager » jusqu’à l’assassinat du secrétaire général emblématique du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, ainsi que la plupart des dirigeants militaires du parti.
L’escalade actuelle présente les mêmes caractéristiques. Les tactiques sont familières, l’objectif est toujours le même, mais les acteurs et l’ampleur ont changé : les Américains sont désormais directement impliqués dans la dynamique.
Aujourd’hui, en plus des attaques israéliennes en cours, le Hezbollah est confronté à la plus grande pression qu’il ait connue depuis sa création, cette fois-ci centrée sur une condition singulière imposée par Israël et les États-Unis : le désarmement.
En août de cette année, capitulant face aux exigences américaines, le gouvernement libanais a accepté de désarmer le Hezbollah avant la date limite fixée par les États-Unis, à savoir la fin décembre.
À moins d’un mois de la date à laquelle le gouvernement libanais devra répondre aux Américains, et alors que le Hezbollah déclare qu’il ne rendra pas les armes, tous les regards sont désormais tournés vers ce que le gouvernement pourrait faire et vers l’escalade supplémentaire qu’Israël pourrait entreprendre pour forcer la main au Hezbollah.
Les prémices de la « proposition » de désarmement
L’été a été particulièrement chargé pour les diplomates américains, notamment Tom Barrack, envoyé spécial des États-Unis en Syrie et ancien ambassadeur américain en Turquie, qui aurait été chargé du « dossier » libanais en mai 2025.
Barrack a été rejoint par Morgan Ortagus, l’envoyé spécial adjoint du président pour le Moyen-Orient, lors de visites successives au Liban tout au long de l’été, qui ont abouti à la remise d’une proposition américaine de désarmement le 7 août 2025, deux jours après la décision historique du gouvernement libanais, le 5 août, de désarmer l’organisation.
Mais la proposition américaine était bien moins une proposition qu’une menace. Le plan, décrit dans une copie de l’ordre du jour du cabinet examiné par Reuters et présenté par les envoyés américains, lie le désarmement du Hezbollah à un retrait progressif d’Israël de cinq collines du sud du Liban, ainsi qu’à l’octroi d’une aide à la reconstruction ; sinon, le Liban peut oublier les garanties internationales destinées à garantir un cessez-le-feu.
La proposition américaine imposait également un délai très court au gouvernement : commencer le processus de désarmement le 1er septembre et le terminer avant le 31 décembre.
À la suite de la décision du gouvernement, l’armée libanaise a reçu pour instruction d’élaborer un plan et de le soumettre avant le début du mois de septembre. Le lendemain de l’annonce, un enfant de 11 ans a été tué par une frappe aérienne israélienne.
Liban : avec leurs proxies, les États-Unis et l’État sioniste poussent à la guerre civile
Le 25 août 2025, le bureau de Benjamin Netanyahu a publié une déclaration félicitant le gouvernement libanais pour sa décision « historique », affirmant qu’une fois le désarmement effectué, l’armée israélienne envisagerait des « mesures réciproques », notamment une réduction « progressive » de la présence israélienne « en coordination avec le mécanisme de sécurité dirigé par les États-Unis ».
Ce qu’implique le désarmement du Hezbollah
Désarmer le Hezbollah reviendrait à le priver de tous ses moyens de résistance à l’occupation israélienne, le réduisant ainsi à un simple parti politique passif parmi tant d’autres dans le paysage politique surpeuplé du Liban.
Le plan du gouvernement prévoit la confiscation de toutes les armes, de l’artillerie lourde aux armes légères, et le démantèlement de toute l’infrastructure militaire qui a libéré le sud du Liban en 2000 et a servi de moyen de dissuasion contre de futures guerres et invasions à grande échelle du pays.
Simultanément, l’armée libanaise a lancé une campagne de désarmement des groupes palestiniens dans les camps de réfugiés. La première étape a été Burj al-Barajneh, dans la banlieue sud de Beyrouth, où les Palestiniens auraient remis les « armes illégales » qui étaient entrées dans les camps seulement 48 heures plus tôt.
Cette remise a donné un premier aperçu de la manière dont le gouvernement comptait gérer le désarmement sur le terrain : l’armée avait envoyé un ou deux camions pour collecter quelques fusils et pistolets – des armes très légères – remis volontairement par les résidents du camp. Aucune arme lourde, si tant est qu’il y en avait, n’est apparue, ce qui a donné lieu à une scène théâtrale, manifestement mise en scène, qui a été largement ridiculisée sur les réseaux sociaux et considérée comme insignifiante plutôt que comme un premier pas effectif vers le désarmement.
La volonté de désarmer le Hezbollah, au risque de déclencher des combats internes, est en soi un signe que le Hezbollah continue de menacer l’occupation. La mesure dans laquelle le gouvernement libanais est prêt à aller révèle l’autre face de la médaille américaine.
Les réactions à la décision du gouvernement se sont divisées en deux positions marquantes : l’une saluant cette initiative comme une première étape historique vers le sauvetage d’un État en ruine, une opinion qui ignore l’occupation continue par Israël des territoires du sud du Liban après le cessez-le-feu ; et l’autre refusant catégoriquement le plan, et pas seulement de la part des partisans du Hezbollah.
Le 5 septembre 2025, l’armée libanaise a officiellement présenté son plan au gouvernement. Quelques heures après la session, le ministre de l’Information, Paul Morkos, a annoncé que le plan avait été adopté, mais que ses éléments resteraient confidentiels.
À la suite de cette réunion, le débat sur le désarmement a largement disparu de la scène publique. Le sujet semblait avoir été soigneusement mis sous le tapis.
L’un des éléments du cessez-le-feu, entré en vigueur le 27 novembre 2024, exigeait que l’armée libanaise se déploie au sud du fleuve Litani et que le Hezbollah se retire au nord du fleuve. Le Hezbollah a accepté d’être désarmé au sud du Litani, et la transition s’est déroulée de manière relativement harmonieuse.
L’armée aurait trouvé des caches d’armes à plusieurs endroits et les aurait détruites. Depuis le cessez-le-feu, l’armée a régulièrement « fait exploser les vestiges de la guerre », les civils entendant régulièrement des explosions en plus des frappes quasi quotidiennes d’Israël dans le sud.
Cheikh Naïm Qassem : « Les armes de la résistance ne sont pas négociables ! »
Pourquoi faire exploser ces armes au lieu de les utiliser ? Tom Barrack a déjà répondu à cette question dans une interview totalement éhontée avec Hadley Gamble publiée le 22 septembre 2025 : l’armée libanaise ne doit pas être suffisamment équipée pour combattre Israël, mais seulement pour combattre le Hezbollah au Liban même.
Le rôle des États-Unis
Dans cette interview, Barrack s’est montré inhabituellement franc pour un diplomate américain. Il a déclaré que, bien que les États-Unis demandent au gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah, Washington n’avait pas l’intention d’équiper l’armée libanaise de manière à lui permettre de combattre Israël.
« Nous ne voulons pas les armer… pour qu’ils puissent combattre Israël ? Je ne pense pas, vous les armez donc pour qu’ils puissent combattre leurs propres compatriotes, le Hezbollah. Le Hezbollah est notre ennemi », a déclaré Barrack.
L’honnêteté peut parfois être rafraîchissante, même si dix jours plus tôt, le Pentagone avait approuvé une aide militaire de 14,2 millions de dollars pour l’armée libanaise. Mais que peuvent faire 14,2 millions de dollars face aux milliards accordés chaque année à Israël ?
Pendant ce temps, le processus de désarmement dans la politique libanaise restait dans l’impasse, du moins publiquement.
Le gouvernement libanais avait été humilié le 26 août lorsque, quelques semaines plus tôt, il avait donné suite à un accord qui promettait des mesures réciproques de la part de l’occupant, pour se rendre compte que ce que Barrack disait depuis le début était vrai : les États-Unis ne peuvent pas contraindre Israël à faire quoi que ce soit.
Barrack était revenu à Beyrouth à la fin du mois d’août, accompagné cette fois-ci du sénateur Lindsey Graham, et avait déclaré que maintenant que le Liban avait agi, il ne pouvait garantir qu’Israël agirait en retour.
« Vous devez respecter votre part du marché », avait-il déclaré, même si Israël ne faisait pas de geste en retour, et il avait exhorté le Liban à désarmer le Hezbollah avant la fin de l’année, sans aucune garantie qu’Israël cesserait de violer le cessez-le-feu ou mettrait fin à son occupation.
Au cours de cette même visite, son arrogance typiquement occidentale s’est manifestée : il a qualifié les journalistes libanais d’« animaux » et leur a demandé d’être « civilisés ».
Lors de la même conférence de presse, il a insisté, avec dédain, sur le fait que « l’idée de désarmer le Hezbollah ne venait pas de moi, mais de vous, le peuple libanais ».
Le sénateur Lindsey Graham a déclaré sans détour : « Israël ne regardera jamais le Liban différemment tant que vous ne ferez pas quelque chose de différent. Et cela consiste à désarmer l’ennemi du peuple israélien. Ne me posez donc pas de questions sur ce qu’Israël va faire tant que vous n’aurez pas désarmé le Hezbollah ».
Il a également avertit que le retrait des Israéliens « dépendait de ce que vous feriez » et a insisté sur le fait que la raison pour laquelle il fallait désarmer le Hezbollah était « parce que c’était dans votre intérêt ».
Aujourd’hui, les frappes israéliennes se multiplient chaque jour dans le pays. Elles élargissent leur portée géographique et leurs cibles : les massacres sont de retour avec la frappe sur le camp de réfugiés palestiniens d’Ain al-Hilweh qui a tué 13 adolescents qui jouaient au football.
De temps en temps, l’extrême droite chrétienne fait des commentaires sur le fait que tout est de la faute du Hezbollah et qu’il devrait être désarmé.
D’autres voix ont tempéré leur rhétorique ; l’armée libanaise a publié une déclaration condamnant les actions de « l’ennemi israélien », affirmant que les actions d’Israël entravent l’achèvement du déploiement de l’armée dans le sud (en occupant littéralement le territoire).
Washington s’est alors énervé et a annulé la visite du commandant général Rudolf Haykal dans la capitale américaine.
Les conditions qui ont donné naissance à la résistance sont toujours présentes
envoyé une lettre au président libanais,Joseph Aoun, tenant l’État responsable de leur sécurité.
Datée du 25 juillet 2025, elle avertissait : « Compte tenu de cette négligence répétée, nous déclarons clairement que nous envisageons de prendre des mesures pour nous protéger et protéger nos terres, afin de garantir notre dignité, notre sécurité et notre droit à la vie. »
La lettre se terminait ainsi : « Notre sécurité n’est pas un luxe… mais un droit. Miséricorde pour nos martyrs, guérison pour nos blessés et liberté pour toutes les terres qui résistent. »
Les armes peuvent bien sûr être confisquées. Mais les conditions qui ont donné lieu à leur nécessité demeurent.
Le désarmement du Hezbollah sous la pression étrangère n’éteindra pas la résistance : il ne fera que libérer de l’espace pour que d’autres acteurs s’organisent et poursuivent le même combat. Les habitants d’Aita al-Shaab l’ont clairement fait comprendre.
Auteur : Layla Yammine
* Layla Yammine est une journaliste et reporter libanaise basée à Beyrouth. Elle écrit des articles critiques sur des questions essentielles d'un point de vue local, dans l'intérêt public. Elle traite de sujets tels que la politique, la justice sociale, le secteur public et la culture.
7 décembre 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine

Soyez le premier à commenter